Manuel des principes de musique (Fétis)/03
CHAPITRE III.
DE LA NOTATION DES SONS.
(CONTINUATION.)
27. Ut, ré, mi, fa, sol, la, si, sont les noms de certains sons disposés, comme on l’a vu précédemment, dans un ordre progressif, et à de certaines distances les uns des autres.
28. Ces distances ne sont pas toutes égales, car entre mi et fa, et entre si et ut, octave d’ut inférieur, elle n’est que moitié de ce qu’elle est entre ut et ré, entre ré et mi, fa et sol, sol et la, la et si. À cause de cette différence, on appelle demi-ton la distance de mi à fa et de si à ut, et ton celle d’ut à ré, ou des autres notes entre elles.
29. Mais puisqu’il n’y a qu’une distance d’un demi-ton entre mi et fa, et entre si et ut il y a donc aussi des sons qui ne sont qu’à la même distance d’un demi-ton d’ut, de ré, de fa, de sol et de la ? Ces sons existent en effet ; mais la difficulté de les représenter par des notes particulières sur le papier, et la crainte de rendre la lecture de la musique trop difficile en multipliant les lignes et les espaces de la portée, comme il aurait fallu le faire pour représenter tous ces sons, ont fait imaginer un artifice par lequel on suppose que le son intermédiaire d’ut et de ré est, suivant les circonstances, ou ut élevé d’un demi-ton, ou ré baissé d’autant, ré élevé d’un demi-ton, ou mi baissé d’autant, et ainsi des autres.
30. ut, ou ré, ou fa, ou sol, ou la, élevés d’un demi-ton, se représentent donc par les notes ut, ré, fa, sol, la, auxquelles on ajoute un signe qui indique que ces notes sont élevées au-dessus de leur intonation ordinaire ; ce signe, appelé dièse, est fait ainsi : ♯.
31. Par le moyen de ce signe, on peut représenter une suite de sons qui s’élèvent par degrés et par demi-tons, depuis le plus grave jusqu’au plus aigu.




32. Si, ou la, ou sol, ou mi, ou ré, et en général toute note baissée d’un demi-ton, se représente par les signes de ces mêmes notes accompagnées d’un autre signe qui indique qu’elles sont baissées au-dessous de leur intonation ordinaire. Ce signe, appelé bémol, est fait ainsi : ♭.
33. Par le moyen de ce signe, on peut représenter une suite de sons qui descendent par degrés et par demi-tons, depuis le plus aigu jusqu’au plus grave.




34. Après qu’une note a représenté un son plus haut ou plus bas d’un demi-ton, par le moyen d’un dièse ou d’un bémol, on rend à cette note sa signification primitive par un autre signe appelé bécarre, qui est fait ainsi : ♮.

35. Dans la gamme d’ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut, les demi-tons sont, comme on l’a vu (28), placés entre mi et fa, et entre si et ut, c’est-à-dire entre la troisième et la quatrième note, et entre la septième et la huitième. Pour rendre les gammes qui commencent par ré, par mi, par fa, etc., semblables à celles d’ut, il faut donc qu’il y ait aussi un demi-ton dans chacune de ces gammes, entre leur troisième et leur quatrième note, et un autre entre leur septième et leur huitième. Or, en commençant la gamme par ré, le demi-ton de mi à fa se trouve placé entre la deuxième et la troisième note, et le demi-ton de si à ut est entre la sixième et la septième. Dans la gamme qui commence par mi, le premier demi-ton est entre la première et la deuxième note, et la deuxième (de si à ut) est entre la cinquième et la sixième note. Ces gammes, ainsi que celles qui viennent après, ne sont donc pas semblables à la gamme d’ut.
36. On les rend pareilles, sous le rapport de la distribution des tons et des demi-tons, soit en élevant certaines notes par des dièses, soit en les baissant par des bémols, de telle sorte que les demi-tons soient toujours placés entre la troisième et la quatrième note, et entre la septième et la huitième. Par exemple, si la gamme est dans le ton de ré, c’est-à-dire si ré est la première note ou tonique, on élève la troisième note par un dièse, de manière qu’il n’y a qu’un demi-ton entre ce fa dièse et sol, et l’on fait la même opération à la septième note (ut), pour qu’il n’y ait qu’un demi-ton entre elle et la huitième note (ré).

Si la gamme est dans le ton de fa, c’est-à-dire si fa est la première note, on baisse la quatrième note (si) par un bémol pour la rapprocher d’un demi-ton de la troisième, et l’on ne fait aucun changement à la septième ni à la huitième, parce que ces notes (mi, fa) sont naturellement à la distance d’un demi-ton).

37. On évite les répétitions fréquentes des dièses et des bémols nécessaires à chaque gamme ou à chaque ton, en les mettant auprès de la clef, pour tout le temps où le morceau de musique est dans le ton de la gamme où le compositeur l’a placé. Par exemple, deux dièses mis à côté de la clef font connaître que le ton est en ré, et que tous les fa et les ut du morceau écrit dans ce ton doivent être élevés d’un demi-ton.

38. On connaît le ton par le dernier dièse ou par le dernier bémol, placés auprès de la clef. Le dernier dièse appartient toujours à la septième note de la gamme du ton, qu’on appelle note sensible. La note supérieure à ce dernier dièse est toujours la tonique.
Ainsi, un dièse placé à la clef, sur la ligne de la note fa, indique le ton de sol ; avec deux dièses, dont le dernier appartient à ut, on a le ton de ré ; avec trois dièses, dont le dernier appartient à sol, le ton est la, et ainsi des autres.
39. Le dernier bémol appartient toujours à la quatrième note de la gamme, et l’on connaît la tonique en descendant quatre notes. Ainsi, un bémol placé près de la clef sur la ligne de si indique le ton de fa, et ainsi des autres.
40. Puisqu’on peut commencer une gamme par ut, par ré, par mi, par fa, enfin par toutes les notes, on comprend qu’il est aussi possible d’en commencer par ut dièse, par ré dièse, par mi bémol, etc. Toutes ces gammes sont faites sur le modèle de la gamme du ton d’ut ; c’est-à-dire qu’elles ont les demi-tons placés entre la troisième note et la quatrième) et entre la septième note et la huitième.















41. Dans toutes les gammes formées sur le modèle d’ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut, la troisième note est à la distance de deux tons de la première, la sixième à la distance d’un ton de la cinquième, et la septième à la distance d’un ton de la sixième. Ces gammes sont appelées gammes majeures ou gammes des tons majeurs.
42. Il y a d’autres gammes dont la troisième note n’est qu’à la distance d’un ton et demi de la première, la sixième à la distance
d’un demi-ton de la cinquième, et dont la septième reste à la distance
d’un demi-ton de la huitième. Ces gammes, appelées
gammes des tons mineurs, n’ont pas la même disposition de notes en allant du grave vers l’aigu, et de l’aigu vers le grave ; elles offrent, à cause de cela, quelque embarras dans l’exécution. Ces différences sont fondées sur la difficulté de chanter certains intervalles de sons avec justesse. Ainsi, dans la gamme mineure qui commence par la, on fait fa dièse et sol dièse en montant ; mais en descendant on met un bécarre à chacune de ces notes.

43. Toutes les gammes mineures sont faites sur ce modèle. Cependant
il y a des professeurs de musique instrumentale, particulièrement
de piano, qui enseignent à leurs élèves à faire la gamme sans
élever la sixième note en montant.

Cette forme de la gamme mineure a moins de douceur que l’autre,
mais le caractère du mode mineur y est moins altéré.