Manuel de la parole/15/47

J.-P. Garneau (p. 228-229).

L’EXISTENCE DE DIEU


Qu’il est grand, qu’il est beau, le spectacle que présente la nature ! Et qui de nous peut rester indifférent à cet ensemble de merveilles dont elle ne cesse de frapper nos regards ? Même parmi les athées, en est-il un seul qui n’en soit quelquefois profondément ému, et qui, dans ces moments où les passions sont plus calmes, où la raison semble briller d’une lumière plus pure, ne soit effrayé de ses propres systèmes, et, par un sentiment plus fort que tous les sophismes, ne soit, comme malgré lui, rappelé à l’Être souverain, qu’il n’est pas plus en notre pouvoir de bannir de la pensée que de cet univers ? Nous bornant à parler ici de ces choses qui, pour être senties, ne demandent ni science, ni pénibles efforts, et qui malheureusement nous frappent d’autant moins qu’elles nous sont plus familières, quel enchaînement de phénomènes merveilleux, si propres à nous élever jusqu’à la Divinité, n’offre pas le monde planétaire auquel nous appartenons ? ces globes lumineux qui, depuis tant de siècles, roulent majestueusement dans l’espace, sans jamais s’écarter de leur orbite, ni se choquer dans leurs révolutions ; ce soleil suspendu à la voûte céleste, comme une lampe de feu, qui vivifie toute la nature, et se trouve placé à la distance convenable pour éclairer, échauffer la terre, sans l’embraser de ses ardeurs ; cet astre qui préside à la nuit avec ses douces clartés, ses phases, son cours inconstant et pourtant régulier, dont le génie de l’homme a su tirer tant d’avantages ; cette terre si féconde, sur laquelle on voit se perpétuer par des lois constantes une multitude d’êtres vivants, avec cette proportion de morts et de naissances, qui fait qu’elle n’est jamais déserte ni surchargée d’habitants ; ces mers immenses avec leurs agitations périodiques et si mystérieuses ; ces éléments qui se mélangent, se modifient, se combinent de manière à suffire aux besoins, à la vie de cette multitude prodigieuse d’êtres qui sont si variés dans leur structure et leur grandeur ; enfin ce cours si bien réglé des saisons qui reproduit sans cesse la terre sous des formes nouvelles ; qui, Après le repos de l’hiver, la présente successivement embellie de toutes les fleurs du printemps, enrichie des moissons de l’été, couronnée des fruits de l’automne, et fait ainsi rouler l’année dans un cercle de scènes variées sans confusion, et semblables sans monotonie, tout cela ne forme-t-il pas un concert, un ensemble de parties, dont vous ne pouvez détacher une seule sans rompre l’harmonie universelle ? et, de là, comment ne pas remonter au principe, auteur et conservateur de cette admirable unité, à l’esprit immortel qui, embrassant tout dans sa vaste prévoyance, fait tout marcher à ses fins avec autant de force que de sagesse ?

Frayssinous.