, Léon Wouters
Union des Villes et Communes belges (p. 149-154).


43. L’ORGANISATION GÉNÉRALE DU LIVRE.

431. Principes.

L’époque actuelle est caractérisée par un mouvement intense de production des Livres et des Périodiques, par la concentration des collections avec une multiplication corrélative des salles de lecture et des postes de délivrance au public, par un développement de la lecture dans toute la masse sociale. La tendance s’accuse aussi de plus en plus vers la coopération sans laquelle ces autres mouvements seraient impossibles. Il est nécessaire de réaliser la coopération des Bibliothèques entr’elles et avec les organismes du monde du Livre. On est conduit actuellement à concevoir une organisation générale et d’ensemble du Livre. Les buts doivent être placés en première ligne de telle sorte que ce soient les fonctions, individuelles et sociales, qui conditionnent toujours les efforts et non pas les organismes et les agents. Ceux-ci, par discipline logique et volontaire, ont à se subordonner aux buts.

432. Degrés dans l’organisation.

L’organisation a plusieurs degrés :
xxxxx1°) Au premier degré la coopération est locale ou régionale. Ce sont les Bibliothèques et les services du Livre d’une même ville, arrondissement ou province qui organisent entr’eux des rapports et des services communs : Fonds de prêt circulant. Fédération, Système central avec Succursales ou branches.
xxxxx2°) Au deuxième degré c’est l’ensemble des Bibliothèques d’un même pays, générales ou spéciales, élémentaires ou développées, que l’on considère comme les organes d’un service général dont les méthodes de travail sont unifiées et dont les ramifications sont étendues à tout le territoire national. On établit un vaste service public chargé de pourvoir à l’alimentation intellectuelle de la masse, au plus vite et au mieux. Ce service met à la disposition des plus aptes à s’en servir des collections qui en définitive sont destinées à la collectivité tout entière et qui lui appartiennent, quelque nom que portent les institutions qui la représentent (système national des Bibliothèques et de la lecture publique). Dans une telle organisation, les institutions centrales nationales de chaque pays deviennent comme le cœur et le cerveau même de l’organisme dans lequel s’accumulent, circulent, s’échangent et s’utilisent les livres. C’est là que se centralisent les opérations, a) du collectionnement des ouvrages à l’intervention de la Bibliothèque nationale, b) du catalogue collectif, à l’intervention des Services de Bibliographie et de Catalogue, c) des expéditions, à l’intervention du Service des échanges.
xxxxx3° Au degré plus élevé encore, les frontières administratives des États tombent devant le fait de l’universalité de l’Idée et du Savoir. Les échanges intellectuels se font internationaux et le besoin s’affirme de Bibliothèques centrales qui réuniraient l’intégralité des écrits sur une même science. La Bibliothèque mondiale, somme de telles bibliothèques spéciales, apparaît ainsi comme l’Archivium général de l’Humanité. Le Répertoire Bibliographique Universel tend à en devenir le Catalogue réel, après n’avoir été longtemps que le Catalogue d’une Bibliothèque universelle purement idéale. Enfin on envisage le Prêt international des ouvrages et le Système international des échanges. Le mouvement en faveur de l’internationalisation des sciences et des grands travaux, la création des institutions internationales qui, en se multipliant, multiplient aussi les bibliothèques annexes, les facilités données par la reproduction typographique et photomécanique des ouvrages, la transmission de la pensée à distance par la poste et par le télégraphe ou le téléphone, avec et sans fil, ces faits autorisent d’entrevoir dans l’avenir semblable organisation du Livre et de la Documentation. C’est celle à laquelle travaille l’Institut International de Bibliographie en coopération avec les Associations Internationales installées et représentées au Palais Mondial.

433. Mesures pratiques d’organisation.

La réalisation de telles conceptions n’est possible qu’en développant l’esprit et la pratique de la discussion, de la coopération, de l’association, de la fédération à tous les degrés : Le groupement doit s’opérer entre les organismes eux-mêmes (Fédération de Bibliothèques), il doit s’opérer aussi entre les personnes qui les dirigent : (Association de Bibliothécaires), tout en maintenant l’autonomie essentielle, source du progrès individuel. Il faut combattre sans cesse le manque d’idées générales, l’absence de plans d’ensemble, de méthodes unifiées et standardisées, le défaut d’entente et d’action concertée. En général, ce ne sont pas les ressources qui manquent, mais la volonté de les utiliser rationnellement et avec coordination. Les questions de personne jouent un trop grand rôle au détriment de l’intérêt public. Dans un même pays les mesures d’organisation doivent émaner simultanément de la périphérie (chaque bibliothèque en particulier) et du Centre (le Gouvernement et les organismes nationaux). Les deux mouvements doivent se rejoindre et un courant de vie doit s’établir dans les deux sens.

434. Mesures d’organisation à prendre par les Bibliothèques
xxxxelles-mêmes
.

On peut suggérer notamment les mesures suivantes :

1°) Entente entre Bibliothèques locales pour l’achat de livres afin de ne pas acquérir les mêmes ouvrages et éviter les doubles à côté des lacunes.

2°) Entente pour le prêt de certains ouvrages.

3°) Entente pour l’établissement d’un catalogue collectif.

4°) Centralisation du patrimoine bibliographique de la Cité, substituée à l’éparpillement actuel : bibliothèques scolaires embryonnaires, bibliothèques de cercles, d’associations d’études, d’établissements ou institutions publiques, etc. La réunion de ces collections, souvent oubliées ou ignorées de la plus grande partie du public, et leur administration commune dans les conditions du nouveau régime légal, permettront de remettre dans la circulation un nombre considérable de livres. Un procédé qui, à cet égard, élude bien des obstacles, c’est la prise en simple dépôt des fonds de livres appartenant à des tiers organismes, voire à des particuliers. L’exemple a été donné de haut par la Bibliothèque Collective constituée à Bruxelles sur cette base (Bibliothèque Internationale). Sans demander aucune aliénation de propriété à personne, elle a réuni après quelques années des collections se chiffrant par 68 fonds distincts et 120,000 volumes.

5°) Effort de la Bibliothèque pour devenir le centre des œuvres post-scolaires comme l’École est le centre des œuvres scolaires. (Maison de Tous. Voir les publications de l’Association française qui porte ce nom et la première réalisation en Belgique, à Trazegnies : Mouvement Communal, 1922, p. 173).

6° Effort de la Bibliothèque pour devenir le dépôt de la documentation des œuvres qui font des propagandes sociales et pour les aider dans leur action. (Ex. : Croix-Rouge, antialcoolisme, lutte contre la tuberculose et les maladies vénériennes, protection des animaux, protection des sites et des monuments, habitations à bon marché, assurances et mutualité, enseignement professionnel, culture du beau, etc.)

7°) Développement de la Bibliothèque dans le sens d’un office de documentation maintenu en rapport avec les plus grands organismes de la Documentation et de la Bibliographie et servant d’intermédiaire entr’eux et les lecteurs.

8°) Coopération aux Services nationaux de prêt, d’échange, de catalogue collectif, de Bibliographie.

9°) Union des diverses œuvres de lectures publiques par ville ou par région en vue d’entreprendre certaines propagandes communes ; commission permanente locale et régionale, organisme de conférences, de propagande ; réunion des Bibliothécaires se communiquant leurs expériences et s’entendant pour coopérer.

435. Mesures d’organisation à prendre au Centre.

Parmi les mesures en voie de réalisation ou proposées on peut noter les suivantes :

1°) Administration centrale des Bibliothèques (Ministère des Sciences et des Arts). Direction, Bulletin, Inspecteurs.

2°) Conseil supérieur des Bibliothèques, étendant son action coordinatrice sur toutes les questions d’organisation nationale du livre, de la lecture et de la Bibliographie.

3°) Service Central de Bibliothèques circulantes. Le Comité Central des œuvres de lectures populaires, créé au cours de la guerre, avait en 1921, relevé de leurs ruines 182 bibliothèques détruites, distribué 30,000 volumes à 1,525 bibliothèques et fondé 1,031 bibliothèques nouvelles dont 766 dans les localités qui n’en possédaient pas auparavant ; ce Comité a mis en circulation 1,224 caisses de cent volumes.

4° Bibliothèque postale intercommunale (Projet élaboré par le Musée du Livre). Fonds central de livres, comprenant entr’autre une collection d’ouvrages scientifiques de premier ordre. (Telle la Bibliothèque circulante des sciences à Londres.) Possibilité pour tout habitant du royaume de recevoir des ouvrages en prêt par l’intermédiaire de la poste et moyennant une garantie consistant éventuellement en une simple inscription sur le carnet de caisse d’épargne.

5°) Services centraux d’achat de livres, de catalogage et même d’édition coopérative.

6°) Création d’une Société nationale des Bibliothèques avec l’intervention de l’État, des Provinces et des Communes et s’efforçant de réaliser les objets décrits au 4° et au 5° ci-dessus.

7°) Solution radicale donnée au problème du livre en décidant que l’État pourvoira chaque commune d’une collection d’ouvrages fondamentaux, achetés et catalogués en une fois pour tous et maintenue à hauteur de besoin par des compléments annuels. Avantages : économie dans les achats et dans les travaux d’élaboration ; action de masse immédiate.
-----(Voir base organique du projet dans le Mouvement Communal, juillet 1922, p. 133.)
-----Le système suisse comporte des magasins centraux d’approvisionnement où l’on forme des bibliothèques ambulantes de composition générale, à l’usage des collectivités et d’où l’on envoie pour les besoins particuliers des individus, les livres dont ils ont besoin.


Comment s’opère la diffusion des publications dans des cercles
de plus en plus étendus.