CHAPITRE V.

Brochage.

Comme nous l’avons dit, brocher un livre, c’est en disposer les feuilles dans un ordre convenable pour que la lecture n’en puisse éprouver aucune interruption, aucune lacune ; puis les empêcher de se séparer en les réunissant par quelques points de couture ; enfin, autant pour compléter leur réunion que pour garantir le livre de la poussière, coller par dessus une couverture en papier de couleur. Il est évident qu’avant de passer entre les mains du brocheur, les feuilles ont été assemblées et pliées.

§ 1. — collationnement.

Le premier travail du brocheur doit consister à vérifier :

1o Si toutes les feuilles sont placées les unes sur les autres, dans d’ordre voulu par la signature et les réclames ;

2o Si toutes les feuilles appartiennent au même volume et au même ouvrage.

Cette double vérification, ou collationnement, se fait très-facilement et très-vite, car la signature doit se trouver au bas de la première page de chaque feuille. Si elle ne s’y trouvait pas, sur une ou plusieurs feuilles, cela prouverait que ces feuilles ont été mal pliées ; on les plierait de nouveau, et, de plus, on les placerait dans l’ordre convenable si elles n’y étaient pas. Pour effectuer ce travail, on prend de la main droite, et par l’angle supérieur du côté opposé au dos, les feuilles qui doivent composer le volume, puis de la main gauche, on les ouvre du côté du dos, en les soulevant assez pour pouvoir lire la signature et commençant par la première ; on laisse aller successivement les feuilles l’une après l’autre et, en même temps, on lit les signatures dans d’ordre naturel alphabétique ou numéral 1, 2, 3, 4, 5, 6, etc., jusqu’à la dernière.

§ 2. — travail du brocheur.

Ce sont des femmes, appelées brocheuses, qui sont chargées ordinairement de la vérification et de la couture.

Les feuilles du volume étant vérifiées, l’ouvrière les pose en tas, la première en dessus, sur la table devant laquelle elle est assise, mais à sa gauche. Aussitôt après, elle prend, de la main gauche, cette première feuille, la couvre d’une garde, et la renverse sur la table, c’est-à-dire de manière que la garde touche la table et que la première page de la feuille se trouve immédiatement au-dessus d’elle.

On appelle garde un feuillet de papier un peu plus large que le format d’un livre, et que l’on replie dans toute sa longueur d’une quantité moindre que la largeur de la marge intérieure, afin qu’elle ne couvre pas l’impression. Ce feuillet est indispensable pour faire adhérer solidement au volume la feuille de papier de couleur qui doit servir de couverture, comme on le verra plus loin. On place un feuillet semblable sur la dernière feuille, pour la même raison.

Pour faire la couture, la brocheuse se sert d’une grande aiguille courbe, qu’elle charge d’une longue aiguillée de fil. Après avoir percé la feuille de dehors en dedans, au tiers environ de sa longueur, elle tire le fil en en laissant déborder environ 5 centimètres. Aussitôt après, elle fait un second point au-dessous, à une distance de 3 à 5 centimètres du premier, selon la grandeur du format, mais de dedans en dehors, et tire le fil en dehors, sans déranger le bout qui passe. Alors elle pose la seconde feuille sur la première, en la retournant sens dessus dessous comme elle a fait pour celle-ci, en ayant soin qu’elles concordent bien toutes les deux par la tête. Les deux feuilles étant ainsi disposées, l’ouvrière pique son aiguille, d’abord de dehors en dedans, dans la seconde, vis-à-vis du trou inférieur de la première, puis, de dedans en dehors, vis-à-vis du trou qu’elle vient de faire. Enfin, elle tend le fil et le noue solidement avec le bout qu’elle a laissé déborder en commençant.

Les deux premières feuilles étant ainsi bien liées, la brocheuse pose la troisième sur la seconde, de la même manière que ci-dessus, et les faisant toujours bien concorder par la tête. Elle fait ses deux points comme pour la première feuille, et vis-à-vis des trous percés dans les deux premières, afin que la couture soit bien perpendiculaire sur la table, et non en zigzag.

Après avoir tendu son fil, l’ouvrière ne coud la quatrième feuille qu’après avoir passé son aiguille entre le point qui lie la première avec la seconde, afin de lier celle-ci avec les feuilles précédentes. Par ce moyen, il se forme un entrelacement que les brocheuses appellent chaînette, et qui donne de la solidité à l’ouvrage.

Le travail se continue ainsi jusqu’à ce qu’on soit arrivé à la dernière feuille. On ajoute à cette feuille une garde semblable à celle qu’on a mise sur la première, mais on la place en sens inverse.

Quand la couture est terminée, on passe avec un pinceau une première couche de colle de pâte sur le dos du volume. On en fait autant sur le papier de couleur destiné à former la couverture. Enfin, on donne une seconde couche sur le dos du volume. Posant alors à plat le dos de ce dernier sur le milieu de la couverture, encollée comme il vient d’être dit, on relève les deux côtés de cette couverture sur les gardes sans l’y appliquer bien fortement mais on appuie avec force sur le dos pour faire coller le papier autant que possible.

Le collage de la couverture est presque toujours exécuté par des hommes. Quand elle est mise en place ainsi qu’il vient d’être dit, l’ouvrier pose le livre à plat sur la table, la tranche de son côté, et il tire vers lui la couverture avec les doigts, afin de la bien tendre sur le dos et sur les gardes, sans qu’elle fasse des plis. Il retourne ensuite le livre pour opérer de même sur l’autre côté. Enfin, il le fait sécher à l’air libre et sans le mettre à la presse ; car il importe pour la venue de laisser au volume le plus d’épaisseur qu’il peut avoir, surtout lorsqu’il est mince.

Aussitôt qu’un volume est achevé, on passe à un second volume, qu’on place sur le premier, et ainsi de suite. Cette pression suffit pour empêcher les couvertures de se déformer pendant la dessiccation ; on met un poids sur le tas, afin que les livres prennent une belle forme.

Quand le volume est sec, la brocheuse ébarbe, avec de gros ciseaux à longues lames, ou avec des cisailles, les bords des feuilles qui dépassent les plis des feuilles intérieures, pour donner plus de grâce à son ouvrage ; et le brochage est terminé.

Nous avons dit que la brocheuse mettait d’abord dans son aiguille une longue aiguillée de fil ; ceci exige une explication la longueur est d’environ 1m.20 ; elle serait embarrassante si on la faisait plus longue, et ne serait pas suffisante, même pour un volume d’une médiocre étendue. Lorsque son aiguillée est au moment de finir, la brocheuse en reprend une seconde, qu’elle noue à l’extrémité de la première, en faisant attention que le nœud se trouve dans l’intérieur du volume. On emploie le nœud de tisserand.


Quand le brochage a été fait avec soin, qu’on a employé de la colle de bonne qualité, et que le papier de la couverture a été choisi très-solide, le livre peut être impunément feuilleté pendant fort longtemps, sans qu’il ait besoin d’être relié. On obtient beaucoup mieux ce résultat en cousant les feuilles sur plusieurs ficelles, noyées dans des grecques ; c’est-à-dire de la même manière que dans la reliure, puis remplaçant la colle de pâte par de la colle forte de bonne gualité. Nous avons vu des ouvrages anglais brochés d’après ce système, qui ont supporté, pendant plusieurs mois, sans en être autrement détériorés, des fatigues excessives qui les auraient mis en pièces dès les premières heures, si leur brochage avait été exécuté comme à l’ordinaire.

Dans certains pays, en Allemagne surtout, on a adopté, pour les ouvrages périodiques notamment, un mode de brochage excessivement simple, mais tout à fait défectueux. On ne coud pas les cahiers, on se contente de les assembler, de les battre, de les mettre dans une presse, d’en enduire le dos de colle forte et d’y appliquer la couverture sans gardes. Le livre se maintient bien tant qu’il n’est pas coupé, mais aussitôt qu’on coupe les feuilles, toutes celles de l’intérieur qui n’ont pas reçu de colle se détachent et ne tiennent plus à rien. Outre cet inconvénient pour un ouvrage usuel, on est obligé, quand on veut relier, d’enlever, à grande peine, cette colle sèche, au détriment des feuilles qui l’ont reçue et de la solidité de la reliure.

§ 3. — brochage mécanique.

Le brochage des livres semble à première vue une industrie presque impossible à soustraire au travail manuel. Il n’en est rien cependant, et il existe des machines dont les unes plient et cousent tout à la fois, tandis que les autres ne font qu’une seule de ces opérations. Il y a donc des machines à plier, des machines à coudre et des machines à plier et à coudre ; ces dernières sont de véritables brocheuses mécaniques, puisqu’elles font tout ce que fait l’ouvrière.

1. Machines à plier.

Ces machines sont généralement établies pour plier des formats déterminés ; mais elles peuvent, avec les modifications convenables, être également employées pour d’autres formats. Tel est notamment le cas de la plieuse de Black, d’Edimbourg, dont nous allons donner une description succincte, d’après le Technologiste.

« Les figures 3 à 8, planche première, sont destinées à donner une idée de la disposition générale et des organes essentiels de cette machine.

« La figure 3 en représente une élévation, vue par l’extrémité qui porte les pièces mécaniques.

« La figure 4 en est une autre élévation, vue sur un des côtés.

« La figure 5 en est un plan.

« A, A est une boîte qui constitue le bâti de la machine ; B, une plaque en métal qui en forme une des parois extrêmes et sert de base et d’appui à toutes les pièces mobiles qui s’y trouvent attachées ; C, C, l’arbre principal qui a ses points d’appui sur les potences D, D et qui, quand on le fait tourner, imprime le mouvement aux plioirs et aux rouleaux de la manière qui sera expliquée plus loin.

« E est le premier plioir qui a son axe sur les consoles F, F. On a représenté séparément ce plioir et ses pièces accessoires dans la figure 6. Sur les consoles F, F sont fixés des ressorts en spirale G, G, qui sont tournés autour de l’axe du plioir et disposés de manière à avoir une tendance à maintenir sa lame relevée dans la position où elle est représentée dans les figures 3, 4 et 5. H est un bras de levier fixe sur l’arbre principal et placé immédiatement à l’opposé du plioir E, de façon que quand cet arbre tourne, il vient frapper le petit bras J de ce plioir et lui fait prendre tout à coup la position indiquée en pointillé dans la figure 4. L’extrémité du petit bras J est munie d’un galet afin de permettre aux deux pièces H et J de glisser librement l’une sur l’autre.

« Le mouvement du plioir E qu’on vient d’expliquer produit le même pli de la feuille de papier, c’est-à-dire que ses deux moitiés sont rapprochées et repliées sur l’autre à l’aide des dispositions suivantes.

« Dans le haut de la boîte A et immédiatement audessous de la lame du plioir, il existe une fente oblongue K, K qui, au moyen de cloisons latérales, se prolonge jusque près du fond, de manière à former une chambre à peu près de la même profondeur et de la même longueur à l’intérieur que cette boîte, mais n’ayant que 7 millimètres de largeur.

« Le papier qu’on veut plier est placé sur la face supérieure de cette fente et sous le plioir E avec la ligne de pointures ou celle suivant laquelle il doit être plié sous la lame du plioir, et par conséquent sur la fente K, K, position dans laquelle il est maintenu, pendant l’intervalle de temps qui s’écoule entre l’instant où l’ouvrier l’abandonne et celui où le plioir s’abaisse, par deux appareils à pointe fine L, L qui s’élèvent d’un peu plus d’un millimètre et demi audessus de la surface de la boîte et sur lesquels le papier est légèrement pressé avec le doigt de l’ouvrier chargé d’alimenter la machine de feuilles.

« Ces deux appareils à pointe L, L se trouvent reliés à des leviers M, M, qui ont leurs centres de mouvement établis sur les parois latérales de la boîte. Les extrémités extérieures ou libres de ces leviers sont chargées de contre-poids N, N qui servent à les maintenir abaissés sur l’arbre principal sur lequel ils reposent, et à faire conserver aux pointes L, L leur position en saillie à la surface de la boîte A.

« Supposons qu’on place une feuille de papier dans la position qui a été indiquée et que l’arbre principal soit en mouvement ; du moment que le plioir E s’abaisse sur le papier afin de le saisir, alors les deux excentriques 0, 0, placés sur l’arbre principal et immédiatement sous les extrémités des leviers M, M, relèvent ces extrémités et par conséquent font descendre au-dessous de la surface supérieure ou table de la boîte la portion en saillie des pointes L, L qui par suite abandonnent le papier qu’elles maintenaient.

« En cet état, la descente du plioir qui entre en action, contraint la feuille de pénétrer en se repliant moitié sur moitié dans la fente à l’intérieur de la boîte, puis au moment où le bras de levier H sur l’arbre principal cesse d’être en prise avec le bras J à l’extrémité du plioir, les ressorts en spirale G, G font remonter le plioir à sa première position en abandonnant la feuille de papier dans la fente de la boîte ; alors le premier pli étant terminé, les excentriques 0, 0 ayant dépassé aussi les bouts des leviers M, M, les contre-poids N, N font relever les pointes L, L au-dessus de la table de la boîte, toutes prêtes à recevoir une autre feuille.

« P est un arrêt à ressort ou un tampon qui sert à balancer le mouvement trop vif qui se produirait par l’élévation subite du plioir E sous l’action des ressorts montés sur son axe. Ce plioir ne doit s’élever ou s’abaisser qu’avec douceur, de manière à faire pénétrer la feuille dans la fente et à en sortir lui-même librement ; seulement on a remarqué que lorsque le plioir était dentelé sur le bord à peu près comme la lame d’une scie fine, le pliage s’effectuait d’une manière bien plus exacte que lorsqu’il était tout-à-fait uni.

« La denture empêche la feuille de glisser, non-seulement horizontalement sur la lame, mais encore transversalement ; or, un glissement de quelques millimètres qui aurait lieu suivant l’une ou l’autre direction pendant le pliage, rendrait cette opération défectueuse soit pour la brochure ou la reliure, soit pour le pliage des journaux.

« On pourrait aussi avoir recours, pour assurer le registre exact des feuilles, à d’autres moyens que ce-lui de l’emploi des pointes L, L, par exemple à des lignes placées en saillie sur la table de la boîte, sur les côtés du plioir et parallèles avec lui, mais tous ces moyens sont faciles à imaginer.

« Jusqu’à présent on n’a encore formé qu’un pli, et la feuille est toujours dans la chambre étroite de la boîte dans laquelle elle a été introduite par la fente K, K. Il s’agit de la plier une seconde fois. R, R1, sont des couples de roues d’angle, les unes calées sur l’arbre principal, les autres sur un arbre vertical Q, et qui servent à rendre synchrones les mouvements de ces deux arbres.

R2 est une barre à faces parallèles qui glisse dans les colliers S, S et se relie par une articulation T au second plioir U, ainsi qu’on le voit dans la figure 6, et séparément avec les pièces qui en dépendent dans la figure 7. V est un bras fixé sur l’arbre vertical Q et qui, lorsque celui-ci tourne, vient frapper un autre bras W attaché à la barre R2, la chasse en avant en la faisant avancer de la droite à la gauche de la machine, ce qui met en action le second plioir et le fait marcher d’un quart de cercle vers la droite.

« Le mouvement de ce plioir fait pénétrer la feuille de la chambre étroite, où elle était, dans une autre chambre étroite semblable, et horizontale, formée sur un des côtés de la première. Aussitôt que le bras V cesse d’être en prise avec le bras W, la barre R2 et le plioir sont ramenés à leur première position par les ressorts en spirale X, X, et ce second pli terminé, la feuille est alors pliée en quatre ; le plioir étant ramené à son tour, la feuille reste dans la seconde chambre étroite perpendiculaire à la première.

« La figure 8 est une vue détachée du troisième plioir a ; il a son axe ou ses appuis en b, b et se relie par une articulation c à une barre à faces parallèles d qui glisse de haut en bas dans les guides e, e. f est un bras du levier fixé sur l’arbre principal C et qui, lorsque celui-ci tourne, vient frapper contre le mentonnet g fixé sur la barre d, relève celle-ci, qui, par l’intervention de l’articulation c, fait marcher le plioir de haut en bas dans l’étendue d’un quart de cercle, de manière que la feuille, déjà pliée en quatre dans la seconde chambre étroite entre et pénètre dans une troisième chambre étroite, formée sur une des parois de la seconde. L’abattage de ce troisième plioir a amène la feuille pliée trois fois ou en huit feuillets entre la première paire de rouleaux h, h, que font tourner constamment deux roues d’angle i, i, qui ont des diamètres différents, de manière à pouvoir augmenter la vitesse des rouleaux et débarrasser plus promptement la machine du papier qui la traverse.

« Le mouvement est communiqué au premier rouleau h’ sur l’axe duquel est placée une des roues d’angle, aux autres rouleaux, simplement par le frottement au contact des surfaces. Les deux rouleaux extérieurs sont recouverts de drap et pressés fortement l’un sur l’autre à l’aide de deux vis de calage k, k, tandis que ceux du couple intérieur sont maintenus à distance et sans se toucher. Au moyen de cette disposition, le couple intérieur saisit la feuille pliée sans pincer le plioir, et la transmet au couple extérieur où elle est plus ou moins pressée suivant que l’exige la nature du travail. Aussitôt que le bras f abandonne le mentonnet g, la barre d et le plioir a reviennent par l’effet du contre-poids d à leur première position.

« Pendant l’intervalle de temps ou les différents plis ont été effectués, une autre feuille est placée sur la machine par l’ouvrier, et c’est de cette manière que le pliage des feuilles se poursuit sans interruption, un seul ouvrier pouvant alimenter la machine au taux variable de un mille à deux mille feuilles par heure.

« On peut faire tourner l’arbre principal de la machine à la main ou par une force mécanique.

« Dans la marche qu’on vient de décrire, toutes les pièces qui effectuent les mouvements du premier et du second pliage sont fixes et exigent rarement qu’on les ajuste une fois qu’elles ont été mises en place ; mais le troisième plioir et les pièces qui le mettent immédiatement en action sont assemblés sur une plaque mobile l qui glisse dans deux guides m, m, et qu’on fait marcher à l’aide d’une vis et d’une manivelle n, de manière à faire avancer le plioir, les rouleaux, etc., vers la droite ou vers la gauche et régler ainsi la position de ce plioir, suivant la marge ou autre indication quelconque du papier qu’on veut plier.

« Au lieu de faire relever la lame ou plioir E qui sert à donner le premier pli ou à plier le papier en deux par des ressorts pour l’amener dans une position haute toute prête à mettre une feuille dessous, on peut attacher un contre-poids au bras court J, ce qui produira le même effet que les ressorts. Le retour du second plioir peut aussi s’opérer avec une bande de caoutchouc vulcanisé ou tout autre ressort propre à remplacer le ressort en spirale indiqué dans les figures. »


Une autre machine anglaise, construite par Birchall, qui l’envoya à l’exposition de Londres de 1851, a longtemps servi à plier les feuilles de l’Illustrated London news. Dans cette machine, chaque pli est formé par une lame ou plioir en mouvement alternatif qui commence à plier le papier, et aussi par une couple de rouleaux qui complètent le pli. La feuille qu’il s’agit de plier est déposée sous le plioir alternatif qui, en descendant, la fait fléchir au milieu, rapproche ses deux moitiés et fait pénétrer le pli entre une couple de rouleaux horizontaux et tournants. Ces rouleaux la font descendre entre deux séries de rubans sans fin et en position convenable pour être saisie par un second plioir et une seconde couple de rouleaux qui lui donnent un pli à angle droit avec le premier. Le troisième pli se forme de la même manière.

D’autres machines analogues ont figuré aux différentes expositions universelles ; mais nous ne sachions pas qu’aucune ait eu un succès pratique durable. Celles dont on a essayé de tirer parti n’ont guère pu être utilisées que par des éditeurs de journaux.

2. Machines à coudre.

Ces machines sont assez nombreuses. Il en sera question au chapitre relatif à la Reliure mécanique.

3. Brocheuses mécaniques.

Nous avons dit que ces machines plient et cousent. La plus ingénieuse est probablement celle de Sulzberg et Graf, de Frauenfeld, en Suisse, qu’on a vue à Londres en 1862.

« Par les moyens ordinaires de pliage et de brochage, une ouvrière habile, travaillant dix heures par jour, ne peut plier plus de 5,000 feuilles, et le même temps lui est nécessaire pour le brochage de ce même nombre de feuilles ; de sorte qu’en somme c’est 2,500 feuilles qu’elle peut plier et brocher par jour.

« Au moyen de la machine en question, desservie par deux jeunes garçons, dont l’un donne le mouvement et dont l’autre alimente de feuilles à ployer, on arrive à plier et brocher, dans une journée, avec la plus grande exactitude, environ 10, 000 feuilles.

« Cette machine est indiquée par les figures 9, 10 et 11, planche première.

« La figure 9 en est une vue en élévation, du côté de la transmission de mouvement ; la figure 10, une vue de face ; et la figure 11, un plan ou section horizontale faite à la hauteur de la ligne 1-2 de la figure 9.

« Elle se compose d’un bâti en fonte composé de deux flasques verticales A A, assemblées par des entretoises et des cintres de même métal et une table intermédiaire B. Au-dessus de cette première table est montée une table supérieure A’ A’ se raccordant avec la première par les montants extrêmes C C, et par deux montants intérieurs D, D, lesquels présentent une ouverture étroite verticale d pour le passage d’un couteau de pliage.

« La table supérieure A’ A’ est percée d’une ouverture longitudinale qui permet aussi le passage d’un second couteau de pliage. Ces deux couteaux manœuvrent dans des sens perpendiculaires.

« Enfin, après cette double opération, la feuille est amenée en regard et parallèlement à l’axe de deux cylindres, où elle reçoit l’action d’un troisième couteau qui achève la triple opération du pliage.

« Le premier couteau I, disposé au-dessus de la table A’, agit verticalement en descendant. À cet effet, il est monté sur une douille g fixée par deux écrous sur une tige verticale I’ qui traverse des guides i.

« Cette tige, qui transmet le mouvement au couteau supérieur I, est reliée, d’une part, par une corde passant sur une poulie g’, à un ressort à boudin b fixé en un point du bâti, et, d’autre part, par une chaine b’ qui s’enroule sur une poulie c, dont l’axe porte une roue dentée e.

« L’axe de cette roue porte un petit levier o qui appuie sur un ressort fixé au bâti ; ce levier empêche que la poulie ne cède au mouvement du ressort b qui tend à la faire tourner.

« On comprend déjà qu’un mouvement imprimé à la roue dentée e puisse faire enrouler la chaîne b’ sur la poulie c, et transmettre un mouvement vertical de descente au couteau I, qui se relèvera ensuite sous l’effort du ressort b. Pour qu’il puisse opérer sa descente, la table A’est percée d’une ouverture convenable dans laquelle il s’engage et qui a pour objet aussi de maintenir verticale la feuille soumise à un premier pliage, afin qu’elle puisse recevoir l’action du deuxième couteau vertical I2.

« Ce couteau est monté sur une crémaillère horizontale F se manœuvrant dans les coulisses de la table B. Cette crémaillère est actionnée par une roue f, dentée seulement sur une certaine partie de sa circonférence, afin que ses dents n’engrènent que pour faire avancer la crémaillère de gauche à droite et que celle-ci puisse revenir ensuite de droite à gauche, sous l’action du ressort à boudin h, réuni à la crémaillère par une corde passant sur la poulie f’. Le deuxième couteau est guidé dans son mouvement de va-et-vient par une rainure d ménagée dans l’épaisseur des montants D.

« Derrière ces montants sont disposés deux cylindres m et m’, garnis de feutre, qui sont animés d’un mouvement de rotation au moyen de roues dentées calées sur leurs axes, et qui reçoivent le mouvement des organes de la machine, ainsi que les roues f et e, comme on le verra ci-après.

« La roue f porte d’ailleurs, à sa circonférence, une rainure qui permet le passage de la crémaillère, afin que celle-ci puisse se mouvoir sans entraîner cette roue. La feuille, après son deuxième pliage, vient s’appliquer contre les cylindres m et m’ et parallèlement à leurs axes, pour être soumise à l’action du troisième couteau I2 monté, à la hauteur de la jonction des cylindres m et m’, sur une pièce horizontale glissant dans des coulisses.

« Cette pièce est munie d’un goujon sur lequel agit un excentrique calé sur un arbre vertical aussi actionné par les organes de la machine. Un ressort à boudin h enveloppe la tête du guide du troisième couteau et le sollicite toujours à revenir en arrière, après qu’il a été poussé en avant pour opérer le troisième pliage de la feuille s’engageant alors sous le cylindre qui accuse en définitive les pliures.

« Les divers mouvements pour la manœuvre de ces couteaux s’opèrent ainsi : « Sur un arbre r est calé un volant l et un pignon k qui transmet son mouvement à une roue q calée sur un axe v v dont les extrémités portent des secteurs dentés q1 et q2, qui engrènent avec les roues e, p et x.

« Le secteur denté q’ donne le mouvement à la roue e ; la chaine b s’enroule alors sur la poulie c et tirant à elle la tige à laquelle est fixé le couteau I, pour opérer la première pliure ; le secteur quittant la roue e, le ressort b agit, soulève le couteau, et, à bout de course, le petit levier o maintient l’arrêt de la roue e.

« Après la manœuvre du secteur q1, c’est le secteur q2 qui agit pour donner le mouvement à la roue p, et, par suite, à celle f, qui actionne la crémaillère F munie du deuxième couteau I2. L’action de ce couteau a lieu verticalement en avançant de gauche à droite (fig. 11), et son retour en sens inverse par l’influence du ressort h.

« Le troisième couteau est actionné par la roue x, qui donne le mouvement à une paire de roues d’angle r’ ; l’une d’elles est montée sur l’axe vertical t, muni de l’excentrique y, qui agit sur le goujon de tête de la glissière munie du troisième couteau, glissière également soumise à l’action du ressort n, qui en opère le retrait et, par conséquent, celui du couteau I2.

« La roue x porte sur son axe le double système des roues coniques z et z2 disposées comme la roue f, qui actionne la crémaillère F, c’est-à-dire accusant l’absence d’une partie de la denture pour en permettre le dégagement sous l’influence des ressorts actionnant les arbres qui en reçoivent le mouvement.

La première engrène avec la roue w ; elle porte un creux interrompant les dents pour que son axe puisse faire un quart de tour sans entraîner la roue w. L’axe de cette roue porte à son extrémité une roue z2 qui, là, aide des roues v1 et v2, donne le mouvement aux cylindres m et m’.

« Sur l’axe t, au-dessus de la plaque B, sont calés trois excentriques y, y1, y2, dans différentes positions les uns par rapport aux autres. Ces excentriques ont pour objet de faire mouvoir tour à tour :

« 1o Un guide o, à l’angle duquel sont placées les aiguilles qui doivent assembler les feuilles par des brins de fils ;

« 2o Le guide o2 qui porte le couteau I2 ;

« 3o Le guide o3 portant la filiere x1, qui doit fournir le fil alimentaire pour le brochage.

« Avant que la feuille ait reçu le troisième pliage, elle est brochée, ce qui a lieu de la manière suivante :

« En actionnant le volant l, le segment q2 donne le mouvement à la roue x et opère, par suite, les mouvements qui en dérivent.

« À la première demi-révolution de cette roue et de l’axe qui la porte, l’axe vertical t opère une révolution entière en communiquant ce mouvement aux trois excentriques y, y1 et y2.

« L’excentrique y atteint d’abord le point le plus élevé, et les aiguilles, qui ont été munies d’un bout de fil et disposées horizontalement dans un guide o, au-dessous de celui qui actionne le troisième couteau, traversent la feuille en entrainant les extrémités du fil.

« Cette opération a lieu un peu avant l’action du couteau I2, qui vient ensuite ; dans le retour de son guide, les aiguilles reviennent, mais le fil reste en arrière, l’excentrique y2 fait avancer la filière x’ vers une paire de ciseaux s1, disposés pour s’ouvrir sous l’action des ressorts. Un anneau dont le mouvement s’opère par l’action de l’excentrique, ferme ces ciseaux, et le fil est coupé ; la filière revient alors en arrière, sollicitée par un contre-poids s2, dont la chaîne passe sur une poulie pour se rattacher aux guides de la filière x1.

« Les bouts de fil qui dépassent la pliure se collent dans l’assemblage général d’un certain nombre de feuilles. »

En résumé, à mesure qu’elles sont pliées, piquées et satinées, les feuilles tombent dans une boîte, après quoi on les réunit en volume, au moyen d’un peu de colle-forte, qui colle sur le dos toutes les extrémités de fils qui sortent de chacune d’elles. Il ne reste plus, après le séchage, qu’à appliquer la couverture. On obtient ainsi une brochure d’une apparence satisfaisante, mais qui est loin d’être aussi solide que celle que donne le procédé ordinaire, où toutes les feuilles sont cousues avec le même fil.


MM. Koch et Cie de Leipzig, sont également inventeurs d’une machine à plier, piquer et mettre en presse les brochures et les livres peu épais, et comme cette machine ressemble, dans beaucoup de ses détails, à celle de MM. Sulsberg et Graf, nous n’en ferons pas une description aussi étendue que pour la précédente.

« Cette brocheuse, qui est représentée en perspective dans la figure 12, même planche, est construite entièrement en fer et plie environ 1,000 feuilles à l’heure, les pique et les met en presse, est établie sur deux modèles, l’un pour être manœuvré à la main, l’autre par une force mécanique.

« La machine à plier se compose principalement de deux flasques A, A montées et retenues par des boulons et des écrous sur un patin robuste et rectangulaire B. C’est sur les traverses supérieures C qui complètent et relient les flasques entre elles que sont établis les divers appuis des excentriques, des engrenages, etc. Les traverses moyennes D, D portent la table de pliage ainsi que les organes pour le piquage et la pression.

« Voici maintenant comment s’opèrent le pliage, le piquage et la pression.

« L’ouvrier qui fait le service de la machine place la poignée de papier qu’il s’agit de travailler sur la table a, qui, pour plus de commodité, peut être relevée ou abaissée au moyen d’une vis b. Il pousse ensuite une à une les feuilles de la table a sur la table c, et si ce sont des journaux, peu importe que le pli soit opéré plus ou moins exactement, tandis que si ce sont des livres, surtout quand ils ont quelque valeur, il est indispensable que ce pli s’exécute correctement dans la pointure.

« Sur cette table c c règne une fente d, dans laquelle se meut en va-et-vient, par l’entremise de l’excentrique f, un couteau mousse ou plioir e qui descend sur la feuille en la pliant en deux jusqu’à la hauteur des traverses D. Arrivée en ce point, un second plioir à direction normale avec le premier, se meut entre les guides g, g, h, h, en pliant une seconde fois la feuille en deux. Le troisième plioir se meut d’avant en arrière dans les guides i, i et amène la feuille ainsi pliée sur le cousoir ou appareil de piqure K ; un fil déroule sur une petite navette et enfilé sur deux aiguilles, est tiré, coupé par des ciseaux, puis saisi par des cylindres qui le font passer à travers la brochure, laquelle tombe en n pliée, piquée et pressée.

« Un ouvrier peu exercé peut plier, piquer et presser ainsi avec facilité 1,000 feuilles par heure, et un ouvrier habile faire passer 1480 feuilles dans le même temps.

« Lorsque la machine est commandée par la vapeur, on n’a plus besoin du service d’un ouvrier c’est une pompe à air qui est chargée de poser les feuilles. Une machine de ce modèle fournit par heure 2,800 à 3,000 feuilles très-correctement et carrément pliées, piquées et pressées en brochures de 3, 4 et 5 feuilles. »

§ 4. — travail du cartonneur.

Outre les opérations proprement dites de sa profession, le brocheur est généralement chargé, dans les petites villes, de cartonner les livres à bas prix, de petit format ou de moyen format, tels que les ouvrages scolaires ou les recueils de prières et de cantiques. Il prend alors le nom de cartonneur ; mais, comme son travail n’est qu’un empiètement sur celui du relieur, c’est à l’un des chapitres consacrés à ce dernier que nous en parlerons.

À Paris et dans les grandes villes, le cartonneur est un industriel, qui reçoit de l’éditeur les ouvrages en feuilles, qui les broche et les cartonne, en papier ou en toile, et dont les attributions s’arrêtent à l’emploi de la peau, qui concerne exclusivement le relieur.