Manifeste du Roi de France/Édition Garnier

MANIFESTE
DU ROI DE FRANCE
EN FAVEUR
DU PRINCE CHARLES-ÉDOUARD[1].
(1745)


Le sérénissime prince Charles-Édouard ayant débarqué dans la Grande-Bretagne sans autre secours que son courage, et toutes ses actions lui ayant acquis l’admiration de l’Europe et les cœurs de tous les véritables Anglais, le roi de France a pensé comme eux. Il a cru de son devoir de secourir à la fois un prince digne du trône de ses ancêtres, et une nation généreuse dont la plus saine partie rappelle enfin le prince Charles Stuart dans sa patrie. Il n’envoie le duc de Richelieu à la tête de ses troupes que parce que les Anglais les mieux intentionnés ont demandé cet appui ; et il ne donne précisément que le nombre des troupes qu’on lui demande, prêt à les retirer dès que la nation exigera leur éloignement. Sa Majesté, en donnant un secours si juste à son parent, au fils de tant de rois, à un prince si digne de régner, ne fait cette démarche auprès de la nation anglaise que dans le dessein et dans l’assurance de pacifier par là l’Angleterre et l’Europe, pleinement convaincu que le sérénissime prince Édouard met sa confiance dans leur bonne volonté ; qu’il regarde leur liberté, le maintien de leurs lois, et leur bonheur, comme le but de toutes ses entreprises ; et qu’enfin les plus grands rois d’Angleterre sont ceux qui, élevés comme lui dans l’adversité, ont mérité l’amour de la nation.

C’est dans ces sentiments que le roi secourt leur prince, qui est venu se jeter entre leurs bras ; le fils de celui qui naquit l’héritier légitime de trois royaumes ; le guerrier qui, malgré sa valeur, n’attend que d’eux et de leurs lois la confirmation de ses droits les plus sacrés ; qui ne peut jamais avoir d’intérêts que les leurs, et dont les vertus enfin ont attendri les âmes les plus prévenues contre sa cause.

Il espère qu’une telle occasion réunira deux nations qui doivent réciproquement s’estimer, qui sont liées naturellement par les besoins mutuels de leur commerce, et qui doivent l’être ici par les intérêts d’un prince qui mérite les vœux de toutes les nations.

Le duc de Richelieu, commandant les troupes de Sa Majesté le roi de France, adresse cette déclaration à tous les fidèles citoyens des trois royaumes de la Grande-Bretagne, et les assure de la protection constante du roi son maître. Il vient se joindre à rhéritier de leurs anciens rois, et répandre comme lui son sang pour leur service.

FIN DU MANIFESTE.
  1. Voltaire lui-même, dans son Commentaire historique, se dit auteur de ce Manifeste, qui est de 1745. Voyez, tome XV, le chapitre xxv du Précis du Siècle de Louis XV.