Jules Rouff (1p. cxviii).

COMMERCE ET NAVIGATION

À chacun des deux angles de l’avenue des Champs-Élysées débouchant sur la place de la Concorde, il y a une statue allégorique à peu près semblable ; on sent qu’une même pensée, sinon la même main, a présidé à l’exécution : ce sont les chevaux de Marly ; ils ont conservé le nom de cette résidence, dont ils décoraient l’abreuvoir monumental. Voici ce qu’on raconte de leur origine. Un jour où Louis XIV, sortant sans doute d’une conférence avec Colbert, était ennuyé de voir le commerce éternellement représenté par un Mercure ailé, il lui prit fantaisie d’avoir de la chose une allégorie moins olympienne : des artistes furent convoqués ; on proposa, on adopta comme emblème le cheval, ce véhicule rapide, courageux, intelligent de la pensée humaine : la locomotive n’était point encore inventée. Un concours fut offert et une époque fixée pour le jugement. Le jour venu, deux statues se partageaient l’admiration du royal aréopage ; on ne savait à laquelle des deux décerner le prix, lorsqu’un des assistants, ce devait être Colbert, ou Vauban avant sa disgrâce, s’avisa de faire remarquer qu’un des deux chevaux représentait plus fidèlement le commerce parce qu’il galopait sans mors ni bride, et que le commerce a besoin de liberté dans ses allures. La chronique prétend que le roi approuva cette observation et décerna le prix au cheval libre. Nous ne garantissons pas l’anecdote, mais la moralité nous en paraît incontestable.

Le commerce vit surtout de liberté ; que le grand roi ait reconnu ou non cette vérité, l’histoire de tous les temps et de tous les peuples le prouve surabondamment, et l’étude de nos propres annales en est une confirmation nouvelle. Quelques échanges de ville à ville dans un rayon très rapproché, quelques relations le long des fleuves, quelques excursions sur les côtes, tel est le tableau que nous font les historiens romains de l’état commercial avant la conquête de César.