Malte-Brun - la France illustrée/0/5/1/10

Jules Rouff (1p. xxxi-xxxiii).

Divisions politiques et administratives. — Les divisions politiques de la France ont suivi les variations de son histoire ; avant la conquête romaine, la Gaule était divisée en trois grandes parties : la Belgique au nord, la Celtique au centre et l’Aquitaine au sud ; à ces trois divisions, il fallut ajouter, après la conquête, la Narbonnaise, et sous Auguste la Celtique prit du nom de la métropole, celui de Lyonnaise.

Sous le règne de Dioclétien, la Gaule subit une nouvelle réforme administrative et fut partagée en 12 provinces, et, sous Gratien, le nombre de ces provinces fut porté à 17. Chacune de ces provinces se subdivisait en une multitude de petites circonscriptions ou pagi, les pays, et un certain nombre de grandes villes ou cités, qui prirent dans les derniers temps de la domination romaine le nom des tribus gauloises sur le territoire desquelles elles avaient été levées. Quant aux pagi, leurs noms se sont perpétués jusqu’à nos jours dans celui des petits pays en lesquels les paysans partagent encore le territoire : le pays d’Auge, le Vexin, la Brie, la Beauce, le Hurepoix, le Conserans, etc.

Nous n’entreprendrons pas de donner les divisions de la Gaule sous les rois de la première et de la seconde race. À la fin du xe siècle, la France comptait 10 grands fiefs, qui se subdivisaient en 55 fiefs secondaires. Les dix grands fiefs étaient le duché de France, capitale Paris ; le comté-pairie de Champagne, capitale Troyes ; le comté de Toulouse, capitale Toulouse ; le comté de Barcelone, capitale Barcelone ; le comté-pairie de Flandre, capitale Bruges ; le duché-pairie de Bourgogne, capitale Dijon ; le duché-pairie d’Aquitaine, capitale Poitiers, puis Bordeaux ; le duché médiat de Gascogne, capitale Bordeaux ; le duché-pairie de Normandie, capitale Rouen ; et le duché médiat de Bretagne, capitale Rennes.

Philippe-Auguste essaya la première réforme administrative au xiie siècle dans l’étendue de la France royale, en la partageant en 78 prévôtés, administrées par un prévôt chargé de le représenter, præpositus regis.

Au xiiie siècle, une nouvelle division s’établit : c’était celle des bailliages et des sénéchaussées, qui fut conservée dans l’ordre judiciaire jusqu’en 1789 ; ce fut principalement aux anciens pagi que ces divisions empruntèrent leurs dénominations.

Plus tard, à la fin du xve siècle, on trouve établie la division des gouvernements militaires, dont le nombre et l’étendue varia avec les circonstances politiques ; chacun d’eux comprenait un certain nombre de pays. Au moment de la Révolution, la France se divisait en 40 gouvernements, dont 32 grands et 8 petits.

Richelieu, en 1665, établit les généralités, qui furent les véritables divisions administratives de la France pendant le xviie et le xviiie siècle, et la division de la France en 33 généralités modifia beaucoup la géographie des anciennes provinces ; elle changea leurs limites, elle commença à briser les nationalités locales et féodales, elle établit en grande partie l’unité nationale et la centralisation administrative. Cependant le roi Louis XVI avait ordonné les essais d’une nouvelle division administrative en districts, notamment dans le Berry, quand la Révolution française arriva. L’Assemblée constituante acheva l’œuvre que la monarchie avait reconnue nécessaire, et, sur le rapport de Sieyès et de Thouret, qui furent aidés dans leur travail par leur collègue Aubry Dubochet, ingénieur du cadastre, elle divisa la France en 83 départements, nombre qui plus tard devait être porté à 86, par l’acquisition du comtat d’Avignon et de la principauté d’Orange (Vaucluse), 1793 ; par la division du département de Rhône-et-Loire en deux départements, 1794 ; et par la création de celui de Tarn-et-Garonne, 1808, aux dépens des départements voisins. Le nombre des départements varia avec les conquêtes de la France ; vers la fin de la République, il fut de 108 ; sous l’Empire, il fut de 112, et, en y comprenant le royaume d’Italie, il compta jusqu’à 130 départements.

La France est aujourd’hui divisée en 87 départements, subdivisés en 362 arrondissements, 2,868 cantons, comprenant, en 1881, 36,097 communes. La superficie est de 528,401 kilomètres carrés ou 52,840,156 hectares, et sa population qui, en 1700, était de 19,669,320 habitants ; en 1784, de 24,300,000 ; en 1826, de 31,858,937 ; en 1851, de 35,783,206 habitants, est aujourd’hui, d’après le recensement officiel de 1881, de 37,672,048 habitants, savoir : 18,656,518 hommes et 18,748,772 femmes, ce qui donne en moyenne par kilomètre carré environ 68 habitants.

Au point de vue des divisions professionnelles, cette population est ainsi subdivisée :

Population agricole
18,204,799 ou 48.7 %
Population industrielle
9,324,107 ou 24.9 %
Commerce
3,843,447 ou 10.3 %
Transports et marine
800,741 ou 2.1 %
Force publique
552,851 ou 1,5 %
Professions libérales
1,629,768 ou 4.4 %
Rentiers ou pensionnaires
2,148,173 ou 5.7 %
Individus sans profession
727,588 ou 1.9 %
Professions inconnues
173,816 ou 0.5 %

Le département le plus peuplé, celui du Nord, compte 203 habitants par kilomètre carré ; et celui des Basses-Alpes, qui est le moins peuplé, n’en compte que 21. Si l’on tient compte de la superficie et de la population de toutes les colonies françaises, en y comprenant les trois départements de l’Algérie, on trouve que le pavillon français flotte (mai 1883) sur 1,347,059 kilomètres carrés, et qu’il protège 46,843,000 individus.

Le gouvernement de la France est depuis 1875 républicain. Le gouvernement comprend : 1° le Pouvoir exécutif, administratif et judiciaire, personnifié dans le Président de la République française ; 2° le Pouvoir législatif, exercé par l’Assemblée nationale ou Parlement, composé des deux Chambres : des Députés et du Sénat ; 3° les Ministres nommés par le Président de la République.

L’autorité du ministère de l’Intérieur s’exerce sur les 87 préfets qui administrent chaque département ; les arrondissements sont administrés par des sous-préfets, et les communes par les maires. Chacun de ces fonctionnaires est assisté par un conseil de préfecture, un conseil général, un conseil d’arrondissement et un conseil municipal.

La religion catholique est celle de la majorité des Français. On compte en France 35,600,000 catholiques, 1,100,000 protestants et environ 86,000 juifs. Le clergé catholique se compose de 17 archevêques et 70 évêques ; il y a 182 vicaires généraux, 751 chanoines, 3,397 curés autorisés et 29,752 desservants ; 10,379 vicaires ; 703 supérieurs, directeurs et professeurs de grands séminaires ; 3,101 directeurs et professeurs d’écoles secondaires ecclésiastiques.

L’Église luthérienne est dirigée par un consistoire général qui siège à Paris ; elle compte 34 consistoires et un séminaire, avec une Faculté de théologie à Paris. L’Église calviniste compte 91 consistoires et possède une Faculté de théologie à Montauban. Le culte israélite possède un consistoire central à Paris, et 7 synagogues consistoriales desquelles relèvent d’autres Églises.

Sous le rapport judiciaire, il y a en France un tribunal suprême ou tribunal des conflits, une cour de cassation et 27 cours d’appel ; chaque cour d’appel a dans son ressort des tribunaux de première instance, des tribunaux de commerce et des justices de paix (généralement une par canton).

Sous le rapport de l’instruction publique, la France est divisée en 16 académies universitaires qui ont sous leur surveillance les Facultés, l’École normale supérieure, les lycées, les collèges communaux, les établissements libres ou ecclésiastiques d’instruction secondaire et primaire, les Écoles normales d’instituteurs ou d’institutrices, les lycées ou collèges de filles. Il existe, en outre, des écoles spéciales entretenues par le gouvernement. Ce sont : les Écoles nationales d’application, du génie, des mines, des ponts et chaussées, l’École polytechnique, l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, l’École navale, l’École forestière, les Écoles vétérinaires et des arts et métiers, etc.

L’administration de la guerre a partagé la France en 18 corps d’armée, occupant chacun une région territoriale délimitée, comprenant chacun un certain nombre de divisions qui peuvent être réunies instantanément. L’Algérie forme le 19e corps d’armée.

Le littoral de la France est divisé en cinq préfectures maritimes, subdivisées en arrondissements et en quartiers maritimes.

Le budget ordinaire de la France, surchargé du budget extraordinaire, pour les divers services de l’État, est évalué, pour 1881, à 4,276,631,153 fr. Quant au chiffre du capital de la dette publique, il flotte entre 6 et 8 milliards de francs.

L’armée française, en temps ordinaire et sur le pied de paix, est de 500,000 hommes ; elle peut facilement être quadruplée. La marine, longtemps négligée, compte aujourd’hui plus de 324 bâtiments armés, dont 22 cuirassés, 150,000 hommes, en y comprenant l’infanterie et l’artillerie de marine, ainsi que le personnel des ports.

On trouvera aux tableaux statistiques qui terminent cette introduction tous les détails des divisions administratives de la France qui n’ont pu trouver leur place dans le texte.