Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 3/ch. 1
INTRODUCTION.
Sous la dénomination d’animaux domestiques, on comprend généralement tous les animaux dont l’homme a su dompter l’instinct et adoucir les mœurs sauvages, qu’il a contraints de vivre avec lui et d’attendre qu’il règle leurs penchans et leurs passions ou satisfasse à leurs besoins, et dont il a modifié les formes ou développé les qualités pour les appliquer plus utilement aux besoins de la société.
Dans la classification générale du règne animal, les animaux domestiques appartiennent à 2 grandes classes, celle des mammifères et celle des oiseaux. Il y a bien encore quelques animaux des autres classes, telles que celles des poissons, des crustacés, des insectes et des mollusques, qui peuvent vivre en domesticité et dont l’homme sait tirer des produits, mais nous ne nous en occuperons pas dans ce livre, soit parce qu’aux articles Etangs, Vers à soie et Abeilles on est entré à l’égard des uns dans des détails suffisans, soit parce que l’éducation des autres est sans importance.
1° Les mammifères, ou animaux portant exclusivement des mamelles, réduits à l’état de domesticité, ont été rangés, dans cette classification, dans 4 ordres particuliers : ceux des carnassiers, des rongeurs, des pachydermes et des ruminans.
- Les carnassiers domestiques sont le chien et le chat.
- Les rongeurs, le lapin et quelquefois le lièvre.
- Les pachydermes, qui sont des animaux à sabots, se partagent en 2 familles :
- Les pachydermes à pieds fourchus, le cochon ;
- Les pachydermes solipèdes, qui n’ont qu’un doigt apparent et un seul sabot à chaque pied, le cheval, l’âne, et enfin le mulet, produit de ces 2 espèces.
- Les ruminans, ou animaux qui jouissent de la singulière propriété de faire remonter les alimens dans la bouche pour les mâcher une seconde fois, forment 3 genres qui se distinguent ordinairement à l’état de nature par la direction des cornes frontales que portent les mâles et quelquefois les femelles : mais la domesticité a rendu ce caractère incertain et a fait varier cette direction ou même disparaître ces productions dans quelques races. Ces genres comprennent :
- Les chèvres, dont les cornes sont dirigées en haut et en arrière, et qui ont le menton la plupart du temps garni d’une longue barbe et le chanfrein concave. Tels sont le bouc commun et la chèvre.
- Les moutons, qui ont les cornes dirigées en arrière et revenant plus ou moins en avant en spirale, à chanfrein convexe et sans barbe. Tels sont le bélier, la brebis.
- Les bœufs, qui ont les cornes dirigées de côté et revenant vers le haut ou en avant en forme de croissant, et qui comprennent le taureau, la vache.
2° Les oiseaux qu’on élève en domesticité dans les établissemens ruraux sont divisés en 2 ordres par les naturalistes ; les gallinacés et les palmipèdes.
- Les gallinacés sont les dindons, les coqs, les poules et les pigeons.
- Les palmipèdes, dont les doigts sont réunis par des membranes, comprennent les oies et les canards.
Dans l’économie rurale, les animaux domestiques sont rangés, abstraction faite de la classe, de l’ordre, de la famille ou du genre dont ils font partie, suivant les besoins auxquels on les applique. Les uns prennent le nom de bêtes de travail ou de trait, et les autres celui de bêtes de rente ou de produit.
Les bêtes de travail ou de trait sont celles qu’on destine à faire tous les travaux de l’agriculture, comme le cheval, l’âne, le mulet, le bœuf, le taureau et la vache.
Les bêtes de rente ou de produit sont les animaux qu’on élève seulement pour les profits que procure leur éducation ; tels sont d’abord tous les précédens, qui, étant susceptibles de donner des profits, deviennent alors des bêtes de rente ; puis les moutons, le cochon, la chèvre, le lapin et les oiseaux domestiques.
Le chien et le chat, qui ne rendent que des services, forment une classe à part.
Parmi les animaux domestiques, les chevaux, les bœufs et les moutons jouent le principal rôle dans l’économie rurale. On désigne souvent les premiers, ou le cheval, l’âne et le mulet, par le nom collectif de bêtes chevalines, les seconds par ceux de gros bétail, de bêtes ou bétail à cornes, de bêtes bovines, et les troisièmes par ceux de menu bétail, de bêtes à laine ou ovines. Quant aux volatiles, les coqs, dindons, oies et canards forment les oiseaux de basse-cour, et les pigeons les oiseaux de colombier.
Le but général de l’éducation des animaux domestiques étant, ainsi que nous l’avons dit, de les appliquer aux besoins de la société, et, dans l’état actuel de la civilisation, cette éducation formant un des points les plus intéressans de l’économie des nations, il importe qu’elle soit dirigée avec l’étendue, le soin et l’intelligence que comporte un sujet aussi grave et aussi important.
Dans la distribution du travail parmi les différentes classes qui forment la société, c’est l’industrie agricole qui est chargée de l’éducation des animaux domestiques. C’est elle aussi qui ayant le besoin le plus impérieux de leur concours, doit porter le plus haut intérêt à leur éducation, dont elle profite le plus immédiatement.
L’agriculture tire d’abord un parti avantageux de l’éducation des animaux domestiques, en faisant usage de la force et de l’énergie de plusieurs d’entre eux, pour les appliquer aux travaux pénibles que réclame la culture en grand des plantes utiles, et en profitant de leurs déjections imprégnées de matière animale pour entretenir la fécondité des terres. Les animaux consacrés à cet usage paient leur nourriture et leur entretien par des services ou des travaux et des engrais.
Elle profite en second lieu de leur éducation, par les denrées qu’elle parvient ainsi à livrer à la consommation. Ces denrées sont les produits sans cesse renouvelés que procurent le corps des animaux vivans, tels que le lait, la laine, les œufs, le duvet ou des produits provenant de leurs dépouilles quand ils sont morts, tels que la chair musculaire qui sert à l’alimentation de l’homme, le suif, la graisse, les peaux, poils, cornes, ongles, os, et de nombreux débris que les arts transforment en produits industriels. Les avances qu’on a été obligé de faire pour élever et entretenir les animaux dans ce cas, sont remboursées avec profit par ces produits ou par la vente de l’animal lui-même.
Il n’y a pas de bon système d’agriculture sans animaux domestiques. Ce sont eux qui permettent de réparer la fécondité de la terre que des récoltes successives ne tarderaient pas à épuiser, qui exécutent des travaux pour lesquels les forces de l’homme seraient insuffisantes, qui ont permis de perfectionner les cultures et d’introduire la culture alterne en consommant les plantes fourrageuses qu’on fait alterner avec les céréales, et en fournissant les engrais nécessaires : ce sont eux enfin qui transforment pour ainsi dire en viande, en graisse, en laine et en autres matières animales des produits agricoles qui deviendraient sans usage et sans valeur, ou qu’on ne pourrait même plus cultiver avec profit si on ne parvenait à leur donner cette nouvelle forme.
Envisagé sous un point de vue général, l’art d’élever des animaux domestiques comprend la connaissance de leur organisation et de leurs fonctions, de leurs formes extérieures, celle de leurs espèces et de leurs races, celle de leur éducation qui comprend leur mode de propagation, leur hygiène ou les principes qui doivent guider dans leur alimentation, dans la conservation de leur santé, la prolongation de leur existence ou leur application à des travaux de force, etc.; celle des soins qu’ils réclament quand ils éprouvent un dérangement quelconque dans leurs organes ou leurs fonctions, enfin celle des mesures administratives de sûreté générale qui leur sont relatives, et des dispositions législatives applicables au commerce de ces animaux. Tel est l’ordre que nous nous proposons d’adopter dans les chapitres qui vont suivre.
Dans ce livre, nous traiterons d’une manière générale de l’éducation de tous les animaux domestiques, mais nos principes s’appliqueront plus spécialement aux mammifères les plus utiles à l’agriculture, tels que le cheval, l’âne, les bêtes à cornes et à laine et le cochon. Nous ajouterons seulement, à la fin du 1er titre, quelques particularités relatives à celle des autres animaux de cet ordre, et nous réunirons ensuite dans un second titre tout ce qu’il est utile de connaître pour élever les oiseaux de basse-cour et de colombier.
TITRE PREMIER. — DES MAMMIFÈRES.
Chapitre ier — Anatomie et physiologie des animaux domestiques.
Article ier. — Des tissus animaux.
Envisagés sous le double rapport de leur organisation et de leurs fonctions, les animaux domestiques sont du domaine de l’anatomie et de la physiologie. La première de ces sciences s’occupe de toutes les conditions matérielles des différentes parties qui entrent dans leur composition ; la seconde nous montre agissantes ces mêmes parties dont l’anatomie nous a révélé la structure.
Le corps de ces animaux comme celui de tous les êtres organisés, est composé de fluides et de solides dont la proportion respective n’est pas égale, et varie suivant l’âge, le sexe et la constitution. Ces parties hétérogènes qui ont pour élémens anatomiques primitifs des globules microscopiques et une autre substance sans forme bien déterminée, liquide dans les uns, concrète dans les autres, sont dans une dépendance mutuelle, et se changent continuellement les vins en les autres, par le double mouvement de composition et de décomposition. Examinés chimiquement, les fluides et les solides offrent enfin comme derniers élémens, de l’oxygène, de l’hydrogène, du carbone, de l’azote et différentes substances terreuses, alcalines ou métalliques.
Les fluides ou humeurs dont la quantité prédomine sur celle des solides à toutes les époques de la vie, et qui ont l’eau pour base essentielle de leur composition, seront étudiés avec les appareils d’organes auxquels ils appartiennent.
Formés, comme les fluides, de globules microscopiques, les solides offrent encore comme élément anatomique une substance d’apparence spongieuse qui, en s’associant aux Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/177 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/178 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/179 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/180 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/181 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/182 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/183 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/184 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/185 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/186 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/187 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/188 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/189 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/190 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/191 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/192 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/193 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/194 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/195 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/196 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/197 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/198 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/199 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/200 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/201 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/202 nom au liquide limpide qui remplit la chambre a7itérieure{^) et la chambre postérieure de l’œil (O), et dont on a successivement attribué la formation au corps vitré, aux procès ciliaires, à la choroïde, à l’iris et à une membrane particulière nommée membrane de l'humeur aqueuse (P), de laquelle on fait dépendre la pellicule extrêmement mince qui ferme l’ouverture pupillaire dans le fœtus pendant les deux premiers mois de la gestation.
[1:7:2] § ii. — Appareils nerveux.
L'encéphale, la moelle épinière et les nerfs dont nous avons indiqué la composition élémentaire en traitant .du système nerveux, forment le grand appareil de l’innervation qui préside à tous les mouvements volontaires ou involontaires, aux diverses impressions et aux opérations de l’instinct.
1° L’encéphale, centre et régulateur de toutes les actions nerveuses, surmonte la moelle épinière et remplit exactement le ci’âne qui, par la forme et la composition de ses parois, le met à l’abri des violences extérieures. Il constitue une masse lobulée, ovoïde, creusée à l’intérieur de plusieurs cavités, dans laquelle on distingue trois parties, le cerveau proprement dit, le cervelet et la moelle allongée.
2° La moelle épinière, autre partie centrale de l’appareil nerveux, dont le développement précède celui du cerveau, occupe toute l’étendue du canal vertébral. Elle constitue un gros cordon cylindroïde, composé de plusieurs laisceaux disposés par paires, et continus avec l’encéphale.
La masse nerveuse encéphalo-rachidicnne est enveloppée de trois membranes. La pins extérieure fibreuse se nomme la dure-mère, la moyenne séreuse porte le nom à.’ arachnoïde ; l’interne, nommée pi-mère, est un réseau cellulo-vasculaire très délié, appliqué immédiatement sur la pulpe nerveuse.
3° Les nerfs sont les organes conducteurs du sentim.enl et du mouvement ; ils transmettent aux centres de perception les impressions qu’ils reçoivent dans les organes où ils aboutissent, et portent dans ces mêmes organes l’influx nerveux qu’ils reçoivent des centres avec lesquels ils sont en communication directe.
Les nerfs ont été distingués en cérébro-spinaux et ganglionnaires.
Selon le siège de leur extrémité centrale, les nerfs cérébro-spinaux ont été divisés en nerfs encéphaliques et nerfs rachidiens. Les premiers, au nombre de douze paires, sont en communication directe avec l’encéphale ; ils sortent par les trous de la base du crâne ei se distribuent à toutes les parties delà tête. — Les nerfs rachidiens, au nombre de quarante et une paires, liennent à la moelle épinière par leur extrémité centrale ; destinés pour le reste du tronc et les membres, ils sortent par les trous invertébraux, et sont distingués en cervicaux, dorsaux, lombaires, sacrés et coccygiens. Les nerfs ganglionnaires forment avec de petits corps nommés ganglions un appareil sympathique particulier, qui transmet l’action nerveuse aux organes des fonctions involontaires, et ne semble pas conduire jusqu’aux centres de perception les impressions normales reçues par ces organes.
Rigot