Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 1/ch. 17

Texte établi par Jacques Alexandre BixioLibrairie agricole (Tome premierp. 425-454).

CHAPITRE XVII. — Des plantes cultivées en grand pour leurs racines.

Dans le système de culture perfectionnée, adopté dans tous les pays où l’agriculture a fait de notables progrès, les végétaux cultivés pour leurs racines, sont les plantes sarclées par excellence, et ce sont eux qui forment le pivot de ce mode de culture. En effet, ils permettent d’ameublir et de nettoyer parfaitement le sol, sans avoir besoin de recourir à la jachère ; ils fournissent une quantité très-considérable d’une nourriture excellente pour tous les animaux domestiques qu’on peut ainsi multiplier en bien plus grand nombre dans la ferme ; par suite, ils assurent une abondance d’engrais qui influe favorablement sur toutes les autres cultures, et permet d’étendre davantage celles qui donnent des produits industriels, lesquelles sont toujours les plus productives ; enfin, les végétaux à racines eux-mêmes se prêtent facilement et avantageusement à une foule d’applications, soit dans les arts, soit à la nourriture de l’homme, et figurent ainsi au premier rang parmi les cultures les plus propres à prévenir les disettes et à trouver, dans tous les cas, des débouchés faciles, puisqu’on peut sans inconvénient substituer leurs emplois les uns aux autres selon le besoin.

Les plantes cultivées spécialement pour leurs racines sont nombreuses : celles qui appartiennent essentiellement à la grande culture, dans le climat de la France, sont la Pomme-de-terre, les Navets et Raves, les Carottes, les Panais et Topinambours, auxquelles on peut ajouter, pour le midi, la Patate : nous allons nous en occuper successivement ; puis la Betterave et la Chicorée, dont l’importance pour l’extraction du sucre et comme succédanée du café, les range plus particulièrement parmi les cultures industrielles, mais que nous devons mentionner ici comme d’une utilité égale à celle des autres racines pour la nourriture du bétail. Plusieurs de celles dont nous allons parler dans ce chapitre ont, du reste, aussi des usages plus ou moins importans dans la technologie agricole, surtout la Pomme-de-terre.

D’autres racines, telles que les Oignons, sont aussi quelquefois cultivées en grand ; mais ce sont véritablement des cultures maraîchères qui appartiennent par conséquent au jardinage ; il ne doit pas en être traité ici, non plus que des autres cultures essentiellement potagères, comme les Asperges, les Artichauts et plusieurs du même genre qui sont cependant cultivées en plein champ dans quelques localités.
C. B. de M.

Sect. Ire. De la pomme-de-terre. 
 ib.
§ Ier. Emplois et usages de la pomme-de-terre. 
 ib.
§ 2. Espèces et variétés. 
 427
§ 3. Sol et climat. 
 429
§ 4. Place dans la rotation. 
 430
§ 5. Fumiers. 
 431
§ 6. Préparation du sol. 
 433
§ 7. Plantation des tubercules. 
 ib.
§ 8. Autres moyens de propagation. 
 434
§ 9. Façons d’entretien. 
 ib.
§ 10. Maladies, animaux nuisibles, soustraction des fleurs et des feuilles. 
 436
§ 11. Récolte. 
 437
§ 12. Conservation, emploi des tubercules gelés. 
 ib.
§ 13. Produits de la pomme-de-terre. 
 438
Sect. II. Des Raves, Navets, Turneps et Rutabagas. 
 439
I. Culture anglaise. 
 441
II. Culture dérobée, sur les chaumes. 
 444
Sect. III. De la carotte. 
 445
Sect. IV. Du panais. 
 450
Sect. V. Des topinambours. 
 451


Section 1re. — De la pomme-de-terre.

La Pomme-de-terre (Solanum tuberosum, L.) ; en anglais, Potato ; en allemand, Kartolffel ; en italien, Tartufflo ou Pomo-di-terra ; en espagnol, Batata (fig. 615 ), appartient à la famille des solanées, dont elle forme le type. Cette plante, si utile par ses nombreux usages, a été reconnue originaire de l’Amérique méridionale, ayant été trouvée sauvage dans le Chili et à Buénos-Ayres. MM. de Schlechtendohl et Bouché ont démontré tout récemment que la pomme-de-terre trouvée au Mexique est une autre espèce à laquelle ils ont donné le nom de stoloniferum ; Banks est d’avis que la pomme-de terre a été apportée (les parties élevées du Pérou, dans le voisinage de Quito, où on la nomme papas, en Espagne, vers le commencement du xvie siècle. De là elle s’est répandue dans les autres parties de l’Europe, qui la reçurent aussi plus tard des colons de l’Amérique du nord. Si la France n’en doit pas l’introduction à Parmentier, c’est à ses écrits et à ses efforts qu’elle en doit la propagation, et ce n’est pas un de ses moindres titres à la reconnaissance publique.

§ 1er. — Emplois et usages de la pomme-de-terre.

On sait que le philanthrope Parmentier servit un jour un dîner où, depuis le pain jusqu’au café et au gloria, tous les mets étaient uniquement composés des produits de la pomme-de-terre. Sans prétendre que cette plante puisse remplacer pour l’homme toutes les préparations alimentaires, nous ne craindrons pas d’être démentis en affirmant qu’elle fournit à l’art culinaire les apprêts les plus diversifiés. Nous nous contenterons d’indiquer l’emploi de la pomme-de-terre comme racine alimentaire pour l’homme et pour les animaux.

Comme plante destinée à la nourriture de l’homme, la parmentière est incontestablement au premier rang. Des savans distingués ont en vain voulu démontrer qu’elle ne peut pas nourrir l’homme ; il n’en est pas moins vrai que les Allemands, les Alsaciens, les Lorrains, les Irlandais, les Écossais, en font, une partie de l’année, leur aliment unique. Si on prend pour base de ses calculs les données généralement admises par les meilleurs économistes, 3 kilog. de pommes-de-terre équivalent à 1 kilog. de blé ; en supposant qu’un hectare de froment produise 18 hectol. de blé, on aura récolté en poids à peu près 1440 kilog. de grains ; le produit moyen d’un hectare de pommes-de-terre s’élève à 17,500 kilog., ou, en divisant par trois, pour obtenir la valeur en froment, à 5,833. La récolte du froment est donc à celle de la morelle, comme 14 à 58, sur la même surface ; où, pour traduire autrement ce résultat, une étendue donnée de pommes-de-terre nourrira 4 fois autant d’individus que pareille surface cultivée en froment.

La manière la plus simple de consommer les pommes-de-terre, c’est de les faire cuire à la vapeur, dans un pot ou une marmite dont le couvercle ou la cloche ne donne point d’issue à la vapeur. C’est sous ce rapport qu’on a dit que la morelle est un pain tout fait. Pour que les pommes-de-terre consommées sous cette forme plaisent au goût, elles doivent avoir été produites dans un terrain sec et sablonneux, et contenir proportionnellement une faible quantité d’eau de végétation. On connaît qu’un tubercule remplit ces conditions, quand, après la cuisson, la peau s’est crevassée et soulevée. — Cuites ainsi, les pommes-de-terre, assaisonnées de beurre fondant et de fines herbes, présentent un aliment, très-agréable. Refroidies et mises en salade, elles sont du goût de la plupart des consommateurs. Nous ne pousserons pas plus loin ces détails.

On a proposé bien des fois de mélanger la farine de pomme-de-terre avec celle des céréales pour en faire du pain. Froment, féverolles et pommes-de-terre, pourvu qu’un aliment se présente sous la forme de pain, il est bien mieux accueilli par les habitans de certaines contrées, que s’il paraissait déguisé sous une autre préparation, que ce soit à tort ou à raison, c’est un fait qu’il a fallu accepter, et dès-lors la panification de la pomme-de-terre a attiré l’attention d’hommes d’un grand mérite.

Le procédé le moins embarrassant connu jusqu’alors, sans citer ceux que couvre encore le voile du secret, consiste à faire le levain à la manière ordinaire ; de faire cuire le lendemain des pommes-de-terre qu’on pèle, qu’on écrase et qu’on divise, le plus possible, à l’aide de rouleaux. Après les avoir mélangées avec deux tiers de farine ordinaire, en favorisant le mélange par une addition d’eau tiède et par le pétrissage, on les mêle au levain préparé et on termine à l’ordinaire. — Une méthode plus simple encore, c’est de râper les tubercules crus, et d’en mélanger la pulpe avec de la farine, dans les proportions ci-dessus. — Enfin, la fécule sèche présente de grands avantages dans toutes les préparations panaires. Si les dispositions réglementaires de la boulangerie n’en permettent pas l’introduction légale dans la fabrication du pain, il est hors de doute que le pain de ménage ne puisse l’employer avec profit.

La fabrication des terouen, de la polenta, de la fécule, leurs usages et transformations en sucre, sirops, dextrine, bière, boissons, etc., appartiennent à la Technologie agricole à laquelle nous renvoyons. (Tome III.)

La faculté nutritive des pommes-de-terre pour l’alimentation du bétail n’est mise en doute par personne. Thaer et Pétir pensent qu’il faut 2 livres de ces racines pour équivaloir à une livre de foin : Krantz estime qu’il n’en faut que 1,25 ; M. de Dombasle a sur ces auteurs le mérite éminent d’avoir formulé son opinion sur des faits positifs, au lieu de la déduire de probabilités très-équivoques ; il pense qu’il faut, pour remplacer 1 de foin, 1,73 de pommes-de-terre cuites, et 1,87 de crues. D’ailleurs, la variété des plantes, l’espèce de bétail, l’année et l’époque des expériences seraient plus que suffisantes pour concilier des opinions tant soit peu diverses.

On a observé que les pommes-de-terre crues poussent à la production du lait, et cuites à celle de la graisse. Les pommes-de-terre crues doivent être administrées avec prudence. Données en trop grande abondance, elles sont regardées comme un régime débilitant.

On conseille de n’en pas donner plus de la moitié de la ration qui doit composer la nourriture journalière. Ainsi, dans le cas où une vache consommerait 20 livres de foin par jour, on pourrait ne lui donner que 10 livres de foin et 15 à 20 livres de racines.

Pour l’engraissement des cochons, on commence par donner la pomme-de-terre crue : à moitié terme, on les fait cuire, on les laisse un peu aigrir, en y mélangeant quelque peu de farine d’orge, et avant de les donner aux animaux on y jette un peu de sel ou de salpêtre.

Pour l’engraissement des bœufs on suit la même marche, seulement on ne les laisse point aigrir. Quelquefois on se contente de les tremper quelques instans dans l’eau bouillante, afin de leur enlever leur crudité.

Quelques agronomes, persuadés que l’eau de végétation exerce une action nuisible sur les organes digestifs, râpent les tubercules et les soumettent à une forte pression pour la leur enlever. On a peu d’objets de comparaison pour apprécier ces diverses méthodes.

On a cru long-temps que les chevaux ne peuvent consommer avec avantage les tubercules de la morelle. C’est vrai, si l’on entend parler des tubercules crus ; c’est une erreur, si cette assertion tombe sur les pommes-de-terre cuites. Il y a déjà long-temps que M. Ribeck, de Lindow, l’a prouvé. On fait cuire les tubercules à la vapeur, et on les distribue lorsqu’ils sont refroidis. Ce genre d’alimentation se répand très-rapidement dans plusieurs cantons de la France septentrionale, et menace de détrôner l’avoine. Il en résultera nécessairement des modifications très-importantes dans la combinaison des assolemens.

Les pommes-de-terre cuites et distribuées à la volaille la font engraisser promptement et déterminent chez les femelles une ponte abondante et précoce.

Les Allemands sont bien connus pour la consommation qu’ils font des pommes-de-terre diversement préparées. Sans vouloir introduire dans nos mœurs de nouvelles habitudes, nous ne négligerons pas cependant de faire connaître quelques économies domestiques en honneur chez nos voisins. On fait avec le mélange de la pomme-de-terre cuite avec le caillé, des fromages excellens et d’une digestion facile. Après avoir fait cuire et épluché les tubercules, on les écrase de manière à en faire une pâte homogène, sans grumeaux, on la malaxe avec une partie égale de caillé, et on laisse reposer deux jours : on pétrit la masse une seconde fois, et on la soumet ensuite aux manipulations ordinaires. — On fait un mélange semblable pour le beurre destiné à être mangé sur le pain, et on s’en trouve bien.

Cadet de Vaux a donné un moyen de faire avec la pomme-de-terre des peintures d’intérieur qui offrent économie et propreté. On prépare deux bouillies, l’une avec des pommes-de-terre cuites, épluchées et écrasées, l’autre avec du blanc d’Espagne. On mélange et on brasse les deux bouillies en ayant soin de mettre deux parties et demie de la seconde, pour une de la première. Cette peinture s’étend au pinceau : elle sèche promptement. Appliquée sur le bois, sur la pierre, sur le plâtre, elle ne s’écaille pas. On peut la colorer avec diverses espèces d’ocres, de noir de fumée, du vert de gris, etc.

La colle de pâte qu’on prépare avec la pomme-de-terre peut être livrée à meilleur marché que celle du froment. Un boisseau produit environ 150 livres de bonne colle, qui peut se conserver dix ou douze jours ; on la prépare en délayant une partie de pulpe râpée dans 2 parties et demie d’eau, portant le mélange à l’ébullition, et ajoutant par livre de pulpe une demi-once d’alun, bien pulvérisé ; — En y ajoutant de l’hydrochlorate ou muriate de chaux au lieu d’alun, on rendra cette colle très-propre à servir de parement ou paron pour les tisserands.

Quant aux fanes de la pomme-de-terre, on a essayé de les donner en vert aux bestiaux ; mais divers accidens ont démontré que quand on y a recours, il faut au moins les exposer quelques jours au soleil avant de les faire consommer, et y ajouter du sel. — D’ailleurs on sait que la coupe prématurée des fanes diminue très-sensiblement la production et la croissance des tubercules.

M. Dubuc, de Rouen, et M. Daolmi, de Sorèze, ont pu retirer de ces fanes, comme de celles de beaucoup d’autres végétaux, du salpêtre ou de la potasse ; mais la diminution qu’en éprouve la récolte de tubercules rend assez rares les circonstances où il y aurait profit à se livrer à cette extraction d’ailleurs très-variable suivant les sols.

§ II. — Espèces et variétés.

Depuis qu’on a eu recours à la voie des semis pour renouveler et multiplier les pommes-de terre, le nombre des variétés s’est accru à un tel point, qu’une classification complète est désormais illusoire. Les caractères qui distinguent chaque variété sont tellement fugaces et insaisissables, qu’il serait impossible au botaniste et au phytographe le plus exercé de donner pour chacune un signalement reposant sur des bases que la culture ou le climat ne pussent désormais modifier. Cette difficulté ne doit pas cependant nous empêcher d’indiquer les principales variétés ou races cultivées aujourd’hui en France.

1. La truffe d’août de la halle de Paris, et du Catalogue de la Société d’agriculture, n. 37 (fig. 616). C’est une des plus recommandables sous le rapport de la précocité et de ses qualités comestibles. Les tubercules sont ronds, et les yeux logés dans des cavités profondes, sans cependant qu’il y ait de protubérances à la surface. En la cultivant dans des lieux abrités, on peut, sous le climat de Paris, en obtenir déjà à la fin de mai des tubercules mangeables, quoique non complètement mûrs.

Fig. 616.

2. La schaw ou chave, n. 129 du Catalogue précité (fig. 617). Jaune, ronde, excellente, plus productive que la précédente, et plus hâtive d’environ 15 jours.

Fig. 617.

3. La grosse grise, nommée en Lorraine paubée. Hâtive et très-productive ; excellente en août et septembre ; elle prend une saveur fade en hiver, pour redevenir sucrée en mars et avril.

4. La grosse blanche, n. 63 du Catal. ; patraque blanche de la halle de Paris (fig. 618). Tubercule blanchâtre maculé de rose, très-gros et bosselé. Elle est cultivée généralement pour les bestiaux.

Fig. 618

5. La brugeoise ou de Bruges (fig. 619), nommée aussi divergente à cause de la disposition de ses tiges. C’est l’espèce qui, dans les plantations de la Société d’agriculture, surveillées et enrichies depuis 1813, avec tant de soin, par M. Vilmorin, s’est constamment montrée la plus productive.

Fig. 619.

6. La patraque jaune, de la halle de Paris ; n.79 du Catal. (fig. 620). Tubercules gros, irréguliers ; yeux enfoncés dans des cavités profondes.

Fig 620. Fig. 621

7. La patraque rouge, de la halle de Paris ; n. 34 du Cat. (fig. 621). Tubercule très-gros ; éminemment propre aux terres humides.

8. La Hollande Jaune, de la halle de Paris ; n. 167 du Catal. (fig. 322), ou cornichon jaune. Peau fine ; tubercule alongé, aplati, très-lisse ; yeux rares à la superficie.

Fig. 622.

9. La Hollande rouge, de la halle de Paris, n. 1 du Cat. (fig. 623), ou cornichon rouge. Tubercule alongé, aplati et un peu pyriforme ; cassure farineuse.

Fig. 623.

Ces deux dernières espèces sont très-estimées dans les apprêts culinaires, parce qu’elles subissent peu de déchet lorsqu’on les pèle, et que, d’ailleurs, elles ont un goût excellent.

10. La vitelotte, de la halle de Paris ; n. 6 du Catal. (fig. 624). Alongée, cylindrique ; yeux nombreux, placés au bas d’autant de protubérances ; très-estimée pour la table.

Fig. 624.

11. La tardive d’Irlande, n. 125 du Cat. (fig. 625), a l’inconvénient d’être peu productive, mais elle a l’avantage de rester long-temps sans germer.

Fig. 625.

Nous pourrions augmenter considérablement ce tableau, mais un tel travail n’aurait qu’une utilité secondaire pour le cultivateur praticien ; cependant nous ne pouvons nous dispenser de parler ici de quelques races étrangères qui se distinguent par des qualités particulières. Nous puiserons nos exemples chez les peuples qui se sont acquis une juste célébrité dans la culture des pommes-de-terre.

Pommes-de-terre saxonnes.

La grosse pomme. Tiges creusées par 3 sillons longitudinaux ; ailes décurrentes peu prononcées ; feuilles cordiformes, mais spatulées avant la floraison ; fleurs très-blanches, en grosses houppes ; tubercules ronds et aplatis. C’est une des plus productives ; les tiges s’élèvent à 5 pieds.

La faine. Ce qui la distingue, c’est qu’après avoir été gelée, elle peut encore servir à la reproduction.

La corne bleue. Fécule bleue passant au violet par la cuisson.

Pommes-de-terre néerlandaises.

La jaune d’août (Jemmapes). Très-hâtive ; tubercule oblong ; se cultive bien en seconde récolte.

Le bloc jaune (frise). Très-productive et très-grosse.

La neuf-semaines. Parcourant en très-peu de temps la période de sa végétation.

La bocine ou supérieure. De très-bonne garde.

Pommes-de-terre anglaises.

Ox noble. Tardive, productive et vigoureuse.

La Cantorbery. Tardive ; tubercule gros, jaune, long et lisse.

La champion. Belle espèce ; tubercule gros et jaune.

Pommes-de-terre suisses.

Pommes-de-terre de Rohan. Nous devons encore citer cette variété toute nouvelle, découverte, par M. le prince de Rohan, près Genève, qui l’a communiquée à MM. Jacquemet-Bonnefond, pépiniéristes à Annonay, lesquels en ont adressé aux Sociétés d’agriculture et d’horticulture de Paris. Ses qualités ne paraissent pas très-bonnes, mais elle produit immensément ; ses tiges atteignent 6 à 7 pieds, et ont besoin d’être soutenues.

Ce n’est pas tant le volume ni le poids absolu qu’il faut rechercher dans le choix d’une variété de pommes-de-terre, que la quantité de substance sèche qu’elle contient ; car c’est cette dernière partie seule qui est alimentaire, le reste n’est que de l’eau. Koerte, qui s’est beaucoup occupé de ce travail, et qui a examiné sous ce rapport 55 espèces de pommes-de-terre, a trouvé une grande différence dans la proportion de substance sèche contenue dans la même espèce de pommes-de-terre, suivant qu’elle avait été récoltée à des degrés différens de maturité. En résumant toutes les données que lui ont fournies ses recherches, on voit que des tubercules arrivés à une maturité complète ont réalisé une proportion de substance sèche qui va de 30 à 32 1/2 p. 100, tandis que ceux dont la maturation n’avait pas été achevée ne pesaient, après complète dessiccation, que 24 p. 100 du poids primitif. 100 parties de tubercules ordinaires contiennent, en moyenne, 24,89 p. 100 de matière solide ; et dans celles-ci se trouvent compris 11,25 p. 100 de fécule.

Pour apprécier avec assez d’exactitude la quantité de matière solide que contient une espèce de pomme-de-terre, on en prend plusieurs tubercules qu’on débarrasse de toute terre adhérente. On les pèse et on note le poids. On les coupe en tranches et on les fait sécher dans un lieu dont la température soit de 25 à 30 degrés. Lorsqu’après les avoir pesées à plusieurs reprises, à des intervalles d’une heure, ils n’éprouvent plus de diminution, on note le poids et on établit la proportion.

Le choix et la convenance des variétés sont encore subordonnés aux circonstances dans lesquelles on se trouve. En général, on peut se guider d’après les principes suivans : 1° Dans les terrains argileux, préférer les variétés hâtives et dont les racines s’étendent peu. — 2° Dans les terres sablonneuses et chaudes cultiver les variétés tardives et dont les tubercules descendent à une grande profondeur. — 3° Dans les marais froids, on cultivera les variétés hâtives et dont les tubercules iront chercher leur nourriture à une grande distance. — 4° Pour la consommation des villes, on peut cultiver des variétés peu productives à la vérité, mais qui, en raison de leurs qualités pour les apprêts culinaires, atteignent un prix élevé. Elles seront hâtives ; leur périphérie sera lisse, sans anfractuosités, afin qu’on puisse les peler sans déchet considérable et sans perdre beaucoup de temps.

§ III. Du sol et du climat.

Il s’en faut de beaucoup que tous les terrains, que toutes les positions agricoles permettent de cultiver la pomme-de-terre sur une grande échelle. Cette plante produit d’abord des tubercules qui n’ont qu’une très-petite dimension, et sont très-mous. Si, dès leur formation, ils rencontrent une terre dure, sèche, imperméable aux influences atmosphériques, leur accroissement est contrarié ; ils se difforment. Il faut donc placer les pommes-de-terre dans un champ qui soit assez poreux pour permettre aux produits de se multiplier et de se développer. Un sol argileux se laisse difficilement travailler pendant l’été ; or, celui qui a lu attentivement ce que nous avons dit de l’influence des façons d’entretien sur les récoltes sarclées, n’hésitera pas à renoncer à la culture de cette plante dans une situation où il serait dans l’impossibilité de donner ces menues cultures. Une autre raison vient encore confirmer ce principe : on sait que dans un sol où se trouve une forte portion d’argile, les plantes mûrissent bien plus tard que dans ceux où domine la silice. Ce même terrain demande à être, à l’automne, ensemencé plus tôt que les autres, parce qu’une fois les pluies arrivées, la charrue ne peut plus y fonctionner. Si l’on y mettait des pommes-de-terre, elles n’atteindraient un degré suffisant de maturité qu’à une époque si avancée, que les travaux d’ensemencement ne seraient plus possibles. Cette considération doit attirer surtout l’attention des cultivateurs qui habitent le nord, ou la période culturale est beaucoup plus restreinte que dans le midi.

Il ne faut pas confondre un sol argileux dans son état normal avec un sol marneux. Celui-ci participe des qualités des sols sableux et de celle des sols argileux, et se trouve être, dans bien des cas, le plus favorable à la production des pommes-de-terre, pourvu que l’élément calcaire y soit dans une proportion sensible. Si la chaux devient prédominante, le sol n’est plus propre à cette culture que dans quelques circonstances qui n’arrivent que de loin en loin, comme après un défrichement de sainfoin.

Une humidité surabondante est encore plus nuisible aux pommes-de-terre que la sécheresse. Dans ce dernier cas, la récolte peut être quelquefois réduite à fort peu de chose, il est vrai ; mais dans un sol où l’eau demeure stagnante, les pommes-de-terre qui ne sont point pourries se conservent avec beaucoup de peine, et ont des propriétés nuisibles sur la santé des êtres qui les consomment ; dans plusieurs circonstances, elles ont occasionné des épizooties qui ont causé des ravages incalculables. La surabondance d’humidité dépend souvent du sous-sol plutôt que du sol lui-même. On devra donc avoir égard, non seulement à la superficie, mais encore aux couches subjacentes.

Pour fixer les idées sur ce point, je donne la composition chimique des sols qui, dans la plupart des cas, conviennent à la culture des pommes-de-terre.

SOL. argile.
p. 100.
chaux.
p. 100.
humus.
p. 100.
sable.
p. 100.
OBSERVATIONS.
Glaizo-calcaire 
plus de 50 de 0,5 à 5,0 de 1,5 à 5,0 Le reste. Seulement pour les pays méridionaux.
Argilo-calcaire 
de 3,0 à 5,0 de 0,5 à 6,0 de 1,5 à 5,0 Le reste. Principalement pour les climats méridionaux.
Loameux‑argileux et sableux
ordinaire de 1, à 3,0 »       » de 1,5 à 5,0
Le reste.
Le reste.
Pour tous les climats.
calcaire de 1,0 à 3,0 de 0,5 à 5,0 de 1,5 à 5,0
Siliceux 
ordinaire de 0 à 1,0 »       » de 1,5 à 5,0 Le reste. Pour tous les climats.
calcaire de 0 à 1,0 de 0,5 à 5,0 de 1,5 à 5,0 Le reste. Convient peu aux pays méridionaux.
Marneux 
de 1,0 à 5,0 de 5 à 20 de 1,5 à 5,0 Le reste. Pour tous les pays.
Calcaire 
de 1,0 à 5,0 plus de 20 de 1,5 à 5,0 Le reste. Pour les pays septentrionaux

Quant au climat, le plus favorable pour la pomme-de-terre est celui qui est plutôt humide que sec, tempéré ou frais que chaud. Voilà pourquoi celui de l’Angleterre et surtout de l’Irlande lui conviennent si bien.

Il y a dans les pays méridionaux, même en France, un grave obstacle à la culture des pommes-de-terre sur les terrains trop siliceux. Lorsque les grandes chaleurs dessèchent le sol, la végétation demeure longtemps stationnaire ; les tubercules n’augmentent pas en grosseur. Quand, enfin, les pluies viennent arroser le sol et ranimer la végétation, ces petits tubercules, au lieu de se développer, poussent de nouveau des tiges, donnent de nouvelles fleurs, et ni les premiers produits ni les seconds ne peuvent remplir le but auquel on les destinait. Dans les années sèches, cette circonstance se rencontre déjà dans les environs d’Orléans.

Les terrains pierreux, et surtout ceux qui contiennent beaucoup de fragmens schisteux, sont peu propres aux pommes-de-terre. Ceux qui contiennent des cailloux roulés en produisent qui sont fort estimées pour leur saveur.

§ IV. — Place dans la rotation.

Lorsqu’on examine une plante relativement à son influence sur une succession de cultures, il faut examiner deux choses : son action chimique et son action mécanique. Sous le premier point de vue, plusieurs agriculteurs ont attribué aux pommes-de-terre une très-grande propriété épuisante. Schwertz les met dans la catégorie des plantes qui appauvrissent le sol ; Thaer est de la même opinion ; Parmentier et Victor Yvart sont d’un sentiment opposé, et s’efforcent de l’étayer par le raisonnement et les faits. Entre des opinions si diverses, nous ne pouvons mieux faire que de répéter avec un auteur qui était placé de manière à distinguer les causes de ces contradictions apparentes : « La meilleure récolte de pommes-de-terre n’épuise pas plus la matière organique assimilable aux plantes que la plus riche production de froment, de seigle, d’orge ou d’avoine. Si on donne un libre accès à l’humidité, la récolte la plus abondante de pommes-de-terre épuise moins le vieil humus que les céréales, et sur une fumure fraîche les élémens de fertilité et l’ancienne force ne sont pas assimilés en aussi grande proportion qu’après une récolte de céréales. La déperdition de matière organique pour le même poids de pommes-de-terre est d’autant plus grande que les tubercules contiennent plus de substance féculente, et d’autant moindre que les parties constituantes de la récolte sont plus aqueuses.»

Plus on donne de soin à la culture des pommes-de-terre, moins le sol est argileux et compacte, moins la production des tubercules nuit au sol. Une culture négligée qui favorise la multiplication des plantes parasites et resserre le sol, n’empêche pas seulement le développement des organes foliacés des pommes-de-terre, et par suite paralyse l’action de l’humidité atmosphérique, ce qui force les plantes à tirer leur nourriture dans le sol même, mais elle agit encore mécaniquement d’une manière plus ou moins défavorable à l’état d’ameublissement et de pulvérisation du sol. Plus la récolte est considérable, plus cet état se trouve dans les conditions convenables ; plus le produit est mince, moins le sol est bien préparé mécaniquement.

L’action mécanique que les pommes-de-terre exercent sur le sol a également les résultats les plus avantageux au succès des récoltes ultérieures. Les tubercules, en grossissant, soulèvent la terre intérieurement, en écartent les molécules ; leur extraction ne peut avoir lieu sans remuer le sol a une grande profondeur ; les façons qu’on leur prodigue ameublissent la surface et détruisent les mauvaises herbes ; le feuillage abondant qu’elles produisent couvre le sol et empêche l’évaporation. Tout, ici, concourt à faire de cette plante une excellente préparation pour la plupart des autres végétaux, surtout si les circonstances ont permis de faire la récolte de bonne heure. Il ne faut pas oublier cependant que si cette dernière opération avait été exécutée à une époque très-avancée, les ensemencemens d’automne que l’on confierait ensuite à la terre se ressentiraient d’un vice de culture qu’on ne doit point rejeter sur la plante elle-même, mais sur l’imprévoyance des cultivateurs. La récolte étant une opération assez longue, il arrive que lorsqu’on cultive beaucoup de pommes-de-terre, on fait sagement de ne point leur faire succéder des fromens d’hiver ou du seigle, mais des plantes qui se sèment au printemps, comme du froment de mars, de l’orge, de l’avoine. C’est la pratique des meilleurs cultivateurs en France, en Allemagne et en Angleterre.

Dans le second de ces pays, les cultivateurs qui n’ont pu renoncer entièrement à l’assolement triennal, l’ont modifié de manière à suivre le cours suivant, dont on reconnaît tous les jours les avantages : 1re année : pommes-de-terre fumées, en place de la jachère ; 2e : orge avec trèfle, dans la sole de grains d’hiver ; 3e : trèfle, dans la sole de grains d’été ; 4e : trèfle en place de la jachère (1 coupe) ; 5e : froment d’hiver ; 6e : avoine.

L’ensemencement en céréales que suit une récolte de pommes-de-terre n’exige pas ordinairement de labour. On sème sur la terre après un coup d’extirpateur, et on enfouit à la herse ; quelquefois même on ne donne aucune préparation, mais alors la semence de céréales s’enfouit au moyen de l’extirpateur. Quelle supériorité n’a point un tel procédé sur une jachère, qui exige beaucoup de labours et ne produit rien !

Les pommes-de-terre réussissent très-bien après une récolte de printemps consommée de bonne heure. Ainsi, après des vesces, du trèfle incarnat, du colza pour fourrage, cette plante a souvent donné de plus beaux produits que si l’on n’eût rien demandé préalablement à la terre

Il est même des pays où l’hiver arrive assez tard pour permettre un ensemencement de pommes-de-terre après une récolte parvenue à maturité. Cela a lieu surtout après le colza, le lin, la navette. Il ne faut pas croire que cette facilité soit un privilège exclusif des climats méridionaux. Ce procédé est usité, non seulement dans quelques parties du territoire français, mais encore en Hollande et en Belgique.

L’écobuage rend soluble une telle proportion d’élémens de fécondité, que les céréales y poussent en paille, mais donnent peu de grains. C’est donc la pomme-de-terre qu’il faut préférer dans cette dernière circonstance. On ne doit pas surtout perdre de vue cette considération lorsqu’on livre à la culture des terrains tourbeux qu’on a écobués ou chaulés. C’est par les pommes-de-terre que doivent toujours commencer les nouvelles rotations.

La pomme-de-terre n’est point, comme l’ont avancé quelques botanistes cultivateurs, antipathique avec elle-même. Dans la plaine que baigne la Moselle depuis Epinal jusqu’à Metz, on suit de temps immémorial l’assolement biennal : 1° pommes-de-terre, 2° seigle. On trouve même, dans quelques parties, des terres qui reçoivent tous les ans un ensemencement en pommes-de-terre, sans qu’on aperçoive aucune diminution dans le produit. Schwertz rapporte des faits très-concluans. « Il résulte, dit-il, des observations qui m’ont été communiquées en Alsace, que la pomme-de-terre ne se repousse pas, lorsqu’elle est cultivée sur un terrain convenable. On m’a montré un champ qui en avait toujours porté de deux ans l’un. Ailleurs on en met 4 ou 6 ans consécutifs sur le même sol, sans que l’on aperçoive aucune diminution dans le produit. On cite des champs qui ont produit 6 récoltes successives de pommes-de-terre avec une seule fumure, et cette série de récoltes fut suivie par un ensemencement en orge dont le produit fut très-considérable. Dans un autre endroit, je vis un champ qui, dans l’espace de vingt ans, avait donné une fois de l’orge et 19 fois des pommes-de-terre. On cite, dans le Würtemberg, un propriétaire qui, 32 années de suite, avait cultivé les pommes-de-terre sur le même champ, en fumant tous les ans. Mais à la fin les tubercules n’étaient pas plus gros qu’une noix. »


Cette propriété de la pomme-de-terre de revenir plusieurs fois sur le même terrain sans diminution dans le produit, simplifie beaucoup sa culture, parce que la terre est dans un ameublissement continuel, et que les frais d’entretien sont considérablement diminués. Les mauvaises herbes disparaissent totalement après deux ou trois années. Aujourd’hui que la féculation des produits de cette plante est une branche importante de l’industrie agricole, il était nécessaire de faire connaître les avantages et la latitude que les cultivateurs peuvent avoir sous ce rapport.

§ V. — De la fumure.

On pourrait sans doute cultiver la pomme-de-terre sans fumier dans un sol amélioré de longue main, mais ce ne peut être que dans quelques cas exceptionnels ; et l’épargne qu’on aurait cru faire amènerait inévitablement l’épuisement total du sol, et la non-réussite des autres récoltes. La vieille force est un trésor dont on ne doit user que modérément. On se plaint généralement que les morelles contractent une odeur désagréable si on leur applique un engrais de fumier frais ou de gadoue, quoique cette dernière substance soit fréquemment employée en Flandre. Dans les terres un peu compactes, on se trouve bien de l’usage du fumier pailleux. Je pourrais même ici invoquer des expériences qui prouvent que, dans les sols de cette nature, de la paille seule et des chaumes enfouis au dernier labour ont donné des récoltes extraordinaires. Mais, en général, on doit être circonspect dans l’emploi de ces fumures exceptionnelles qui conviennent peu à d’autres récoltes. Somme toute, le fumier décomposé sera appliqué aux terres chaudes et légères ; le fumier long sera réservé pour les sols argileux et froids.

Pour donner une idée de l’influence que la nature et la quotité de la fumure exercent sur le produit de la pomme-de-terre, je crois utile de citer les essais qui ont été entrepris sur cette matière et publiés par les meilleurs agronomes du continent et de l’Angleterre. La disposition par tableaux me dispensera de toute observation de détail, en même temps qu’elle fera ressortir les résultats avec plus d’évidence.

Tableau des quantités en prix comparés de divers engrais employés pour la fumure des pommes-de-terre pour un égal produit, environ 300 hectol. de tubercules.
Numéro. Nature de l’engrais. Quantité
par hectare.
Volume
par hectolitre.
Poids en kilos. Prix.
1
Noir animalisé 
1 mèt. 1/2. 15 1,500 à 5 f. » 75 fr.
2
Résidus des raffineries 
2 mèt. cubes. 20 2,000 à 5 » 100
3 Chair musculaire en poudre. 6 sacs. 8 600 à 17 » 102
4
Sang sec en poudre 
6 1/2. 8 2/3 650 à 17 » 110 50 c.
5
Râpures d’os 
15 sacs. 20 1,200 à 15 » 180
6
Chiffons, laine et soie 
20 balles. 30 2.000 à 8 » 160
7
Fumier de cheval 
45 voies. 900 54,000 à 0 , 41 216

D’autres expériences faites en Allemagne sur un sol léger, mais un peu humide, ont donné des produits qui font clairement apercevoir les avantages des diverses fumures.

Si l’on appelle 100 le produit d’un hectare non fumé, ce produit se portera à :

119, si l’on fume avec du fumier frais de cheval, à raison de 75 mille kil. par hectare ;

162, si l’on fume avec du fumier décomposé de cheval, à raison de 75 mille kil. par hectare ;

190, si l’on fume avec du fumier frais de bœuf, à raison de 75 mille kil. par hectare ;

185, si l’on fume avec du fumier décomposé de bœuf, à raison de 75 mille kil, par hectare ;

148, si l’on fume avec du compost (2/3 fumier, 1/3 gazon), à raison de 75 mille kil. par hect. ;

225, si l’on fume avec de l’urine ou du purin, à raison de 75 mille kil. par hect. ;

123, si l’on fume avec du plâtre, à raison de 75 mille kil. par hect. ;

Une chose à remarquer dans ces calculs, c’est l’effet prodigieux du purin, qui fait plus que doubler le produit de la récolte.

Quant à l’application même de la fumure, il n’y a pas de règle constante. Les uns conduisent les engrais à l’hiver, d’autres pendant l’automne, enfin le plus grand nombre fument immédiatement avant la plantation. La question ne doit pas être résolue seulement par les usages locaux ; elle est plutôt subordonnée à la nature de l’engrais et à la composition du sol. Dans un sol sec et très-léger, on se trouvera bien de conduire et de répandre le fumier pendant l’hiver. La couche d’engrais empêche les vents desséchans du printemps de hâter l’évaporation de l’humidité, que ces terres retiennent faiblement, et qui est pourtant si nécessaire au succès de la plantation.

Quand le sol est argileux, on agira d’une manière plus rationnelle si, pendant l’hiver, on enfouit le fumier. La terre se trouve ainsi allégée, ameublie, et les façons ultérieures s’exécutent avec plus de perfection. Lorsque l’on enterre le fumier, il ne faut pas le faire à une trop grande profondeur, afin que les plantes immédiatement en contact avec les détritus organiques s’en assimilent facilement une grande partie.

L’enfouissement du fumier en même temps qu’on plante les tubercules, est le plus communément en usage. Cette méthode est excellente lorsque les produits sont destinés à la consommation des animaux ou à la distillation ; mais lorsque les pommes-de-terre doivent être livrées à la consommation de l’homme, elles contractent par ce moyen une saveur désagréable. Le fumier se place de trois manières. On en met dans chaque raie ouverte par la charrue, ou bien seulement dans le sillon qui reçoit les tubercules. Quelquefois même on n’étend le fumier que sur la surface même où l’on déposera la pomme-de-terre de semence. Ces deux dernières méthodes sont préférables toutes les fois que, dans une rotation, la pomme-de-terre est regardée comme produit principal, et dans les circonstances où l’on éprouve une pénurie d’engrais. La première mérite la préférence lorsqu’on regarde la pomme-de-terre comme récolte préparatoire des céréales, et lorsqu’on dispose d’une grande masse de fumier. Lorsqu’on enterre le fumier en même temps qu’on plante, on ne doit pas perdre de vue deux considérations qu’on est trop disposé à négliger. Dans les sols humides, les tubercules de pommes-de-terre seront placés sur le fumier même, afin que celui-ci attire l’humidité contenue dans la couche qui couvre les racines, et en rende ainsi la surface plus sèche et plus facile à travailler. Dans les sols légers, au contraire, qui souffrent par excès de sécheresse, on place les tubercules d’abord et le fumier ensuite, afin que ce dernier, qui attire puissamment l’humidité et contracte avec elle une grande adhérence, tienne les racines toujours fraîches. C’est surtout dans les terres très-calcaires que cette dernière méthode a de bons résultats.

Quelques cultivateurs vantent beaucoup la fumure en couverture. L’engrais, disent-ils, exerce son action, non seulement sur les pommes-de-terre, mais encore sur les autres plantes de la rotation. On l’emploie surtout dans les sols très-secs ; le fumier se conduit lorsque les premières pousses sortent de terre, et après le hersage qu’on leur donne à cette époque. La fumure superficielle a surtout cet avantage qu’on peut planter les pommes-de-terre quand même on n’aurait pas pour le moment de fumier à sa disposition.

Dans les contrées où l’on peut se procurer facilement et à bon compte des chiffons de laine, on ne saurait les employer plus utilement qu’à la récolte des pommes-de-terre. On entoure d’un lambeau chaque tubercule au moment de la plantation. C’est un engrais très-puissant.

§ VI. — Préparations du sol.

La nature et la forme des produits de la pomme-de-terre exigent un sol meuble. Que cet ameublissement provienne de la composition même de la terre ou des préparations qu’on lui fait subir, toujours est-il indispensable. Le nombre de labours requis pour arriver à ce résultat ne peut être déterminé d’une manière absolue. On en donne communément 3. Dans les sols bien préparés par les cultures antérieures, on peut n’en donner que 2, tandis que dans ceux qui sont tenaces ou infestés d’herbes parasites, 4 peuvent à peine suffire. Les Flamands, dit Schwertz, ne se contentent pas d’un labour profond dans les sols pesans ; ils en donnent deux : plus tôt le premier est exécuté, mieux cela vaut. Dans le Brabant, où en général les charrues ne sont attelées que de deux chevaux, elles le sont alors de quatre, et pénètrent à une profondeur de 15 à 16 pouces dans les terres sablonneuses. Mais jamais on n’enfouit le fumier à une aussi grande profondeur.

Dans l’hypothèse où l’on donne trois labours, le premier s’exécute avant l’hiver et à une grande profondeur (8 à 9 pouces au moins) ; le second, un peu moins profond, lorsque les vents desséchans du printemps permettent de le faire ; enfin le troisième, au moment de la plantation. Ce dernier couvre les tubercules de semence et enterre les engrais. A ceux qui douteraient de l’efficacité de labours aussi profonds, nous pourrions citer les expériences de M. de Voght. Ce célèbre cultivateur, à la suite de ses essais, a été amené à conclure que si le produit d’un terrain labouré à 10 pouces est représenté par 100, celui du même terrain labouré à 15 pouces le sera par 131.

Quant à la profondeur du dernier labour, on se tromperait étrangement si l’on pensait qu’elle doit être égale à celle du premier ou du second. Suivant le même expérimentateur, des pommes-de-terre plantées à deux pouces rapportèrent 27 p. 100 de plus que celles qui l’avaient été à 6. Néanmoins, comme un labour de deux pouces s’exécute difficilement avec une certaine perfection, surtout lorsque l’on enfouit simultanément le fumier ; comme, d’un autre côté, une profondeur de deux pouces ne soustrairait pas les racines à l’influence nuisible de la sécheresse dans nos climats, on croit généralement que le dernier labour ne doit pas dépasser quatre pouces ni rester en-deçà.

§ VII. — Plantation des tubercules.

I. Avec des instrumens à main. Ce mode n’est usité que dans la petite culture. Il s’exécute soit avec la houe, soit avec la bêche. Ce dernier instrument est toujours le plus convenable. Lorsque la surface du sol a été bien ameublie par les labours, les hersages et les plombages, un ouvrier ouvre, sur une largeur déterminée de la pièce, une rangée de trous. Un enfant tenant un panier rempli de tubercules en dépose un dans chaque trou. Cela fait, l’ouvrier, faisant un pas en arrière, ouvre une seconde série de trous parallèle à la première. La terre extraite de cette seconde rangée sert à couvrir les tubercules de la première. Faisant encore un pas en arrière, il ouvre une troisième rangée de trous, et la terre qui en sort sert immédiatement à combler les trous de la seconde série. Ce procédé est bien préférable à celui qui consiste à ouvrir d’abord des trous sur toute la surface du terrain, à déposer ensuite dans chacun d’eux la pomme-de-terre de semence, puis enfin à les combler.

La plantation avec des instrumens à main donne beaucoup de facilité pour placer les pommes-de-terre à une distance et une profondeur déterminées. C’est la seule employée dans les jardins et les marais. Lorsqu’on veut obtenir des primeurs, on plante également à la main. On aura laissé auparavant les tubercules dans un lieu éclairé et à l’abri du froid ; aussitôt que les yeux se tuméfient et annoncent un commencement de végétation, on plante dans un champ abrité. Au lieu de recouvrir totalement les trous à mesure qu’on ouvre la seconde rangée, on ne les recouvre que partiellement, en dirigeant avec la bêche la plus grande partie de la terre vers le nord.

De cette manière, les vents froids, les gelées qui peuvent survenir à une époque rapprochée de l’hiver, n’ont aucune prise sur la plante qui pousse ses jeunes feuilles dans la cavité, et qui est d’ailleurs abritée par le monticule qu’on a formé. Un peu d’exercice a bientôt appris à l’ouvrier le plus inexpérimenté à saisir le coup de main nécessaire pour couvrir à la fois le tubercule et former le monticule.

II. Avec les instrumens aratoires. — Pour la plantation des morelles avec des instrumens conduits par les animaux, on se sert de la charrue ou du binot comme en Saxe. C’est donc à la fois une opération préparatoire et une opération de semaille. La plantation des pommes-de-terre ne s’exécute nulle part avec plus d’ordre, de méthode et de célérité qu’à Roville : c’est donc là que nous chercherons nos modèles.

« Dans le mois d’avril, dit M. de Dombasle, on herse le premier labour, et on donne le second un peu moins profond que le premier ; afin de pouvoir conduire le fumier avec facilité et sans endommager le sol, on ne laboure qu’environ les deux tiers des billons ; on herse la partie labourée ; on ouvre, avec la charrue à deux versoirs, les sillons d’écoulement qui séparent les billons, et on laisse la terre en cet état pour la conduite du fumier. Comme les billons ont environ 25 pieds de largeur, et comme ce labour s’exécute en les fendant, il reste au milieu de chaque billon un espace suffisant pour la circulation des voitures On place une roue dans le dernier sillon ouvert, et l’autre sur la terre qui n’est pas labourée, et l’on décharge le fumier sur la terre labourée. Aussitôt que cette opération est faite, on achève le labour, on herse cette dernière partie, et l’on étend le fumier sur toute la surface du billon. Le fumier reste ainsi étendu jusqu’au moment de la plantation, qui commence dans les premiers jours de mai. Le fumier se trouvant ainsi étendu sur la surface d’une terre nouvellement labourée et déjà meuble, celle-ci profite de tous les sucs qui pourraient s’en écouler par l’effet des pluies. Quant à l’évaporation des principes fertilisans de ce fumier, l’expérience démontre qu’on ne doit nullement craindre cet inconvénient. »

« Au moment de la plantation, le labour se donne en adossant ; chaque charrue prend deux billons, et elle travaille alternativement dans l’un pendant que les planteuses fonctionnent dans l’autre ; de cette manière, une femme suffit pour planter derrière chaque charrue. On plante chaque troisième raie, ce qui établit une distance de 27 pouces entre les lignes. Le labour se donne à 5 pouces de profondeur, et l’on place les tubercules non pas dans la raie ouverte, où ils seraient dérangés par les pieds des animaux, mais en les enfonçant à la main dans la terre meuble au pied de la bande de terre retournée. On doit exiger que les planteuses fichent une petite baguette ou branche d’arbre aux deux extrémités de chaque sillon planté ensuite. »

M. de Dombasle fait mettre ordinairement les tubercules à un pied de distance dans la ligne, mais je ne suis pas bien assuré que cet éloignement ne soit pas trop peu considérable. Relativement à cette dernière circonstance, on a trouvé, par des expériences qui paraissent exactes, que, si l’on représente par 100 le produit de 1 hectare de pommes-de-terre à 6 po. dans la raie, les rangées étant espacées de 22 pouces, le produit de l’hectare dont les tubercules auront été éloignés de 12 pouces dans la ligne sera 64 ; s’ils ont été éloignés de 18 pouces, le produit ne sera que de 57, pour tomber à 48 si la distance était portée à 24 pouces. M. de Lasteyrie a cité dernièrement, à la Société centrale d’agriculture, un cultivateur anglais qui a obtenu une immense récolte en plantant ses pommes-de-terre à 6 pouces dans des lignes très-espacées, et exactement dirigées du nord au sud. Cela est conforme avec l’opinion émise par Knight, que l’on obtiendrait un produit au moins égal en espaçant davantage les lignes et en rapprochant les tubercules dans la ligne. Cette méthode aurait l’avantage de permettre de cultiver facilement l’espace qui se trouve entre chaque rangée.

Les diverses méthodes que nous venons de décrire sont celles qui sont le plus généralement usitées ; elles permettent de cultiver les pommes-de-terre entre les rangées ; mais les plantes ainsi disposées ne peuvent admettre la culture dans les lignes, même au moyen des instrumens aratoires, en sorte qu’il est toujours indispensable que la main de l’homme en vienne compléter les façons. Le procédé que nous allons décrire, employé dans quelques contrées où les ouvriers sont rares et le taux des journées à un prix élevé, permet de supprimer toute main-d’œuvre complémentaire. On enterre le fumier par le second labour. Lorsqu’on veut opérer la plantation, on herse le champ et on fait passer sur toute la superficie, dans le sens de la largeur, un marqueur ou rayonneur dont les pieds sont à une distance de 20 pouces. Ensuite on laboure la pièce comme pour la plantation ordinaire. Dans chaque troisième raie ouverte par la charrue, les planteuses déposent un tubercule au point d’intersection des lignes du labour avec celles du rayonneur. Les plantes se trouvant ainsi parfaitement disposées en quinconce, le butoir et la houe à cheval peuvent fonctionner dans les deux sens.

§ VIII. — Des divers autres moyens de propagation.

A la question de plantation se rattache celle des divers autres moyens de multiplication, dont nous allons dire quelques mots.

I. Par drageons. — Dans une terre qui aura reçu les préparations convenables et une fumure suffisante, on plante des pommes-de-terre à la manière ordinaire. Après 6 ou 7 semaines, on arrache de chaque souche avec précaution toutes les pousses qui sortent de terre, excepté une qu’on laisse. On aura auparavant préparé une terre pour recevoir ces drageons ou éclats ; on les transplante à la manière des colzas, c’est-à-dire que dans chaque 3e sillon ouvert par la charrue on en dépose une rangée que recouvre le sillon suivant. Ce moyen de propagation ne doit être tenté que sur de petites superficies, et pour des variétés qu’on a intérêt à multiplier promptement.

II. Par tubercules de rejet. — M. Jebens a publié, en 1828, à Altona, un nouveau procédé de multiplication pour la variété de parmentière connue sous le nom de pomme-de-terre anglaise ou de Gibraltar. Lorsque après la récolte, les tubercules ont été amoncelés dans un lieu à l’abri du froid, ils ne tardent pas à produire de petits tubercules dont la formation a valu à cette variété le surnom de couveuse, dénomination qui la caractérise dans certaines contrées. Quoique ces tubercules adventices soient mous et aqueux, on a reconnu qu’ils peuvent être employés à la reproduction de l’espèce ; souvent même ils ont donné un produit plus considérable que les tubercules fournis par la récolte précédente. On pourrait avec beaucoup d’avantage utiliser ce moyen de reproduction pour toutes les variétés qui présenteraient la même particularité.

III. Par le moyen des pelures. — On dépouille les tubercules d’une épaisseur suffisante de leur enveloppe ; on divise ces pelures en plusieurs morceaux ayant chacun un œil, et on plante à la manière ordinaire. Cette méthode a donné quelquefois de bons résultats dans les années de disette, mais toutes les fois qu’on n’y est pas forcé par la nécessité, on devra recourir à une méthode plus assurée de multiplication.

IV. Au moyen d’yeux séparés des tubercules. — On a longtemps préconisé ce moyen comme le plus économique. Il est encore aujourd’hui généralement pratiqué dans les environs de Freyberg (Saxe). Il est certain qu’un œil portant une bonne épaisseur de pulpe, placé dans un terrain riche, humide et très-bien préparé, donne des produits satisfaisans. Cette méthode entraîne avec elle plusieurs inconvéniens qui peuvent être écartés lorsqu’on opère en petit, mais que doit forcément subir celui qui plante de grandes étendues de terrain. Ainsi l’amputation des yeux est longue et très-coûteuse ; si on les plante dans un sol et par un temps qui ne soient pas humides, ils se dessèchent et se racornissent : il faut les planter deux fois plus épais, ce qui ne permet plus un espacement suffisant pour la manœuvre de la houe et du butoir à cheval.

V. Au moyen de fragmens de tubercules. — Au moment de la plantation, on coupe les gros et moyens tubercules en fragmens de diverses dimensions, en ayant soin que chaque morceau soit muni de deux yeux au moins. À volume égal, on remarque peu de différence entre des tubercules entiers et des fragmens de gros tubercules, si on les plante dans un terrain sec. Mais si on les met dans un terrain humide, les morceaux de pommes-de-terre ont plus de disposition à pourrir. Cependant, lorsque les pommes-de-terre atteignent un haut prix, ce qui arrive communément au printemps, on pourra user avec avantage de ce moyen.

VI. Par la plantation de tubercules entiers. — C’est incontestablement le moyen le plus sur et souvent le plus économique, pourvu que l’on n’emploie que des tubercules de moyenne grosseur. Trop gros, ils pousseraient un grand nombre de petites tiges qui s’affament réciproquement ; trop petits, les tubercules ne contiennent pas assez de substance amilacée pour nourrir les jeunes bourgeons. Les pousses tendres et délicates, obligées de passer subitement de la nourriture succulente fournie par le tubercule à celle qui se trouve dans les engrais, mais qui n’est point préparée, languissent quelque temps, et il est bien rare que cette circonstance n’exerce pas une influence désavantageuse sur la vigueur de la plante adulte.

VII. Par provignage. — C’est un procédé, fort connu des horticulteurs, pour multiplier promptement des espèces rares ou rebelles à tout autre mode de reproduction. Il ne peut être conseillé pour la culture économique des pommes-de-terre, et ne doit être utilisé que pour les variétés nouvelles dont on ne possède qu’une petite quantité.

VIII. Par semis. — Aussitôt que les baies sont mûres, on les écrase, on les délaie dans l’eau pour enlever le mucilage qui adhère aux petites semences. Au printemps, on sème sur un carré bien préparé ; et aussitôt que les jeunes plants ont atteint la hauteur de 3 à 4 pouces, on les transplante. Les petits tubercules qu’on récolte à l’automne sont mis dans un lieu à l’abri de la gelée, pour être au printemps plantés à la manière ordinaire. Ce mode de propagation n’est usité que dans la vue de multiplier les variétés et d’en obtenir de nouvelles ; il a l’inconvénient de ne pas procurer dans la même année des produits aussi abondans que les autres modes. D’un autre côté, il permet de multiplier au loin cette plante précieuse : c’est ainsi qu’il a été fait, dans ce but, des envois de graines dans la Grèce, il y a plusieurs années. M. Sageret est l’agronome qui s’est occupé avec le plus de succès des semis de pommes-de-terre, et les résultats obtenus par lui ont été très-satisfaisans.

[17 : 1 : 9]
§ ix. — Des façons d’entretien.

Culture irlandaise. — Avant de passer à ce sujet, nous croyons utile de décrire la culture irlandaise des pommes-de-terre. Voici ce qu’en dit M. Huzard fils, qui l’a étudiée sur les lieux : « L’Irlande est le pays aux pommes-de-terre ; aussi y ai-je vu la culture de cette plante plus commune que partout ailleurs. Elle est singulière, et, malgré la grande perte de terrain qu’elle parait occasioner, elle donne autant de produits et souvent bien davantage que les autres méthodes : elle est la même dans la culture en grand et dans la culture en petit. On défonce grossièrement le sol avec une charrue, une pioche, une bêche, suivant les moyens du cultivateur, ensuite on le divise par planches de 5 à 6 pieds de largeur, entre lesquelles on laisse un espace de 2 pieds à 2 pi. ½ de large, de manière que le champ présente successivement un espace de 2 pieds et un espace de 5 pieds ; ou un espace de 2 pieds ½ et de 6 pieds : on brise alors les mottes de terre sur les grands espaces, et quand il s’y trouve quelque inégalité, on prend pour les remplir la terre du petit espace ; de manière que le champ commence à présenter des planches larges de 5 ou 6 pieds, entrecoupés de fossés de 2 pieds et plus de largeur.

» On porte alors le fumier sur les planches, on l’y étend ; on place les pommes-de-terre entières ou coupées dessus le fumier, et ensuite on les couvre d’une couche de terre de deux pouces environ d’épaisseur que l’on prend dans le fossé. On sème ou on plante ainsi successivement toutes les planches. Quelques agriculteurs placent les pommes-de-terre à des distances égales et assez régulièrement ; mais j’ai vu des champs où les pommes-de-terre paraissaient avoir été jetées à peu près au hasard. Dans cette opération, les planches larges s’élèvent au moins de deux pouces, tandis que les fossés qui fournissent la terre et qui sont de moitié moins larges, s’abaissent au moins de 4. Les fossés se trouvent donc déjà de 6 à 7 pouces de profondeur. Il n’est pas besoin de dire que cette opération se fait à la main et à la bêche. La première façon que l’on donne aux pommes-de-terre après leur levée, est un sarclage avec le sarcloir à main. La seconde est un sarclage et butage en même temps, et c’est encore la terre du fossé qui sert à couvrir les jeunes plants d’une couche de terre épaisse d’un pouce et demi à deux pouces. Cette opération creuse donc encore les fossés et augmente la hauteur des planches. La troisième est la même opération, pratiquée encore de la même manière à une époque plus avancée de la croissance : le champ présente alors des planches larges de 5 à 6 pieds, séparées par des fossés larges de 2 à 2 ½ pieds, et profonds de 18 pouces ; j’en ai mesuré de 2 pieds en profondeur. Les hommes qui donnent ces trois opérations ne marchent point sur les planches ; ils marchent dans les fossés, et avec une bêche ils coupent d’abord toutes les plantes inutiles, et ensuite recouvrent de terre la surface de la planche, en prenant garde de couvrir les plantes qui ne sont pas encore assez hautes.

» Malgré cette perte énorme de terrain, les récoltes que l’on a par cette culture sont en général plus abondantes que celles obtenues de toute autre manière ; et plusieurs cultivateurs irlandais instruits, qui ont tenté la culture en rayons, sont revenus à cette culture, qu’on appelle par lits ou par couches.

» L’avantage de cette manière de cultiver la pomme-de-terre dans les terrains humides n’est pas douteux ; j’ai vu beaucoup de terrains à tourbes nourrir, par cette méthode, d’abord leurs malheureux ouvriers, ensuite des cochons et des vaches, et enfin rendre ces terrains propres à quelques maigres récoltes d’avoine, et même de blé dans les parties les moins mauvaises.

» Les fossés qui se trouvent entre les planches ne sont pas comblés entièrement pour les récoltes qui suivent celles des pommes-de-terre ; on les comble en partie seulement en arrachant les tubercules, et, dans la préparation de la terre pour la céréale qui suit, on la laisse en dos d’âne. Le fond des sillons où il ne vient jamais une grande quantité de plantes, sert à fournir un passage aux ouvriers qui sarclent les blés à deux époques différentes de leur croissance, avec un petit sarcloir à main. Quand, après une certaine rotation de récoltes, le tour des pommes-de-terre revient, quelques cultivateurs placent le milieu des nouvelles planches où étaient les anciens fossés. »

Cultures d’entretien. — Ce qui a été dit dans les diverses sections du chap. viii du sarclage et du binage en général nous dispense de nous étendre longuement ici. Trois considérations doivent dominer la pensée de celui qui cultive les pommes-de-terre : détruire les mauvaises herbes, ameublir la terre, multiplier les tubercules.

Si l’on fume en couverture ou avec des engrais liquides, on doit le faire avant que les premières pousses paraissent. Immédiatement après le purinage, on roule, afin d’empêcher l’évaporation de l’eau.

Aussitôt que quelques germes viennent dessiner les rangées de plantes, on donne un hersage énergique pour détruire les mauvaises herbes, entretenir l’ameublissement du sol, écarter les bourgeons qui croissent par touffes, et les forcer de chercher leur nourriture en des points différens. Alors est ouverte, pour le cultivateur, la série des travaux dont il doit être prodigue.

Dès que les lignes de verdure formées par les tiges dessinent les intervalles, on doit passer la houe ; on commence les binages que l’on répète aussi souvent que le demandent la terre ou les plantes. Ordinairement, deux butages suffisent. Ils deviendraient inutiles du moment où les plantes seraient assez vigoureuses pour couvrir le terrain de leur ombrage.

[17 : 1 : 10]
§ x. — Maladies, animaux nuisibles, soustraction des fleurs et des feuilles.

Je dois dire un mot des maladies qui attaquent la morelle. On n’en connaît que deux principales : la rouille et la frisolée.

Dans la rouille, les feuilles se couvrent de macules roussâtres qui sont d’abord presque imperceptibles, mais qui finissent par couvrir toutes les parties foliacées. La transpiration qui a lieu par les feuilles est arrétée, les tiges deviennent maigres et souffrantes, se consument et se dessèchent. Les tubercules présentent à l’intérieur des rognons noirs qui ressemblent à des ulcères, sont plus durs et plus fibreux que le reste du parenchyme. Quelquefois cette maladie est de peu de durée, et disparaît après une pluie douce. Mais si l’affection gagne du terrain, il n’y a pas d’autre moyen d’en arrêter la marche que de couper toutes les tiges avant l’apparition des organes floraux. Une pousse plus vigoureuse s’ensuit bientôt ; et plusieurs récoltes traitées de cette manière n’ont présenté que peu de diminution dans le produit. On ignore encore la cause de cette maladie, qui, du reste, ne se montre pas souvent. (Allegemanei Encyclopœdia.)

Quoique la frisolée ait fait invasion dans quelques départemens de la France, notamment dans les environs de Metz, on la rencontre cependant plus souvent en Allemagne. « Les plantes qui en sont attaquées, dit Putch dans sa Monographie des pommes-de-terre, paraissent souffrantes à l’extérieur. Les tiges sont lisses, d’une couleur brune tirant sur le vert, quelquefois bigarrées, souillées — de taches couleur de rouille, qui pénètrent jusqu’à la moelle, en sorte que celle-ci n’est point blanche, mais roussâtre, et virant au noir. Le limbe des feuilles n’est point plane comme chez les individus en santé, mais rude, sec, ridé et crépu. Elles ne s’étalent pas au loin à l’entour des tiges, mais s’en rapprochent plus que de coutume, et leur développement n’est pas en rapport avec la longueur de leur pétiole. Il en résulte que la plante pâtit, se ride, jaunit prématurément à l’automne, et meurt au moment même où la végétation devrait être vigoureuse. Le petit nombre de tubercules que produisent ces plantes, mortes avant le temps, ont une saveur désagréable, parce qu’ils ne sont point mûrs, et sont impropres à l’alimentation de l’homme, parce qu’après avoir été mangés, ils laissent dans la gorge une substance acre qui en lèse les parois, propriété commune à beaucoup de végétaux récoltés avant maturité. Plusieurs faits prouvent que certaines espèces de pommes-de-terre sont plus exposées que d’autres à la frisolée ; cette maladie fait moins de ravages sur les montagnes que dans les plaines et dans les bas-fonds. Elle est héréditaire, et ce n’est que par une bonne culture que l’influence en est paralysée à la 4e ou 5e génération. Le seul remède connu, c’est de renouveler l’espèce par des semis ou des importations de variétés nouvelles.

Les tubercules sont aussi sujets à quelques maladies, notamment à une espèce d’ulcère qui attaque leur surface, et qui n’est pas encore bien connu ; on l’attribue aux principes ammoniacaux ou alcalins des fumiers, et on ne peut y remédier qu’en changeant la semence ou le terrain.

Effet de la soustraction des fleurs. — Il est hors de doute que la formation des fleurs et des fruits ne s’opère qu’au détriment des substances élaborées par la plante ; mais l’augmentation de produit obtenue par ce moyen est tellement insignifiante, qu’elle ne peut entrer en comparaison avec les frais qu’exige un pareil travail. Cette méthode peut amuser l’amateur et l’horticulteur ; mais, quoi qu’on en ait dit dans ces derniers temps, elle ne mérite pas d’être prise sérieusement en considération par le cultivateur.

Soustraction des feuilles. — Si c’est par les racines que les plantes s’assimilent les élémens de fertilité que contient le sol, c’est par les feuilles qu’elles exploitent les couches atmosphériques à leur profit. Si on enlève à une plante le feuillage qui lui procurerait encore beaucoup d’alimens, il est hors de doute que le produit ne doive être diminué dans une proportion plus ou moins grande, et en rapport avec l’époque où s’opère la soustraction. C’est ce qui résulte évidemment de quelques expériences directes sur cet objet, que l’on doit à Mollerat.

Le fanage coupé immédiatement avant la floraison, on a eu en tubercules, par hectare, 4,300 kilog. ; le fanage coupé immédiatement après la floraison, le produit en tubercules a été de 16,330 kil. ; le fanage coupé un mois plus tard, le produit en tubercules a été de 30,700 kil. ; le fanage coupé un mois plus tard encore, le produit en tubercules a été de 41,700 kilog.

[17 : 1 : 11]
§ xi. — De la récolte.

L’époque de la récolte dépend de la variété cultivée et d’une foule de circonstances qu’il serait trop long d’énumérer. Des faits bien observés ont détruit l’opinion émise par plusieurs cultivateurs, que les tubercules récoltés avant maturité ont une influence malfaisante sur la santé des consommateurs. Mais des inconvéniens très-graves sont attachés aux récoltes prématurées. Si les produits ne nuisent point à la santé, ils flattent peu le goût ; la conservation est très-difficile et la production diminuée.

La maturité se reconnaît a la teinte jaune des tiges et des feuilles ; quand même cet indice n’avertirait pas que l’époque de la récolte est arrivée, on devrait néanmoins arracher les morelles si une gelée avait bruni les tiges.

La récolte se fait : 1o avec des instrumens à main ; 2o avec des instrumens conduits par des animaux. Le premier procédé est pratiqué généralement dans la petite culture, et même par la grande dans les contrées où les cultivateurs ne connaissent pas les charrues à arracher les plantes tuberculeuses. C’est le plus long, le plus coûteux, mais c’est aussi souvent le plus parfait, parce qu’il laisse moins de tubercules dans le sol. Pour rendre la besogne plus facile, il faut prendre les plantes un peu sur le vert, afin que les tubercules, encore fortement attachés aux racines, s’arrachent avec facilité. On se sert pour cela d’instrumens appropriés à la nature du terrain ; de la bêche dans les terres franches et un peu humides, du crochet dans les terres sèches et graveleuses, de la fourche dans les terrains pierreux.

La récolte à la charrue finira par triompher des répugnances qu’on a contre elle dans bien des provinces. Les inconvéniens qu’ont cru lui trouver des praticiens qui ne l’ont point essayée par eux-mêmes, ne sont qu’illusoires, et les bons esprits finiront par avouer que c’est grever leurs récoltes d’une dépense inutile que d’employer exclusivement les bras de l’homme pour l’extraction des pommes-de-terre. Lorsque les tiges ont éprouvé un commencement de dessiccation, ou, qu’étant vertes encore, on les a coupées ou fait pâturer, afin qu’elles n’entravent point l’instrument dans sa marche, on conduit le butoir dans le champ de pommes-de-terre, on place les deux chevaux de front, de sorte que l’ados où se trouvent les tiges soit précisément entre les deux animaux. On fait piquer l’instrument à une moyenne profondeur, et on lui imprime une direction telle que, dans son mouvement de progression, il fende toujours en deux parties égales la butte qui est devant lui, et que le double versoir éparpille de chaque côté la terre et les tubercules. On procède du reste comme il a été dit en traitant de la récolte des racines (page 303), à laquelle nous renvoyons.

Lorsque tous les tubercules sont ramassés et mis en tas sur le sol ou déposés immédiatement dans des chariots de transport, on donne un coup de herse pour découvrir les tubercules qui auraient été couverts de terre.

Un grand avantage de la récolte exécutée au moyen des animaux de travail, c’est que la terre se trouve labourée et préparée sans frais pour un ensemencement de céréales d’automne.

[17 : 1 : 12]
§ xii. — Conservation des pommes-de-terre; emploi des tubercules gelés.

Outre les moyens généraux de conservation que nous avons indiqués pour les racines alimentaires, il en est quelques-uns de particuliers pour les pommes-de-terre, parce que le haut prix qu’on peut en obtenir à certaines époques est plus que suffisant pour payer les frais de construction ou de manipulation nécessités par les procédés que nous allons décrire.

Dans une excavation creusée dans un sol sec et revêtu d’un mur de soutènement en briques, on place d’abord un lit de sable fin et parfaitement desséché, puis une couche de tubercules, une couche de sable et un lit de tubercules, en alternant ainsi jusqu’à ce qu’on soit arrivé au niveau du sol. On recouvre la dernière couche de paille et de terre. On a vu des pommes-de-terre ainsi traitées se conserver deux ans sans perdre leur propriété germinative ni leur saveur première.

Dans quelques contrées de l’Allemagne, les cultivateurs conservent leurs provisions de pommes-de-terre en plaçant les tubercules dans des tonneaux mis au milieu du tas de foin ou de paille. On défonce le tonneau à un bout, on le place droit ; et, après avoir mis une couche de foin dans la partie inférieure, on le remplit de pommes-de-terre et on entasse le foin à la manière ordinaire. Les pommes-de-terre se conservent longtemps par ce procédé, mais on se plaint qu’elles contractent une odeur de foin qui les fait rebuter par les hommes et par les animaux ; avant de les livrer à la consommation, on pourrait les exposer quelque temps à l’air.

Si, nonobstant les précautions que l’on aura prises contre la gelée, les pommes-de-terre en sont atteintes, tout n’est pas encore perdu. Avant qu’elles soient dégelées, on peut les faire tremper dans l’eau froide et les râper quelques heures après ; on en obtient autant de fécule que des tubercules ordinaires. Si on n’a point de râpe à sa disposition, on les fait dégeler dans une étuve ou dans tout autre endroit chaud : on les soumet ensuite à l’action d’une presse ; et lorsque les gâteaux, épuisés d’eau de végétation, ont été séchés, on les distribue au bétail : on peut même, sans inconvénient, les faire moudre, et en mélanger la farine avec celle de froment dans la proportion d’un quart à un cinquième.

M. Bertier, auquel on doit de curieuses observations sur les pommes-de-terre gelées, étend les tubercules attaqués sur un gazon ou sur des claies, dans un endroit exposé à un grand courant d’air ; lorsque l’eau de végétation est complètement évaporée, il fait moudre les tubercules, après les avoir grossièrement concassés, et en retire une farine excellente. Plusieurs mères de famille se sont servies de cette sorte de fécule pour faire à leurs jeunes nourrissons une bouillie plus facile à digérer que celle faite avec la farine de froment.

On prétend que les pommes-de-terre gelées n’ont pas perdu leur faculté germinative : il serait à désirer que de nouvelles expériences vinssent confirmer ce fait important.

Plusieurs personnes ont avancé qu’en transportant les pommes-de-terre, au printemps, dans un lieu sec et aéré, et en les remuant fréquemment à la pelle pour en détacher les germes, on peut les conserver jusqu’aux nouvelles.

[17 : 1 : 13]
§ xiii. — Des produits de la pomme-de-terre.

En général, les variétés précoces fournissent moins que les autres ; les terres sablonneuses produisent moins en volume et en poids que les terres plus compactes et plus humides ; mais, en revanche, elles procurent une plus grande proportion de substances alibiles. Schwertz, qui a recueilli beaucoup de documens sur les produits de la pomme-de-terre, dit que le plus haut produit qui soit venu à sa connaissance s’élevait à 477 hectol. par hectare ; et que le plus petit ne descendait pas au-dessous de 96. Le produit le plus considérable que Thaer ait obtenu était de 264 hectol., le produit moyen de 174. On cite des récoltes de 550 et même de plus de 600 hectol. par hectare.

Quant au poids, on suppose communément que 1 hectol. pèse 80 kilog. : les tubercules récoltés sur une terre humide pèsent moins, les espèces riches en fécule et produites par un terrain sec pèsent quelque chose de plus. En admettant comme probable un produit moyen de 220 hect., on récolterait en poids 17,600 kilog.

J’emprunte à Thaer un tableau représentant la somme de travail nécessaire à la culture d’un hectare de pommes-de-terre, et je donne à ce travail une valeur moyenne déduite de données prises sur divers points de la France.

En Automne.
Labour profond, à 35 ares par journée de charrue, conduite par des bœufs de rechange. 
journées Dépense en argent.
D’un cheval

à 2 fr.

D’un bœuf

à 1 fr. 50 c.

D’un homme

à 1 fr. 10 c.

D’une femme

à 75 c.

fr. c. fr. c. fr. c. fr. c. fr. c.
» » 5 50 2 60 » » 10 66
Au Printemps.
Herser légèrement 
1 » » » » 25 » » » 8
Charrier le fumier (1/3 pour les pommes-de-terre) 
4 20 » » 1 05 » » 9 55
Charger et épandre le fumier (2/3 pour les pommes-de-terre) 
» » » » 1 05 1 05 1 94
Enterrer le fumier à la charrue 
» » 3 12 1 56 » » 6 40
Herser 
1 56 » » » 39 » » 3 55
Labour pour planter et travail des planteuses 
» » 3 90 1 95 3 25 10 42
Un porteur et surveillant 
» » » » » 65 » » » 7
Herser légèrement 
1 » » » » 25 » » 2 2
Passer l’extirpateur ou un double hersage 
1 10 » » » 65 » » 2 9
En Été.
1re culture (petite houe à cheval) 
» 78 » » 1 56 » » 3 27
2e culture (grande houe à cheval) 
1 56 » » 1 56 » » 4 83
Arracher les mauvaises herbes 
» » » » » » 1 95 1 46
Arracher les tubercules 
» » » » 4 » 32 » 28 40
Transporter les tubercules 
5 20 » » 1 30 » » 11 83
Un aide pour serrer 
» » » » 1 30 » » 1 43
Totaux des Journées et de la Dépense. 16 40 12 22 20 12 38 25 101 92
Ainsi, en supposant un produit probable de 200 hect. à 2 fr., on réalisera une valeur de 
 400 f.
Si à la dépense en travail évaluée ci-
dessus à 
 102 f.
on ajoute, pour le fumier 
 80
— pour le loyer 
 60
— pour les frais généraux 
 50

on aura un déboursé total de 
 292
292

ce qui établira un bénéfice net de. . 108 f. sans y comprendre les fanes.

Il n’est peut-être pas inutile de transcrire ici les cotes des différentes espèces de pommes-de-terre sur la halle de Paris, prix moyens, parce que ces détails pourront guider les cultivateurs dans le choix des variétés qu’ils peuvent produire avec plus d’avantage.

1834 Hollande
nouvelle
l’hect.
Vitelotte
l’hect.
Jaunes
l’hect.
Grises
l’hect.
fr. c. fr. c. fr. c. fr. c.
Février 
5 » 5 » 3 50 4 »
Mars 
5 » 5 » 3 » 4 »
Juin 
» » 8 12 4 06 8 10
Juillet 
» » 8 » 4 » 8 »
Septembre 
4 » 4 » 2 50 3 50
De sept. à janv. 
3 50 4 27 2 75 3 64

Il résulte de ce tableau, qui résume assez bien les variations dans les prix, qu’il y a un grand avantage à cultiver des variétés qui conservent leurs qualités pendant un grand espace de temps, et qu’il est possible, dans bien des cas, d’obtenir un prix double en adoptant un procédé de conservation qui permette de reculer l’époque de la vente. Antoine, de Roville.

Section ii. — Des Raves., Navets, Turneps et Rutabagas.

Tout le monde sait qu’il est avantageux de cultiver successivement sur le même sol un grand nombre de plantes, parce que moins elles sont cultivées a des époques rapprochées, moins elles épuisent la terre et plus elles donnent de produits : sous ce rapport, l’introduction de la culture des navets est avantageuse ; elle l’est encore sous d’autres qui sont particuliers à la plante : cultivée pour préparer le sol à la culture des céréales, elle l’épuise moins que les autres plantes cultivées dans le même but, telles que les pommes-de-terre, les pois, les betteraves même ; elle est en même temps, pour le bétail de toute espèce, particulièrement pour celui destiné à l’engrais, une nourriture d’hiver excellente, qui remplace presque les fourrages verts d’été, empêche les animaux de souffrir du passage du régime de cette saison au régime d’hiver, et, comme la betterave, elle fournit une quantité immense de nourriture ; elle ne le cède donc sous aucun point avantageux aux autres plantes sarclées, et il faut bien qu’il en soit ainsi pour qu’elle soit devenue en Angleterre la plante de prédilection, celle qui occupe un sixième environ des terres labourées.

C’est surtout pour occuper la terre pendant l’année de jachère triennale, ou pour passer de l’assolement triennal à un assolement de plus longue durée, que cette culture est d’un avantage marqué. Après une culture de navets, la récolte des céréales, du blé, soit d’hiver, soit de printemps surtout, est plus abondante dans la plupart des terrains, parce que le terrain est mieux fumé, plus net et plus ameubli. Il en est de la consommation des navets par les bestiaux, comme de la consommation des betteraves par une fabrique de sucre de cette plante. Le mode d’emploi par les bestiaux est une véritable manufacture qui convertit un produit dans un autre beaucoup plus lucratif, ce qui augmente d’autant les bénéfices du cultivateur. Il y a cependant pour les cultivateurs cette différence, que la fabrication du sucre de betteraves exige des capitaux assez considérables et des connaissances particulières ; tandis que l’action de faire consommer les navets par les bestiaux n’exige que la connaissance des besoins et des débouchés locaux.

On sait que les navets sont aussi une bonne ressource pour la nourriture de l’homme, non seulement par les racines, mais encore par les pousses ; en effet, au printemps, lorsqu’elles montent en graines, ces pousses vertes sont un très-bon manger ; bouillies et servies avec la viande, ou assaisonnées au beurre, blanchies à la cave ou dans une serre à légumes, elles sont encore plus tendres et plus douces, offrent ainsi en hiver un mets facile à se procurer et à la portée de tous, puisqu’il ne coûte que la peine de le cueillir.

[17 : 2 : 1]
§ ier. — Espèces et variétés.

Les Navets (Brassica napus) et les Raves (Brassica rapa) : en anglais, Turnip ; en allemand, Rube ; en italien, Rapa ; en espagnol, Nabo, sont considérés par certains botanistes comme deux espèces, par d’autres comme deux variétés du genre Chou (Brassica) de la famille des Crucifères, dont le type originaire croit spontanément sur les terrains sablonneux des bords de la mer, et que l’on confond souvent ensemble, ainsi que sous les dénominations de Rapes, Rabioules, Rabioles, Rabettes, Navettes, Turneps, Rutabagas ou Navets de Suède, etc. On en cultive en plein champ et dans les jardins, principalement en Angleterre, en Allemagne et en France, une foule de variétés et de races. Les Raiforts ou Radis (Raphanus) forment un genre très-voisin, mais distinct et qui appartient exclusivement à l’horticulture.

Les principales variétés qu’il convient de recommander à la grande culture en France sont :

Le Navet des Vertus (fig. 626), dit aussi Rond pyriforme’, très-blanc, hâtif et de bonne qualité (voy. page suivante) ;

Le N. des Sablons, demi-rond, blanc, très-bon ;

Le N. de Claire-Fontaine, très-long, sortant presqu’à moitié de terre ;

Le N. de Meaux, très-alongé et en forme de carotte effilée.

Ces variétés sont principalement cultivées pour la nourriture de l’homme : les jardiniers en énumèrent un bien plus grand nombre. [Fig. 626.]

Le Turneps (fig. 627 ), Rave du Limousin,

[Fig. 627.]

Rabioule, généralement cultivé pour les bestiaux, mais cependant très-bon à manger. Disons, au surplus, que, sous le nom de turneps, les Anglais ne désignent pas une variété seule de navets, le rutabaga y étant même compris ; on dénomme donc ainsi une quantité assez considérable de variétés, dans lesquelles celle qu'on appelle le globe blanc (the white globe) est la plus estimée pour la culture en grand et pour la nourriture du bétail. Les autres variétés tirent leur nom de la couleur que prend ou la racine entière, ou la partie qui se trouve à fleur de terre, et qui a plusieurs couleurs : on pourrait traduire les noms de quelques-unes de ces variétés par les mots de navet à tête verte (green topped) ; à tête verdâtre et purpurine ; à tête rouge ; à racine jaune, etc.

Le Rutabaga ou Navet de Suède (fig. 628), à racine jaunâtre, plus compacte, plus pesante, moins aqueuse, très délicate au goût, plus nourrissante et plus rustique. Il a encore l'avantage de concourir à engraisser les bestiaux, que les turneps paraissent nourrir seulement ; on peut le semer quinze jours ou trois semaines avant les autres variétés de gros navets. Enfin il résiste mieux aux gelées et peut passer plus facilement l'hiver en terre. On lui reproche d'exiger plus de fumier, ou de meilleures terres ; de n'être pas mûr assez tôt en automne pour que la récolte puisse être suivie immédiatement d'un ensemencement en blés d'automne ; de donner un mauvais goût au lait des vaches : d'être moins gros, ou de donner une masse moins considérable d'alimens ; enfin de produire un plus grand nombre de radicelles qui retiennent la terre, ce qui rend plus difficile sa préparation pour le bétail.

La Rave (Brassica rapa. Lin.), en anglais, Red topped turnep ; en allemand, Gemeine rübe. On en cultive un grand nombre de variétés. L'une de celles qu'on préfère dans la grande culture est la R. à tête rose ou grande rave (fig. 629) ; ses fleurs jaunes s'épanouissent en mai.

[17 : 2 : 2]
§ ii. — Climat et sol propres aux navets.

Toutes les localités ne sont pas propres aux navets ; celles dont le climat est humide sont les plus convenables, et sous ce rapport il en est beaucoup en France qui doivent être désavantageuses à cette culture ; tandis qu'en Angleterre, où les côtes, comme l’intérieur des terres, sont souvent couvertes de brouillards, et où une couche d’humidité est presque constamment déposée sur le sol, chaque nuit, cette plante trouve tous les élémens d’une bonne réussite. Dans beaucoup de plaines, entièrement sèches en été, du centre et du midi de la France, il ne serait donc pas prudent de les cultiver sans faire attention à cette circonstance ; cependant il est encore dans ces contrées des localités humides, telles que des vallons et des lieux au voisinage des bois et des rivières, où ces plantes trouveraient un air assez chargé d’humidité pour prospérer, surtout si le terrain était naturellement frais et meuble. Mais s’il est des plaines du midi et du centre de la France peu propres à cette plante, dans combien d’autres, soit de nos départemens du nord, de l’est et de l’ouest, soit même de nos pays de montagnes du midi, ne serait-il pas avantageux de la propager, surtout au moyen de la culture en rayons ? Bosc était persuadé qu’en ne semant la plante que tard en été, en août et en septembre par exemple, au lieu de la semer en mai et en juin comme en Angleterre, on en obtiendrait des récoltes dans beaucoup de lieux où l’on ne pense pas qu’elle puisse venir, à cause de la sécheresse de l’été.

L’ensemencement en rayons sur le fumier, comme je vais le décrire, contribuerait efficacement à l’accroissement rapide des navets en leur fournissant l’humidité dont ils ont besoin dans leur jeune âge, et que le fumier consommé a, comme corps éminemment hygrométrique, la propriété de conserver et d’attirer même du sol environnant, pour la donner aux racines qui le pénètrent. Ce bon effet aurait surtout lieu si on choisissait pour semer le moment où la terre est humide, après une pluie, ou au moment où il va pleuvoir. Les premières pluies d’automne, mêlées des dernières chaleurs, viendraient achever rapidement leur croissance, et les mettre en état d’être avantageusement récoltés en hiver.

Presque tous les terrains peuvent produire des navets ; les plus convenables cependant sont ceux qui sont peu compactes (crétacés ou siliceux), un peu frais sans être humides, et d’une certaine profondeur. J’ai vu près de Doncaster des terrains de cette nature, assez mauvais pour n’avoir produit que de l’orge jusqu’au moment de l’introduction de la culture des navets, qui depuis donnaient d’assez belles récoltes de blé. Les terres fortes, argileuses, compactes, sont peu propres à la culture des navets ; ils n’y viennent pas si bien, et donnent généralement moins de produits.

La culture des navets, en Angleterre, commence généralement une rotation de récolte ; par conséquent c’est quand la terre a donné quelques récoltes non fumées et est remplie de mauvaises plantes, qu’on fait revenir celle des navets, pour remettre le sol en état de donner de nouvelles récoltes de céréales.

La sole qui suit les navets varie selon le temps de la récolte de la variété qu’on a cultivée : ainsi, si ce sont des variétés hâtives, si la saison a été favorable à la végétation, et la récolte faite de bonne heure, on sème du blé d’automne immédiatement après. Si on n’a pas pu ensemencer en blé d’automne, ce qui arrive le plus fréquemment en Angleterre et en Écosse, quelquefois on sème l’année suivante du blé de printemps, mais le plus souvent de l’orge ou de l’avoine : cela dépend des terrains. La culture des navets sert à nettoyer admirablement la terre et à la préparer à produire des céréales ; j’ajouterai cependant que, dans les terres légères, où les navets prospèrent souvent le mieux, ils ont l’inconvénient de tellement ameublir la terre, qu’il est souvent nécessaire de faire manger les navets sur le sol par les moutons pour le raffermir. Dans le cas où on ne pratique pas cette opération, il est fréquemment utile d’y substituer le roulage.

[17 : 2 : 3]
§ iii. — Culture des navets.

Lorsqu’on attache aux navets, comme culture de jachères, l’importance que les Anglais lui accordent, et qu’elle doit avoir pour but principal : d’ameublir et de nettoyer le sol, elle est assez compliquée, difficile et dispendieuse ; c’est en Angleterre qu’elle a été portée à son plus haut degré de perfection, telle que nous la décrirons tout-à-l’heure. Lorsque les navets, au contraire, ne sont qu’une culture dérobée à la suite d’un blé ou d’une autre récolte, cette culture est très-simple et n’exige presque aucun soin.

[17 : 2 : 3 : 1]
i. — Culture anglaise.

Préparation du sol. — En automne, immédiatement après la récolte qui vient d’être enlevée, on donne un labour profond, quelquefois on en donne un second, surtout dans les terres fortes ; ensuite on laisse le champ dans cet état jusqu’au printemps prochain.

En avril, un peu plus un peu moins tard, suivant la contrée sud ou nord, commence la grande série des travaux de cette culture. Quand la terre a commencé à se ressuyer, et par un temps sec, autant que possible, on laboure de nouveau le champ en travers des anciens sillons, et à plat ; le champ a dû être bien nivelé d’abord ; s’il y avait des bas-fonds où, dans les temps de grandes pluies, l’eau puisse se rendre et séjourner, on serait sûr de n’y faire aucune récolte. Quand une partie assez considérable du champ est labourée, le cultivateur divise les attelages, et pendant que la moitié continue à labourer, l’autre moitié commence à herser et à rouler.

Souvent, au lieu de donner les façons de printemps avec la charrue à versoir, on les donne avec les divers instrumens appelés scarificateurs, cultivateurs, etc. (voy. page 200) qui divisent la terre aussi bien, mais sans la retourner, et qui permettent d’expédier davantage de travail pendant les instans favorables.

Quand la terre a été ainsi hersée et ensuite roulée pour être pulvérisée le plus possible, on la herse de nouveau, mais avec une herse plus pesante généralement, à dents recourbées et en fer : avec cette espèce de herse on enlève, sans retourner la terre, la plus grande partie des herbes étrangères et des racines de chiendent surtout, et on les dépose en petits tas. Vient alors un certain nombre de femmes armées de râteaux à dents de fer, et qui ramassent toutes les racines, toutes les plantes, toutes les mottes, et qui les déposent en grands tas. Le jour même, on brûle ces tas de mauvaises herbes et l’on en disperse les cendres sur le sol. D’autres cultivateurs, au lieu de les brûler, les font enlever et déposer dans l’endroit où l’on doit faire un compost. Dans cette opération, le champ reste labouré à plat et très-uni.

Un mois environ après cette grande opération, quand les graines qui étaient restées dans la terre ont eu le temps de germer et de pousser, on la renouvelle une seconde fois. Le champ ressemble alors à un tapis où l’on ne rencontre que difficilement une motte de terre plus grosse qu’une pomme.

Dans les terres légères, naturellement assez faciles à être ameublies, cette opération deux et même une seule fois pratiquée suffit, avec le labour d’automne ; mais, dans les terres fortes, compactes, argileuses, cette opération pratiquée une seconde fois ne suffit quelquefois pas encore, et il est bon, si la terre n’est pas bien ameublie, de la répéter une troisième fois. Plus la terre est meuble, plus la récolte est assurée.

Fumage et ensemencement.

Ces deux opérations doivent être faites le même jour dans la culture bien entendue des turneps en rayons ; elles devraient même l’être pour la plupart des autres plantes fumées et cultivées de la même manière.

Ces opérations se pratiquent depuis le commencement de mai jusqu’à la fin de juin, selon que la saison est plus ou moins hâtive et que les pluies ont permis de préparer la terre plus tôt ou plus tard, et suivant la variété des navets qu’on veut cultiver.

Quand la terre a été bien préparée par les opérations précédentes, on choisit l’instant où elle est encore d’une humidité convenable pour être facilement travaillée, et en même temps favorable à la germination des semences ; ou, si on a laissé passer ce moment, celui où l’atmosphère, chargée d’humidité, promet de la pluie, et l’on commence les opérations du fumage et de l’ensemencement.

Un premier trait de charrue donne au champ la surface suivante (fig. 630)[1] au lieu de la surface plate qu’il avait.

[Fig. 630.]

Comme les oreilles des charrues ne déversent point deux pieds de terre, il reste une petite partie, B, B, peu remuée, entre les rayons séparés par cette distance de 2 pieds. Un deuxième trait de charrue déverse la terre du côté opposé et donne au sillon la forme régulière suivante.

La ligne pointillée indique les premiers rayons, et le trait noir la forme des rayons après le second coup de charrue (fig. 631).

[Fig. 631.]

Quand il y a assez de rayons formés, quelques attelages vont à la ferme chercher les chariots à fumier, que l’on a dû charger pendant ce temps, et les amènent au champ. Les chevaux marchent dans le sillon c, l’une des roues dans le sillon d, et l’autre dans le sillon suivant.

Pendant que les chevaux, conduits par la voix seule du charretier, trainent le chariot, le conducteur, par-derrière ou dans le chariot même, décharge le fumier dans le sillon du milieu, et il est aussitôt distribué par une femme dans les 3 sillons parcourus par le chariot.

Le terrain fumé présente la coupe régulière suivante (fig. 632).

[Fig. 632.]

Pour recouvrir de terre les sillons remplis de fumier, les charrues, en coupant par la moitié les anciens rayons 1, 2, 3, déversent la terre sur le fumier, et donnent au terrain la coupe de la fig.633 ; puis, revenant en sens op-

[Fig. 633.]

posé, elles donnent de nouveau au terrain la forme de rayons parfaits (fig. 634).

[Fig. 634.]

Quand la terre est prête pour le fumage, on peut, au lieu d’ouvrir les sillons avec la charrue ordinaire, par deux traits de charrue, employer une charrue à deux oreilles, qui, par conséquent, déverse la terre également de chaque côté et forme le sillon d’un seul coup ; on se sert avec le même avantage de cette charrue, pour recouvrir le fumier placé dans les sillons, et on abrège ainsi de moitié cette partie de l’opération ; cette méthode me semble préférable dans les terrains légers.

C’est immédiatement après que le fumier a été déposé en terre, qu’en Angleterre on sème les navets, et l’on emploie à cet effet l’un des semoirs décrits et figurés au chap. des Ensemencemens (page 213). Nous avons vu employé très-généralement en Angleterre, et notamment dans la belle ferme de M. Rennye, où nous avons suivi tous les détails de la culture des navets, le semoir que nous représentons (fig. 635), et qui nous parait

[Fig. 635.]

l’un des plus simples et des plus solides.

L’action de cette machine donne d’abord aux billons la forme suivante (fig. 636), puis les

[Fig. 636.]

socs creux qui suivent immédiatement les rouleaux ouvrent les billons (fig. 637) directement

[Fig. 637.]

au-dessus de l’endroit où est placé le fumier, et déposent la graine dans le fond des petits sillons qu’ils font. Enfin, derrière ces socs, d’autres rouleaux recouvrent de terre les graines, les enterrent et redonnent aux billons la forme de la figure 636[2]

Le placement de la graine se trouve ainsi fait immédiatement au-dessus du fumier, afin que les premières racines de la plante trouvent constamment non pas tant de quoi se nourrir que de l’humidité. On a remarqué qu’autrement les premières racines étaient facilement desséchées par les chaleurs, ce qui faisait périr la plante : ce qui était très-rare au contraire quand la graine était déposée immédiatement au-dessus du fumier. Sous ce rapport seul, la culture en rayons est d’un immense avantage.

Cette préparation de la terre pourra paraître compliquée, difficile et dispendieuse : en l’étudiant attentivement, on verra cependant qu’elle n’est compliquée et difficile que parce que tous les travaux se font en même temps ; et qu’elle ne demande que les mêmes opérations qu’on serait obligé de donner à la jachère complète, pour la préparer aux ensemencemens de blé d’hiver, et qui consistent aussi dans l’ameublissement du sol, dans le fumage et dans l’enterrement du fumier.

On sème les navets depuis mai jusqu’à la fin de juin ; mais le commencement de juin est l’époque en général la plus favorable. Le navet de Suède ou rutabaga peut être semé quinze jours plus tôt que les autres espèces, et c’est un avantage dans les grandes exploitations où on a une vaste quantité de terrain à ensemencer en cette plante ; on commence par le rutabaga, et on finit par les autres variétés.

On ne fait pas beaucoup attention à la quantité de graine que l’on met en terre, et le semoir en verse ordinairement dix fois plus qu’il n’est nécessaire. Cette espèce de prodigalité est utile pour parer aux effets des années défavorables à la végétation, à la mauvaise qualité de la graine, qui ne lève qu’en partie ; enfin des insectes qui attaquent les jeunes plants et qui les détruisent. Au moyen d’un semis abondant, on trouve dans les places trop garnies de quoi pouvoir, au moyen du repiquage, planter celles qui sont dépourvues : la graine de navet est généralement si peu chère que le surcroît qu’on en sème dans ces différens buts est une dépense presque insignifiante.

Travaux qui suivent l’ensemencement.

Quand les navets ont été semés de la manière que nous avons indiquée, les travaux qui suivent deviennent faciles. Les plantes étant hors de terre et ayant deux feuilles un peu larges, on donne une première façon avec une houe à cheval. Le but de cette opération est de débarrasser la terre des plantes étrangères qui sont levées en même temps que les navets, et aussi d’ouvrir la terre, sans la retourner, pour la rendre perméable aux influences atmosphériques, surtout à l’humidité de la nuit. Ce sarclage est extrêmement facile dans les rangées de navets ; un homme et un cheval tranquille font beaucoup de besogne dans une journée.

Cette opération ne peut détruire les plantes étrangères qui sont entre les navets d’une même rangée ; on détruit celles-ci de la manière suivante : Des femmes, armées d’une houe à main, dont le fer est large de cinq à six pouces, marchent chacune dans sillon, et d’un coup à travers la rangée de navets enlèvent tout ce qui s’y trouve. Entre chaque espace ainsi nettoyé, reste une petite touffe de navets, qu’elles éclaircissent ensuite avec un des angles du fer de la houe ou avec la main, de manière à ne laisser que le pied le plus vigoureux. — Cette seconde opération enlève le reste des plantes étrangères et espace les navets d’environ un pied. On espace davantage, et souvent jusqu’à 18 pouces, les variétés dont les tubercules sont très-gros.

Quelque temps après ce premier sarclage, on donne une troisième façon avec une petite araire à un cheval et à versoir, et qui en deux traits donne à la terre la forme suivante (fig. 638). Plus tard une 4e façon, avec le même instrument, [Fig. 638] coupe de nouveau les billons intermédiaires et les rejette sur les rangées de navets (fig. 639). Les intervalles dans les lignes, [Fig. 639] entre les navets, sont à chacune de ces époques sarclés par des femmes ou des enfans, avec la houe à main.

Ces opérations ne sont pas toutes indispensables : assez souvent on ne pratique pas les dernières ; mais elles servent beaucoup à la réussite de la récolte, augmentent la quantité des produits, et par l’ameublissement continuel qu’elles donnent à la terre, la tiennent prête aux récoltes de céréales qu’on veut obtenir après les navets. Il n’est presque pas utile de dire que l’époque des opérations qui suivent l’ensemencement varie suivant le temps qu’il fait, le développement des mauvaises plantes et les autres travaux plus ou moins urgens de l’exploitation.

Il est des agriculteurs qui utilisent les espaces entre les navets par la plantation d’autres végétaux, notamment des choux ; mais alors les sarclages ne peuvent plus se faire qu’à la main ; les petites cultures seules admettent cette possibilité.

[17 : 2 : 3 : 2]
ii. — Culture dérobée, sur les chaumes.

La culture des navets, comme récolte principale et de jachère, est très-peu répandue en France. C’est plus généralement après une première récolte qu’on sème cette plante, et elle donne alors assez souvent des produits d’autant meilleurs qu’ils ne sont achetés que par très-peu de soins et de dépenses. Cette culture, telle qu’elle est pratiquée, par exemple dans la plaine des Vertus, près Paris, se borne communément à un labour qui enterre le chaume de la récolte précédente, et qu’on fait suivre d’un deuxième si la terre est trop sèche. On sème aussitôt, le plus ordinairement à la volée, et, autant que possible, par un temps pluvieux ou couvert, et on recouvre la semence par un hersage. Le semis peut avoir lieu depuis la fin de juillet jusqu’à la fin d’août, principalement pour le Navet rond pyriforme ; pour le Rutabaga, on ne peut le différer au-delà de la fin du premier de ces mois ; encore arrive-t-il quelquefois qu’il ne parvient pas à toute sa grosseur. — Lorsque les plantes ont acquis leurs premières feuilles, on donne un sarclage à la main qui suffit presque toujours, et termine les façons d’entretien. — Suivant cette méthode, les navets sont espacés, terme moyen, de 8 pouces les uns des autres et donnent environ 45,000 livres (22,500 kilog.) de racines par hectare, dans la plaine des Vertus, au fils de l’agronome distingué sur les traces duquel il marche, M. Demars (Nicolas), qui a la fourniture des légumes des hôpitaux de Paris et des Invalides. Ce cultivateur pense, au surplus, qu’on n’atteindrait pas généralement cette quantité, le sol de la plaine d’Aubervilliers étant très-bon et richement fumé.

En Allemagne, dans les parties où la température de l’automne le permet, on cultive aussi plus volontiers les navets sur les chaumes ; cette culture est même générale dans les contrées occidentales de ce pays. — Aussitôt après l’enlèvement du seigle on déchaume superficiellement, on donne un fort hersage, on amasse au râteau le chaume qu’on brûle, on donne un ou deux labours, et après le semis on herse. Lorsque les plantes ont développé leurs feuilles, on donne un fort hersage que l’on considère comme la condition d’une bonne réussite. On fait quelquefois suivre la récolte des navets d’un seigle d’automne ; mais, plus généralement, on destine le sol qui a donné cette récolte à des grains de printemps. — Lorsqu’on se livre à cette culture sur la jachère, on sème à la fin de juin ou au commencement de juillet, après avoir donné trois labours et avoir fumé. Mais on n’y donne pas aux navets les soins minutieux qui en font obtenir en Angleterre de si beaux produits.

[17 : 2 : 4]
§ iv. — Récolte, conservation et consommation.

Nous avons vu que l’on pouvait semer les navets à environ deux mois de distance. Plus tôt ils sont semés, plus tôt, en général, ils sont bons à récolter. Cette époque est donc variable selon celle de l’ensemencement, et selon que le temps est plus ou moins favorable à la végétation. En général, on ne doit commencer à faire la récolte qu’après la maturité complète.

Dans le cas où l’on ne veut pas laisser les navets en place pour y être consommés, ou enlevés successivement, on les arrache par un temps sec ; on coupe les feuilles, que l’on donne d’abord aux bestiaux, et on met ensuite les racines à l’abri pour les conserver. Si on a beaucoup de navets à arracher, on commencera par couper les feuilles dans le champ avant l’arrachage, ou on les fera manger sur place par les bestiaux, et on ne fera l’arrachage qu’après cette opération préalable,. Quand on fait manger sur le sol la feuille aux bestiaux, il faut avoir soin que les animaux en trouvent assez, pour qu’ils n’aillent pas déterrer les navets et en attaquer le corps, qui se gâterait alors avec plus de facilité.

Quant aux racines que l’on veut conserver pour l’hiver, on les place dans un endroit très-sec, soit le côté d’une cour, d’un jardin, d’un champ près de la maison ; on pose une couche de paille sur le sol ; on y entasse les navets jusqu’à la hauteur de 3 pieds ; on les recouvre d’une couche de paille et d’une couche de terre par-dessus. Par-dessus la couche de terre, que l’on fait assez épaisse, on met une seconde couche de paille, qui fait toit et empêche la pluie de pénétrer dans l’intérieur. On les laisse dans cet état jusqu’au moment de s’en servir. Ils se conservent ainsi assez bien jusqu’au printemps suivant. Les Anglais appellent ces tas des pâtés. Ils les font larges et hauts de 4 pieds environ, et aussi longs que la quantité de navets l’exige. On entame le pâté par un bout, et on continue ainsi jusqu’à la fin. C’est à peu près la même méthode que celle employée dans les marshlands du Lincolnshire pour conserver les pommes-de-terre.

Quand on veut faire manger les navets sur place, on est obligé d’avoir des claies, afin d’empêcher les animaux de vaguer à travers le champ, et de gâter plus de nourriture qu’ils n’en consommeraient. Ces claies maintenant sont dans beaucoup d’endroits en fer laminé et d’une grande économie. On commence par faire manger les feuilles ; ensuite on retourne, avec la charrue, autant de rangées de navets qu’on en croit nécessaires pour la nourriture journalière du nombre d’animaux ; on environne de claies la place, et on y enferme les bestiaux. Comme ils n’ont que la quantité suffisante pour leur consommation, tout est mangé et il n’y a point de perte ; on recommence cette opération tous les jours, jusqu’à ce que toute la récolte du champ soit consommée.

Le plus ordinairement, on fait manger la moitié de sa récolte sur place et on arrache l’autre moitié ; dans ce cas, la plupart des fermiers enlèvent trois ou quatre rangées de navets et laissent successivement le même nombre de rangées en terre, de manière que le champ tout entier, quoique dépourvu de navets dans la moitié de sa surface, puisse être successivement parqué par les animaux, et profiter également partout des excrémens et de l’urine que ceux-ci répandent.

Quand, avant l’époque présumée de leur consommation, on a à craindre, pour les navets qu’on laisse ainsi en terre, la gelée, qui les détériorerait et les ferait même pourrir, on les recouvre, avec la charrue, d’une couche de terre qu’on prend, pour la rangée du milieu entre les rangées latérales, et pour celles-ci dans les intervalles dégarnis déjà de navets. On peut même conserver les navets ainsi pendant tout l’hiver, pour ne les faire consommer qu’au printemps.

[17 : 2 : 5]
§ v. — Des ennemis et des maladies des navets.

A peine les feuilles sortent-elles de terre, qu’elles sont attaquées et dévorées par divers petits animaux, par des altises, principalement la bleue, que nous avons représenté (tome II, fig. 2, page 5) (the fly des Anglais), par les pucerons, par les limaces, et plus tard par les larves d’un petit papillon (le papillon blanc du chou), par celle d’une tenthrède, et par une mouche (la mouche des racines), qui dépose dans la bulbe un œuf d’où sort une larve qui perfore le navet. C’est le premier de ces insectes qui est le plus dangereux, et c’est particulièrement de sa destruction que l’on s’est occupé en Angleterre. Un grand nombre de moyens ont été successivement vantés ou mis en usage dans ce but. Malheureusement, ils ont été insuffisans pour la plupart, ou inapplicables dans la culture en grand. Un seul me paraît pouvoir être de quelque utilité. Il est dû à M. Poppy, et consiste à semer les turneps en rangées épaisses et en rangées clair-semées, et cela dans le but de détourner les attaques des insectes des rangées clair-semées destinées à être récoltées. — Un journal belge a rapporté en 1824 des expériences faites en Belgique, desquelles il résulterait que l’altise est propagée dans le sol par des œufs accolés aux graines, qu’on peut détruire en trempant ces graines pendant quelques heures dans une forte saumure (voy. tome II, page 5).

Quant aux autres ennemis des navets, on n’a pas trouvé de moyen efficace de les détruire.

La rouille et la nielle attaquent les navets à différentes périodes de leur croissance, et cette croissance en souffre beaucoup ; il n’est d’autre moyen connu de les prévenir que celui d’une bonne culture dans des terrains bien assainis et bien meubles. Les racines sont sujettes à croître d’une manière extraordinaire, à se couvrir de tubérosités comme les pommes-de-terre. Dans les temps chauds, on peut s’apercevoir de cette maladie à l’état des feuilles, qui deviennent flasques. Si on entame la substance de ces racines, elle est semblable à celle d’un navet sain ; mais le goût en est âcre, et les moutons les laissent de côté. On reconnait pas la cause de cette maladie, qu’on croit due à la piqûre d’un insecte. — Les racines du navet, et le tubercule lui-même, sont encore affectés d’une espèce de chancre qui les détruit en partie ; on ignore la cause de cette maladie, qui parait moins fréquente dans les champs amendés avec la chaux. Huzard fils.

Section iii. — De la carotte et de sa culture.

Aucune racine n’a plus d’utilité que celles de la carotte pour l’alimentation du bétail de toute espèce : les chevaux les préfèrent à toute autre. L’huile essentielle qu’elles contiennent les rend un peu excitantes et leur donne beaucoup d’analogie avec l’avoine. D’après beaucoup d’expériences comparatives, A. Young a constaté leur supériorité sur le grain et sur les pommes-de-terre pour l’engraissement des cochons. Mais il faut pour cela qu’elles aient été cuites. M. Biot pense que la cuisson a pour résultat de rompre les tégumens qui emprisonnent la substance nutritive, et de la faire profiter en totalité à l’alimentation, résultat que ne peuvent effectuer que partiellement les organes des animaux.

Les vaches à lait se trouvent très-bien de la nourriture dont les carottes forment la base ; cette plante a la propriété de donner au beurre, même en hiver, cette belle teinte jaune que les acheteurs regardent, à tort ou à raison, comme un indice d’une excellente qualité.

D’après Hermbstaedt, 100 parties de racines de carottes contiennent :

80,00 eau ;

6,00 mucilage saccarin ;

l,75 mucilage gommeux ;

1,10 albumine ; 0,35 huile essentielle ;

1,50 substance analogue à la manne ;

9,00 fibre végétale à laquelle se trouve intimement uni un peu d’amidon et d’albumine.

Les chimistes modernes en ont extrait une substance cristalline d’un rouge pourpre qu’ils ont applée carottine, mais qui n’intéresse pas actuellement les arts agricoles.

[17 : 3 : 1]
§ ier. — Espèces et variétés.

La Carotte (Daucus Carotta) ; en anglais, Carrot ; en allemand, Gelhe Rübe ; en italien, Carota ; en espagnol, Chiravia (fig. 640), est une plante bisannuelle de la famille des ombellifères, dont les espèces sont peu multipliées : il serait à désirer que l’agriculture fit sous ce rapport de nouvelles conquêtes : celui qui trouverait une variété qui parcourût toute la période de sa végétation en peu de temps, rendrait un véritable service aux cultivateurs, à ceux surtout qui cultivent cette plante comme racine secondaire.

Voici les principales variétés cultivées :

1° La Carotte jaune commune (Daucus Carotta radice lutea). Racine étranglée, courte, élargie.

2° La C. blanche (D. C. radice alba). Variété de la précédente, mais inférieure sous tous les rapports.

3° La C. jaune dorée' (D. C. radice aurantii coloris). Sa racine ne colore point le bouillon. C’est la meilleure espèce, mais une des plus petites.

4° La C. rouge (D. C. radice atro-rubente). Longue et grosse ; vient bien dans les sols argileux.

5° La C. Hollandaise ou printanière. Variété de jardin.

6° La C. d’Achicourt et de Breteuil, variété maraîchère, qui, d’après mes observations, ne diffère pas sensiblement du n°4, et qui ne doit les qualités qu’on lui connait qu’aux soins particuliers que lui prodiguent les habitans d’Achicourt et de Mont-Didier (Somme).

7° La C. blanche à collet vert. Espèce bien caractérisée et propagée surtout par les soins de M. Vilmorin. C’est une espèce très-productive, et dont la racine sort un peu de terre, avantage incalculable pour les sols qui ont peu de profondeur, et qui permettra la culture de la carotte dans les terres à navets.

Il arrive souvent que, même à la première année, les carottes, au lieu de développer leurs racines, déterminent la croissance des tiges et des organes floraux et la production des semences. Comme presque toujours cette propriété est héréditaire, on ne devra pas employer ces graines à la reproduction, ni les livrer au commerce de la graineterie. Au moment de la récolte on doit choisir les racines qu’on destine à porter semence : on prendra celles qui réunissent le plus grand nombre de qualités qui constituent l’espèce dans sa pureté. Elles seront droites, alongées, lisses, bien saines et surtout sans bifurcation. On coupera l’extrémité des feuilles en en laissant attachées à la racine seulement la longueur d’un pouce : si on les laissait entières, cette partie de la plante, pourrissant la première, pourrait altérer le corps même de la racine. On les transportera dans un lieu où elles soient à l’abri de la gelée, de l’humidité et de la lumière.

A la fin de mars on les plante à 3 pieds de distance dans un sol bien préparé, on les bine comme les autres récoltes sarclées ; et, lorsque la plus grande partie des ombelles sont mûres, ce qui arrive dans le courant d’août, on les coupe et on les suspend dans un endroit sec et abrité.

[17 : 3 : 2]
§ ii. — Du sol.

Comme presque toutes les plantes dont la racine forme le principal produit, les carottes demandent un sol meuble, ou du moins une terre dont la compacité n’offre pas trop de résistance à l’extension des racines. Si elles préfèrent un loam sablonneux qui ne soit pas exposé à une grande sécheresse ni à une humidité stagnante, elles donnent aussi des produits très-abondans, lorsqu’on les cultive dans un sol argileux, surtout si celui-ci contient un peu de chaux, et approche, par sa composition chimique, des terrains que l’on nomme marneux. Mais, dans l’argile pure, les carottes courent une double chance de non-réussite : en effet, si un pareil sol est humide, les racines y pourrissent ; s’il est sec et resserré, elles ne peuvent s’y développer.

On éloignera la carotte des terrains pierreux et graveleux, parce qu’ils s’opposent au développement des racines, et qu’ils augmentent dans une forte proportion les dépenses de binage et d’arrachage. Cette plante supporte sans en souffrir un plus grand degré d’humidité que la plupart des autres plantes tuberculeuses ou fusiformes ; mais il faut pour cela que le climat soit chaud. On a remarqué que dans les pays où la période culturale est généralement humide, comme en Angleterre et notamment dans le Suffolk, les carottes donnent un plus haut produit que dans les contrées exposées à une grande sécheresse à la même époque. Il ne faut pas néanmoins perdre de vue la destination à laquelle on réserve ce produit ; cultivées dans un climat sec, les carottes ont plus de saveur et par conséquent plus de valeur quand on les destine à la vente.

La racine de la carotte étant fusiforme, et pénétrant généralement à une grande profondeur, le sol auquel on la confie doit avoir une couche arable assez profonde pour ne point l’arrêter dans son développement longitudinal. On connaît depuis peu d’années quelques variétés dont les racines se rapprochent beaucoup dans leur configuration de celles de certaines espèces de navets et de raves, et qui par cela même n’exigent pas un sol aussi profond. On peut encore cultiver dans ces mêmes terrains la variété dite blanche à collet vert dont les racines croissent en partie hors de terre.

[17 : 3 : 3]
§ iii. — Place dans la rotation.

Sous le rapport des assolemens, les carottes laissent au cultivateur bien moins de latitude que la plupart des autres plantes sarclées. En effet, elles aiment à être semées de bonne heure ; dans bien des cas, lorsqu’on en veut étendre la culture sur une grande surface, la terre doit être déjà préparée avant l’hiver, et il n’est pas rare que l’automne empêche le laboureur de faire les dispositions préliminaires qui assurent la réussite de la semaille de laquelle néanmoins dépend tout le succès.

D’un autre côté, peu de plantes agricoles, autant que les carottes, souffrent de la présence des herbes parasites, il est donc indispensable de les placer à la suite d’une récolte qui elle-même ait nécessité cette destruction, ou du moins qui ait été enlevée d’assez bonne heure pour qu’on puisse provoquer la germination des semences que recèle le sol, et pour les détruire ensuite. C’est pourquoi la place qui leur convient le mieux, est à la suite d’une récolte de pommes-de-terre, de betteraves, etc. Il est vrai que, par l’adoption de cette combinaison, on ne peut guère regarder les carottes comme une récolte jachère, mais je n’en suis pas moins convaincu que c’est dans une telle succession de culture que cette plante donne le plus haut produit, et demande le moins de déboursés.

Lorsqu’une pièce de terre, soumise à l’assolement alterne depuis longues années, se trouve amenée à un état suffisant de propreté, on peut y cultiver des carottes après une récolte céréale. Mais il serait imprudent, dans l’état actuel des choses, de conseiller aux cultivateurs triennaux de semer des carottes sur une jachère précédée elle-même de deux récoltes céréales ; les frais de culture se portent, en pareil cas, à une somme si élevée, que cette circonstance seule suffirait pour éteindre chez des hommes naturellement et justement circonspects, tout désir d’amélioration agricole.

Si la carotte est exigeante sous le rapport des plantes qui la précèdent dans une rotation, elle est en revanche très-accommodante pour les végétaux qui la suivent. Elle est pour tous une excellente préparation. Si l’on en excepte le colza et l’orge d’hiver, tous les végétaux aiment à venir à sa suite. On avait cru longtemps que la carotte est antipathique avec elle-même, c’est une erreur. M. Bertier père, bien connu pour les excellentes études qu’il a faites sur cette plante, l’a cultivée trois fois de suite sur le même terrain, sans que pour cela le produit en fût diminué. La carotte a néanmoins une assez grande puissance d’épuisement. Son feuillage assez rare ne lui permet pas de tirer de la couche atmosphérique une grande partie de sa nourriture, ce qui fait qu’à poids égal, elle est plus appauvrissante que la pomme-de-terre. Sous un autre rapport elle est encore inférieure à cette dernière plante. La pomme-de-terre, à une certaine époque de sa croissance, ombrage parfaitement le sol et empêche les rayons du soleil de le resserrer et de le dessécher ; la carotte ne couvre le sol qu’imparfaitement ; son ombrage est impuissant à empêcher la multiplication des mauvaises herbes ; et s’il fallait encore ajouter une raison à celle que je viens d’énumérer, je dirais que les tubercules de pomme-de-terre, dans leur accroissement, soulèvent et divisent le sol, tandis que les racines de la carotte ne font que le resserrer.

Le point de vue sous lequel on a trop souvent négligé de considérer les carottes, c’est celui des avantages qu’elles présentent dans la combinaison des assolemens simultanés, et des ressources qu’elles procurent comme récolte dérobée. À la première époque de sa croissance, cette plante est long-temps faible et chétive. On a imaginé de la cultiver, comme le trèfle, en société avec une autre qui puisse lui procurer un ombrage salutaire sans l’étouffer, et qui mûrisse d’assez bonne heure pour lui permettre ensuite d’atteindre tout le développement dont elle est susceptible. Le lin, la navette, le seigle sont les végétaux qui s’associent le mieux avec la carotte. Après la récolte des premières plantes on arrache les chaumes, on sarcle et on bine. De cette façon la seconde récolte donne quelquefois plus de bénéfice que la première.

[17 : 3 : 4]
§ iv. — Culture des carottes.

C’est un fait bien reconnu, que la terre qui doit rapporter des carottes ne donnera qu’un produit insignifiant si elle n’est pas bien amendée ; c’est un fait également incontestable, qu’une terre fraîchement fumée avec du fumier d’étable donne aux racines une odeur désagréable ; que les plantes se bifurquent et ont à combattre l’influence des herbes parasites dont le fumier a apporté les germes dans le sol ; et plus d’une fois les carottes, épuisées dans la lutte, ont été forcées de céder la place : c’est ce qui arrive fréquemment quand la main de l’homme ne vient pas à son secours. Placé dans cette alternative, le cultivateur devra fumer abondamment la récolte qui précédera les carottes afin que celles-ci, tout en profitant de l’engrais qui reste dans la terre, ne se trouvent point cependant en contact avec un fumier non décomposé. Si l’on n’a pu se ménager cet avantage, on aura du moins la précaution de n’appliquer à la carotte que des engrais pulvérulens, tels que la colombine, les tourteaux d’huile, la poudrette, le noir animal et animalisé. Afin que ces engrais agissent directement et avec plus d’efficacité, on ne les dispersera pas sur toute la surface mais on les répandra dans les rayons mêmes où l’on dépose la semence.

On convient généralement que la terre devra être labourée pour les carottes, aussi profondément que possible, parce que de toutes les plantes sarclées c’est celle dont les racines traversent la plus grande épaisseur de terre. Avant de donner ce labour profond, on aura soin de herser et d’ameublir la surface, afin de ne pas placer au fond de la raie une terre durcie et resserrée.

On peut déjà semer les carottes vers la fin de février, mais l’époque la plus favorable, c’est la première quinzaine de mars. Cette époque serait encore reculée de plusieurs semaines si la température s’opposait à un ensemencement convenable.

Si on cultive la carotte comme récolte isolée, et sans l’associer à un autre végétal, il ne faut point songer à la semaille à la volée. La disposition par rangées a ici des avantages encore plus marqués que pour la plupart des autres plantes.

Si on n’a pas encore de semoir, on en choisira un des plus simples parmi ceux figurés précédemment. Avant de répandre la semence, on aura la précaution de laisser germer et lever les graines de plantes nuisibles qui se trouvent à la superficie et de les détruire par un léger hersage, répété plusieurs fois. On s’épargnera ainsi les frais d’un premier sarclage, ou du moins ou en reculera beaucoup l’époque. — Les rangées seront éloignées de deux pieds. Une plus grande distance serait nuisible, parce que l’intervalle ne pourrait être en totalité ombragé par les feuilles : un éloignement moindre ne permettrait plus à la houe à cheval de fonctionner. — Avant d’employer la graine on l’exposera au soleil ou dans un local chauffé, et on la frottera entre les mains, afin de briser les aspérités qui la recouvrent et au moyen desquelles les semences s’accrochent et se pelotonnent. — 4 à 5 livres de graines sont une quantité suffisante ; il est rarement avantageux de la dépasser, parce que si les plantes lèvent bien, il faut ensuite une grande dépense de main d’œuvre pour arracher les plants surnuméraires.

Quand on sème la carotte dans une autre récolte qui doit lui servir d’abri, elle n’exige pas d’autre préparation que cette récolte principale. Comme il est probable que beaucoup de semences ne se trouveront pas dans des conditions favorables à la germination, on en augmentera un peu la quantité qu’on portera à 8 ou 9 livres. Ici il n’est guère possible d’opérer la semaille en lignes : mais ce qu’on perd sous ce rapport, on le récupère largement par la diminution des frais de sarclage, qui ne sont plus aussi nécessaire que si la plante eût été semée seule.

Nous avons déjà laissé entrevoir que celui qui cultive les carottes doit s’attendre et se préparer à des travaux dispendieux d’entretien. Cette plante, en effet, a une enfance longue et laborieuse : pendant que sa végétation se traîne lente et pénible jusqu’aux premières chaleurs du printemps, les mauvaises herbes se multiplient avec rapidité et ne tardent pas à envahir toute la superficie, et il faut de toute nécessité les arracher et les emporter. Les carottes, lorsqu’elles n’ont encore que leurs premières feuilles, ont tant de ressemblance avec les herbes parasites qui croissent au milieu d’elles, que les ouvriers peu habitués au port de cette plante les confondent souvent.

Il est très-nécessaire de faire le premier sarclage à la main. Les praticiens sont partagés d’opinion sur l’époque où il doit être exécuté. Les uns conseillent de l’opérer le plus tôt possible, afin que les mauvaises herbes ne puissent ni étouffer ni affamer les carottes. Les autres soutiennent que le sarclage ne doit être exécuté qu’au moment où les mauvaises herbes commencent à fleurir : ils disent, pour étayer leur opinion, que la végétation des parasites, loin de nuire aux carottes, favorise leur accroissement en couvrant la terre de leur ombrage, et en empêchant le sol de se resserrer, et d’empêcher l’alongement et le développement des racines. Cette opinion parait fondée ; un fait certain, c’est que les carottes ne craignent nullement le contact d’autres plantes : il est inutile d’invoquer à l’appui de cette assertion l’exemple des carottes que l’on sème dans le colza, dans le lin, etc. Mais dans ce cas il faut se tenir sur ses gardes, et avoir à sa disposition une armée de sarcleuses, afin que jamais aucune plante parasite n’arrive, je ne dis pas en graine, mais en fleur. Ce premier sarclage se fera à reculons, afin de piétiner la terre le moins possible et de ne pas fouler des plantes tendres et délicates.

Lorsque, quelques semaines après ce premier sarclage, les carottes ont poussé plusieurs feuilles, et qu’elles annoncent un état de santé et de vigueur, on donne un hersage énergique, si elles ont levé dru ; au contraire, si elles sont peu épaisses, on en donnera plusieurs, mais très légers.

Ordinairement, après cette façon, les plantes prennent un accroissement rapide ; les rangées se dessinent, et on peut dès lors faire fonctionner la houe à cheval autant de fois que le demande l’état de la terre sous le double rapport de l’ameublissement et de la propreté. C’est également le moment d’éclaircir les places trop épaisses. On laissera les plantes à 9 pouces les unes des autres dans la ligne. Quelques auteurs conseillent de regarnir les places vides en y plantant des carottes prises soit dans le champ même, soit dans une pépinière : cette méthode est peu pratiquée.

Les carottes semées au milieu d’une autre récolte se traitent à peu près comme celles semées en récolte principale, à l’exception que les binages se font à la main. Immédiatement après l’enlèvement de la première récolte, on donne plusieurs hersages répétés dans tous les sens, afin d’enlever le plus de chaumes possible. On procède ensuite à l’éclaircissage du plant dans les places trop garnies : on enlève tous les débris rassemblés par le hersage ; on bine autant de fois qu’on le juge à propos. Comme il est rare que les carottes deviennent dans ce cas aussi grosses que les autres, on les laisse un peu plus épaisses. Le feuillage des carottes a une odeur qui repousse presque tous les insectes. Cependdant il est des contrées où les limaces les rongent si impitoyablement à leur naissance qu’elles ne laissent parfois aucune trace des semis. Dans les jardins de l’Anjou le meilleur moyen connu de remédier à ce grave inconvénient est de saupoudrer la terre, à l’époque de la germination, de chaux en poudre qui éloigne ces animaux, tant qu’elle n’est pas éteinte par les pluies, sans faire le moindre tort aux plantes. Il y a lieu de croire que dans la grande culture le même moyen, ou l’emploi de cendres répandues à la volée de la même manière, tout en préservant les jeunes carottes, profiterait plus tard à leur développement.

[17 : 3 : 5]
§ v. — Récolte, conservation et produit.

Les carottes en récolte principale ont atteint tout leur développement vers la fin de septembre ; celles qui n’ont été cultivées que comme récolte accessoire et supplémentaire n’arrivent à maturité que vers le milieu d’octobre. Ces plantes craignent peu la gelée, et, quand, à l’arrière-automne, elles n’ont pas atteint toute leur croissance, on peut en retarder un peu la récolte sans inconvénient, à moins qu’on n’ait besoin de préparer la terre pour procéder à un ensemencement de plantes hivernales. « Dans la contrée que j’habite, dit Schwertz, nous n’avons pas eu de pluie pendant tout l’été. Vers la fin de septembre on aurait dû procéder à la récolte des carottes, mais la terre était tellement durcie qu’elle pouvait à peine être entamée par un fort brabant ; les feuilles des carottes et des betteraves tombaient flétries. Pendant qu’on opérait l’arrachage de quelques-unes, il survint pendant plusieurs jours une pluie violente qui dura jusqu’au 12 octobre. Les carottes auxquelles on n’avait pas encore touché commencèrent à végéter de nouveau, produisirent un chevelu blanc et abondant ; les racines augmentèrent d’épaisseur, et celles qui furent arrachées les dernières étaient ⅓ plus grosses que celles qui l’avaient été auparavant. » (Un leitung zum praktischen acherban.)

On a cru remarquer que les carottes provenant d’une semence produite elle-même par des racines cultivées depuis long-temps dans les jardins, supportent moins bien les intempéries des saisons et les variations brusques de la température que celles qui ont été cultivées long-temps en plein champ : elles sont surtout beaucoup plus exposées à la pourriture dans les champs humides. Lorsqu’on cultive les carottes dans cette dernière espèce de terre, on aura soin, quelque temps avant la récolte, de couper une partie des fanes, afin que la surface se sèche un peu, et que la terre ne souffre pas du piétinement des ouvriers qui les arrachent.

Les carottes semées en lignes peuvent s’arracher avec la charrue, indiquée précédemment. Celles qui ne sont pas disposées par rangées ne peuvent être récoltées qu’au moyen du louchet, ou de tout autre instrument analogue.

Dans les sols légers et par un temps sec, après les avoir laissées exposées au soleil une heure ou deux, on procède au décoletage et on emmagasine immédiatement. Dans les sols argileux et par un temps humide, on les laisse sur la terre sans les entasser, et elles demeurent là plusieurs jours, afin qu’elles soient ou lavées par les pluies, ou desséchées par le soleil. Plusieurs économes ont remarqué qu’elles se conservent mieux lorsqu’un peu de terre adhère à leur surface.

Le décoletage ne doit pas se borner au retranchement des feuilles, il faut amputer un peu au-dessous du collet et couper dans le vif, afin que la racine ne puisse plus germer : c’est un préliminaire indispensable pour les carottes qu’on veut conserver.

Si les feuilles sont abondantes, on pourra les rassembler en petits monceaux, afin de les faire consommer par les animaux, soit sur place, soit à l’étable.

La conservation repose sur les mêmes principes et s’exécute par les mêmes procédés que pour la pomme-de-terre, avec cette différence que les carottes craignent moins la gelée, et que le décoletage prévient toute germination. On ne devra pas néanmoins les amonceler autant que les parmentières.

Les carottes destinées à la nourriture de l’homme seront placées dans un jardin d’hiver ou un cellier, par lits alternatifs avec du sable bien sec, qu’on aura voituré pendant l’été.

Le produit de la carotte varie en raison des soins de culture, des qualités du sol et d’une foule d’autres circonstances ; c’est, du reste, de toutes les racines cultivées, celle dont le produit est le moins variable sous l’influence des agens atmosphériques : ses racines, qui pénètrent à une grande profondeur, lui permettent de résister à de grandes sécheresses, lors même que, dans d’autres plantes, la végétation parait comme suspendue.

D’après Burger, le produit moyen de la carotte s’élève :

Dans un sol médiocre à 
 267
hectol. par hectare.
Dans un bon sol à 
 320
Dans un excellent sol à 
 426
Schwertz évalue le produit en racines à
 
 340
quint. métriq. par hect.
en feuilles à 
 120
Thaer (Agriculture raisonnée) porte le produit des racines à
 
 647
hectol. par hectare.
Ou comptant l’hectolitre à 54 kil. 
 349
quintaux métriques. Schubarth(Allgemeine encyklopœdie), avec du lin
 
 245
quint.métr. par hectare.
Avec de la navette 
 314
Seules après les précédens 
 482
M. de Dombasle sur un sol produisant 18 hectol. de blé
 
 250
Sur un sol de la plus haute fertilité 
 750

En calculant sur ces données une moyenne générale, on voit que, comme récolte secondaire, les carottes bien cultivées donnent un produit en racines de 235 quintaux métriques (47,000 livres poids de marc) ; que, cultivées en récolte principale, on arrive facilement à un produit de 392 quintaux métrique (78,400 livres) par hectare. Dans le premier cas, on peut compter sur 65 quintaux métriques de feuilles vertes, et sur 98 dans le second.

En comptant que 2 livres ⅔ de racines de carottes contiennent autant de substance alibile qu’une livre de foin, et que 10 livres de feuilles représentent également une livre de foin, on trouve qu’un hectare de carottes en récolte secondaire procure, pour les animaux, autant de substance nutritive que 94 quintaux métriques de bon foin, et que cette quantité s’élève à 150 quintaux métriques si les carottes sont cultivées seules.

CALCUL DES FRAIS ET PRODUITS POUR UN HECTARE.
Carottes semées seules.
2 labours, l’un de 18 francs et l’autre de 20 francs 
 48 f.
Semailles et frais de semences 
 30
Hersages et roulages 
 16
Sarclage à la main 
 50
Main-d’œuvre comme supplément à la houe à cheval et éclaircissage 
 50
Binages à la houe à cheval 
 12
Récolte par la charrue 
 30
Transport et emmagasinage 
 20
Loyer 
 50
Frais généraux 
 30
Fumier 
 120

 
 456
Bénéfice 
 328

Produit probable, 392 quintaux à 2 fr.

=784 f. ci 
 784
Carottes en récolte secondaire.
Semailles et frais de semences 
 30
Hersage 
 16
Sarcler et éclaircir 
 50
Binage 
 20
Récolte à bras 
 80
Frais généraux (⅓ seulement) 
 18
Fumier (1/2 seulement) 
 60

 
 274
Bénéfice 
 196

Produit : 235 quintaux métriques à 2 f.

l’un — 470, ci 
 470

Il y aurait ainsi, pour les carottes cultivées seules, un bénéfice plus grand que lorsqu’elles ne viennent que comme récolte dérobée. Mais cette augmentation de bénéfice n’est qu’apparente. En effet, si la récolte dérobée, qui n’a occupé le sol que 4 mois, a procuré un bénéfice de 196 fr., la récolte principale, qui l’a occupé pendant 1 an, devrait réaliser un bénéfice de 588 fr., toute proportion gardée. Mais on voit, au contraire, que le profit ne s’élève qu’à 328 fr. : il y a donc évidemment du côté de la récolte secondaire, un avantage incontestable de 260 f. par hectare ; l’avantage serait encore bien plus marqué si quelque circonstance venait diminuer le produit.

Section iv. — Du Panais.

On cultive deux espèces de Panais (Pastinaca sativa, Lin.), en anglais Parsnep ; en allemand, Pastinake ; en italien, Pastinaca, en espagnol, Zanahoria (fig. 641) : le Panais rond, aussi nommé sucré à cause de ses propriétés comme plante culinaire ; il est peu cultivé hors des jardins ; — le Panais long, cultivé principalement pour les bestiaux dans la Bretagne, dans les îles de Jersey et de Guernesey, etc. La culture de cette plante s’est peu répandue, quoique dans certaines contrées, et notamment dans quelques cantons de la Bretagne, on en ait obtenu de très-hauts produits. Il y a, dans les exigences de cette plante, quelque chose qu’on n’a pas encore bien déterminé, et il est actuellement impossible d’apprécier avec exactitude toutes les circonstances qui lui sont favorables. Il paraît que, dans les terres médiocres, le panais produit moins que la carotte, mais que, dans les terres de haute fertilité, la récolte est beaucoup plus abondante que celle de cette dernière plante. Nous puiserons le peu que nous avons à dire sur cette plante, dont la culture a une analogie parfaite avec celle de la carotte, dans un auteur de la Bretagne, qui connaissait fort bien les localités et les procédés qui assurent le succès de cette plante.

« Le panais, dit M. le Brigant de Plouezach, se sème surtout après une récolte d’orge. La terre doit être bien retournée, bien ameublie. A mesure que la charrue travaille, des hommes armés de bêches ou de pelles tirent la terre du fond de la raie, et la rejettent sur celle qu’on a remuée. On forme des planches larges de 10 à 12 pieds. On creuse, entre chaque planche, un petit fossé dont on rejette la terre sur les deux planches voisines. On se sert ensuite d’un râteau pour briser les mottes qui peuvent rester et bien aplanir le terrain. (Dans la grande culture, cette opération s’exécuterait économiquement à l’aide du rouleau et de la herse). Il faut cependant que la surface de chaque planche ait de chaque côté une pente légère vers les fossés (pour procurer l’écoulement de l’eau). La graine est semée au plus tôt à la fin de février, et au plus tard en mars. Il est essentiel de semer le panais fort clair. S’il se trouve des endroits où il lève abondamment, on en arrache une partie. On sarcle avec attention dès que les mauvaises herbes paraissent, et cette opération est répétée plusieurs fois. »

« On fait la récolte ou en octobre ou en novembre. On la fait avec une pelle ou avec une tranche (sorte de bêche). On tient les racines serrées l’une contre l’autre, dans un endroit sec, pour les conserver longtemps. Elles servent à nourrir et même à engraisser le bétail de toute espèce : les chevaux, les bœufs, les vaches, les cochons, s’accommodent également de ces racines. On les leur donne d’abord crues ; lorsqu’on s’aperçoit que les animaux s’en dégoûtent, on les fait cuire. Dans cet état, les bestiaux en mangent avec avidité et ne s’en dégoûtent plus. Les cochons n’ont pas d’autre nourriture pendant tout l’hiver, et ; quand les fourrages manquent, les vaches ne mangent que des panais. Elles donnent alors plus de lait et de meilleur beurre. »

Le panais, comme la carotte, se cultive en récolte dérobée, après le chanvre, le lin, le colza, le seigle, etc. On a également conseillé de cultiver le panais comme une sorte de prairie artificielle ; on le sème au mois de septembre, et on le fauche avant qu’il fleurisse. On assure qu’il donne ainsi plusieurs coupes très-abondantes.

On sème 10 à 12 livres de graine par hectare. Il est à remarquer que la semence de panais ne se conserve pas au-delà d’une année. Les ailes ou expansions fibreuses qui l’entourent sont un grand obstacle à l’emploi du semoir. Si la carotte doit être enterrée très-superficiellement, il n’en est pas de même du panais, dont la semence doit être recouverte au moins d’un pouce et demi de terre.

La culture de cette plante est un peu moins dispendieuse que celle de la carotte. Le panais présente encore un immense avantage : c’est que, même par des froids très-rigoureux, il ne souffre nullement des gelées lorsqu’il se trouve dans le sol. On peut ainsi le laisser dans la terre jusqu’au printemps pour en faire la récolte au fur et a mesure du besoin. Son feuillage est aussi beaucoup plus abondant et meilleur que celui des autres racines. — Le panais est regardé, par M. de Dombasle comme égalant en valeur nutritive les carottes de bonne qualité. — En Islande, après l’avoir soumis à la fermentation, on en retira une espèce de bière. Antoine, de Roville.

Section v. — Du Topinambour.

Le Topinambour (Helianthus tuberosus, L.), en anglais, Jerusalem Artichoke ; en allemand, Erde Apfel ou Erdapfel ; et en italien Girasole (fig. 642), est une plante vivace par ses racines, qui atteint communément de 6 à 8 pieds, et dont les fortes tiges sont chargées d’abondantes feuilles, ayant généralement de 8 à 10 pouces de longueur. Ses racines sont accompagnées de tubercules souvent très-volumineux et très-multipliés, dont la forme a fait donner à cette plante le nom de Poire-de-terre ; elle est aussi connue sous les noms vulgaires de Crompère, Canada, Taratouf, etc. Le topinambour appartient au genre Soleil de la grande famille des Radiées. Originaire du Chili ou du Brésil, ses fleurs très-petites, en comparaison de plusieurs autres espèces de soleils, ne donnent point de graines fertiles dans le nord et dans le centre de la France ; cette circonstance rend plus difficiles les essais que l’on a proposé de faire pour améliorer cette plante utile, par des semis, à l’effet d’obtenir de nouvelles variétés, comme on l’a fait pour la pomme-de-terre ; cependant M. Vilmorin a déjà fait des tentatives qui lui ont permis de reconnaître que le topinambour a une extrême disposition à varier par le semis, surtout dans les caractères de ses tubercules ; il en a obtenu en effet de différens pour la grosseur, les positions dans le sol, la couleur, etc. ; d’où il conclut que si l’on s’attachait à semer le topinambour avec la même persévérance qu’on l’a fait pour la pomme-de-terre, on pourrait arriver de proche en proche à améliorer beaucoup ses qualités.

[17 : 5 : 1]
§ ier. — Avantages et usages du topinambour.

Les avantages que présente le topinambour, d’après V. Yvart, qui a beaucoup contribué à les faire valoir et à étendre la culture de cette plante, sont : de résister aux plus fortes sécheresses, même sur des sols naturellement arides, et de croître avec succès dans des terrains variés de la plus mauvaise qualité.

En second lieu, les tubercules du topinambour ont la précieuse faculté de résister aux froids les plus rigoureux, sans se désorganiser, d’où résulte l’immense avantage de pouvoir n’en faire la récolte qu’au fur et à mesure des besoins ; enfin nous verrons plus loin que l’abondance et l’utilité de ses tubercules, de son feuillage et de ses tiges, sont très-grandes.

Le seul inconvénient qu’on reproche avec raison à cette plante, est la difficulté d’en empêcher la reproduction dans les cultures subséquentes ; les plus petits tubercules et même les moindres racines laissées dans le sol suffisent pour produire de nouvelles tiges ; le meilleur moyen pour remédier à cet inconvénient, est de faire pâturer au printemps, par les vaches ou les moutons, toutes les tiges qui repoussent, puis de donner des labours et hersages soignés et énergiques.

Le principal produit du topinambour consiste dans les abondans tubercules, ordinairement de couleur rouge, qui naissent de ses racines. Ils peuvent fournir à l’homme un aliment sain, cuits dans l’eau ou sous la cendre ; leur goût offre beaucoup de ressemblance avec celui du fond ou réceptacle de l’artichaut. Néanmoins leur principal emploi est pour la nourriture des bestiaux. V. Yvart s’est assuré que tous pouvaient s’en accommoder, quoiqu’ils le rejettent quelquefois au premier abord ; mais ils conviennent surtout pour les porcs et les moutons. Daubenton assure même que, pour ces derniers animaux, cette nourriture, fraîche en hiver, est préférable aux choux. On peut les faire consommer par les bestiaux également crus ou cuits ; nous pensons que cette dernière préparation est préférable, la cuisson devant diminuer la qualité aqueuse et détruire le principe acre que ces tubercules renferment nécessairement, la plante ne parvenant jamais à maturité complète. Pour les porcs, on peut leur faire consommer sur place les topinambours en leur faisant déterrer les tubercules.

Du reste, il est très-essentiel d’éviter, en les donnant aux bestiaux, qu’ils aient éprouvé un commencement de fermentation ou de décomposition, qui produit souvent des cas de météorisation très-dangereux. La qualité un peu aqueuse des tubercules en rend même nuisible une quantité trop forte pour les moutons, car le même inconvénient n’existe pas pour les vaches et les cochons. On corrige cette qualité trop rafraîchissante des tubercules pour les moutons, en y mêlant une petite quantité de sel, de baies de genièvre concassées ou de quelque autre substance tonique ; on y obvie surtout en ayant soin de les allier avec la nourriture sèche, et en ne les comprenant pas pour plus de moitié, en poids, dans la ration journalière.

Avant de donner les topinambours crus aux bestiaux, il convient de les laver afin d’en extraire la terre adhérente, et ensuite de les couper avec le coupe-racines ou de les concasser grossièrement.

La qualité nutritive du topinambour n’a pas été rigoureusement établie, et, d’après sa nature aqueuse, on doit la croire assez faible ; cependant Yvart et plusieurs autres agronomes l’estiment à l’égal de la pomme-de-terre pour la nourriture des bestiaux. M. Matthieu de Dombasle y a trouvé sur 100 parties 22,64 de substance sèche, quantité pareille à celle des variétés inférieures de pommes-de-terre.

Le feuillage du topinambour est un fourrage très-recherché par tous les bestiaux, et qui peut être une ressource très-précieuse. M. V. de Tracy en cite un exemple remarquable dans le Cultivateur de mars 1835. Dans sa ferme de Paray-le-Frésil, près Moulins (Allier), dans l’été de 1834, les prairies naturelles étaient desséchées, les trèfles fleurissaient à quelques pouces de terre ; dans cette circonstance, il eut recours aux topinambours, dont la hauteur moyenne était alors de 5 à 6 pieds, et qui présentaient un feuillage de la plus belle verdure. Depuis la mi-août, il fit faucher ces tiges, et, pendant près de deux mois, on en amena chaque jour à la ferme un char du poids de 1500 livres environ ; ce fourrage vert fut constamment mangé avec plaisir par les bœufs de travail. Ce qui mérite d’être remarqué, c’est que la récolte en tubercules ne fut pas sensiblement moindre, sur les parties où les tiges avaient été coupées. Le feuillage des topinambours peut encore être converti en fourrage sec pour l’hiver, comme on le fait de la feuillée des arbres, ainsi qu’il sera expliqué dans le chapitre suivant.

Enfin les tiges du topinambour, fortes et assez dures, fournissent un combustible qui n’est point à dédaigner ; elles brûlent fort bien lorsqu’elles sont sèches, et sont très-propres à chauffer les fours, et à servir de menu bois de chauffage : cet usage parait préférable à celui de les convertir en fumier en les faisant servir de litière aux bestiaux ; on s’en est même servi quelquefois pour échalas, pour tuteurs, pour ramer les pois et les haricots, ou pour confectionner des palissades.

[17 : 5 : 2]
§ ii. — Sol et culture du topinambour.

Le topinambour s’accommode très-bien de climats et de sols très-divers et très-médiocres. Ainsi M. Vilmorin le cultive en grand, avec un plein succès, dans de mauvais terrains calcaires où l’on a souvent tant de peine à créer des moyens de nourriture pour le bétail. M. Allaire l’a vu très-bien réussir sur le sol crayeux de la Champagne dont on connaît assez l’ingratitude. M. Poyferre de Cère l’a aussi introduit avec un grand avantage sur les landes sablonneuses du dépt auquel elles ont donné leur nom. M. V. de Tracy, dans des terrains argilo-siliceux, très-bien désignés par le nom de terres froides, et reposant sur un banc de glaise imperméable à l’eau, en obtint, sans engrais et presque sans frais, une récolte passable, tandis que les navets, et surtout les betteraves et les carottes, ne donnèrent presque aucun produit ; si l’on fume le terrain, la récolte surpasse de beaucoup, en poids et en volume, celle de la pomme-de-terre.

Cette plante croît assez bien dans les expositions ombragées ; aussi Parmentier conseillait-il d’utiliser en les cultivant les places vagues des bois et les intervalles des allées dans les taillis où il se trouve assez de terre végétale, pendant deux ans dans les bons terrains, et 4 à 5 dans les mauvais ; on pourrait ainsi obtenir des récoltes abondantes, sans nuire à la reproduction du bois. Le revers des fossés, le bord de beaucoup de haies et de murs devraient être toujours garnis de topinambours ; tous les lieux enfin que leur situation ombragée rend impropres à la culture des autres plantes, tels que les vergers dont les arbres sont trop rapprochés, l’exposition nord des avenues, plantations et bâtimens, etc., le recevraient avec avantage. Dans la plupart de ces cas on pourrait abandonner les feuilles sur place aux moutons pendant l’automne, et les tubercules également sur place aux cochons pendant l’hiver.

On peut encore utiliser le topinambour en le plantant en rangées plus ou moins écartées et dirigées du levant au couchant, pour fournir des abris contre le soleil à tous les semis qui redoutent la sécheresse, notamment à ceux des arbres verts. On pourrait même peut-être par ce moyen cultiver en seigle, avoine et quelques autres plantes qui n’ont guère besoin que d’un peu de fraîcheur pour prospérer, les sables des environs du Mans, ceux de Fontainebleau, etc., et les craies de la Champagne.

La rotation de culture préférée par V. Yvart, lorsqu’on veut y introduire le topinambour, est la suivante : 1re année : topinambour, après enfouissement du chaume de la dernière récolte en grain, labours et engrais ; 2o année : céréale de printemps avec prairie artificielle. Dans les labours et hersages, on ramasse soigneusement les tubercules et racines de topinambours qui ont échappé ; plus tard il est indispensable de détruire les nouvelles pousses à l’échardonnette ; 3o année : prairie artificielle ; 4o année, ou après un plus long terme si l’on a adopté une prairie artificielle pérenne : céréale d’hiver.

La culture des topinambours est en général simple et facile, cette plante étant sous ce rapport l’une des moins exigeantes et l’une des plus robustes ; cependant on peut dire que cette culture est la même que pour la pomme-de-terre, et nous renverrons pour les détails à la section 1re de ce chapitre, qui traite de cette plante.

Les topinambours doivent être plantés en lignes plus ou moins espacées, en raison de la qualité plus ou moins bonne du terrain, et distantes en moyenne de 18 po. (0m50). La plantation peut avoir lieu beaucoup plus tôt que pour les pomme-de-terre, les tubercules ne craignant pas les gelées ; ainsi, on peut y procéder dès janvier ou février ; mais l’époque la plus ordinaire est le mois de mars. On emploie de 20 à 25 hectolitres de tubercules par hectare.

Les soins d’entretien se bornent à un premier binage aussitôt qu’on s’aperçoit que la terre commence à se couvrir de mauvaises herbes ; un fort hersage, au moment où les plantes se montrent hors de terre, produit un très-bon effet. On renouvelle les binages avec la houe à cheval aussi souvent que l’exige l’état du sol, et que le permettent les bras et les animaux disponibles. Lorsque les plantes s’élèvent assez pour commencer à ombrager le sol et à avoir besoin d’être fortifiées, on les butte avec le butoir à cheval. Il y a généralement de l’avantage à réitérer cette opération tant qu’elle est praticable, et qu’on peut accumuler au pied des tiges de nouvelle terre, parce qu’il s’y développe ordinairement de nouveaux et beaux tubercules. Après ces opérations, dans des terrains favorables, les topinambours forment une espèce de taillis épais, vigoureux et régulier, qui récrée la vue et annonce au cultivateur l’espoir qu’il peut fonder sur une abondante récolte.

[17 : 5 : 3]
§ iii. — Récolte et produits du topinambour.

La récolte, et la manière dont on peut l’opérer, sont sans contredit les principaux avantages qui recommandent la culture des topinambours. Non seulement les tubercules supportent impunément en terre comme hors de terre les plus grands froids de nos hivers, lorsqu’on n’y touche pas au moment de la congélation ; mais, ainsi que V. Yvart s’en est assuré, ces tubercules augmentent encore de volume en terre lorsque la partie extérieure de la tige ne donne plus aucun signe apparent de végétation. Il y a donc de ce côté avantage de laisser les tubercules en place, à part l’extrême commodité et la grande économie qui résultent de la possibilité d’éviter ainsi une récolte faite subitement en automne, et l’embarras comme la dépense de loger, emmagasiner et conserver pendant l’hiver des produits très-nombreux. Le topinambour peut donc être tiré du sol au fur et à mesure des besoins, et par conséquent il n’exige ni un local spécial, ni des dépenses quelquefois considérables, ni des attentions constantes, pour être serré convenablement et conservé intact jusqu’à son emploi.

Cependant il est prudent, dans la crainte des pluies prolongées, des neiges et des gelées de longue durée, d’en faire, vers la fin de l’automne, une provision suffisante ; il suffit qu’elle soit mise à couvert et à l’abri de l’humidité, car c’est la seule chose que redoute le topinambour, et cette circonstance doit engager à lui laisser passer l’hiver le moins possible dans des terrains qui y sont ordinairement exposés. Douze à quinze jours d’immersion dans l’eau suffisent en effet pour faire pourrir les tubercules, qui exhalent alors l’odeur la plus nauséabonde. Une forte humidité, lorsqu’ils sont hors de terre, suffit également pour les faire noircir et moisir, comme une grande sécheresse les ride et les rapetisse considérablement. Leur amoncellement et leur mélange avec de la paille ou d’autres corps étrangers, les fait aussi quelquefois germer ou se gâter.

L’extraction des tubercules de la terre s’exécute comme pour la pomme-de-terre. À l’automne, on doit préalablement faucher les tiges le plus près possible de terre, en choisissant un temps sec ; on les lie en bottes ou fagots et on les met à couvert.

La quantité des produits du topinambour varie beaucoup en raison des terrains et des soins de culture qu’on lui donne. V. Yvart, d’après ses essais comparatifs avec la grosse pomme-de-terre blanche commune, affirme que, toutes circonstances égales, l’avantage a toujours été en faveur du topinambour dont la supériorité de produit s’est quelquefois élevée au tiers en sus, et souvent au quart. M. V. de Tracy évalue la récolte en tubercules à 8 ou 9 fois la semence dans le sol argilo-siliceux de son domaine, c’est-à-dire à 120 ou 140 hectolitres par hectare ; il estime le produit en fourrage vert à 16 ou 20 chars de 1500 livres environ, aussi par hectare.

C. B. de M.

  1. Dans cette figure, comme dans les suivantes, la charrue est censée arriver au-devant du spectateur.
  2. Les agriculteurs préfèrent généralement changer cette graine en la renouvelant par des graines venues d’un sol situé sous un climat peu éloigné, plutôt que de la reproduire constamment chez eux par la conservation de porte-graines.