Machiavel commenté par Napoléon Buonaparte/2

Attribué à , en fait forgerie d'Aimé Guillon
H. Nicole (p. 7-9).
machiavel.

CHAPITRE II.

Des princes héréditaires.

Je négligerai de parler ici des républiques, parce que j’en ai déjà raisonné longuement dans un autre ouvrage[1] ; et je ne tournerai mes regards que vers la Principauté (1). En reprenant dans mes discours les distinctions que je viens d’établir, je discuterai la manière dont on peut gouverner et conserver les Principautés.

Je dis donc que, dans les Etats héréditaires qui sont accoutumés à voir régner la famille de leur prince, il y a beaucoup moins de difficulté pour les conserver[2], que lorsqu’ils sont nouveaux (1). Le prince alors n’a besoin que de ne pas outrepasser l’ordre suivi par ses ancêtres, et de temporiser avec les événements ; il ne lui faut après cela qu’une industrie ordinaire pour se maintenir toujours, à moins qu’il y ait une force extraordinaire et portée à l’excès, qui vienne le priver de son Etat. S’il le perd, il le recouvrera, s’il le veut, quelque puissant, quelqu’habile que soit l’usurpateur qui s’en est emparé (2).

Nous avons pour exemple, en Italie, le duc de Ferrare, que n’ont pu renverser les attaques des Vénitiens, en 1484 ; ni celles du pape Jules, en 1510, pour la seule raison que sa famille était, de père en fils, établie depuis longtemps dans cette souveraineté.

Le prince naturel ayant moins de motifs, et moins besoin d’offenser ses sujets, en par cela même plus aime ; et s’il n’a pas des vices trop criants qui le fassent haïr, ses sujets l’aimeront naturellement et avec raison. L’ancienneté et la continuation du régne de sa dynastie, ont fait oublier la trace et les causes des changements qui l’instalèrent : ce qui est d’autant plus avantageux que toujours un changement laisse une pierre d’attente pour en faire un autre (1).

buonaparte.

(1) Il n’y a que ça de bon, quoi qu’ils en disent ; mais il me faut chanter sur le même ton qu’eux, jusqu’à nouvel ordre. G.

(1) Je tâcherai de suppléer à cela en me rendant le doyen des autres souverains d’Europe, G.

(2) Nous verrons cela. Ce qui me favorise, c’est que je ne l’ai pas pris sur lui, mais sur un tiers qui n’était qu’un gâchis insupportable de républicanisme. L’odieux de l’usurpation ne tombe pas sur moi. Les phrasiens à mes gages l’ont déjà persuadés. Il n’a détrôné que l’anarchie. Mes droits au trône de France ne sont pas mal établis dans le roman de Lemont… Pour le trône d’Italie, j’aurai une dissertation de Montga…- C’est la ce qu’il faut aux Italiens qui font les raisonneurs. Un roman suffisait pour les Français. Le menu peuple qui ne lit pas, aura les homélies des évêques et des curés que j’ai faits ; plus encore mon catéchisme approuvé par le légat du pape. Il ne résistera pas à cette magie. Rien n’y manque puisque le pape a sacré mon front impérial. Sous ce rapport, je dois paraître encore plus inamovible qu’aucun des Bourbons. R. I.

(1) Que de pierres d’attente on me laisse ! Tous les miens sont encore là ; et il faudrait qu’il n’y en restât pas un seul pour que je perdisse tout espoir. J’y retrouverai mes aigles, mes N, mes bustes, mes statues, peut-être même le carrosse impérial de mon sacre. Tout cela parle sans cesse aux yeux du peuple en ma faveur, et me rappèle. E.

  1. Discours sur la, première décade de Tite-Live.
  2. Tacite dit que celui qui a acquis un empire par le crime et la violence, ne peut le conserver en employant tout-à-coup la douceur et l’ancienne modération : Non posse principatum scelere quæsitum subitâ modestiâ et priscâ gravitate retineri. (Hist. I.) ; et il prévient que la rigueur qu’il faut exercer pour conserver cet empire, est souvent cause qu’on le perd par la révolte des sujets à qui la patience échappe : atque illi, quamvis servitio sueti, patientiam abrumpunt (Ann, 12).