Ma tante Geneviève, ou Je l’ai échappé belle/35

Partie 4, chapitre XXXV.




CHAPITRE XXXV.


Monsieur de Lafleur nous retrouve.
Enlèvement et ses suites.


Nous allâmes donc, suivant ses ordres, chez la femme qu’il avait indiquée, et la priâmes de nous recevoir chez elle, pour quelques instans, de la part de monsieur le grand vicaire. Elle nous fit entrer aussitôt, et nous offrit fort poliment de nous rafraîchir avec du lait qu’elle venait de tirer d’une vache qui faisait tout son avoir, et qui suffisait à la faire vivre.

Ma tante, en philosophant sur nos catastrophes continuelles, enviait le sort bien chétif, mais tranquille, de cette pauvre femme, et me disait : « O ma chère Suzon ! si nous avions seulement une cabane et une vache, comme cette brave paysanne, nous vivrions plus heureuses dans un coin de cette forêt, qu’obligées d’exister parmi les hommes ! car je vois bien à présent que c’est ce maudit petit vicaire du curé, ton indigne confesseur, qui, piqué de ce que tu n’as pas voulu te rendre à ses infames désirs, a fait avertir monseigneur le grand vicaire de ton travestissement, car il m’a paru trop bien instruit d’avance…

» Oh ! oui, ma tante, et je me rappelle aussi que ce mauvais prestolet de prêtre-là, m’avait bien menacée, si je le refusais, de s’en venger en faisant de la peine à plusieurs personnes à-la-fois ».

Nous étions dans ces réflexions, quand nous en fûmes tirées par le bruit d’une voiture en forme de vis-à-vis, qui arrêtait à la porte de la cabane. Le cocher demanda à la vieille, qui était sortie pour regarder, s’il n’y avait pas chez elle une femme avec un jeune homme ?

Cette voix nous frappa dès que nous l’entendîmes, et le cocher entré, sur la réponse de la vieille, nous reconnûmes, avec beaucoup de surprise, monsieur de Lafleur, mon amoureux prétendu, qui ne fut pas moins étonné de nous voir là, et moi en garçon.

Il commença par nous faire tendrement des reproches, et sur-tout à ma tante, de ce qu’elle m’avait ainsi emmenée de Paris, en le trompant si cruellement, pendant qu’il s’occupait des moyens de nous convaincre de son amour, et de pourvoir à notre subsistance… Mais enfin, disait-il, tout est oublié, et tout peut se réparer, et à l’instant même, puisque je vous retrouve si heureusement.

Puis, nous ayant tirées à part sur le chemin, pour que la vieille paysanne n’entendît rien, il nous dit qu’il avait ordre de monseigneur le grand vicaire, au service de qui il était alors, de remettre de l’argent à ma tante pour aller où elle voudrait, et de m’emmener, moi seule, à Paris dans cette voiture-là…

« Non, non, jarni ! ça ne sera pas vrai, s’écria ma tante, en me serrant dans ses bras ; non, monsieur, ma nièce ne me quittera plus jamais d’un pas, tant que le ciel me conservera la vie. La pauvre enfant a trop besoin de moi ! et, après l’infamie du petit vicaire du bon curé, il n’y a ni grand vicaire, ni évêque, ni cardinal même, à qui je voulusse la confier pour deux minutes.

» Vous avez bien raison, ma chère maman ! continua monsieur de Lafleur, en la caressant beaucoup, et c’est bien aussi ce que je vous recommande moi-même. Mais laissez-moi vous dire tout, et vous expliquer mes intentions… Monsieur le grand vicaire donc, qui, comme vous l’observez, et le devinez très-bien, n’est pas plus sage qu’un petit vicaire de paroisse, est très-amoureux de votre nièce, et il me l’a confié, parce qu’il faut bien que les maîtres se confient à quelqu’un pour se faire aider.

» Ah ! mon dieu, encore un amour mal-honnête ! dit par exclamation ma bonne tante… Eh mais, sainte Vierge ! à quoi pensent donc tous ces prêtres ? eux qui ont les doigts bénis, ils ont donc le feu d’enfer dans le restant du corps !

» Toutes vos réflexions, quoique justes, n’avancent à rien, dit monsieur de Lafleur : écoutez-moi plutôt, et vous allez savoir ce que je veux faire… Monsieur le grand vicaire, qui est obligé d’achever sa tournée, ne peut pas avoir une fille avec lui. Il m’a donc commandé de conduire votre nièce à Paris, où il sera de retour lui-même dans huit jours, de lui louer une jolie maison, et de lui acheter une jolie garde-robe, et il m’a donné de l’argent pour tout cela… mais au lieu de lui obéir, voilà mon projet.

» Je suis à mon aise, dieu merci, parce que monsieur l’abbé, mon premier maître, qui est mort, m’a laissé une gratification de mille écus, outre tous mes gages arriérés, qui m’ont été bien payés. Je vais profiter de cette occasion, et du carrosse du grand vicaire pour vous conduire bien vîte hors du royaume ; ce qui m’est d’autant plus facile, que mon nouveau maître ne voulant mettre que moi dans le secret de son expédition amoureuse, m’a chargé de mener la voiture moi-même, sachant que j’ai encore ce talent-là. Nous allons nous rendre à Bruxelles, qui est mon pays, et où j’ai encore du bien à revenir d’un oncle qui est très-vieux et très-infirme. Une fois là, j’épouserai ma chère Suzon, je lui assurerai toute ma fortune. Nous nous établirons aubergistes, et ma bonne tante sera à la tête de toute notre maison ».

En finissant ce beau discours, il nous étala plusieurs sacs d’écus et des bourses de louis, qu’il avait peut-être volés ; car, après la proposition de nous approprier le carrosse, les chevaux et l’argent du grand vicaire, il ne nous paraissait pas trop délicat dans ses principes. Ma tante lui fit même cette remarque… mais, pour nous tranquilliser, il nous dit que son intention était de lui renvoyer le tout à Paris, dès que nous serions arrivés à Bruxelles.

Ma tante fit semblant de le croire, ou peut-être même le crut de bonne foi, par l’adroite précaution qu’il eut de lui remettre en main une bourse de cinquante louis, comme un à-compte qu’il donnait sur la dot et les présens qu’il voulait me faire… La première envie de la bonne Geneviève étant d’abord de s’éloigner de Paris, où elle craignait toujours le prieur des Carmes, et mon maître le procureur, ainsi que de Fontainebleau, où elle redoutait aussi la méchanceté du petit vicaire, elle consentit enfin à monter avec moi dans la voiture pour faire la route de Bruxelles, se croyant bien tranquille sur mon compte tant qu’elle m’accompagnerait. D’ailleurs, elle était bien décidée à ne se fier à monsieur de Lafleur, malgré ses belles promesses, que quand le contrat serait signé et toutes les formalités bien remplies.

Nous partîmes donc de chez la bonne vieille toutes deux dans le vis-à-vis, et monsieur de Lafleur sur le siége, et nous fîmes, ce jour-là, dix lieues tout d’une traite, après lesquelles il fallut nous arrêter dans une auberge, pour laisser reposer nos chevaux, et pour y souper et coucher nous-mêmes.

Pendant que nous montions dans une chambre, ma tante et moi, monsieur de Lafleur resta en bas pour commander notre souper à l’hôte, à qui il se donnait pour un marchand de chevaux qui retournait dans son pays… Voilà ce que j’entendis seulement, et sans y faire grande attention. Il revint ensuite nous trouver ; on nous servit, et nous soupâmes très-bien, car le voyage nous avait donné de l’appétit. Le repas fut même fort gai, moyennant les rasades que monsieur de Lafleur nous versait abondamment, et par malheur ma chère tante aimait beaucoup le bon vin, et son exemple avait aussi influé sur moi.

Je ne sais si monsieur de Lafleur avait mêlé quelque drogue assoupissante dans ce qu’il nous fit boire ou manger ; mais ce que je sais bien, c’est que ma tante et moi nous nous endormîmes toutes deux à table.

Alors, monsieur de Lafleur reprit à ma tante la bourse de cinquante louis qu’il lui avait donnée, sauf un qu’il lui laissa. Il vendit le carrosse et les deux beaux chevaux à l’aubergiste, qui pouvait trouver des occasions pour s’en défaire avantageusement, et s’accommoda d’un méchant cabriolet avec un petit cheval, pour le conduire seulement, dit-il, jusqu’à la poste, où il allait prendre une chaise pour nous mener plus vîte ; ensuite il me transporta, toute endormie, dans le cabriolet, et partit avec moi.

Ma tante s’étant éveillée le lendemain, fut toute surprise de se trouver encore devant la table et toute habillée. Elle chercha, cria après nous, mais en vain… Enfin l’hôte, à qui elle s’adressa pour nous demander, lui dit que nous étions partis pendant la nuit ; que le père du jeune homme (car il m’avait fait passer pour son fils), avait dit qu’il lui avait laissé, à elle, de l’argent pour qu’elle eût à le rejoindre à Bruxelles, si elle voulait, et comme elle pourrait, parce qu’elle était trop vieille pour soutenir la fatigue de voyager en poste jour et nuit, comme il allait faire… ou que, si elle préférait de rester dans ce pays, il la laissait libre, et la lui avait recommandée à lui-même comme une bonne et fidelle domestique, en le priant de la garder à son service, ou de lui procurer une autre condition…

Ma tante, à ce rapport accablant, tomba des nues, devint furieuse, vomit contre le scélérat de Lafleur mille injures ; et se fouillant ensuite, elle ne trouva plus dans ses poches qu’un louis au lieu de cinquante, qu’elle croyait avoir… Quel déchet !

Laissons-la, dans cet état terrible, achever de s’expliquer avec l’hôte, et disons un peu ce qu’il en était de l’autre côté, entre monsieur de Lafleur et moi.

Ce misérable, en partant de l’auberge, avait bien pris d’abord le chemin de la poste, comme il l’avait dit au maître, mais il ne poussa pas jusque-là… son intention n’étant ni d’aller à Bruxelles, ni de retourner à Paris, mais simplement de s’approprier les effets du grand vicaire, ainsi que son argent, et de me conduire n’importe où, pour abuser de moi à son aise.

A quelque distance, il reprit un détour qui le ramena sur le chemin de Fontainebleau, pour dépayser ma tante, qui vraisemblablement ferait courir après lui sur celui de Bruxelles, et nous refîmes une partie des dix lieues que nous avions faites dans l’après-dîner…

Les secousses violentes de ce mauvais cabriolet qu’il faisait rouler très-vivement, me réveillèrent comme l’aurore commençait à peine à s’annoncer. J’ouvris les yeux… O terreur ! ma surprise fut encore, s’il se peut, plus terrible pour moi que n’avait pu l’être celle de ma pauvre tante… Au lieu de me trouver à côté de cette seconde et tendre mère, dans une belle voiture à deux chevaux, je me vis seule avec un homme, dans un cabriolet demi-pourri, et courant au galop d’un cheval étique, le long de la lisière d’une forêt. Je jetai un cri d’effroi. Monsieur de Lafleur voulut me rassurer en m’embrassant, et me disant de n’avoir aucune peur, que j’étais avec mon mari.

« Mon mari ! lui dis-je en le repoussant avec indignation ; je n’en ai pas. C’est ma tante que je demande ; où est-elle ? — Ne vous inquiétez pas d’elle, ma chère Suzon ! elle s’est trouvée un peu indisposée à l’auberge, et avoit besoin de repos ; de crainte que le grand vicaire ne nous fasse suivre et ne nous rattrape, elle m’a pressé de partir toujours devant avec vous, et nous allons l’attendre à la première maison que nous allons trouver, où elle doit venir nous rejoindre dans notre voiture, avec un domestique de l’aubergiste, qui lui remènera ce cabriolet qu’il m’a prêté ».

Cette explication équivoque ne me rassurant pas, je lui dis que je voulais retourner et la revoir, et qu’absolument je ne voulais voyager qu’avec elle… Voyant qu’il poussait toujours son cheval en avant, je lui dis que j’allais sauter en bas et m’en aller à pied, s’il ne se rendait pas à mes instances… Il me retint, et voulut continuer ses caresses. Elles me révoltèrent de plus en plus ; et, commençant à soupçonner son coupable projet, je lui fis les plus vifs reproches et les prières les plus touchantes… rien ne réussit à ébranler son ame perverse. Il redoubla au contraire, vis-à-vis de moi, d’efforts pour m’amener à céder à ses vues criminelles : il me fit des protestations, il m’offrit de l’or… Enfin, voyant que je n’étais pas plus dupe de ses promesses, qu’il n’était touché de mes larmes, il ne se déguisa plus, et le monstre commença à vouloir employer la violence. Je fis retentir la forêt de mes cris ; mais il était encore si matin, qu’à peine y voyait-on clair. Personne ne passait… et cette solitude enhardissant le scélérat qui m’outrageait, il allait consommer son crime lorsque, n’ayant plus de force ni de résistance à lui opposer, notre cabriolet fut investi par quatre hommes que mes cris avaient avertis et fait sortir du bois. Le premier prit par la bride le cheval, qui, étique, affamé et rendu de fatigue, ne se pressait pas pour s’échapper. Monsieur de Lafleur lui tira un coup de pistolet, mais il le manqua, et le second, ajustant mieux, cassa la tête à monsieur de Lafleur ; le troisième m’enleva et me mit à terre, tandis que le quatrième traînait dans le bois le corps de mon ravisseur, et à eux tous ensuite ils fouillèrent et dévalisèrent toute sa voiture… Ainsi la providence fit punir ce misérable, et il n’eut ni la jouissance du vol qu’il avait fait, ni celle du crime qu’il avait voulu commettre envers moi.

Après cette expédition, les voleurs laissant aller à sa discrétion le cheval avec le mauvais cabriolet, rentrèrent dans le bois pour aller partager le butin dans la caverne qui leur servait de retraite, et me firent marcher avec eux, comme un garçon dont ils avaient besoin pour les servir, car, dans le tumulte et la précipitation, et avec l’obscurité qui régnait encore, ils n’avaient jugé de mon sexe que par mes habits.

Pour les entretenir dans cette supposition qui était du moins un préservatif pour mon honneur, dans ces premiers momens je me prêtai de la meilleure grâce que je pus à tous les travaux qu’ils firent faire pendant la journée, quoiqu’ils excédassent de beaucoup mes forces ; mais l’espérance de parvenir à recouvrer ma liberté en gagnant leur confiance, me donnait du courage.

J’eus même l’effronterie de leur dire, sur la demande qu’ils me faisaient du sujet de mes cris quand ils avaient couru sur nous, que j’étais bien aise d’être tombé entre leurs mains, car ils m’avaient délivré d’un grand danger. A cette occasion, j’eus encore la présence d’esprit de leur bâtir un conte à peu près vraisemblable. Je leur dis que l’homme qu’ils venaient de tuer, était un scélérat de cocher qui avait assassiné mon maître, qui voyageait dans cette voiture avec moi, et qu’il avait été porter son cadavre dans le bois (comme je leur avais vu faire du sien), le tout pendant que je dormais… et qu’en revenant ensuite, et me voyant réveillé, il allait me tuer de même s’ils n’étaient arrivés aussi heureusement pour moi…

Qu’en conséquence, comme je leur avais obligation de la vie, et que j’étais un pauvre orphelin, qui n’avais pas d’autre ressource que de servir les autres, je leur serais bien fidelle et bien attaché s’ils avaient des bontés pour moi. Ce discours eut tout l’effet que j’en désirais pour lors. Ils me dirent que si effectivement je les servais bien, ils me donneraient ma liberté au bout d’un an, et me renverraient avec plus d’argent que je n’en pourrais gagner en dix, au service du meilleur et du plus riche des maîtres.

Je m’employai donc avec plus d’ardeur à les contenter, me promettant bien de ne pas attendre, pour les quitter, le terme qu’ils me fixaient. Ils me firent d’abord descendre dans le souterrain plusieurs paquets de bois qu’ils avaient coupé et ramassé dans la forêt, pour l’usage de leur cuisine ; mais au dernier que je portais, la charge étant trop lourde, et pressée par le surveillant qui m’avait gardée et qui redescendait après moi, je chancelai sur l’échelle qui me servait d’escalier, et je tombai rudement au fond de la caverne, et sans connaissance : ces brigands vinrent pour me relever.

Par la violence du coup et de la secousse, mon mauvais gilet de toile s’était ouvert, et une épingle, dont j’avais rattaché ma chemise, que monsieur de Lafleur m’avait toute déchirée en me tourmentant, ayant sauté, ma gorge parut à nu.

Les voleurs, instruits par là de mon sexe, regardèrent cette nouvelle découverte comme un surcroît à la riche prise qu’ils avaient faite, et, se précipitant sur moi tous les quatre, d’un mouvement aussi vif que féroce, chacun voulait m’avoir pour sa part du butin. Cet acharnement égal qu’ils mirent tous à mon déshonneur, fut ce qui me sauva. Chacun me tirant de son côté, l’un par un bras, l’autre par une jambe, ils me firent revenir plutôt que s’ils m’avaient fait respirer des sels, ou avaler des cordiaux… mais aucun ne voulant céder, ils en vinrent aux coups, sautèrent sur leurs armes, et se battirent à outrance.

Leurs cris, leurs tiraillemens d’abord, le cliquetis de leurs sabres ensuite, et les coups de pistolet qu’ils se tiraient, m’ayant fait revenir tout-à-fait, je repris assez de force pendant le reste de leur combat, où ils se poursuivaient dans tous les recoins du souterrain, pour me relever et remonter à l’échelle. Déjà j’étais dans la forêt, et j’essayais à courir, mais ma faiblesse me trahit.

Deux des quatre brigands avaient été tués dans ce combat livré en mon honneur et pour me faire perdre mon honneur, lorsque les deux survivans, s’apercevant de ma fuite, montèrent après moi, coururent et me rattrapèrent. N’étant plus que deux, ils se proposèrent un accommodement amical pour des scélérats, mais dont je devais toujours être la victime ; ce fut ou de se battre à extinction pour savoir à qui aurait tout le butin avec la fille, ou bien de faire un partage égal du trésor et de la fille, et de se battre seulement au premier sang, pour décider qui des deux aurait le criminel plaisir de m’outrager le premier. Ils s’arrêtèrent à ce dernier parti. Ils commencèrent par me dépouiller, et m’attachèrent nue à un arbre, pour m’ôter la possibilité de fuir pendant leur nouveau combat.

Je criais de toutes mes forces, mais ils me serrèrent la bouche avec un mouchoir, et me voyant privée de toute espérance de secours, je n’attendais et ne désirais plus que la mort.

Les deux brigands, acharnés l’un sur l’autre, et convoitant également la possession entière du trésor, fruit de leurs assassinats, et que renfermait la caverne, et celle de mes faibles appas, ne voulurent plus se contenter de la première blessure… et se battirent avec fureur, chacun dans l’intention d’exterminer l’autre et de garder tout… Déjà j’étais couverte de leur sang, qui rejaillissait jusque sur moi ; et déjà, forcés tous deux de se reposer un instant pour reprendre haleine, le plus blessé avait proposé, pour dernier accommodement barbare, de partager l’argent, et de me couper par morceaux pour n’avoir point de jalousie à mon sujet… mais l’autre, plus obstiné, disait toujours qu’il voulait m’avoir le premier, et qu’après il en serait ce qu’ils aviseraient pour le mieux, et le combat recommençait…