MŒURS FINANCIERES
DE LA FRANCE

II.
LES SOCIÉTÉS DE CRÉDIT.

Quand on parle de sociétés de crédit, la chose et le nom semblent familiers à tout le monde. Il n’en était pas de même il y a quelques années. La génération actuelle a vu en effet se fonder chez nous presque toutes ces associations de capitaux, connues déjà en Angleterre, en Écosse surtout, qui sous la garantie d’une raison sociale et d’un capital collectif reçoivent l’argent du public et le tiennent à sa disposition pour ses besoins journaliers avec un léger intérêt. Or ces établissemens, que l’on peut appeler les réservoirs et les distributeurs du capital, jouent dans nos mœurs financières un rôle de plus en plus important. Aussi n’est-il pas sans utilité de rechercher les services qu’ils ont rendus au commerce et à l’industrie, de comparer leurs progrès en France avec ceux d’institutions semblables au dehors, surtout de montrer comment ils ont fonctionné dans deux circonstances récentes, pendant les cruelles années de 1870-1871, au moment de l’émission de nos deux derniers emprunts.

Le développement que ces sociétés ont pris chez nous en si peu de temps a été facilité surtout par la forme de la société anonyme, dont on peut dire que la France, malgré quelques insuccès, a tiré la première un merveilleux parti, entraînant les nations mêmes qui l’avaient devancée sous d’autres rapports à la suivre dans cette voie. Déjà les premiers de nos établissemens de crédit, la Banque de France, le Comptoir d’escompte, le Crédit mobilier, ont été dans la Revue l’objet d’une série d’études de M. Eugène Forcade ; nous avons, nous aussi, étudié à plusieurs reprises le mécanisme des sociétés financières, dont le but est d’aider à la circulation ou à la création du capital. Nous pouvons dès lors, sans discuter les principes universellement acceptés, nous borner à relater le résultat des applications qui en ont été faites.

Il est juste de rappeler que les écrivains financiers n’ont pas seulement vulgarisé les entreprises qui ont si largement modifié les habitudes du public ; ils ont eux-mêmes quelquefois contribué à les fonder ou à les administrer. Le contrôle de la presse a profité aux directeurs des sociétés comme à leurs cliens ; les règles, mieux discutées, ont été plus utilement suivies, et l’on a pu surmonter ainsi des difficultés que d’autres temps avaient trouvées insolubles. Dans la comparaison que nous faisions naguère entre lus événemens de 1848 et ceux de 1870-1871, nous remarquions que tous les établissemens de crédit existant à Paris en 18418 avaient dû entrer en liquidation[1], tandis que les années 1870-1871 présentaient un résultat tout contraire. C’est donc dans un espace de vingt et quelques années, puisque après la révolution de février il a fallu recommencer à nouveau toutes les entreprises de ce genre, que l’éducation universelle s’est faite, que les mœurs financières se sont transformées, que les sociétés de crédit ont repris une marche toute nouvelle, et c’est principalement dans les derniers temps de cette période que les résultats les plus significatifs ont été obtenus.


I

A l’exception de deux ou trois sociétés de crédit fondées à Lyon, Lille et Marseille, qui sont, à proprement parler, des annexes d’établissemens parisiens, c’est dans la capitale que toutes les institutions financières ont leur siège, c’est à la Bourse de Paris que les titres se négocient. La cote officielle en présente, à commencer par la Banque de France, une liste de dix-neuf ou exclusivement françaises ou mi-partie françaises et étrangères, et de trois étrangères seulement. Les titres de ces vingt-deux sociétés[2] se négocient au comptant ou à terme, et composent l’aristocratie de l’espèce. Au-dessous d’elles, et ne donnant lieu qu’à des transactions au comptant, on trouve mentionnées parmi les valeurs diverses neuf ou dix sociétés françaises et deux étrangères consacrées aux opérations de crédit territorial ou autres ; enfin sur la cote du marché libre figurent quelques sociétés de crédit étrangères, surtout celles qui ont été créées avec le concours des sociétés françaises, dont elles sont les correspondans nécessaires et les satellites. Après la Banque de France, notre grand établissement national, qui est un véritable instrument de gouvernement, une institution d’état, dont on sait le rôle patriotique et l’influence souveraine dans ces deux dernières années, la plus ancienne de nos grandes sociétés de crédit, le Comptoir d’escompte, a été fondée en 1848 pour venir en aide au commerce et à l’industrie française à la suite de la crise provoquée par la révolution de février. Les premières années du régime politique inauguré en 1852 ont vu successivement se fonder le Crédit foncier, le Crédit mobilier, le Crédit agricole, la Société industrielle et la Société générale, etc. ; la Société des dépôts et comptes courans et le Crédit lyonnais ont été les derniers venus de cette première période, qu’on peut dire celle de la création des grandes-affaires industrielles, et dont l’histoire a été si souvent faite ici même.

Au sortir d’années de langueur, suite de la crise de 1848, la France, comme l’Europe entière, s’était sentie possédée d’un immense besoin d’activité et de travail. Les théories les plus audacieuses et les plus séduisantes se produisirent alors ; des hommes dont il ne faudrait pas oublier le rôle prépondérant poursuivirent chez nous et à l’étranger la réalisation de leurs conceptions. C’était le moment où se fondaient le Crédit foncier, le Crédit mobilier, qui servit de type à tant d’établissemens semblables en Italie, en Espagne, en Autriche même, et se réunissaient d’énormes associations de capitaux pour construire les grands réseaux de chemins de fer, en France d’abord, dans plusieurs des autres états de l’Europe ensuite. Les établissemens de crédit qui se fondèrent alors semblaient avoir des visées plus hautes que ceux dont nous avons vu la constitution récente. Le Crédit foncier aspirait à libérer la propriété territoriale de la dette hypothécaire ; il a surtout servi à subventionner les constructions de Paris. Le Crédit mobilier ne tendait à rien moins qu’à substituer à tous les titres de valeurs négociables à la Bourse un papier qui les représentât tous, une sorte de lettre de gage toujours circulant, ses propres obligations en un mot, devenues le signe représentatif des valeurs émises par lui ou déposées dans ses caisses. Pour avoir oublié une seule fois le principe de la mobilisation de son capital social, le Crédit mobilier a vu sa fortune décroître et son influence disparaître. C’est au contraire en se bornant presque exclusivement au rôle de caissier du public, d’escompteur des effets de commerce, que les autres établissemens ont prospéré ; enfin c’est tout récemment, pour grouper les capitaux en vue des émissions d’emprunts d’état, que les plus nombreux et les derniers se sont fondés. Ces sociétés, franco-autrichienne, hongroise, égyptienne, hollandaise, italienne, belge, etc., improvisées en une seule année et à l’occasion de nos emprunts de 5 milliards, dont l’objectif est non pas de créer des industries internationales, mines, chemins de fer, transports maritimes, mais d’établir des comptoirs financiers pour y recevoir des capitaux destinés aux emprunts, aux arbitrages de place à place, sont-elles destinées toutes à une longue et fructueuse carrière ? Il est permis d’en douter. Cependant les services qu’elles ont rendus à l’occasion de nos émissions ne sauraient être méconnus. Cette cause même de la naissance de quelques-unes mise de côté, les intérêts à desservir sont si grands, il y a sous ce rapport un tel chemin à parcourir pour atteindre aux résultats obtenus en Angleterre par exemple et en Écosse, qu’on ne saurait trop étudier le fonctionnement de ces diverses sociétés, ni assez applaudir aux changemens qu’elles introduisent dans nos mœurs financières.

La France a toujours été un pays d’économie et d’épargne : les classes moyennes s’y sont élevées en grossissant sans cesse le capital accumulé ; nulle part, le numéraire n’a été plus abondant ni plus parcimonieusement recueilli. C’est à réunir ces trésors individuels, à leur donner un emploi, à en activer la circulation, que les institutions de crédit ont servi et doivent servir de plus en plus. L’escompte du papier de commerce, à l’aide duquel le producteur liquide à bref délai une opération faite, permet à l’industrie de multiplier les affaires et d’accumuler les profits : en faisant circuler plus rapidement le capital, les banques d’escompte l’augmentent, on peut dire, dans une proportion indéfinie. Les banques de dépôt n’ont pas une moindre utilité, mais le mérite en apparence est plus modeste, et nos habitudes d’économie domestique ont eu grand-peine à s’en accommoder. Pour persuader au public de confier ces épargnes amassées sou à sou, ce numéraire enfoui dans des cachettes, à une caisse qui pouvait en faire un mauvais emploi et qui ne les rendrait peut-être pas à la première demande, il fallait de grands efforts d’habileté, de patience, de désintéressement même. L’ancienne clientèle des banquiers ne se composait que de gens riches, payant largement les services de leurs mandataires ; le petit public, celui qui par les minces ruisseaux fait les grosses rivières, n’aurait jamais compris qu’il valût mieux avoir son argent dans une banque que chez soi, et qu’on soldât tout aussi facilement les achats de chaque jour avec un bon sur cette banque qu’avec des espèces métalliques. Ce n’était pas le marchand, déjà habitué aux effets de commerce, que le chèque devait étonner le plus, c’était l’acheteur qui pouvait le trouver incommode ou dangereux. Aussi, pour répandre l’emploi des chèques et pour introduire peu à peu l’usage des dépôts, a-t-il fallu promettre au public monts et merveilles, d’abord lui donner de gros intérêts, se faire ensuite son serviteur gratuit, non-seulement encaisser son argent, mais garder ses titres, en toucher les coupons et lui payer un intérêt des semestres encaissés, le tout à si peu de frais que le sacrifice fût pour la banque et non pour le client. Enfin on a dû prendre, avec les commissions les plus réduites, le soin d’opérer les achats et ventes de valeurs mobilières en garantissant même la solvabilité des officiers ministériels chargés des opérations. Au lieu d’être simplement les caissiers du public sans lui payer aucun intérêt de son argent, comme les premières banques en Écosse, nos établissemens de crédit ont accumulé les services de caisses, de titres, de nantissement, de bourse, en servant aux dépôts des intérêts très élevés et en courant toutes les chances des opérations auxquelles ils devaient se livrer eux-mêmes pour couvrir leurs dépenses et rémunérer leur capital de garantie. En dépit de tous ces efforts, le mouvement n’a pas été bien rapide. Ainsi le Crédit foncier n’avait environ que 1,200 comptes de dépôts ouverts au 31 décembre 1871, la Société de crédit industriel et commercial 5,500, le Crédit lyonnais 12,500, la Société générale 13,500. L’ensemble de ces dépôts atteignait 40 millions 1/2 au Crédit foncier, 16 millions au Crédit industriel, 30 millions au Crédit lyonnais, et 87 millions à la Société générale. À ces comptes de chèques et de dépôts à vue, il faudrait ajouter aussi ce que l’on appelle les comptes de dépôts à échéances fixes, qui sont représentés par des obligations payables à terme, et produisent naturellement des intérêts plus élevés. L’émission de ces obligations s’élève à des chiffres plus ou moins considérables : au 31 décembre 1871, le Crédit lyonnais en avait placé pour près de 21 millions, la Société générale pour près de 30. Il faut remarquer que, dans les momens où les valeurs publiques et notamment les fonds d’état offrent des placemens plus avantageux, on ne saurait attendre des capitalistes un grand empressement à immobiliser pour un certain délai des fonds qui ne produisent pas l’intérêt que donne la rente. C’est le cas pour les années 1871-1872. Le 5 pour 100 français rapportant plus de 6 pour 100, il n’était pas facile de croire qu’on fît de nombreux dépôts à échéance de un ou deux ans dans les sociétés de crédit, alors qu’elles ne peuvent offrir plus de 5 pour 100 d’intérêt.

Il n’est guère possible d’indiquer le total des dépôts d’argent faits dans tous les établissemens créés en France ; les exemples qui précèdent permettront au moins d’en apprécier l’augmentation progressive. De même qu’il ne suffirait pas, pour évaluer l’importance des affaires commerciales contractées dans un an, de connaître le mouvement du portefeuille de toutes les banques qui escomptent du papier de commerce, à commencer par la Banque de France et le Comptoir d’escompte, puisque toutes les opérations faites par l’intermédiaire des banquiers, ou directement d’acheteur à vendeur, échapperaient à la récapitulation, de même la relevé des comptes de chèques et de dépôts des sociétés de crédit[3] ne pourrait donner qu’une idée imparfaite de l’accumulation du capital et de la formation des réserves d’où dépend la prospérité du pays. Toutefois, comme l’usage des chèques entraîne plusieurs conséquences excellentes, d’abord la sécurité pour l’encaisse du numéraire nécessaire aux paiemens, ensuite l’augmentation des réserves encouragée par la perception d’un intérêt, enfin la direction de l’emploi de ces réserves, il importe, en suivant les progrès de notre éducation pratique en cette matière, de les comparer avec ce qui se passe en d’autres pays.


II

L’Angleterre est de tous les pays celui où les institutions de crédit sont les plus anciennes, les plus florissantes et les plus nombreuses. En dehors de la Banque d’Angleterre, dont les billets n’ont pas cours forcé en Écosse et en Irlande, un certain nombre de banques dans chacun des trois royaumes peuvent émettre du papier-monnaie. Seulement, depuis l’acte de 1845, dû à sir Robert Peel et intervenu après une crise effroyable, les banques provinciales alors existantes en Angleterre et en Irlande ou en Écosse, outre les banques royales, quelques établissemens particuliers purent seuls continuer à jouir du privilège d’émission, mais dans des limites établies suivant la circulation moyenne de l’année 1844-45, avec interdiction formelle d’en créer d’autres et retrait du privilège à mesure de la liquidation de ces établissemens.

L’acte de 1845 a limité à 15 millions de livres sterling l’émission de la Banque d’Angleterre, à 8 millions 1/2 celles des banques provinciales (par suite de la fermeture de quelques-unes, cette limite est abaissée aujourd’hui à moins de 7 millions), à 9 millions environ la circulation de billets des banques d’Écosse et d’Irlande. Pour les billets de la Banque d’Angleterre, la plus petite coupure est de 5 livres, pour toutes les autres de 1 livre. De plus chaque banque, à commencer par la Banque d’Angleterre, peut émettre des billets jusqu’à concurrence de la somme dont elle a dans ses caisses la représentation en numéraire, un quart en argent et trois quarts en or.

La limitation et la fin éventuelle du privilège d’émission coïncidaient avec d’autres mesures également favorables à la bonne organisation des sociétés de crédit. Avant 1833 et en raison du monopole concédé à la Banque d’Angleterre, les banques particulières ne pouvaient compter plus de six associés. La responsabilité, des actionnaires était indéfinie et solidaire. Peu à peu la responsabilité bornée à l’apport individuel prévalut, le nombre des associés s’étendit, et les banques par actions purent ainsi se multiplier. A Londres même, la London and Westminster Bank, la London joint stock Bank, l’Union Bank et la London and country Bank se fondèrent par actions, mais sans faculté d’émission de papier, de 1833 à 1839. Dans les provinces, c’est à partir de 1825 que le parlement autorisa, au-delà de 65 milles de l’église Saint-Paul, les banques par actions, avec faculté de compter plus de six associés ; celles qui furent créées après 1845 ne jouirent plus du droit d’émission. L’Irlande a suivi l’exemple de l’Angleterre ; d’abord soumise au monopole de la banque royale, qui interdisait la création de toute banque par actions, elle vit s’établir au-delà de 65 milles de la capitale plusieurs banques provinciales dont l’émission de billets fut limitée par l’acte de 1845 comme en Angleterre et en Écosse.

L’Écosse est la terre classique des banques. Le fondateur de la Banque d’Angleterre, William Paterson, était Écossais, et créait en 1795 une banque nationale à Edimbourg en même temps qu’à Londres. Tandis que le privilège de la Banque de Londres d’emprunter, de pouvoir lever des fonds sur ses billets à présentation, était interdit par une clause spéciale à toute société composée de plus de six personnes, dès 1807, dans une pensée politique, le gouvernement anglais constituait, à côté de la Banque d’Écosse, la Royal bank of Scotland par actions dont les souscripteurs n’étaient responsables que pour le montant de leur versement ; c’est cette banque qui inaugura le système des Cash crédits ou avances par caisses. Londres revendique l’honneur d’avoir ouvert pour la première fois une salle d’échange (clearing house), sur l’exemple donné déjà au XVIe siècle par les négocians, qui à Lyon, lors de la foire annuelle, liquidaient au moyen de bons leurs engagemens réciproques, soldant ainsi, sans un sou en métal, des transactions dont Boisguilbert portait le total à 2 milliards ; mais c’est à l’Écosse qu’est due l’initiative des prêts faits autrement que sous forme d’escompte d’effets ou de gage matériel à des hommes n’ayant d’autre garantie de leur solvabilité que leurs aptitudes et leur moralité. Ainsi la Royal Bank offrait d’avancer à toute personne laborieuse et honnête, sous la caution de deux citoyens connus, toute somme dont l’emprunteur aurait à faire un utile emploi. Le système des Cash crédits a fait la prospérité de cette nation écossaise, probe, austère entre toutes.

Il n’y a en Écosse que des banques par actions. Bien que de 1765 à 1845 le papier n’ait jamais été au-dessous du pair, l’acte de 1845 en a limité la circulation comme en Angleterre et en Irlande, où cette mesure a été nécessitée par des catastrophes chroniques. La solidité de toutes les banques d’Écosse a été si grande qu’une seule, l’Ayr Bank, dans le siècle dernier, et deux autres dans la crise de 1857, la Western Bank et la City of Glasgow Bank, ont suspendu leurs paiemens ; encore celle-ci s’est-elle reconstituée et a-t-elle reconquis tout le terrain perdu.

A la fin de 1871, Londres comptait vingt et une banques par actions ; cinq sont antérieures à 1840. La plus ancienne a été fondée en 1833, l’Union Bank. La London and Westminster a été créée en 1834 au capital de 10 millions de livrés sterling (250 millions de francs), dont le cinquième versé. L’Union, la Joint-stock Bank, n’ont qu’un capital nominal de 4 millions de livres. Il y avait aussi à la même date quatre-vingt-onze banques provinciales par actions, dont soixante-trois antérieures à 1840. La banque de Liverpool, créée en 1831, et celle de Manchester, en 1862, ont le capital le plus élevé, 5 millions de livres. L’Écosse compte douze banques par actions, et l’Irlande huit. La Banque d’Écosse a 1 million 1/2 st. de capital et la Royal Bank 2 millions st. Si l’on ajoute, à cet ensemble vingt-sept banques coloniales (Indes, Australie, Canada) et douze banques diverses dont le siège est à Londres, on aura le total des institutions de crédit qui reçoivent, gèrent et distribuent le capital employé dans le commerce et l’industrie de l’autre côté de la Manche. En 1872, six nouvelles banques ont été créées à Londres seulement[4]. N’oublions pas toutefois de rappeler qu’à côté de ces associations par actions existent en province et à Londres un grand nombre de banquiers dont la richesse et les ressources sont énormes. Les banquiers à l’ouest et à l’est de Temple-Bar se livrent à l’escompte du papier dans des proportions encore inconnues en France, et leurs moyens d’action sont si puissans qu’ils se font une loi invariable de ne jamais user des facilités du réescompte. si l’on veut s’en faire une idée, il suffira de dire que la maison Glyn Mills Carrie et C°, une des premières maisons particulières de Lombard-street, passe pour avoir compensé, en une seule journée au Clearing-house, pour 12 millions de livres ou 300 millions de francs.

La statistique du Clearing-house de Londres, qui sert à toute l’Angleterre, — des salles de compensation ou d’échange d’Edimbourg, Glasgow et Dundee pour l’Ecosse et du Clearing de Dublin pour l’Irlande serait intéressante à consulter pour apprécier ce mouvement d’affaires commerciales dont la grandeur défie toute comparaison. En 1871, les règlemens des effets et chèques faits par le seul Clearing-house de Londres ont dépassé 4,000 millions de livres, soit 100 milliards de francs. En décomposant par nature d’affaires ces règlemens, on a constaté que, si ceux qui ont trait aux affaires de bourse avaient considérablement augmenté par rapport aux années précédentes, ce qui concerne les affaires commerciales proprement dites conservait la plus large part. La question du marché de l’escompte en Angleterre, dont les habitudes diffèrent sensiblement des nôtres, mériterait une étude spéciale ; il en est de même du Clearing-house[5], dont on vient de tenter un essai à Paris, et qui est la clé de voûte de tout le système de banque en Angleterre, puisque c’est là que toutes les maisons et sociétés de banque de Londres et celles de province, par leurs représentans, échangent journellement leurs engagemens, dont le solde se paie par des viremens sur leurs comptes à la Banque d’Angleterre. Aujourd’hui nous ne voulons nous attacher qu’aux opérations spéciales de crédit en tant que dépôts et emploi des fonds reçus. L’importance des uns, le chiffre des bénéfices obtenus pour les autres, montreront à quel point toutes ces banques contribuent à accroître la fortune publique. Dans les banques par actions de Londres, les cinq plus importantes ont donné à leurs actionnaires en 1870 de 16 à 22 pour 100. Parmi les banques provinciales, il n’en est presque pas qui aient distribué moins de 5 pour 100, la moyenne est supérieure à 10. Les Joint-stock banks de Birmingham, Carlisle, Manchester et Liverpool, du Yorkshire, du Dorsetshire, ont donné 20 pour 100 ; la banque de la ville de Bury a distribué 25 pour 100. Les bénéfices des banques d’Ecosse et d’Irlande ne sont pas moindres ; celles qui rapportent le moins donnent encore 8 pour 100. Or ce qu’il importe de noter, c’est que les banques anglaises ne se mêlent point de spéculation ; les opérations de bourse, celles qui consistent à former des syndicats pour lancer des opérations financières, à faire des émissions de valeurs, ne leur sont pas seulement étrangères, mais porteraient atteinte à leur crédit. Elles se bornent aux affaires de banque proprement dites, elles sont les caissiers du public, elles prennent l’argent de ceux qui en ont, et l’emploient en escomptant les billets du commerce ou en ouvrant des crédits aux industriels et aux agriculteurs. Ce dernier genre d’opérations se fait sur une échelle immense, sans analogue chez nous. Les banques de Londres font le service de caisse de toutes les maisons respectables de la métropole, dont elles gardent sans intérêt un solde plus ou moins important. L’emploi qu’elles en font constitue leur bénéfice. Elles reçoivent aussi du public, comme toutes les banques de province, des dépôts d’argent dont elles donnent un intérêt inférieur au taux légal, et dont elles disposent pour des escomptes, des prêts sur nantissemens ou des reports sur valeurs de bourse. Comment se fait-il que ces opérations, qui passent chez nous pour ne pas procurer à nos institutions de crédit des bénéfices suffisans, assurent de l’autre côté du détroit aux banques par actions une prospérité si grande ? Cela tient à la différence des mœurs financières des deux pays. Dans le royaume-uni, aucun particulier ne garde chez lui la moindre somme de numéraire ; toute épargne est confiée aux banques et toute avance leur est demandée. Les opérations les plus importantes se soldant presque sans bourse délier, le capital, qui ne sert plus à payer les consommations faites, s’emploie à surexciter l’activité de la production. L’argent moins nécessaire d’un côté se paie moins cher d’un autre, ou on le prête plus souvent. La multiplicité des affaires et la rapidité de la circulation substituent aux gros bénéfices des bénéfices renouvelés. Le crédit obtenu avec moins de difficulté rend le gain plus facile ; aussi les avances consenties rentrent. avec exactitude, les effets se paient avec une grande régularité, et les banques de Londres, dont le portefeuille est rempli des effets de la province, ne les réescomptent jamais. Il arrive donc que les ressources mises à leur disposition par les dépôts dépassent énormément leur capital, et que l’emploi fréquent de ces ressources procure des bénéfices assurés. Pour la London and Westminster Bank en 1871, les dépôts et acceptations ont dépassé 23 millions de livres contre 3 millions seulement de capital, pour la Joint-stock Bank 14 millions contre 1,600,000 liv., pour la London and County et l’Union 17 et 16 millions contre 1,500,000 livres de capital. Par conséquent, lorsque la première n’a gagné que 1. 39 pour 100 sur l’ensemble de ses ressources employées, la seconde 1.74, la troisième 0.97 seulement et la quatrième. 1.40 pour 400, ce mince bénéfice, rapporté au capital versé, représente 18.43, — 23.55, — 18.02 et 20.21 pour 100[6]. Notons encore, à l’avantage des banques anglaises sur les nôtres, que les frais généraux y sont beaucoup moins élevés. On n’y connaît point ces soins minutieux pris pour la conservation des titres, l’établissement des comptes particuliers, le paiement des coupons, etc. Nos établissemens, et la société générale de Crédit mobilier en a offert le plus remarquable exemple, sont des modèles de contrôle, de promptitude, de régularité : le public y est conduit pas à pas et, comme dans nos chemins de fer, avec un souci incessant de sa sécurité. Un tel ordre est admirable sans doute, mais il se paie cher, et comme en dehors de ces services, qui ne coûtent presque rien aux cliens, on alloue aux dépôts un intérêt bien plus élevé qu’en Angleterre, il est difficile que nos établissemens produisent pour leurs actionnaires les mêmes avantages en se bornant aux mêmes opérations.

Après l’Angleterre, c’est l’Allemagne qui présente le tableau des sociétés de crédit les plus nombreuses, et dont la création, à vrai dire, est la plus récente. La cote de Berlin, à l’article Bank-und Industrie-Actien, donne une liste de soixante-neuf sociétés dont les titres sont l’objet de transactions de bourse, et parmi lesquelles ne figurent d’autres établissemens étrangers que ceux dont l’ambition allemande revendique déjà la nationalité, tels que les banques d’Amsterdam, d’Anvers et de Luxembourg. Les dividendes donnés par ces associations de capitaux sont pour la plupart satisfaisans ; pour l’exercice 1871, la moyenne est certainement supérieure à 10 pour 100[7].

L’Autriche, qui semble vouloir reconquérir par le travail la situation que ses armes lui ont fait perdre, est loin de présenter un ensemble d’institutions aussi imposant. Il y a cependant douze banques par actions à Vienne, la plupart avec un caractère international, et cinq à Pesth ; Trieste en compte trois, et Prague deux. Le capital de ces sociétés est en général peu élevé, et n’atteint pas souvent 10 millions de florins en capital nominal, soit moins de 25 millions de francs ; le Credit-anstalt ou Crédit mobilier, dont le siège est à Vienne, a seul un capital de 40 millions de florins tout versé ; les plus élevés sont ensuite la Banque anglo-autrichienne, qui figure pour 28 millions, dont la moitié a été versée, et la Banque austro-ottomane pour 25.

En Italie, on peut au moins citer vingt-cinq banques par actions, réparties inégalement dans les diverses capitales de la péninsule ; Gênes à elle seule en a dix, dont le capital est très peu élevé, sauf pour deux, qui se sont fondées avec un chiffre nominal de 25 millions. Florence n’en compte que cinq, parmi lesquelles la Banque nationale, dont tout le capital de 200 millions est versé, de même que celui de 50 millions pour le Crédit mobilier. La Banque de crédit italien n’a que 12 millions versés sur 60, et la Banca toscana di credito 4 sur 40. L’Italie est la terre privilégiée des crédits mobiliers ; il y en a encore un à Naples, un à Venise, un à Milan. Turin n’a plus conservé que la Banca di Torino, avec un capital de 120 millions, dont 10 versés ; Rome a trois banques, la Banca generale, la Romana, l’Italica-Germanica. — Citons enfin la Russie, où, sur quatorze banques, trois seulement n’ont pas versé la totalité de leur capital. La plupart, ayant été créées au capital de 17 millions de roubles, soit 68 millions de francs, peuvent prêter un appui sérieux au commerce, dont elles ont pour objet principal de favoriser les progrès. Telles sont la Banque internationale de commerce à Saint-Pétersbourg, et les banques de commerce à Moscou, Varsovie, Odessa et Riga.

Il resterait, pour compléter cette rapide revue des sociétés de crédit à l’étranger, à mentionner celles des deux pays dont la réputation financière est faite depuis longtemps, nous voulons dire la Hollande et la Belgique ; mais, par cela même que les institutions de crédit y datent de loin, les dernières années n’ont pas vu se produire un mouvement analogue à celui qu’ont présenté l’Allemagne et la France en particulier. Sur la cote officielle d’Amsterdam né figurent que les actions de la Banque et celles de la Société de Commerce, et sur la cote de Bruxelles dix-huit établissemens, parmi lesquels plusieurs dont les opérations ne rentrent pas dans notre cadre ; nous nous bornerons à quelques détails sur la Société générale pour favoriser l’industrie nationale en Belgique. Fondée en 1822, sous le patronage spécial du roi de Hollande, avec un capital composé en partie de propriétés depuis lors vendues ou restituées à la Hollande et en partie d’actions de 500 florins (1,058 fr.), dont le nombre a été arrêté en 1853 à 31,000, la Société générale a passé par des phases diverses. Après avoir subi le contre-coup des événemens de 1830 et de 1848, elle est arrivée à la situation la plus prospère que l’on puisse citer en ce genre. Grâce à la loi que la direction s’est faite de constituer en réserve les bénéfices extraordinaires, elle a, depuis plus de dix ans, formé un capital dit de réserve de 31 millions de francs, dont l’importance est égale à celle du capital social (32,800,000 francs) ; de plus une nouvelle réserve est en voie de formation au moyen d’un prélèvement spécial de 15 pour 100 sur les bénéfices annuels. A la fin de 1871, cette nouvelle réserve dépassait déjà 11 millions de francs. Ce double capital est représenté par des titres différens : un titre d’action, qui ne donne droit qu’à un intérêt de 5 pour 100, un titre dit part de réserve, qui donne droit au partage de tous les bénéfices qui dépassent cet intérêt. Les parts sont au nombre de 31,000 comme les actions, nominatives ou au porteur, et se négocient avec elles ou séparément. Pour 1871, l’action a reçu son intérêt de 52 francs 91 cent., la part de réserve un dividende de 97 francs 50 cent., et la nouvelle réserve a été accrue d’une somme de 17 francs 48 cent. par titre. Pour un capital primitif de 1,058 francs, c’est un bon placement. La moyenne des dix dernières années est un peu inférieure à ces chiffres ; à la cote officielle de Bruxelles fin septembre 1872, les actions de la Société générale valaient 1,167 francs 50 cent., et les parts de réserve 2,730 francs.

Si l’on veut résumer en quelques traits l’histoire de cette société, on peut dire qu’elle a eu trois phases : avant 1830, elle a surtout placé ses ressources en fonds publics ; aussi subit-elle cette année une perte de plus de 8 millions, ce qui ne l’empêcha point, après la séparation de la Belgique et de la Hollande, de contribuer à l’affermissement du crédit public du nouvel état en souscrivant aux emprunts. Elle n’eut pas à s’en plaindre ; elle réalisa ainsi de gros bénéfices et prit à ce moment la sage mesure de mettre à la réserve les profits provenant de ces sortes d’opérations. Ce n’est qu’à partir de 1835 que la Société générale s’occupa sérieusement de remplir sa mission industrielle ; mais tout d’abord elle n’agit que par intermédiaires, créant deux sociétés, l’une du Commerce, l’autre des Entreprises industrielles, qu’elle subventionna, et qui fondaient et géraient elles-mêmes les entreprises nouvelles. La liste de ces entreprises est très longue, elle renferme un grand nombre de hauts-fourneaux, de charbonnages, de mines, etc. A partir de 1849 et à la suite de désastres commerciaux, la direction reconnut que la Société générale, laissant à d’autres le soin de gérer des affaires où elle était la principale intéressée, faisait fausse route, et courait les plus grandes chances de perte sans avoir les plus gros bénéfices. Les sociétés du Commerce et des Entreprises industrielles furent liquidées, et la Société générale s’intéressa directement dans toutes les entreprises qui réclamèrent son appui. C’est à partir de cette troisième période qu’elle prit surtout une part active dans la création des chemins de fer.

Aujourd’hui la situation du grand établissement belge est des plus solides ; les actionnaires n’ont qu’à jouir d’une fortune on ne peut mieux assise. Il est aussi une habitude prise par la direction dans la rédaction des rapports présentés aux assemblées générales des actionnaires, faite pour gagner toute leur confiance. On y donne la liste très exacte de toutes les actions et obligations des sociétés industrielles que la Société générale possède, du revenu qu’elles rapportent, et on les évalue dans le bilan au prix de revient. Cet exposé sincère, qu’aucune de nos sociétés n’a encore entièrement imité, présente un résultat d’autant plus satisfaisant que presque toutes les entreprises dans lesquelles la Société générale s’est intéressée sont entrées dans la période des profits ; il donne lieu aussi de remarquer avec quel scrupule la direction n’emploie dans des placemens industriels ou de réalisation différée que le capital même de la société, actions et réserves, ayant soin de représenter par son encaisse, son portefeuille ou des placemens en fonds publics, les ressources que le public lui procure à échéance plus ou moins courte. Cette prudence de conduite et cet équilibre maintenu entre les exigibilités et les disponibilités méritent d’être proposés comme un bon exemple à suivre.

Nous ferons aux procédés de la Société générale belge deux légères critiques. D’abord, dans la création de titres différens pour l’action et la part de réserve, il semble que c’est à celle-ci que devrait être attribué l’intérêt de 5 pour 100, variable selon l’importance de la réserve même, et à l’action le dividende variable selon l’importance des bénéfices. La réserve représente l’économie, l’amortissement du capital primitif. Qu’un intéressé veuille réaliser son bénéfice passé et néanmoins rester associé aux chances de l’avenir, il le pourrait, si après la vente de sa part de réserve l’action lui gardait des éventualités autres que la perception d’un intérêt fixe. Nous remarquerons enfin que peut-être la Société générale belge, trop fière de sa fortune, s’endort un peu dans cette brillante situation. Après avoir tant fait pour l’industrie nationale, pour le crédit de l’état, après avoir sauvé l’institution des caisses d’épargne en 1831 en se chargeant de remplir les engagemens que les caisses particulières, à commencer par la caisse d’épargne de Bruxelles, ne pouvaient tenir, — après avoir inauguré le système des chèques et celui de l’émission des obligations à vue et à intérêt journalier, il. y a lieu de s’étonner aujourd’hui que la Société générale ne soit pas avec le public dans des rapports plus étendus. Au bilan de 1871, les engagemens de la société envers les tiers n’atteignent pas la somme représentée par ses ressources sociales proprement dites ; elle n’avait en dépôt que 12 millions pour le compte des caisses d’épargne, 31 millions en émission d’obligations et promesses, tandis que l’avoir seul des actionnaires s’élevait à plus de 75 millions. Cette proportion diffère bien de celle que présentent les banques anglaises et même les nôtres.

En Angleterre, nous avons vu que les banques par actions ne jouent qu’un rôle, celui de caissier du public, et n’emploient généralement leurs ressources qu’en papier de commerce ou en crédits personnels ouverts à des personnes reconnues solvables et cautionnées. Il n’en est pas de même pour les autres sociétés de crédit en Europe ; dans presque toutes, une grande part est faite à la spéculation, à l’émission des fonds d’état, à la subvention des entreprises industrielles. En Italie et en Allemagne notamment, la création des banques a coïncidé avec l’essor de l’industrie et y a puissamment contribué. Tous ceux qui ont comparé l’état nouveau de la péninsule italienne avec ce qu’elle était avant la guerre de 1859 ont été émerveillés de ses progrès. Le travail de l’homme s’y montre aujourd’hui à la hauteur de la fertilité du sol. En Allemagne, c’est plutôt la matière qui fait défaut à l’activité humaine : usines, mines, chemins de fer, entreprises de navigation, fabriques de tout genre, appellent et font fructifier les capitaux avec une rapidité surprenante. Tandis qu’en Angleterre le portefeuille des banques est toujours la contre-partie des dépôts, et qu’il existe peu de chances de pertes, mais que les bénéfices sur chaque opération sont restreints, ailleurs les banques courent la chance de plus gros profits, mais aussi risquent de voir leurs capitaux compromis ou au moins immobilisés. Or c’est à ces dernières que ressemblent davantage nos propres institutions de crédit. Sans doute il eût mieux valu qu’elles suivissent la fortune des banques anglaises ; nos habitudes s’y sont opposées. Recherchons au moins par quelques exemples les résultats obtenus et ceux que l’avenir peut produire.


III

Nous prendrons pour spécimen des sociétés de crédit en France la banque de Paris et des Pays-Bas, la Société générale et le Crédit lyonnais ; chacune répond à un ordre d’idées particulier, et semble jouer un rôle spécial. Ce n’est pas à dire que d’autres sociétés, le Crédit foncier par exemple et le Comptoir d’escompte, ne mériteraient pas de fixer l’attention des lecteurs ; mais c’est chose depuis longtemps faite pour tous les deux, rappelons seulement qu’un des principaux services rendus au public par le Crédit foncier a été de vulgariser pour sa part l’usage des chèques. La Banque de Paris et des Pays-Bas est un grand comptoir de prêts d’états. La Société générale pour favoriser le développement du commerce et de l’industrie en France a un vaste cadre, qu’elle a considérablement élargi comme banque de dépôts à Paris et dans les départemens. Le Crédit lyonnais est une institution provinciale qui est venue utiliser sur la place de Paris, où le capital trouve toujours emploi, les ressources de Lyon, où l’argent abonde toujours, et qui a conquis bien vite une situation supérieure à son nom.

La Banque de Paris et des Pays-Bas a été formée au commencement même de cette année des deux sociétés de la Banque des Pays-Bas et de la Banque de Paris. La première avait son siège nominal à Amsterdam et sa direction véritable à Paris, avec succursales à Genève, Bruxelles et Anvers. Grâce à l’initiative de ses fondateurs belges et allemands, après moins de dix années d’existence elle était très prospère ; quand elle s’est liquidée, les actions de 500 fr., toutes versées, entrèrent pour pareille somme dans la nouvelle société et touchèrent un remboursement de 210 fr. La Banque de Paris était une institution unique jusqu’alors, avec des commanditaires possesseurs de parts de 10,000 fr. non transférables sans l’aveu du conseil d’administration, ne recevant pas de dépôts, n’ouvrant guère de crédit, ne publiant pas de comptes-rendus, constituant un syndicat ou une réunion de financiers habiles, prêteurs ordinaires des états qui paient de gros intérêts. Elle fut fondée au capital nominal de 25 millions, dont le quart seulement fut versé, ce qui n’empêcha point les administrateurs, grâce à leur nom et à leurs propres ressources, de traiter de puissance à puissance avec les gouvernemens étrangers. Elle a été, elle est encore la caisse qui fournit aux besoins du trésor espagnol dans des proportions considérables, les actionnaires savent avec quel fruit. Le nom de MM. A. Delahante et Edmond Joubert est attaché à la Banque de Paris, comme celui de MM. Bamberger et Bischofsheim à la Banque des Pays-Bas. Dans la réunion des deux sociétés en une seule, on a vu figurer parmi les nouveaux administrateurs un représentant de la maison Stern frères, qui occupe un rang si élevé en France, en Angleterre et à Francfort.

La Banque de Paris et des Pays-Bas, qui s’est constituée au capital de 125 millions. de francs en actions au porteur de 1,000 fr., dont la moitié est versée, n’a pas abandonné les erremens de la Banque de Paris. Elle ne reçoit pas de dépôts, n’ouvre pas de crédits, et n’a que des correspondans en compte. C’est surtout une association financière pour l’émission des emprunts d’états et des valeurs négociables à la Bourse. Le groupe des hommes qui la dirigent se recommande par son habile appréciation des forces ou des défaillances des grands marchés européens. On peut dire que c’est un établissement international où l’élément allemand n’est pas le moins fort, utile combinaison certes à l’époque où nous sommes ; dans les deux emprunts nécessités pour le paiement de notre rançon à la Prusse, les hommes dont nous parlons ont rendu de vrais services à la Bourse de Paris et à la France elle-même. Toutefois la Banque de Paris et des Pays-Bas ne peut encore être considérée comme une des sociétés de crédit dont le rôle doive devenir permanent, qui puisse espérer en un mot une existence séculaire semblable à celle des grandes banques d’Ecosse ou d’Angleterre. Sans doute elle répond à un des besoins actuels, le placement des emprunts ; mais que d’autres nécessités surgissent, elle modifiera probablement son organisation pour y satisfaire.

La Société générale date de 186A ; fondée principalement par les soins de MM. Schneider, Bartholony, Pinard et Paulin Talabot, l’élément financier et l’élément industriel s’y combinaient. Le second en France n’offrait pas les mêmes chances de succès que le premier. Le concours donné à l’industrie sur une trop large échelle n’eût pas tardé à immobiliser une partie des ressources sociales ; la direction a dû chercher dans les participations financières des profits plus immédiats. Bientôt, et c’est particulièrement l’œuvre de l’administration actuelle, présidée par M. Denière, elle a trouvé dans l’extension de son action hors Paris le but principal à poursuivre. Sans renoncer à venir en aide à l’industrie, elle veut être le mandataire du plus grand nombre pour les affaires de Bourse et les emplois des capitaux, et jouer sous ce rapport pour toutes les classes de la société le rôle que la Banque de France et le Comptoir d’escompte jouent spécialement pour le commerce. En étendant ses agences, comme la première ses succursales et l’autre ses comptoirs, dans toutes les villes principales de France, elle offre à chaque citoyen une caisse pour recevoir son argent, pour garder ses titres, pour toucher ses coupons ; elle accepte des dépôts payables à vue ou à échéance plus ou moins longue moyennant un intérêt plus ou moins élevé ; elle délivre des chèques remboursables dans toutes ses caisses de Paris et de la province. A l’heure qu’il est, la Société générale a établi à Paris seize bureaux de quartiers, et dans les départemens cinquante-cinq agences ; elle a une succursale à Londres. Le nombre des comptes de chèques et de dépôts, qui n’était pas à la fin de décembre 1871 de plus de 13,500, dépasse à présent 18,000 : avec des circonstances favorables, il s’élèverait par une progression arithmétique en quelques années à 100,000 ; pour que ce résultat se réalise promptement, il suffira que la clientèle ait foi de plus en plus dans le crédit de l’établissement. Or dans les années 1870 et 1871 la Société générale a donné la preuve d’une solidité incontestable ; elle n’a jamais fait attendre un de ses créanciers, elle a remboursé 130 millions du commencement de la guerre aux événemens de la commune : aussi dès le retour du calme la confiance du public est revenue. Jamais les comptes de chèques ne se sont élevés aussi haut, les sommes reçues des tiers à divers titres dépassent 136 millions, et cela est surtout remarquable alors qu’en même temps la clientèle achète plus que jamais des valeurs de Bourse, et fait ses versemens anticipés sur nos derniers emprunts. — Quelles ressources inépuisables présente donc notre pays, qui peut payer, dépenser et économiser à lia fois dans des proportions gigantesques, et de quels progrès le travail est-il susceptible en France, si la paix se maintient au dedans et au dehors ! — La Société générale, pour devenir notre première société de crédit, n’a qu’à persévérer dans la régularité des services qu’elle rend ; mais on comprend tout ce qu’une action aussi disséminée exige de vigilance dans l’administration. Ajoutons que la partie la plus difficile de la tâche est celle qui consiste dans l’emploi même des ressources affluant de toutes parts, comme dans la rémunération du capital social, signe le plus irrécusable de la prospérité d’un établissement financier. Avec son organisme puissant, la Société générale ne peut pas se contenter de succès médiocres ; dans notre pays, la défiance vient trop vite, et le moindre ébranlement de ce grand corps serait un danger public. Il lui faut de toute nécessité atteindre à la fortune de certaines banques anglaises ou de la Société belge son homonyme. Heureusement on peut dire qu’elle est en bon chemin.

Le Crédit lyonnais doit son origine, ses développemens et sa fortune au président de son conseil d’administration. M. Henri Germain, aujourd’hui député de l’Ain et l’un des orateurs de l’assemblée les plus écoutés dans les discussions financières, n’était qu’un jeune homme riche, intelligent et instruit, quand il voulut doter sa ville natale d’une caisse de dépôts pour les petites bourses et de crédits pour les petites gens. Lyon possédait, comme il possède encore, de grandes puissances financières capables de gérer toutes les épargnes : il n’avait pas une banque ouverte presque gratuitement pour recevoir les plus petites sommes, toucher les coupons les plus faibles et garder les moindres titres.

Le Crédit lyonnais a été formé sur le modèle des banques provinciales d’Angleterre, en y ajoutant toutes les facilités que réclame le public français. Les succès, lents d’abord, se sont accélérés : à l’heure présente, il a 12,000 comptes de chèques ouverts à Lyon seulement ; la somme que lui confie le public à divers titres dépasse 100 millions, soit 200 pour 100 de son capital, récemment porté de 20 millions à 50 millions, et dont la moitié seulement est versée. Ce nombre de comptes ouverts dans une seule ville indique bien la nature du but poursuivi et atteint par le Crédit lyonnais, à savoir la constitution de l’épargne populaire. Comme il n’y a pas de minimum, de chiffre de dépôt, les plus petits versemens peuvent servir à ouvrir un compte : aussi les ouvriers, les domestiques, les femmes surtout, y apportent leur argent et forment la très grande majorité de la clientèle. En outre l’administration de la société a tenu à diriger l’emploi des capitaux disponibles, elle a recommandé les placemens qui peuvent le mieux convenir au public de Lyon, c’est-à-dire, outre les rentes françaises, même les valeurs des pays étrangers avec lesquels le commerce est en relations habituelles ; c’est ainsi que les fonds américains, italiens, les actions et obligations des chemins autrichiens y ont été en faveur. Rien n’est plus intéressant que de voir se succéder dans la grande salle des paiemens, au rez-de-chaussée que le Crédit lyonnais occupe dans le Palais du Commerce, cette foule de cliens et de clientes, modestement vêtus, qui discutent leurs affaires avec une véritable intelligence. Dans aucun établissement de Paris, l’affluence n’est plus considérable. Ce progrès de l’instruction populaire est très remarquable ; il est à souhaiter qu’il se répande partout.

Enfin le Crédit lyonnais a déjà su se composer une réserve du tiers de son capital versé, laquelle au terme de l’exercice courant en atteindra peut-être la moitié. De tous nos établissemens financiers, le Crédit lyonnais est non le plus important, mais celui qui se rapproche le plus du type dont la Société générale belge est jusqu’ici le meilleur modèle à certains égards. Il doit la confiance dont il jouit à la règle invariablement suivie de ne jamais considérer comme une valeur active des rentrées plus ou moins reculées, et de tenir autant que possible toutes ses ressources réalisables immédiatement. Ce qu’on appelle en style du métier un trou, c’est-à-dire une créance douteuse, de paiement différé, est comblé dans les inventaires et figure pour zéro au bilan ; d’autre part, et après quelques expériences coûteuses, la mobilisation du capital est devenue la pratique constante de la société. On en a eu la preuve dans les événemens de 1870-1871, où le Crédit lyonnais a eu toujours en caisse plus que ses exigibilités de toute nature, et dans les emprunts de 1871 et de 1872, où il a pu verser les sommes nécessaires aux grosses souscriptions qu’il n’a pas craint de faire pour lui-même[8]. Les trois sociétés dont nous venons de parler sont appelées du même nom, société de crédit ; en réalité, elles se livrent à des opérations très différentes, et il est sans doute utile d’entrer à cet égard dans quelques détails. Il faut avant tout distinguer deux sortes d’opérations, les opérations financières proprement dites et les opérations de crédit, de même que parmi les hommes d’affaires on appelle les uns financiers, les autres banquiers. La vraie société de crédit, telle que des habitudes récentes l’ont constituée, est celle qui reçoit les ressources du public, qui s’adresse directement à lui, encaisse son argent et ses titres, et les fait fructifier. En Angleterre, les sociétés qui reçoivent l’argent du public ne gardent point les titres, ne touchent pas les coupons et paient peu ou point d’intérêt ; comme contre-partie de ces ressources encaissées, elles font de l’escompte et des prêts. Les banques de crédit en France s’emploient bien mieux au service du public ; mais, comme cette tâche est onéreuse, elles sont obligées, pour payer les intérêts aux tiers et rémunérer leurs actionnaires, de recourir à des opérations qui constituent des aléas redoutables ; elles rentrent ainsi dans le cercle d’activité des sociétés financières proprement dites. Celles-ci se livrent aux négociations avec les gouvernemens et les corporations civiles ou industrielles : elles abordent les spéculations sur les fonds publics ou autres ; comme elles fuient toute responsabilité vis-à-vis du public en général, qu’elles ne sont pas exposées aux remboursemens immédiats des avances faites, ces sociétés financières ne craignent pas d’immobiliser dans les spéculations et les engagemens à terme des ressources considérables avec l’espoir de gros bénéfices. La fortune, en les trompant, ne frapperait que leurs actionnaires ; le désastre d’une grande société de crédit aurait des conséquences bien plus funestes, puisqu’en dehors des actionnaires il atteindrait un nombre plus ou moins élevé de déposans. Là où les administrateurs de sociétés financières ont surtout besoin d’habileté, ceux des sociétés de crédit doivent déployer tout à la fois de l’habileté et de la prudence. Le rôle d’une société comme la Banque de Paris et des Pays-Bas peut avoir plus d’éclat, celui de la Société générale présente bien autrement de difficultés.

Les détails que nous avons donnés plus haut sur l’administration de la Société générale belge permettront au lecteur de faire des comparaisons utiles avec ce qui se passe chez nous et de discerner quelles mesures utiles on pourrait lui emprunter. Il est vraisemblable, en dépit de la résistance que des habitudes anciennes opposent ici aux innovations, que les progrès de notre éducation financière marcheront d’un pas plus rapide. Nous avons eu déjà sujet de regretter que, pour un des modes de crédit les plus recommandâmes, la pratique des assurances sur la vie, notre pays fût tellement en retard sur l’Angleterre et les États-Unis surtout ; depuis quelques années, et malgré les difficultés créées par les circonstances, le nombre des assurances sur la vie tend à augmenter. Il en sera de même de l’usage des chèques, des viremens, des compensations ; rien ne l’activera davantage que la bonne administration et la solidité des institutions de crédit ; rien ne l’arrêterait plus qu’une défaillance de ces établissemens, dont la prospérité est d’intérêt public. Tout ce qui peut augmenter la valeur de leurs titres, la constitution de fortes réserves et la représentation de ces réserves par des Litres spéciaux, l’intérêt proprement dit séparé des dividendes, la publication des valeurs qui représentent le capital et les réserves, ce sont autant de mesures bonnes à introduire chez nous comme en Belgique.

Ces observations sur les perfectionnemens à introduire dans l’administration des sociétés financières ont d’ailleurs une portée générale plus opportune qu’à aucun autre moment. Les dépenses considérables de la guerre de 1870 et l’énorme rançon payée à la Prusse ont diminué le capital de roulement du pays, de même que les intérêts à payer pour les deux emprunts récens et la surcharge des impôts nouveaux se résument en prélèvemens sur le revenu de chaque citoyen. Il faut que le travail national augmente ses efforts pour supporter ces charges, et, comme la production ne peut s’accroître qu’avec un accroissement correspondant de consommation au dedans ou au dehors, il faut que les dépenses privées augmentent en même temps que le budget des dépenses publiques grossit. D’autre part, en attendant que l’épargne annuelle ait reconstitué le fonds de roulement nécessaire au travail national, il faut aussi que des moyens de crédit y aient pourvu et que la circulation ne soit ni amoindrie ni ralentie. Les établissemens de crédit peuvent et doivent jouer ce grand rôle. Quand on voit, comme en Angleterre, tant de transactions se liquider par de simples viremens de comptes, on comprend à quel point la bonne organisation des sociétés de crédit peut aider à la circulation et se prêter à l’activité des affaires, devenue pour nous une nécessité sociale. La multiplicité des comptes de dépôts, en agglomérant de grandes ressources, permet en outre aux sociétés financières de venir en aide, par des spéculations qui méritent d’être encouragées, au placement d’emprunts que le public recherche d’autant plus volontiers qu’il a plus de concurrent et dont il n’acquitte le prix que par des paiemens successifs. En attendant ces rentrées, souvent éloignées, la spéculation les escompte selon les besoins du trésor, dans l’intérêt même des souscripteurs, dont elle prend momentanément la place.

A coup sûr, le spectacle donné par notre pays en 1872 a dépasse toutes les prévisions ; nous ne voulons pas seulement parler du succès inespéré du dernier emprunt, où, moins d’un an après un précédent appel au crédit de 2 milliards 1/2, lorsque 3 milliards 1/2 étaient de nouveau demandés, les souscriptions se sont élevées à 43 milliards. Deux ou trois mois après cette émission, le trésor, par voie de libération anticipée, avait déjà reçu la moitié de la somme demandée ; en même temps, toutes les sociétés de crédit voyaient leurs comptes de dépôts s’élever, et le comptant sur les différentes bourses enlevait les titres de la rente dans des proportions inusitées. Il ne faut pas cependant s’abuser sur ces premiers symptômes ; beaucoup de ces libérations anticipées cachent des opérations d’arbitrages qui ne constituent point des achats définitifs de rentes, il faudra les liquider un jour, et pour cela il importe que la spéculation à a baisse ne prévale point ; on doit ensuite reconnaître que ce sont les dernières portions des emprunts qui se classent le plus difficilement. En finance comme en guerre, notre premier élan est admirable et le plus fort ; la réflexion le refroidit. Aujourd’hui c’est d’un effort continu que notre pays a besoin : intérêts des emprunts, dépenses publiques, dépenses privées, reconstitution du capital de roulement, le travail national doit suffire à tout. Heureusement que le champ est vaste, presque illimité, que les besoins individuels sont loin d’être satisfaits, et qu’après cette explosion d’activité et de richesse qui vient d’étonner le monde la France n’est ni épuisée ni même lassée, — au contraire on peut dire que l’ère de l’industrie commence pour elle. Le travail sous toutes les formes, à tous les degrés, n’est-il pas sa ressource suprême, son honneur, sa loi, le devoir inflexible de chaque citoyen ? Non-seulement le travail nous permettra d’obtenir ces trois résultats matériels, en apparence contradictoires, de dépenser plus afin d’être contraints de produire davantage, de payer plus à l’état et de refaire par nos économies le capital de roulement qui nous a été enlevé ; il peut aussi seul donner à nos mœurs politiques la force qui leur manque, et réunir par un lien commun les classes divisées. Sur les questions politiques ou religieuses, on peut douter que l’accord se fasse aisément, l’avenir ne se montre pas sans nuages ; en tout cas, produire sans relâche est le seul moyen d’oublier ces divisions cruelles et peut-être d’en prévenir les effets. Que dans les arts, les sciences, les lettres, comme dans l’industrie, l’agriculture et le commerce, un mouvement universel éclate, que l’oisiveté soit non-seulement proscrite par la morale, mais encore par l’opinion, que chacun soit soucieux d’accroître son capital, de multiplier ses aptitudes, cet égoïsme bien entendu tournera au profit de tous, et les vertus patriotiques du travail nous auront refait de belles destinées.


BAILLEUX DE MARISY.

  1. , Sauf la caisse Béchet, qui par prudence se hâta de rembourser à ses actionnaires la moitié de leur capital, mais continua honorablement les affaires avec l’autre moitié jusqu’en 1870, terme statutaire de son existence.
  2. Voici la liste des dix-neuf sociétés de crédit dont les titres sont négociés à terme à Paris et suivant l’ordre où elles figurent sur la cote : la Banque de France, la Banque de Paris et des Pays-Bas, le Comptoir d’escompte, le Crédit agricole, le Crédit foncier colonial, le Crédit foncier de France, la Société algérienne, le Crédit industriel et commercial, le Crédit lyonnais, la société de Crédit mobilier, la Société des dépôts et comptes-courans, la Société financière de Paris, la Société générale pour favoriser le commerce et l’industrie en France, le Sous-Comptoir du commerce et de l’industrie (en liquidation), la Banque franco-autrichienne-hongroise, la Banque franco-égyptienne, la Banque franco-hollandaise, la Banque française et italienne, la Banque de l’union franco-belge. — Les trois sociétés de crédit purement étrangères sont : la Banque ottomane, le Crédit foncier d’Autriche, la société de Crédit mobilier espagnol.
  3. Le compte des dépôts faits à la Banque de France ne peut être invoqué au point de vue de ce travail comme un renseignement à consulter : il ne représente en général que des ressources de trésorerie pour faire face à des paiemens journaliers de la part des particuliers ou sociétés qui ont un compte-courant ouvert à la Banque, lequel ne rapporte aucun intérêt aux déposans. La Banque joue à cet égard le rôle de caissier, destiné à faciliter la liquidation des transactions, mais sans encourager à l’épargne, à la production du capital, objet essentiel des sociétés de crédit.
  4. Voyez la publication intitulée The London banks, credit, discounts and financier companies, qui donne les détails statistiques, capital, dividendes, etc., sur chaque établissement.
  5. Voyez à ce sujet l’étude de M. Esquiros dans la Revue du 15 février 1863.
  6. Nous extrayons la plupart de ces chiffres d’un intéressant travail sur les banques anglaises fait par M. Rabino, directeur de la succursale du Crédit lyonnais à Londres, sur la demande de l’administration de cette société. C’est pour nous un devoir de louer sans réserve le soin avec lequel celle-ci étudie et fait étudier ce qui concerne la situation de tous les états et de toutes les grandes entreprises au dedans et au dehors.
  7. Les banques de Brême, Lübeck, Worms, ont donné 7 pour 100, la Norddeutsche, la Preussische, la Schlesische, la Dessauer Landesbank, plus de 12, la Darmstädter et la Berliner 15 pour 100, le Bank-Verein 16.
  8. L’emploi du capital social (non des dépôts, dont le portefeuille et la caisse sont la contre-partie nécessaire) en rentes françaises n’est certes pas une infraction à la règle de la mobilisation du capital, au contraire. Si mobile qu’on le veuille, il faut toujours l’utiliser. Or il suffit qu’il soit employé en titres de négociation immédiate, de rapport certain et rémunérateur. Les rentes françaises ont assurément ce caractère, et le placement du capital entier et des réserves du Crédit lyonnais, s’il eût été fait en 5 pour 100 français, n’aurait pu qu’augmenter encore la confiance du public envers lui. Au reste, la proportion des dépôts avec le capital, plus forte que pour toute autre, montre bien le crédit de cette société. Le capital est de 60 millions, tandis que celui de la Société générale s’élève à 120, et celui de la Banque de Paris et des Pays-Bas à 125.