Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique/Résumé

Université catholique d’Amérique (p. 567-574).

RÉSUMÉ DE L’HISTOIRE ANCIENNE DE L’ARMÉNIE

de Moïse de Khorène


C’est à titre de curiosité que je donne ici un résumé de l’Histoire ancienne d’Arménie, d’après Moïse de Khorène, pour la période qui nous occupe. Moïse de Khorène nous apprend lui-même[1] qu’il avait beaucoup voyagé, il avait visité beaucoup de bibliothèques, Édesse, Alexandrie, Athènes, Rome ; il avait beaucoup lu, beaucoup entendu, beaucoup appris, il savait tout, hormis toutefois ce qu’il fallait savoir pour écrire l’Histoire ancienne de l’Arménie ; il ne vit point les Annales des rois d’Assyrie, et puis, les eut-il vues qu’elles eussent été lettre close pour lui, comme le furent les Inscriptions vanniques. Il ne recueillit guère que des fables où l’esprit le plus exercé a de la peine à reconnaître de loin en loin quelque lambeau d’histoire.

Il est vrai qu’une des sources principales de Moïse, certain Mar Apas Catina, Syrien d’origine, homme, dit-il, profond et très versé dans les lettres grecques et chaldéennes, avait obtenu du roi parthe Arschag (Mithridate Ier, 171–138) la permission de consulter les Archives de Ninive ; et là il trouva (env. 150 av. J.-Chr.) un livre en caractères grecs qui portait la suscription suivante : « Ce livre fut, par l’ordre d’Alexandre de Macédoine, traduit du chaldéen en grec ; il contient l’histoire des anciens, des ancêtres. » Mais qu’est-ce que ces Archives de Ninive ? À l’époque de Mar Apas Catina les archives de Ninive dormaient depuis quatre cents ans déjà sous les ruines des palais d’Assurbanipal. Elles sont aujourd’hui au Musée britannique et jusqu’ici les assyriologues n’y ont rien trouvé qui confirme les récits invraisemblables du savant Syrien.

Quant aux inscriptions des rois d’Arménie, Moïse de Khorène ne les a pas ignorées ; il les a même vues sans aucun doute ; mais, comme nous l’avons déjà dit, elles furent lettre close pour lui : bien plus il les attribue à une étrangère, la légendaire Sémiramis, reine d’Assyrie, tandis qu’il flétrit « d’un souvenir de blâme la conduite nullement philosophique » de ses premiers ancêtres. « Évidente à tous, dit-il, est l’insouciance de nos rois, et autres ancêtres, pour la sagesse ; évidente est l’imperfection de leur intelligence, de leur raison, car quoique nous ne soyons qu’une nation très peu nombreuse, resserrée dans d’étroites limites, notre pays n’en a pas moins été le théâtre de mille actions de valeur. Et pas un de nos rois n’a pris soin de les enregistrer !… autrefois, comme aujourd’hui, les Arméniens avaient de l’antipathie pour la sagesse et les chants rationnels » (Moïse de Khorène, Livre i, 3).

Les pages suivantes sont en grande partie extraites du Premier Livre de Moïse de Khorène, d’après la traduction qu’en a donné Victor Langlois dans sa Collection des Historiens anciens et modernes de l’Arménie[2] (Paris 1867–1869). Nous avons, autant que possible, suivi cette traduction et conservé ses expressions. Nous ne nous en sommes écartés que lorsque nous avons dû condenser en quelques lignes des pages où l’auteur était visiblement plus préoccupé de montrer son habileté littéraire que sa science historique.


Moïse de Khorène fait commencer l’histoire de l’Arménie avec Haïg, fils de Taglat (= Thorgom), fils de Sirat (= Thiras), fils de Mérod (= Gomer), fils de Japhétos ou Japhet.

Haïg donc vivait à Babylone avec son fils Arménag ; fatigué du despotisme de Bel, roi de Babylone, il s’en va en la terre d’Ararat, aux contrées du Nord, avec ses fils, ses filles, les fils de ses fils, hommes vigoureux au nombre de trois cents environ, avec les fils de ses serviteurs, les étrangers attachés à lui, et tout son train. Il s’établit au pied d’une montagne où quelques-uns des hommes précédemment dispersés s’étaient arrêtés et établis. Haïg les soumet à ses lois ; bâtit des établissements sur cette terre qu’il donne en héritage à Gatmos, fils d’Arménag. Puis il s’en va avec le reste de sa suite au Nord-Ouest, et s’établit sur une plaine élevée qu’il nomme Hark (Pères), ce qui veut dire : Ici habitèrent les Pères de la race de Thorgom ; et bâtit une ville qu’il appelle Haïgaschên (construit par Haïg).

Cependant Bel, ayant affermi sur tous sa domination, envoie des messagers à Haïg pour l’engager à se soumettre à lui et à vivre en paix : « Tu t’es fixé, lui disait-il, au milieu des glaces et des frimas ; réchauffe, adoucis l’âpreté glaciale de ton caractère hautain, et, soumis à mon autorité, vis tranquille, là où il te plaît, sur toute la terre de mon empire. » Mais Haïg renvoya avec dédain les messagers à Babylone. Alors Bélus, rassemblant ses forces, marcha au Nord avec une nombreuse infanterie, contre Haïg, et arriva au pays d’Ararat, non loin de l’habitation de Gatmos. Celui-ci s’enfuit vers Haïg, envoyant en avant de rapides coureurs : « Sache », dit Gatmos, « ô le plus grand des héros, que Bélus vient fondre sur toi avec ses braves immortels, ses guerriers à la taille élevée et ses géants. » En apprenant qu’ils approchaient de mon domaine, j’ai pris la fuite. Me voici, j’arrive en toute hâte, avise sans plus tarder à ce que tu dois faire. »

Haïg aussitôt rassemble sa petite mais vaillante armée et se porte au devant de Bélus. Arrivé sur les bords du lac de Van, il s’arrête un instant pour adresser à ses soldats une harangue aussi brève qu’énergique. « Efforçons-nous », dit-il, « d’arriver à l’endroit où Bélus se tient entouré de ses braves. Si nous mourons, ce que nous possédons tombera en ses mains ; si nous nous signalons par l’adresse de nos bras, nous disperserons son armée et nous serons maîtres de la victoire. » Enflammée par ces quelques mots, la petite troupe franchit d’une marche rapide la distance qui la sépare de Bélus, et soudain débouche devant l’ennemi. Les deux armées ne sont séparées l’une de l’autre que par un torrent ; elles sont appuyées l’une et l’autre sur les hauteurs qui resserrent la vallée. S’étant approchés de tous côtés appuyés les uns sur les autres, les géants, dans leur choc impétueux, faisaient retentir la terre d’un bruit épouvantable et par la fureur de leurs attaques ils répandaient la terreur et l’épouvante. Grand nombre de robustes géants, de part et d’autre, atteints par le glaive, tombaient renversés à terre. Cependant des deux côtés la bataille restait indécise. À la vue d’une résistance aussi inattendue et pleine de dangers, Bélus effrayé remonte sur la colline d’où il était descendu (car il croyait trouver un abri sûr au milieu des siens) jusqu’à ce qu’enfin toute l’armée étant arrivée il put recommencer l’attaque sur toute la ligne. Haïg, l’habile tireur d’arc, comprenant cette manœuvre, se place en face du roi, bande son arc à la large courbure, décoche une flèche munie de trois ailes, droit à la poitrine de Bélus, et le trait, le traversant de part en part, sort par le dos et retombe à terre. C’est ainsi que le fier Titan abattu et renversé expire. Ses troupes, à la vue de ce terrible exploit, prennent la fuite sans qu’aucun se retournât en arrière.

Haïg couvrit de constructions le champ de bataille et le nomma Haïotz-tzor, c’est-à-dire vallée des Arméniens. Il fit transporter à Hark le corps de Bélus qui était peint de diverses couleurs et le fit enterrer sur une hauteur à la vue de ses femmes et de ses fils.

Haïg mourut lui-même à Hark, laissant le commandement à son fils Arménag. Celui-ci abandonna la province de Hark à ses deux frères Khor et Manavaz, ainsi qu’à son neveu Paz, fils de Manavaz. De là les districts de Khorkhorouni (avec la ville de Manasguerd) et de Peznouni. Quant à lui il alla s’établir dans ce qui devint la province d’Ajrarad, au pied du mont Aracadz. Il eut un fils nommé Aramaïs, qui lui succéda. Celui-ci appela de son propre nom la ville d’Armavir et donna au fleuve Eraskh (l’Araxe) le nom de son fils Arasd. Aramaïs eut un autre fils nommé Chara, le Gargantua arménien, qu’il envoya dans le district de Chirag qui seul semblait pouvoir le nourrir. Enfin un troisième fils d’Aramaïs, Amassia, s’établit à Armavir.

Cet Amassia eut à son tour trois fils : Kegham, Parokh et Tzolag. Ces deux derniers donnèrent leur nom à deux cantons situés au pied de l’Ararat qui lui-même s’appela dès lors Massis, du nom d’Amassia.

Quant à Kegham il succéda à son père à Armavir, mais il laissa bientôt cette ville à Harma son fils et s’en alla vers le lac de Sevanga qu’il appela Kegharkouni. Là il eut un autre fils, Sissag qui reçut en apanage la province qui fut appelée de lui Sissagan et qui s’étendait depuis le lac de Sevanga jusqu’à l’endroit où l’Araxe débouche dans la plaine (un peu en amont de son confluent avec le Bergouschet). Kegham retourna ensuite dans la plaine où il mourut, en enjoignant à son fils Harma, de rester à Armavir.

Harma engendra Aram dont on raconte une foule d’actions d’éclat et de valeur, et qui étendit de tous les côtés le territoire des Arméniens. C’est de son nom, dit Moïse de Khorène, que tous les peuples appellent notre pays : les Grecs l’appellent Armène, les Perses et les Syriens Arméni.

À cette époque Ninus ne régnait pas encore en Assyrie. Aram, inquiété par les Mèdes à l’Orient, entreprit une guerre qui se termina par l’écrasement de ses adversaires. Il se tourna ensuite vers l’Assyrie qu’il conquit sans peine, après avoir culbuté et tué son roi Parscham. Ce prince ruinait sa patrie en l’écrasant d’impôts ; il n’en fut pas moins déifié et adoré après sa mort. Non content de tant de gloire, le conquérant arménien se jeta sur les provinces d’Asie Mineure. Il porta ses armes, toujours victorieuses, jusqu’en Cappadoce où un de ses lieutenants Maschag fonda au pied du mont Argée la ville de Majac (Mazaca) qui devint plus tard Césarée. Aram mourut à un âge avancé, plein de gloire, comblé d’honneurs par Ninus, alors roi d’Assyrie. Ce dernier, il est vrai, détestait cordialement le prince arménien, car c’était un descendant de Bélus et depuis longtemps il songeait au moyen de venger la défaite et la mort de son ancêtre. Mais la crainte de se voir lui-même dépouillé de son royaume le retenait. Il cacha ses perfides desseins et ordonna à Aram de conserver la puissance sans inquiétude ; et même il lui accorda le droit de porter le bandeau de perles et le nomma son second.

Le successeur d’Aram fut son fils Ara le Beau. En ce temps-là l’impudique et voluptueuse Sémiramis régnait seule à Ninive ; Ninus, son mari, s’était retiré dans l’île de Crète, dégoûté du libertinage et de la perfidie de sa femme. Sémiramis avait entendu parler de la grande beauté du prince arménien. À plusieurs reprises elle lui avait envoyé des ambassadeurs pour le prier de se rendre à ses désirs ; mais sans succès, car Ara était aussi vertueux qu’il était beau. Froissée de ces refus, Sémiramis voulut conquérir par les armes ce qu’elle n’avait pu obtenir par la prière. Elle envahit donc l’Arménie et vient surprendre Ara au cœur de son royaume, dans la plaine de l’Araxe. Ara fut non seulement vaincu, mais au grand désespoir de Sémiramis il fut tué !

Comme l’orgueilleuse reine d’Assyrie retournait à Ninive, elle passa sur la rive orientale du lac de Van. Charmée par la beauté du paysage, par la pureté de l’air, par la fertilité du sol qu’arrosait des eaux savoureuses et limpides, elle résolut de faire de ce lieu sa résidence d’été. Aussitôt elle fait venir des milliers d’ouvriers, et sous la direction des meilleurs architectes, elle construit au pied du rocher de Van, une ville d’une beauté féerique, ceinte de murailles cyclopéennes ; sur la crête même du rocher, elle élève sa somptueuse résidence. Bien que la pierre du rocher fut si dure qu’on ne pouvait y tracer un seul caractère avec le poinçon, Sémiramis y fit creuser des palais, des chambres, des caveaux pour y mettre ses trésors, et de longues galeries. Sur toute la surface de la pierre, comme on fait sur de la cire avec un stylet, elle fit tracer une infinité de caractères. Dans beaucoup d’autres cantons de l’Arménie, la reine fit graver sur la pierre le souvenir de quelque événement ; sur beaucoup de points elle fit dresser des stèles avec des inscriptions tracées de même.

Sémiramis, en souvenir de sa première passion pour le prince arménien, appela Ara le fils qui était né de lui et de sa femme Nouart. Il avait douze ans à la mort de son père ; la reine avait pleine confiance en lui, et malgré son jeune âge elle lui donna le commandement de l’Arménie. Puis, comme elle voulait toujours aller passer l’été dans le Nord, dans la ville qu’elle avait fondée, elle confia le gouvernement de l’Assyrie et de Ninive à Zoroastre, mage et chef religieux des Mèdes. Mais celui-ci se laissa bientôt gagner par l’ambition et chercha à supplanter la reine qui dut prendre les armes pour le ramener à l’obéissance. Elle fut vaincue et réduite à s’enfuir en Arménie. Son fils Ninyas, le seul de ses enfants qui eut échappé à sa cruauté, en profita pour faire tuer sa mère et prit en main le gouvernement de l’empire.

Ara était mort dans cette même guerre, laissant un fils appelé Anouschavan, qu’on avait surnommé Sos (peuplier argentifère), car il était voué aux fonctions sacerdotales dans les forêts de peupliers d’Aramaniag, à Armavir. Le tremblement des feuilles de peuplier, au souffle léger ou violent de l’air, était l’objet d’une science magique en Arménie et le fut longtemps.

Cet Anouschavan eut à souffrir pendant de longues années le mépris de Zamassis (Ninyas) qui le retenait à sa cour. Mais finalement, aidé par ses partisans, il réussit à obtenir le gouvernement d’une partie du pays, moyennant tribut, puis du pays tout entier.

Anouschavan mourut sans enfant. Mais son successeur Bared appartenait aussi à la descendance d’Haïg. D’ailleurs Moïse de Khorène ne sait rien de ce prince et de ses successeurs jusqu’à Sgaïorti, sinon qu’ils furent sous la dépendance des Assyriens. Le P. Tchamitchian a pourtant recueilli quelques détails intéressants sur deux ou trois d’entre eux. Le cinquième successeur d’Anouschavan, Pharnak, fut vaincu par Sésostris qui lui rendit le gouvernement de l’Assyrie. Après le départ du roi d’Égypte, Pharnak bâtit un certain nombre de forteresses dans ses États pour les défendre d’une nouvelle invasion. Sous son successeur, Sour, un bon nombre de Chananéens, chassés de Palestine par les Hébreux, vinrent fonder une colonie en Arménie.

Sour mourut après un règne glorieux de 45 ans. Son troisième successeur, Haykak, prince habile et belliqueux, porta à son apogée la gloire nationale de l’Arménie ; il attaqua et vainquit les Assyriens, dont le roi Amindes dut reconnaître sa suzeraineté. Il fut moins heureux avec son successeur Beloch. Celui-ci lui résista énergiquement et finit par vaincre les Arméniens dans un combat décisif où le prince arménien fut tué. La fortune de l’Arménie semble s’être maintenue assez bonne sous les successeurs de Pharnak jusqu’au dernier prince de cette période Pharnak II, qui la fit baisser considérablement ; c’était un homme inactif et insouciant ; sous lui le pays fut envahi à plusieurs reprises et bon nombre de provinces arméniennes furent conquises par les Assyriens.

Avec Sgaïorti commença pour l’Arménie une nouvelle ère de prospérité. Sgaïorti expulsa les Assyriens et, par une sage administration, rendit son peuple aussi heureux qu’il ne l’avait jamais été. Son successeur Barouïr fut le premier prince arménien qui portât le titre de roi et les insignes de la royauté. Ce privilège lui fut conféré par Arbace, roi des Mèdes qu’il aida à renverser le roi d’Assyrie, Sardanapale. Sous le règne de Barouïr (suivant le P. Tcharnitchian ; sous celui de Sgaïorti, d’après le texte de Moïse de Khorène), Sennachérib, roi d’Assyrie fut assassiné par ses deux fils Atramèle (Adramelech) et Sannasar (Sarasar) qui vinrent ensuite se réfugier en Arménie. Sannasar reçut comme asile d’abord, puis comme fief, les provinces du Sud-Ouest de l’Arménie, où ses descendants se multiplièrent rapidement. Des deux fils de Sennachérib sont sorties la race des Ardzrouni et celle des Kénounis qui jouèrent plus tard un rôle prépondérant dans l’histoire de l’Arménie. Le successeur de Barouïr, Hratchia était contemporain de Nabuchodonosor, roi de Babylone qui emmena les Juifs en captivité. On raconte que Hratchia lui demanda un de ces principaux captifs hébreux, appelé Champat, le conduisit dans ses États et le combla d’honneurs. De Champat descendit la grande famille des Bagradounis (qui plus tard occupa le trône pendant assez longtemps)[3]. Le plus illustre rejeton de la race de Barouïr fut Tigrane Ier « de tous nos rois le plus puissant, le plus vertueux, le plus brave ». Il aida Cyrus à renverser le Mède Astyage comme son ancêtre avait aidé le Mède Arbace à renverser le royaume d’Assyrie. La cause première de la guerre fut la profonde amitié qui unissait le jeune Cyrus au roi d’Arménie. Astyage en prit ombrage et demanda en mariage la sœur de Tigrane, Tigranouhi, dans l’espérance que cette union lui faciliterait la surveillance de son redoutable voisin, et lui permettrait au besoin de lui tendre des embûches pour le faire périr. Tigrane, ne soupçonnant pas les desseins perfides du Mède, accéda à sa demande. Mais la « prudente et belle » Tigranouhi se montra plus avisée que son frère et déjoua tous les plans de son mari, si bien que la guerre éclata. La bataille fut longue, acharnée, et la victoire indécise ; mais enfin Astyage ayant été tué, elle se déclara pour les Arméniens. Cyrus, avec le consentement de son allié, annexa la Médie à son propre domaine et Tigrane rentra chez lui chargé de butin et traînant à sa suite un nombre considérable de captifs. Parmi ceux-ci se trouvaient toutes les femmes du harem d’Astyage. Elles furent transportées dans la province de Nakhitchevan avec leurs compagnons de captivité. Tigranouhi, en récompense de ses services, reçut la souveraineté de la ville de Tigranocerte. D’après le P. Tchanitchian, Tigrane aurait aussi aidé Cyrus à renverser Crésus, roi de Lydie, et Darius, roi de Babylone. Le dernier roi de la dynastie de Sgaïorti, Vahi, fut tué en combattant contre Alexandre de Macédoine.


  1. Chap. lxii. Langlois, Collection, ii, p. 168. Moïse de Khorène naquit dans la seconde moitié du quatrième siècle à Khorni ou Khorène, petit village des environs de Mousch. Il était neveu du célèbre Mesrop qui avait inventé l’alphabet arménien et se montrait plein de zèle pour le développement des goûts littéraires en Arménie. Le roi d’Arménie ayant prié le Patriarche saint Isaac d’envoyer un certain nombre de jeunes gens en Syrie, en Égypte et en Grèce pour se perfectionner dans l’étude des langues, le jeune Moïse fut aussitôt désigné pour être l’un d’entre eux. C’est ainsi qu’il visita « Édesse, centre des études littéraires de la Syrie, Antioche, Alexandrie, Byzance, Athènes et Rome. Dans ces différentes villes il s’attacha à des maîtres habiles qui tenaient école ; il fréquenta les bibliothèques et les archives et s’adonna avec ardeur à l’étude des langues syriaque et grecque. La tradition raconte aussi qu’il avait acquis une grande renommée comme rhéteur et que l’Empereur Marcien lui prodigua publiquement des éloges sur sa science et son érudition ». À son retour en Arménie il trouva son pays dans un état de complet anéantissement. Les Sassanides venaient de renverser la dynastie des Arsacides, et répandaient des flots de sang par tout le pays. Le Patriarche saint Isaac était mort, Mesrop aussi. Les Arméniens avaient bien d’autres soucis que de s’adonner aux études. Moïse, découragé, se retira dans la solitude avec quelques compagnons et vécut ainsi pauvre et ignoré pendant dix ans. Plus tard il devint évêque de la province de Bagrevand (maintenant Alaschguerd), il ouvrit des écoles et forma de nombreux disciples. Il mourut âgé de plus de cent ans, dit-on, et fut enseveli dans l’église des Apôtres (Arrakielotz) près de Mousch. (Langlois, Introduction à l’histoire de Moïse de Khorène dans sa Collection, ii, p. 47.)
  2. Nous renvoyons à cet ouvrage les lecteurs qui voudraient avoir plus de détails.
  3. Le P. Tchamitchian rapporte l’arrivée de Sempad ou Ghampad au règne d’Haïgag II, dixième successeur de Barouïr.