Méthode d’équitation basée sur de nouveaux principes/Main sans jambes, jambes sans main 2

QUELQUES MOTS SUR LE PRINCIPE :
« MAIN SANS JAMBES, JAMBES SANS MAIN »
POUR LE
DÉPART AU GALOP ET LES CHANGEMENTS DE PIED.




Ce nouvel axiome était tellement en opposition avec ce que j’avais professé et pratiqué moi-même toute ma vie, que malgré les résultats merveilleux que j’en obtenais, je voulus avoir une preuve éclatante de sa justesse.

Avant donc de livrer cette édition à la publicité, je réunis cinq cavaliers habiles, sur la loyauté et la discrétion desquels je pouvais compter, et je leur fis expérimenter mes nouveaux moyens.

Le succès couronna mon attente. Je pus me convaincre que ma grande habitude de me servir de mes aides ne me faisait point croire cette dernière découverte plus féconde qu’elle ne l’était réellement. Chacun de ces messieurs me remit alors un mémoire sur l’application qu’ils en faisaient sous mes yeux, et je demandai à M. le baron Faverot de Kerbrec la permission de reproduire son travail, qui peut servir de complément et de développement à mes innovations.

Le voici :

« Il ne faut pas confondre dans l’œuvre équestre de M. Baucher les principes, qui sont à jamais invariables, avec les moyens, qui sont perfectibles et par conséquent pouvaient varier.

« Au nombre des principes qui forment la base immuable de la « méthode », on doit citer en première ligne l’obligation constante de rechercher ou de conserver chez le cheval monté l’équilibre, c’est-à-dire cet état physique provenant du dressage et dans lequel l’animal peut obéir instantanément à la volonté du cavalier, quelle qu’elle soit.

« L’équilibre que M. Baucher a appelé du premier genre existe quand les translations du poids sont également faciles dans tous les sens. On peut comparer cet état de l’animal à l’équilibre indifférent dans les corps inanimés, De même qu’une sphère posée sur un plan horizontal obéit à la plus petite impulsion, de même, dans le cheval monté qui possède l’équilibre du premier genre, le poids cède à la plus légère pression, de quelque côté qu’elle lui soit communiquée, et l’obéissance absolue aux aides en est la conséquence.

« Quant aux moyens enseignés par le maître, ils peuvent être divisés en deux groupes constituant chacun une « manière » distincte. Dans la première, M. Baucher agit sur les forces du cheval, c’est-à-dire sur les ressorts animés qui portent et font mouvoir la masse, le poids de la machine. Il arrive à faciliter le déplacement de ce poids, à équilibrer, en diminuant l’étendue de la base de sustentation, en rapprochant plus ou moins, selon le besoin, les extrémités inférieures du cheval.

On comprend qu’il faut alors souvent avoir recours à des moyens puissants pour forcer l’animal, surtout dans les commencements du dressage, à conserver cette disposition artificielle de ses membres. De là la nécessité de l’emploi fréquent de l’éperon.

Dans cette première manière, M. Baucher ayant constamment en vue d’agir sur les forces de l’animal, de s’en rendre le maître absolu, cherche dès le début à fixer à ces forces des barrières qui les enferment de tous les côtés et qu’elles ne puissent jamais franchir.

Une fois cette domination obtenue, le dressage est presque terminé. Il ne s’agit plus que de donner à ces mêmes forces la direction qu’il plaît au cavalier de leur imprimer à l’intérieur de cette sorte de lacet de fer formé par le mors et les éperons. Enfin, il suffit de resserrer ce lacet pour réduire l’animal à l’immobilité, puisqu’on ne permet alors la détente d’aucun des ressorts de la machine.

Plus tard, s’inspirant du cheval en liberté, qui, pour se mouvoir, commence par élever la tête et l’encolure afin d’alléger son avant-main, M. Baucher en est venu à sa seconde « manière ».

Dans cette deuxième manière, pour arriver à la légèreté absolue, — qui indique l’équilibre du premier genre, — il s’attaque directement au poids du cheval et en reporte une partie de devant en arrière. C’est la main qui est chargée de ce soin. À elle donc de rendre le cheval « léger », équilibré. Aux jambes de donner l’impulsion nécessaire. Dès lors l’animal n’est plus exposé à hésiter entre deux actions contraires. L’effet qui pousse et celui qui retient sont toujours distincts, et il n’y a plus de confusion possible entre les aides.

La légèreté complète est obtenue quand l’action du mors ne rencontre jamais ni la résistance du poids, ni celle des forces.

Dans l’application de « ses nouveaux moyens », comme dans le dressage par les anciens, M. Baucher habitue par une progression savante le cheval à supporter sans désordre le contact de l’éperon. C’est seulement lorsque l’animal ne s’effraie plus de l’appui de cette aide et que cet effet provoque à volonté une détente en avant calme, mais certaine, le cheval restant léger à la main, que le cavalier commence à être maître de sa monture et que les « barrières » dont nous avons parlé peuvent devenir une réalité.

Dès les commencements du dressage, le cheval doit être habitué progressivement à se passer du secours des aides, une fois le mouvement demandé obtenu. Mais il faut que cet abandon n’altère en rien l’équilibre, c’est-à-dire que l’animal doit se soutenir de lui-même, continuer exactement son mouvement avec la même vitesse et la même cadence, et conserver toujours sa légèreté, ce dont le cavalier s’assure de temps en temps.

Essayons maintenant de faire comprendre le parti que peut tirer un cavalier habile des nouveaux moyens « main sans jambes, jambes sans main » pour le départ au galop et le changement de pied, par exemple.

Pour l’exécution de tout mouvement, il faut l’action et la position : l’action est le résultat de la force qui pousse ; la position est la répartition normale du poids en raison du mouvement demandé. Si l’action et la position sont justes, le mouvement l’est également.

Ce qui précède étant admis, examinons le départ du pas au galop par la main et supposons que le cheval ait l’action convenable ; s’il possède l’équilibre du premier genre, la main n’aura qu’à donner la position, et le mouvement suivra.

Si l’équilibre n’est pas parfait, des résistances de poids ou de forces se manifesteront. La main les rencontrera après avoir senti, comme toujours, la bouche de l’animal, et elle les fera cesser par des demi-arrêts ou des vibrations, selon le cas.

Dès que le cavalier sentira l’action diminuée, ou si au début elle n’est pas suffisante, ce sera, bien entendu, à ses jambes, employées sans opposition de main, à la rétablir. Alors viendra encore le tour de cette dernière aide pour donner seule la position.

Aussitôt le mouvement obtenu, il faudra dans tous les cas relâcher entièrement les rênes ; c’est la seule manière de se rendre un compte exact de l’équilibre du cheval.

Quand le départ au galop ainsi demandé sera facile, on apprendra au cheval à s’enlever à cette allure par les aides inférieures seules.

Ici le rôle des jambes est assez difficile. Elles doivent donner la position sans augmenter l’action d’une façon appréciable. Dans le départ à droite, par exemple, la jambe gauche se glissera un peu en arrière par une pression lente et finement graduée ; l’autre agira plus en avant par de petits coups de mollet délicatement répétés à de courts intervalles.

Si, à l’approche des mollets, le cheval part au trot, les jambes se relâcheront, et la main rétablira l’équilibre en luttant contre le poids ou les forces. Puis on recommencera à donner la position par les jambes seules, et on continuera ces exercices jusqu’à ce que les enlevers au galop s’obtiennent facilement. On les alternera alors avec les départs par la main.

On fera ensuite passer plusieurs fois le cheval du pas au trot. La main s’abaissera et les jambes agiront sans opposition par une pression simultanée, habilement graduée, et bien équivalente à droite et à gauche. Si le départ au trot est mauvais, il faudra arrêter, décontracter, et recommencer.

Passons maintenant au changement de pied par la main, et supposons que le cheval ait l’action nécessaire. Les jambes n’auront rien à faire. Elles pourraient en agissant provoquer des contractions, augmenter inutilement l’action déjà suffisante et amener du poids sur le devant. La main serait alors forcée de corriger les fautes des jambes, ce qu’il faut éviter le plus possible.

Si le cheval possède l’équilibre du premier genre, la main inversera la répartition du poids, et le changement de pied sera obtenu.

Si l’équilibre n’est pas parfait, la main rencontrera des résistances de poids ou de forces qu’elle vaincra par les moyens connus, mais en s’efforçant de ne pas prendre sur l’action pour ne pas obliger les jambes à la rétablir.

Enfin, si le cheval au changement de position se précipite en avant, on décomposera le mouvement, c’est-à-dire qu’on arrêtera et qu’on décontractera complètement avant de repartir.

Le calme et l’action rétablis, la main cherchera de nouveau à donner la position.

De même que pour le départ au galop sans jambes, la main abandonnera complètement les rênes aussitôt le mouvement obtenu. On verra ainsi exactement où en est l’équilibre. Il est inutile d’ajouter que, dès que ce dernier sera altéré, la main devra le rétablir.

On apprendra ensuite au cheval à changer de pied sans le secours de la main.

Le mors n’aura plus aucune action sur la bouche, et pour passer du pied gauche au pied droit, par exemple, la jambe gauche se glissera un peu plus en arrière que la droite pendant que celle-ci agira par de petits coups de mollet.

îl est impossible du reste de déterminer d’une manière absolue l’usage exact de l’une ou de l’autre. C’est au tact à suppléer à la théorie pour indiquer instantanément au cavalier comment il devra employer ses jambes suivant les mille cas particuliers qui pourront se présenter.

La difficulté consiste à inverser le poids sans augmenter l’action d’une manière sensible.

Si les premières fois l’allure augmente, les jambes cesseront d’agir, et la main rétablira l’équilibre avant qu’elles recommencent à demander seules le changement de position.

Puis quand le mouvement s’obtiendra facilement
de cette façon, on le demandera alternativement par la main et par les jambes.
 


Disons, avant de terminer, que les recommandations suivantes nous semblent devoir être faites dans l’emploi des « nouveaux moyens : »

1° Recherche et conservation constantes de la légèreté complète, le cheval toujours maintenu absolument droit tant que le mouvement ne s’y oppose pas.

Dès le début du dressage, « mettre le cheval à l’éperon » et ne quitter cette leçon que lorsque l’animal l’a parfaitement comprise.

Dès que l’encolure et la tête se soutiennent bien, chercher le ramener complet à toutes les allures.

4° Arriver à produire facilement par l’emploi alterné des aides inférieures et des aides supérieures, tous les degrés de rassembler, de concentration, dont on peut avoir besoin par le genre de service auquel est destiné le cheval en dressage.


Baron FAVEROT DE KERBRECH.




Les quatre autres mémoires traitaient le même sujet. Ne pouvant les rapporter tous et afin d’éviter les redites, je me borne à citer ici textuellement la partie didactique de celui de M. d’Estienne, qui, tout en exposant les nouveaux moyens, les a présentés sous des formes quelquefois un peu différentes qui contribuent encore à en faire comprendre la justesse.