Mémoires secrets d’un tailleur pour dames/12

(Auteur présumé)
Gay et Doucé (p. 94-96).

Mémoires secrets d’un tailleur pour dames, médaillon de début de chapitre
Mémoires secrets d’un tailleur pour dames, médaillon de début de chapitre


LE MARI ET LE COSTUME DE
LA DAME DE CŒUR

Mémoires secrets d’un tailleur pour dames, séparateur de texte
Mémoires secrets d’un tailleur pour dames, séparateur de texte



U ne comtesse, grande dame italienne, portant le nom d’une des rues de Paris… était fort recherchée dans les dernières années de l’empire.

Le chef de l’État lui avait présenté ses hommages d’une façon très accentuée. Aussi jouait-elle à la Cour, le rôle que madame de Pompadour avait jadis joué à la Cour du roi Soleil.

Le mari, — ils sont tous les mêmes, — le mari n’y voyait que du feu.

— On prétend que la vie est chère à Paris, disait-il, quelle erreur !

— Nous avons un hôtel charmant, douze chevaux dans notre écurie, tous les jours un couvert de vingt-quatre personnes, ma femme est une des reines de l’élégance parisienne, nous n’avons pas un sou de dettes, et nous ne possédons que vingt-cinq mille francs de rentes. — Quelle perfection que ma femme !

Un jour, un des hauts fonctionnaires de l’État donnait un grand bal costumé.

Sous son costume de dame de cœur, la dame italienne y était belle à faire damner un saint, — s’il y en avait encore.

Des cœurs… il y en avait partout… aux épaules… à la poitrine… Il y en avait un surtout… qui était placé… si haut…

Voyons, comment dire ?… eh bien !… la tunique était relevée sur le côté, de sorte que ce cœur malin venait se profiler à certain endroit de la cuisse…

Vous me comprenez maintenant ?

La jalouse moitié de l’adorateur couronné, s’approcha de la belle et lui dit avec une rage dissimulée.

— Vous êtes bien belle, ce soir, Madame !

— Oh ! votre majesté !…

— Non, réellement, ce costume est splendide.

— Il est peut-être ingénieusement combiné.

— Trop ingénieusement, répliqua l’Espagnole d’une voix sifflante.

— Pas trop… je cherche ce que votre majesté !… interrompit en hésitant la triomphatrice, que son assurance commençait à abandonner.

— Et vous ne trouvez pas ?

— Si… c’est à dire…

— Allons… Il paraît qu’il faut vous aider : fit la souveraine en laissant enfin éclater son emportement ! Eh bien ! vous ne voyez donc pas, que ce n’est pas là qu’une femme,… même vous,… peut se permettre de porter le cœur !…

Et elle se retourna en donnant tous les signes d’une complète approbation.

La Comtesse perdit tout à fait contenance et alla changer de costume.


Mémoires secrets d’un tailleur pour dames, vignette de fin de chapitre
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