Mémoires posthumes de Braz Cubas/Chapitre 143

Traduction par Adrien Delpech.
Garnier Frères (p. 449-450).


CXLIII

Utilité relative


Mais la nuit, bonne conseillère, me fit comprendre que, par simple courtoisie, je devais obtempérer aux désirs de mon ancienne maîtresse.

— C’est un billet tiré sur moi, et que je dois payer à l’échéance, dis-je en me levant.

En achevant de déjeuner, je me rendis chez Dona Placida. Je trouvai une vieille carcasse enveloppée dans des baillons et couchée sur un grabat nauséabond. Je lui donnai quelque argent, et le lendemain je la fis transporter à l’hôpital de la Miséricorde, où elle mourut une semaine après. On la trouva sans vie, le matin. Elle sortit de l’existence en se cachant, comme elle y était entrée. Une fois encore, je me demandai, comme au chapitre lxxv, si c’était pour ce beau résultat que le sacristain de la cathédrale et la pâtissière avaient procréé Dona Placida dans un moment de sympathie spécifique. Mais je pensai aussitôt que sans Dona Placida mes amours avec Virgilia auraient peut-être été interrompues ou immédiatement brisées, en pleine effervescence ; l’utilité de la vie de Dona Placida avait sans doute été de les entretenir. Utilité relative, j’en conviens ; mais qu’y a-t-il d’absolu dans ce monde ?