Mémoires historiques/Introduction/Chapitre 3 - Les sources/Enumération des sources



SECONDE PARTIE

ÉNUMÉRATION DES SOURCES DE SE-MA TS’IEN


L’enquête à laquelle nous nous sommes livrés au sujet du Chou king nous a montré que, quelque atteinte que le vandalisme de Ts’in Che-hoang-ti ait portée à l’ancienne littérature, celle-ci n’a pu cependant sombrer tout entière et d’un seul coup ; il en subsista des parties intactes que Se-ma Ts’ien sut recueillir à l’exclusion des écrits apocryphes que son époque déjà commençait à y mêler. Si d’ailleurs on considère que le Chou king est, parmi les classiques, un de ceux qui ont le plus souffert de la proscription et que d’autres livres, tels que le Che king ou le Tch’oen tsieou, passent pour n’avoir pas subi d’altérations notables, on conclura que, malgré l’édit de l’an 213, il est resté suffisamment de monuments antérieurs à cette date pour justifier l’entreprise de Se-ma Ts’ien et pour faire échapper son oeuvre aux attaques d’un scepticisme trop facile. Puisque nous avons écarté le doute qu’au premier abord on aurait pu élever touchant la valeur des sources des Mémoires historiques, cherchons maintenant quelles sont ces sources et comment Se-ma Ts’ien en fait usage.

Le Chou king ou livre de l’Histoire et le Che king ou livre des Vers passent pour être au nombre des plus vieux monuments de la littérature chinoise. C’est dans les poésies du Che king que les Européens iront de préférence chercher à découvrir quelles ont été les moeurs et les croyances des anciens. Mais il faut un travail personnel pour les en dégager et Se-ma Ts’ien, qui ne prend que des matériaux tout façonnés, fait un usage fort limité de ces chants populaires CXXXVII-1. Il emprunte au contraire beaucoup au Chou king ou du moins au texte moderne qu’il paraît avoir tenu en grande estime.

Le Chou king est un recueil de textes d’époques très diverses ; les premiers nous reportent jusqu’aux empereurs Yao et Choen qui, d’après les chronologies courantes, régnèrent avant l’an 2000, tandis que le dernier est relatif à des faits qui se passèrent en 625 avant J.-C. CXXXIX-1. Sur cet immense espace de temps ils sont répartis diversement : parmi les vingt-neuf chapitres du texte moderne, neuf seulement traitent des temps antérieurs aux Tcheou, tandis que vingt sont de l’époque de cette dynastie CXXXIX-2; ainsi, pour les cinq cents ans qui s’écoulèrent depuis l’avènement des Tcheou jusqu’au dernier document du Chou king, on a dans le texte moderne des renseignements deux fois plus étendus que pour les mille ans ou plus qui précédèrent.

Les neuf chapitres qui constituent dans le texte moderne tout ce que nous pouvons apprendre sur Yao, Choen et les deux premières dynasties sont aussi ce qui fait le fond des trois premiers chapitres de Se-ma Ts’ien. Les renseignements que nous avons sur les dynasties Hia et Yn sont tout particulièrement maigres et nous font douter que ces deux dynasties aient jamais eu la longueur et la continuité que leur attribue la tradition ; quelques courtes inscriptions sur des vases de métal et cinq poésies du Livre des Vers se rapportent, à vrai dire, au temps de la dynastie Yn ; mais nous ne découvrons guère que trois ou quatre princes qui paraissent avoir réellement vécu ; avant eux et entre eux, les siècles écoulés ne sont remplis que par de sèches généalogies sur la véracité desquelles il est légitime de garder des soupçons. Ainsi, depuis Heou-tsi, premier ancêtre des Tcheou, contemporain de Choen et de Yn, jusqu’à Wen wang qui vécut au temps de Tcheou Sin, dernier souverain de la dynastie Yn, on compte quinze générations ; cependant, pour le même espace de temps, Se-ma Ts’ien dit que la dynastie Hia eut dix-sept générations et que la dynastie Yn en eut trente ; quelle que soit l’incertitude qui infirme tous les calculs fondés sur des nombres de générations, il est impossible d'admettre que pendant les quarante-sept générations de souverains il n'y eut que quinze générations des aïeux des Tcheou.

Avant les deux premières dynasties, le Chou king nous parle de Yu qui fut le fondateur de la première d'entre elles, et, en remontant plus haut, de Choen et de Yao ; au sujet de ces princes, les textes sont plus abondants et plus précis ; on peut même trouver quelques-uns d'entre eux ailleurs que dans le Chou king ; c'est ainsi que Se-ma Ts'ien nous donne sur Choen des légendes nouvelles que le livre de Mencius CXL-1 lui a fournies en partie. Mais, pour être plus détaillés, ces récits n'en excitent pas moins notre suspicion ; ils sont en.effet d'une symétrie étrange : si l'empereur Yao envoie un fonctionnaire dans l'est, il faudra de nécessité qu'il en délègue un autre au sud, un troisième à l'ouest et un dernier au nord ; chacun de ces officiers présidera à la saison qui correspond, dans la théorie des cinq éléments, à celui des points cardinaux où il séjourne. Si l'empereur Choen fait une inspection, il ira d'abord à l'orient, puis au midi, puis à l'occident, puis au nord ; il accomplira chacun de ces voyages dans le mois qu'une association d'idées philosophique lie à telle ou telle direction de l'espace ; il achèvera sa tournée en un an ; il restera à la capitale quatre ans pour recevoir successivement les vassaux des quatre points cardinaux. La sixième année, qui sera la première d'un nouveau cycle de cinq, il recommencera ce qu'il a fait dans la première année. Remarquons d'ailleurs que ni Yao ni Choen ne sont mentionnés dans le Livre des Vers et que mille détails de leur histoire trahissent les moeurs et l'organisation politique de la dynastie Tcheou. Quant à l'empereur Yu ,il passe pour avoir mené à bien des travaux hydrographiques qui demanderaient les efforts continus de plusieurs générations ; on peut distinguer dans le chapitre du Chou king intitulé le Tribut de Yu une antique géographie à laquelle la légende de ce souverain n’est venue s’immiscer que par superfétation. Yao, Choen et Yu, ces trois augustes fantômes mythologiques, n’ont plus de réalité lorsqu’on cherche à les saisir corps à corps. Les faits véritables n’apparaissent qu’avec la dynastie des Tcheou et le prince qu’elle a dépossédé, le pervers Tcheou-sin, coupable d’avoir trop aimé la belle et cruelle Ta-ki. C’est donc seulement vers la fin du XIIe siècle avant notre ère que nous sentons se raffermir sous nos pas le terrain jusqu’alors incertain où nous avait guidés Se-ma-Ts’ien.

Bien que les généalogies, par lesquelles les savants indigènes ont essayé de donner plus de consistance au récit de leurs origines, n’aient pas un fondement bien solide, Se-ma Ts’ien les reproduit cependant et il importe de déterminer à quelles sources il les a empruntées. Deux écrits paraissent lui avoir fourni le cadre artificiel dans lequel il classe les événements ; ce sont le Che pen ou Origines généalogiques et le Ti hi sing CXLI-1 ou Suite des familles impériales.

Le Che pen CXLI-2 est un livre aujourd’hui perdu ; cependant, grâce aux citations nombreuses qui en ont été faites, on a pu le reconstituer en grande partie ; ce livre devait mentionner la filiation exacte des souverains, leurs noms de famille et leurs noms personnels, les lieux où ils résidèrent et les inventions qui les illustrèrent. La rédaction n’en était pas fort ancienne et on la rapporte communément à la période de Tch’ou et de Han (206-202 av. J.-C.)

Le Ti hi sing CXLII-1 a été incorporé dans le recueil intitulé les Rites de Tai l’aîné et c’est pourquoi les commentateurs disent à l’envi que Se-ma Ts’ien se servit de ce recueil. Leur assertion est cependant inexacte : Tai Té, qu’on appelle Tai l’aîné, pour le distinguer de son cousin Tai Cheng, fut le disciple de Heou Ts’ang qui vivait au temps de l’empereur Siuen CXLIII-1 (73-48 av. J.-C); Se-ma Ts’ien ne put donc pas avoir entre les mains un ouvrage qui ne parut qu’après sa mort ; toutefois les trois courtes pages qui portent le nom de Ti hi sing existaient sans doute de son temps, car Tai l’aîné ne fut pas un auteur original, mais un simple compilateur qui recueillit des textes déjà anciens.

Pour les temps les plus reculés de l’histoire chinoise, l’idée directrice des généalogies paraît avoir été la théorie des cinq éléments. Les cinq empereurs ne sont que les symboles des cinq grandes forces naturelles qui se succèdent en se détruisant les unes les autres. Cette doctrine philosophique passait pour avoir été professée par Confucius lui-même et son enseignement à ce sujet se trouvait rapporté dans un petit écrit intitulé Ou ti lé, c’est-à-dire les Vertus des cinq empereurs, qui a été aussi reproduit dans les Rites de Tai l’aîné CXLIII-2. C’est ce récit dont se sert Se-ma Ts’ien, comme il le déclare lui-même CXLIII-3 et comme il est d’ailleurs facile de le reconnaître en comparant les textes des Rites de Tai l’aîné avec celui des Mémoires historiques. — Quelques commentateurs veulent que Se-ma Ts’ien ait aussi eu recours au Kia yu ou Entretiens de l’école de Confucius; il est certain que le Ou ti té se retrouve dans ce livre dont il constitue le vingt-troisième paragraphe ; d’autre part, les Entretiens de l’école sont déjà mentionnés dans le catalogue bibliographique de Lieou Hiang, vers la fin du Ier siècle avant notre ère CXLIV-1; il ne serait donc pas impossible que Se-ma Ts’ien les eût connus ; cependant, comme il ne les cite pas expressément, il est d’une meilleure critique de s’en tenir à cette simple constatation ; Se-ma Ts’ien s’est servi du Ou ti té , texte qui se retrouve dans les rites de Tai l’aîné et dans le Kia yu. — Il ne semble pas d’ailleurs que cette application de la philosophie à l’histoire remonte à une haute antiquité, ni même que Confucius puisse en être regardé comme l’auteur : la théorie des cinq éléments a peut-être son germe dans de vieilles spéculations cosmologiques ; mais elle ne prit son développement et sa forme systématique qu’avec Tseou Yen CXLIV-2 qui vivait au commencement du IIIe siècle avant notre ère ; il serait même possible que le conseiller Tch’ang Ts’ang, qui mourut en 142 avant J.-C, ait été en réalité le premier à couler l’histoire dans ce moule métaphysique CXLIV-3.

En résumé, neuf chapitres du Chou king complétés par quelques légendes relatives à Choen, cinq odes du Livre des Vers, des généalogies artificielles et la théorie des cinq éléments comme préface à toute l’histoire, voilà le bilan des sources de Se-ma Ts’ien CXLV-1 pour les longs siècles obscurs où la vie primitive du peuple chinois reste endormie à jamais. On ne peut s’empêcher d’éprouver quelque déception quand on lit les premiers chapitres des Mémoires historiques ; on n’y retrouve guère que ce qu’on connaît déjà par les livres classiques, sans rien qui soit propre à en dissiper l’incertitude.

Avec la dynastie Tcheou, une brusque éclaircie dont les lueurs se projettent en arrière jusque sur le dernier souverain de la dynastie Yn à qui ses fautes firent perdre le trône. Les textes du Chou king deviennent alors plus nombreux et plus véridiques ; ils sont pour la plupart des discours : harangues aux troupes, proclamations au peuple, délibérations sur l’art de gouverner, recommandations à des fonctionnaires chargés d’une mission spéciale ou instructions morales, ce sont presque toujours des paroles et non des faits qu’ils relatent. Si on y découvre les débris d’un code pénal du commencement du Xe siècle avant notre ère (le Lu hing) et un petit traité philosophique (le Hong fan) qui a dû être fort remanié, on n’y voit jamais le style historique proprement dit. Les Chinois ne paraissent pas avoir eu de bonne heure l’esprit de curiosité scientifique qui incite un peuple à scruter avec avidité son passé ; pour eux, les ancêtres sont avant tout des êtres supérieurs, des maîtres ; comme leur sentiment religieux est fondé sur le culte des morts, ainsi leur mémoire s’est bornée au début à recueillir les enseignements vénérés de ceux qui n’étaient plus.

Très analogues aux textes du Chou king sont ceux que Se-ma Ts’ien emprunte au livre des Tcheou (Tcheou chou) sur l’origine duquel nous n’avons aucun renseignement précis CXLVI-1.

On ne commença à prendre intérêt aux faits eux-mêmes qu’assez tard. Vers l’an 481 avant J.-C, Confucius recueillit les documents qui concernaient l’état féodal de Lou ; en les classant et en les retouchant, il fit avec ces matériaux le célèbre ouvrage intitulé Tch’oen ts’ieou qui retrace les destinées de ce petit royaume de 722 à 481 avant notre ère. Se-ma Ts’ien a beaucoup pratiqué ce livre qu’il paraît, comme tous ses compatriotes, tenir en très haute estime. A vrai dire, c’est une admiration qu’un lecteur européen a peine à partager ; cette chronique aride et morte ne souffre pas la comparaison avec le chef-d’oeuvre d’Hérodote qui ne date guère que d’un demi-siècle plus tard. Pour comprendre l’enthousiasme des Chinois, il faut reconnaître que l’art historique se développa chez eux beaucoup plus lentement qu’en Grèce et n’atteignit d’ailleurs jamais à la même élévation. Le Tch’oen ts’ieou leur sembla merveilleux parce qu’il leur présentait pour la première fois le tableau net et clair de deux cent quarante-deux années d’histoire. Si l’on avait déjà essayé des oeuvres analogues dans d’autres royaumes, par exemple dans ceux de Tch’ou et de Tsin CXLVI-2, le succès du Tch’oen ts’ieou fit tomber dans l’oubli ces tentatives imparfaites.

À côté du Tch’oen ts’ieou deux œuvres plus étendues traitent de la même période CXLVII-1 que lui : ce sont le Tso tchoan ou Commentaire de Tso et le Kouo yu ou Discours des états. Elles se complètent l’une l’autre, la première étant un récit des faits accomplis, la seconde un recueil des paroles prononcées. Quoique le Commentaire de Tso soit le seul de ces deux livres qui se rattache manifestement au Tch’oen ts’ieou, on a prétendu en faire dériver aussi le second ; c’est pourquoi le Commentaire de Tso est souvent appelé le Commentaire intérieur [Nei tchoan) et les Discours des états le Commentaire extérieur (Wai tchoan) du Tch’oen ts’ieou CXLVII-2. Bien plus, on a voulu que ces deux œuvres eussent le même auteur qui serait un certain Tso K’ieou-ming.

Se-ma Ts’ien lui-même paraît être de cet avis : dans un passage des Mémoires historiques il nous dit : Tso K’ieou-ming écrivit le Commentaire de Tso CXLVII-3, et, dans un autre endroit nous lisons : Quand Tso-Kieou eut perdu la vue, les Discours des états furent produits CXLVIII-1. Mais ces textes sont embarrassants. Pour dire : Quand Tso-Kieou eut perdu la vue, Se-ma Ts'ien écrit Tso-Kieou che ming : si l'on supprime le caractère che = perdre, on retrouve le nom de Tso-Kieou Ming qui semble ainsi ne résulter que de l'omission d'un caractère essentiel. En outre, d'après la seconde de ces citations, le nom de famille de ce personnage serait Tso-Kieou ; dès lors, il serait impossible d'appeler le commentaire qu'il écrivit Commentaire de Tso ; on devrait dire : Commentaire de Tso-Kieou. Si nous cherchons à préciser qui était Tso K'ieou-ming, les difficultés ne font que croître : un des contemporains de Confucius cité dans le Luen yu CXLVIII-2 a nom Tso K'ieou-ming ; or c'est bien lui que les érudits de l'époque des deux dynasties Han regardaient comme l'auteur du Tso tchoan et du Kouo yu, puique Pan Piao fait vivre cet écrivain à l'époque même de Confucius CXLVIII-3. Cependant, si l'on étudie le Tso tchoan, on voit que plusieurs passages datent d'un âge plus tardif CXLVIII-4; en outre, le Tso tchoan et le Kouo yu ne sont pas toujours d'accord quand ils parlent des mêmes faits et il n'est pas probable qu'ils soient dus à une seule main CXLVIII-5. A le bien considérer, toutes les discussions qui se sont livrées autour du nom de Tso K’ieou-ming proviennent de ce que la question était mal posée. Si nous consultons l’histoire littéraire de la Chine, nous reconnaissons que chacun des livres canoniques était le centre des études d’une ou plusieurs écoles : on retrace d’une manière exacte la liste des personnes qui se transmirent de génération en génération la connaissance de tel ou tel des classiques CXLIX-1 ; pour que cette sorte de gnose fût à une époque donnée l’apanage d’un homme déterminé, il faut qu’elle ait comporté tout un système d’explications qui n’était point dans le domaine public et qui passait au disciple préféré soit par l’enseignement oral, soit par une copie unique ; tout dépositaire nouveau augmentait le patrimoine que lui avaient légué ses devanciers, et ainsi le commentaire était une œuvre collective, fruit du travail de plusieurs générations : chaque école avait d’ailleurs un patron révéré qui était regardé comme le premier initiateur. C’est ainsi que trois systèmes d’interprétation du Tch’oen ts’ieou furent mis sous les noms de Tso K’ieou-ming, de Kong-yang et de Kou-leang dont les enseignements passaient pour avoir formé le noyau autour duquel s’étaient groupés les travaux des lettrés qui se réclamaient d’eux. Le Commentaire de Tso put donc avoir sa première origine dans les écrits ou les paroles de Tso K’ieou-ming, mais, comme il ne fut publié que dans la première moitié du IIe siècle avant notre ère par Tchang Ts’ang, il avait dû être considérablement développé et perfectionné par les lettrés qui se le transmirent de main en main pendant deux siècles et demi CL-1.

Pour les Discours des états, le problème est plus compliqué parce que cet ouvrage n’a en aucune manière le caractère d’un commentaire et ne se rattache que très indirectement au Tch’oen ts’ieou. Si on lui donne pour auteur Tso K’ieou-ming, c’est parce qu’il couvre à peu près le même espace de temps que le Commentaire de Tso et qu’il lui est en quelque sorte parallèle. Mais c’est le seul point commun qu’il y ait entre ces deux ouvrages. Les Discours des états sont au fond une œuvre essentiellement anonyme comme le Chou king auquel ils ressemblent sous plusieurs rapports. Cependant, tandis que le Chou king ne s’occupe que des Fils du ciel et que le dernier chapitre seul nous transporte dans un des royaumes vassaux, le Kouo yu au contraire nous fait passer successivement à la cour des princes de Lou, de Ts’i, de Tsin, de Tcheng, de Tch’ou, de Ou et de Yue. La féodalité y apparaît avec sa vie localisée en divers points de l’empire. Dans le Kouo yu il est bien remarquable qu’un des états les plus importants, celui de Ts’in, soit passé sous silence ; peut-être faut-il y voir une preuve que ce livre fut compilé à une époque où l’antagonisme des princes de Ts’in avec ceux des autres royaumes avait déjà atteint sa phase aiguë, c’est-à-dire dans le commencement du IVe siècle avant notre ère.

Si Se-ma Ts’ien a complété les indications du Tch’oen ts’ieou au moyen du Kouo yu et du Tso tchoan, il n’a pas ignoré les deux autres écoles qui se réclamaient de Kong-yang et de Kou-leang. Le commentaire du Kong- yang jouit d’une grande faveur au temps de l’empereur 0u ; Tong Tchong-chou en était le principal défenseur ; or nous avons vu que Se-ma Ts’ien eut des relations personnelles avec ce savant lettré ; il nous parle CLI-1 du fameux tournoi qui fut institué par l’empereur Ou entre Tong Tchong-chou et maître Kiang qui soutenait la valeur des enseignements de Kou-leang. Se-ma Ts’ien dut donc connaître les trois grands commentaires duTch’oen ts’ieou.

La chronique de Confucius a donné son nom à la période de 242 années (722-481 av. J.-G.) dont elle résume l’histoire pour l’état de Lou. Après la période Tch’oen ts’ieou commence une ère nouvelle appelée celle des royaumes combattants. Elle dure environ 250 ans, depuis la fin de la période Tch’oen ts’ieou jusqu’au triomphe des Ts’in en 221 avant J.-C. Le pouvoir central s’affaiblissant de jour en jour, les vassaux devinrent indépendants de fait, et, n’étant plus contenus par aucune autorité supérieure, s’entre-déchirèrent. Le royaume du nord-ouest, celui de Ts’in, ne tarda pas à devenir plus puissant que les autres ; ce fut alors, entre les états menacés par sa prépondérance, une suite de complots et de ligues que la mauvaise foi et les rivalités jalouses brisaient à tout instant. Ces troubles politiques fournirent à un certain nombre d’hommes habiles et peu scrupuleux l’occasion de montrer leurs talents pour l’intrigue ; semblables aux sophistes de l’ancienne Grèce et nés des mêmes causes sociales qu’eux, ils étaient prêts à soutenir le pour et le contre sur chaque question et passaient d’un royaume à l’autre afin de donner des avis aux princes suivant intérèt du moment CLII-1. Leurs raisonnements subtils et leurs combinaisons machiavéliques nous ont été conservés dans un curieux livre intitulé Tchan kouo ts’é CLII-2, c’est-à-dire Conseils des royaumes combattants. Ce titre définitif ne paraît avoir été accepté de tous que depuis Lieou Hiang CLII-3 (36-15 av. J.-C), mais, avant cet éditeur, l’ouvrage existait sous divers noms et Se-ma Ts’ien en a fait largement usage.

Si Se-ma Ts’ien n’avait eu d’autres sources pour écrire l’histoire de la dynastie Tcheou que les livres dont nous venons de parler, il ne nous en donnerait encore qu’une idée bien incomplète. A côté de ces ouvrages que leur forme littéraire avait fait connaître de tous, il devait exister une masse énorme de documents dans les archives des cours féodales ; il semble même que chaque prince ait pris le soin de faire rédiger par des historiographes officiels des annales semblables au Tch’oen ts’ieou du pays de Lou CLII-4. Mais c’est à ce genre d’écrits que l’édit de proscription lancé par Ts’in Che-hoang-ti porta la plus grave atteinte, parce qu’ils rappelaient un régime dont le nouveau souverain voulait détruire jusqu’au souvenir, Il en resta cependant des débris considérables que Se-ma Ts’ien put réunir dans son oeuvre ; certains indices nous montrent en effet qu’il copie souvent des histoires locales : ainsi, lorsqu’il raconte les événements qui intéressèrent les pays de Wei (ch. XLIV) ou de Yen (ch. XXXIV), il dit : « notre armée », « nos places fortes », « notre capitale » : bien plus, en parlant d’un prince de Yen qui monta sur le trône en 253 avant J.-C. il dit : « le roi actuel ». Ces textes ne sauraient être de la main de Se-ma Ts’ien. Enfin il est au moins une de ces chroniques féodales qui nous est parvenue dans son intégrité, c’est celle des princes de Ts’in, car Che-hoang-ti eut soin d’excepter de la proscription l’histoire de son propre royaume ; Se-ma Ts’ien ne manque pas de la reproduire et fait remarquer quelle en est l’importance CLIII-1.

De ce qui précède on peut dégager quelques considérations générales sur la valeur des sources des Mémoires historiques pour la période considérable pendant laquelle régna la dynastie Tcheou.

Nous y distinguons dès l’abord deux classes fort différentes ; les uns sont des recueils de discours : tel est en très grande partie le Chou king, tels sont le Kouo yu et le Tchan kouo ts’é. Les autres sont des chroniques locales comme le Tch’oen ts’ieou amplifié par ses trois commentaires et les annales de chacun des royaumes féodaux.

De ces deux catégories, celle des discours a l’origine la plus ancienne. C’est un fait remarquable qui ne se retrouve chez aucun autre peuple. Pour les historiens grecs, par exemple, le discours est un artifice littéraire qui sert à rompre la monotonie du récit et à résumer en quelques sentences profondes le caractère d’un homme ou la philosophie d’une situation. Il est le produit d’un art déjà raffiné. En Chine, au contraire, le discours précède la chronique et lorsque les annales font leur apparition, elles restent distinctes des discours qui en seraient cependant la vivante explication ; les deux genres restent parallèles et ne se confondent pas. A côté du Commentaire de Tso, nous avons le Kouo yu.

Les Chinois ont inventé pour rendre compte de cette singularité la théorie des historiens de gauche et des historiens de droite, qu’on trouve exposée pour la première fois dans le livre des Han antérieurs en ces termes: « Les historiens de gauche relataient les discours ; les historiens de droite relataient les faits ; les faits ont constitué le Tch’oen ts’ieou ; les discours ont constitué le Chang chou CLIV-1. » Les érudits chinois ont répété les uns après les autres cette explication qui pour bon nombre d’entre eux est devenu un article de foi CLIV-2.

Il est aisé cependant de voir qu’elle est insoutenable. On cite le Chou king comme un exemple des ouvrages écrits par les historiens de gauche, mais que faire des chapitres Yao tien, Choen tien, Yu kong, Hong fan et Kou ming qui ne sont pas uniquement des discours ? En second lieu, s’il est vrai que les discours occupent une place prédominante dans le Chou king, où est le livre qui aurait été écrit à la même époque par les historiens de droite et où ne se trouveraient que des récits ? Ce livre, contemporain du Chou king, n’existe pas et c’est la preuve que la distinction entre les discours et les narrations n’est pas une distinction artificielle provenant de la division du travail entre les historiographes d’état, mais qu’elle est une distinction naturelle entre deux phases successives de l’art d’écrire l’histoire. On a commencé par les discours ; longtemps après, on s’est avisé de raconter simplement les faits. La raison de cette évolution se laisse apercevoir :

L’homme ne se plaît à réfléchir à sa vie passée que lorsqu’il arrive à la maturité ; les nations ne songent à se rappeler leur enfance que lorsqu’elles ont atteint une civilisation avancée ; c’est pourquoi l’histoire ne fait jamais son apparition qu’assez tard sur la scène littéraire. Nous retrouvons dans l’Iliade un épisode des luttes sanglantes qui marquèrent la rivalité de la Grèce européenne et de l’Asie Mineure ; mais les aèdes qui chantaient la merveilleuse épopée ne songeaient qu’à charmer leurs auditeurs. Il en a été de même des discours en Chine ; ils sont devenus pour une critique savante des documents historiques ; ils ne l’étaient point à l’origine. Ce qu’on admirait en eux, c’étaient les sages décisions des anciens rois et les conseils vertueux qu’ils se plaisaient à donner à leurs sujets ; l’esprit moraliste, qui devait avoir sa plus haute incarnation dans Confucius, anime déjà ces textes, les plus vieux monuments de la littérature, qui sont des dissertations propres à éveiller et à entretenir les bons sentiments. La tendance reste la même dans le Kouo yu qui continue naturellement le Chou king ; elle s’altère profondément dans le Tchan kou ts’é qui ne conserve plus que la forme extérieure du genre et ne saurait prétendre à moraliser le lecteur.

Quant à la chronique, si sa sécheresse nous fatigue souvent, nous devons reconnaître cependant que, dès son apparition, elle possède toutes les qualités d’exactitude et de netteté qui font la supériorité de l’oeuvre chinoise sur les écrits des autres peuples de l’Orient. Même les chroniques antérieures au Tch’oen ts’ieou présentaient ce caractère ; aussi n’est-ce pas à l’année 722 avant J.-C., première de la période Tch’oen ts’ieou, que s’arrête la chronologie précise, mais plus d’un siècle auparavant, à l’année 841. A partir de cette date les faits se déroulent devant nous en une longue chaîne où aucun anneau ne manque et qui se rattache sans solution de continuité aux temps modernes. La vraie grandeur de l’histoire chinoise n’est point dans la fabuleuse antiquité qu’on a voulu parfois lui attribuer ; elle est dans la clarté et la précision qu’elle ne cesse d’avoir, si on en remonte le cours, jusqu’au milieu du IXe siècle avant notre ère. De combien de peuples pourrait-on dire qu’ils ont écrit leur histoire, non pas la légendaire, mais la véridique, non pas quelque épisode célèbre de leur existence, mais la suite même de leur vie, jusqu’à une époque aussi reculée ? A l’âge où les autres nations ne se rappellent que quelques événements saillants entré lesquels la science moderne cherche à mettre un ordre par les indications que lui fournissent accidentellement les inscriptions, la Chine nous présente des annales détaillées où chaque année et presque chaque mois sont enregistrés avec une rigoureuse exactitude.

Le règne brutal et glorieux de Ts’in Che-hoang ti, le gouvernement incapable de son fils Eul-che-hoang-ti, la période de désordre qui suit l’effondrement de la dynastie Ts’in, les cent premières années des empereurs Han, tel est le sujet de la seconde moitié des Mémoires historiques. Dès le moment où nous abordons cette époque, nous reconnaissons que la nation chinoise a pris une entière conscience d’elle-même. Nous trouvons alors chez Se-ma Ts’ien cette richesse de détails infiniment variés, cette précision dans l’observation des faits qui resteront les qualités maîtresses de ses successeurs et qui feront des Annales de l’empire du Milieu prises dans leur ensemble le plus prodigieux monument historique qu’il y ait au monde. Sans doute, Se-ma Ts’ien reste encore ce qu’il était auparavant, un compilateur ; il reproduit des textes sans les modifier ; il ne digère pas ce qu’il lit ; mais on ne saurait méconnaître d’autre part qu’il est un compilateur singulièrement avisé dans le choix qu’il fait de ses matériaux ; rien n’échappe à ses investigations patientes. Il ne s’adresse plus que rarement aux ouvrages de seconde main : pour l’ancienne littérature, l’édit de Ts’in Che-hoang-ti avait fait table rase de tous les documents originaux et les écrits que leur forme littéraire préserva de l’oubli avaient seuls subsisté ; à partir de l’année 213 au contraire, Se-ma Ts’ien trouvait dans les chancelleries du palais, auxquelles son titre de grand astrologue lui donnait un libre accès, les dossiers de toutes les affaires importantes qui avaient été soumises aux empereurs. Se-ma Tan en avait déjà commencé le dépouillement ; le fils continua l’oeuvre de son père et c’est ainsi que les Annales des Ts’in et des Han purent être rédigées avec une sûreté d’informations qui manquait pour les temps antérieurs.

Ces remarques nous expliquent pourquoi, tandis que nous avons pu précédemment nommer les principaux ouvrages dont s’est servi Se-ma Ts’ien, nous n’avons guère à citer, lorsqu’il s’agit de la période moderne, qu’un seul livre auquel il paraisse avoir fait des emprunts importants ; encore ce livre est-il aujourd’hui perdu ; le témoignage seul de Pan Piao nous assure qu’il existait et que Se-ma Ts’ien en fit usage. Il n’embrassait d’ailleurs que la courte période de cinq années (206-202 av. J.-C.) appelée époque de Tch’ou et de Han parce que ce fut alors que le roi de Tch’ou, Hiang-Yu, et le roi de Han, Lieou Pang, se firent une guerre acharnée qui devait se terminer par le triomphe du second et l’établissement définitif de la dynastie Han. Ce livre avait pour titre : le Tch’oen ts’ieou de Tch’ou et de Han CLVII-1; l’auteur, un certain Lou Kia, nous est connu par le chapitre que Se-ma Ts’ien lui a consacré CLVII-2 ; il vivait au temps du premier em- empereur Han, Lieou Pang, canonisé sous le nom de Kao-tsou ; en 196 avant J.-C, il fut chargé d’une mission à Canton auprès de Tchao T’o, roi de Nan Yue, et sut lui persuader de faire nominalement sa soumission à la Chine. Il était bien qualifié pour écrire l’histoire de la lutte où les Han devaient remporter l’avantage, car il en avait suivi toutes les péripéties en qualité de client du roi de Han et pouvait parler en témoin oculaire. Si ce sont les pages de Lou Kia que nous lisons dans la partie des Mémoires historiques où se trouve raconté le duel à mort entre Hiang Yu et Lieou Pang, nous devons rendre hommage à la vive allure de son style, à la clarté de son exposition. La personnalité de Hiang Yu, généreux, chevaleresque et prudent, grand batailleur et mauvais diplomate, s’y oppose admirablement à celle de Lieou Pang, rusé et tenace, vaincu dans plus de soixante-dix rencontres et reprenant toujours l’avantage, jusqu’à ce qu’enfin son adversaire, perdu par ses propres fautes, trouve la mort sur le champ de bataille après avoir fait des prodiges de valeur.

Le livre de Lou Kia peut être considéré au premier chef comme une des sources de Se-ma Ts’ien parce qu’il est une véritable histoire. Il n’en est pas de même d’un autre opuscule qui se trouve reproduit dans les Mémoires historiques, mais qui est plus une dissertation philosophique qu’un récit des événements. Nous voulons parler des Considérations montrant les fautes de Ts’in dont l’auteur est Kia I CLVIII-1 .Kia I ne vécut que trente-trois ans (de 198 à 165 av. J.-C); à l’âge de vingt ans, il fut promu par l’empereur Wen à l’une des hautes dignités littéraires et fut le plus jeune des « lettrés au vaste savoir ». Il nous a laissé quelques poésies d’une mélancolie pénétrante ; parmi ses ouvrages en prose, le plus remarquable est assurément celui qu’a connu et copié Se-ma Ts’ien. Dans ces courtes pages il s’est proposé de rechercher à quelles causes les Ts’in durent leur élévation et quelles furent les erreurs qui les précipitèrent à une chute soudaine. Toutes proportions gardées, on pourrait mettre cet écrit en parallèle avec les Considérations de Montesquieu sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence. Quelle profondeur, lorsqu’il suit les conséquences de la politique autoritaire de Ts’in che-hoang-ti, détruisant les livres, forçant au silence les hommes sincères, se condamnant ainsi à n’être entouré que de flatteurs, à ignorer le mécontentement qui va grandissant dans la foule ; quelle sagacité, quand il discerne l’influence que l’avantageuse configuration du pays de Ts’in, défendu par des montagnes et protégé par le Hoang-ho, dut avoir sur les destinées de ce royaume ; quelle rigueur dans la démonstration que « la façon de prendre et celle de conserver ne sont pas identiques » ; avec quelle connaissance du coeur humain il explique comment les peuples, fatigués des guerres civiles, acceptèrent volontiers le joug pesant de Ts’in Che-hoang-ti parce qu’un gouvernement fort leur paraissait un gage de paix et comment, même après avoir souffert des violences de leur nouveau maître, ils saluèrent avec joie l’avènement de son fils en qui ils espéraient trouver un souverain plus doux, « car lorsque le peuple est las, il est aisé de passer pour son bienfaiteur » ; enfin quels bonheurs d’expression n’a-t-il pas quand il dépeint l’ambition des princes de Ts’in qui projettent de « rouler comme une natte tout l’empire », de « fourrer dans un sac l’intérieur des quatre mers », on quand il dépeint Ts’in Che-hoang-ti « brandissant sa grande cravache pour gouverner le monde » et les sages qui, sous les menaces du tyran. « musèlent leurs bouches et ne parlent pas », ou, lorsque la révolte gronde de toutes parts, l’aventurier Tch’en Ché' qui, « en dressant le bras et en poussant un grand cri » fait accourir autour de lui des bandes armées « non d’arcs ni de lances, mais de bêches et de pioches et de perches sans fer. »

Il est assurément regrettable que Se-ma Ts’ien n’ait pas ces vives et impétueuses saillies que nous admirons chez son devancier. Mais il possède d’autres qualités qui, pour être plus humbles, ne doivent pas être méprisées. La première et la plus précieuse est sa curiosité infatigable qui va se renseignant d’ici, de là, ne négligeant aucune source d’informations ; elle nous a conservé plusieurs monuments très importants de l’antiquité : telles sont cinq inscriptions de Ts’in Che-hoang-ti d’une valeur considérable pour l’épigraphie chinoise CLX-1; tels encore trois modèles des lettres d’investiture, par lesquelles les empereurs de la dynastie Han conféraient à leurs plus proches parents le titre de roi et l’autorité sur un pays étendu CLXI-1. Toutes les fois que Se-ma Ts’ien rencontre quelque poésie composée dans une circonstance célèbre, il ne manque pas de la noter : lorsque le roi de Tch’ou, Hiang Yu,se voit cerné par les troupes du roi de Han et qu’il a perdu tout espoir, il déplore son sort et celui des deux êtres qu’il aime le plus au monde, son cheval Tchoei et sa favorite Yu CLXI-2 :

« Ma force déracinait les montagnes, mon énergie dominait le monde ;
« Les temps ne me sont plus favorables ; Tchoei ne court plus ;
« Si Tchoei ne court plus, que puis-je faire ?
« Yu ! Yu ! qu’allez-vous devenir ? »

L’empereur Kao-tsou, visitant, vers la fin de sa vie, le village où il est né, se sent pris d’une profonde mélancolie : le souvenir de son humble origine lui rappelle dans quelles circonstances difficiles il a fondé la dynastie des Han et lui fait craindre qu’elle ait de la peine à se maintenir; il exprime ses sentiments dans les vers suivants CLXI-3 :

« Un grand vent soufflait ; les nuages s’élevaient en volant ;
« Mon prestige s’est imposé dans l’intérieur des mers ; me voici revenu dans ma terre natale ;
« Comment trouver des hommes vaillants pour garder les quatre côtés ? »

Ce même souverain, pressé par sa concubine préférée d’appeler son fils à lui succéder sur le trône, lui refuse cette faveur parce que l’héritier présomptif, fils de la première épouse, a déjà un parti trop puissant dans l'empire ; il compare l’héritier à l’oiseau dont rien ne peut entraver la course au plus haut des airs CLXII-1 :

« La grue vole haut ; d’un essor elle parcourt mille li ;
« Ses plumes et ses pennes sont étendues ; elle plane
à travers l’espace au-dessus des quatre mers ;
« Quand elle plane à travers l’espace au-dessus des
quatre mers, l’arrêter comment le pourrait-on ?
« Même si on a la flèche et sa ficelle, à quoi cela
servirait-il ? »

On pourrait multiplier ces citations ; mais ce qu’on relèverait en nombre bien plus considérable que les poésies, ce sont les rapports officiels, les décrets de toute nature ; Se-ma Ts’ien a fouillé dans les archives les plus secrètes et nous en livre les trésors ; grâce à lui, nous saisissons en plein fonctionnement le mécanisme de l’administration. Le chapitre sur le roi de Hoai-nan CLXII-2 nous permet de suivre pas à pas toutes les phases d’un procès politique et criminel ; le chapitre sur le roi de Ou CLXII-3, qui se révolta en 154 avant J.-C, nous fournit le texte de la proclamation du roi à ses soldats et les instructions que l’empereur donne à ses officiers.

Non moins intéressantes et plus fréquentes encore sont les délibérations, les apostrophes ou les répliques. Les discours sont ici tout autres que dans les Annales des trois premières dynasties ; ils ne forment plus un genre à part ; des paroles sont-elles rapportées, ce sont bien en substance celles qui ont dû être prononcées ; elles vont droit au but et portent l’empreinte des circonstances qui les ont inspirées. L’historien les note parfois avec une telle exactitude que, lorsqu’il cite une phrase du conseiller Tcheou Tch’ang CLXII-4, il reproduit jusqu’au bégaiement dont ce haut fonctionnaire était affligé. Il n’a pas de fausse honte et un propos grossier n’est pas pour l’effrayer ; un cavalier attaché à l’état-major de celui qui devait être un jour le premier empereur Han et qui n’était encore que le duc de P’ei, dit au sage Li I-k’i CLXIII-1 : « Le duc de P’ei n’aime pas les lettrés : tous les étrangers qui viennent coiffés du bonnet de lettré, le duc de P’ei leur enlève soudain leur bonnet et pisse dedans. Quand il parle aux gens, il les insulte toujours fort. Gardez-vous de vous dire un maître lettré. »

Les pièces officielles et les discours ou les entretiens occupent une grande place dans les Mémoires historiques ; nous ne croyons pas exagérer en disant qu’ils constituent le tiers environ du texte dans la partie qui concerne les Ts’in et les Han. Or ils sont, par leur nature même, des documents que Se-ma Ts’ien a dû trouver déjà rédigés et qu’il n’a point altérés. Ce nous est une preuve qu’il ne cesse pas de collationner des écrits aujourd’hui disparus.

A tout le moins, dira-t-on, ces documents sont reliés entre eux, amenés et commentés par un récit ; les narrations ne sont-elles pas l’oeuvre de Se-ma Ts’ien lui-même ou devons-nous en rechercher encore les sources ? Une réponse catégorique ne saurait être faite à cette question. Il est indéniable que Se-ma Ts’ien a dû écrire lui-même certaines pages de son oeuvre ; mais elles sont moins nombreuses peut-être qu’on ne pense, et, en maint endroit, il n’est aucunement original. A parler exactement, ce n’est pas son style qu’on remarque dans ses récits, c’est celui de l’époque des Han : ce style a ses qualités propres : il est simple, concis, clair et vigoureux ; en revanche il est singulièrement froid et impassible ; il raconte les atrocités les plus épouvantables du même ton qu’il expose une réforme fiscale ou un plan politique. En voici un exemple tiré du IXe chapitre des Mémoires historiques :

L’empereur Kao-tsou avait eu de sa première femme, l’impératrice Lu, un fils qui lui succéda et fut l’empereur Hiao-hoei ; d’une concubine appelée Ts’i, il avait eu un autre fils qui reçut le titre de roi de Tchao ; Ts’i était sa favorite et c’est pourquoi Kao-tsou aurait désiré que le roi de Tchao fût son héritier ; l’opposition des grands de l’empire l’empêcha de commettre cette infraction aux usages consacrés. A sa mort, Hiao-hoei prit donc le pouvoir sous la tutelle de sa mère, l’impératrice Lu. Celle-ci voulut alors se venger de la concubine Ts’i et de son fils, le roi de Tchao, qui avaient fait naguère trembler son ambition : « L’impératrice, dit Se-ma Ts’ien CLXIV-1, envoya des gens mander le roi de Tchao ; celui-ci se mit en route  ; avant qu’il fût arrivé, l’empereur Hiao-hoei, qui était tendre et bon et qui savait que l’impératrice douairière était irritée, vint à la rencontre du roi au bord de la rivière Pa et entra avec lui dans le palais ; il gardait toujours le roi de Tchao à ses côtés quand il se promenait et quand il restait chez lui, quand il buvait et quand il mangeait. L’impératrice douairière voulait le mettre à mort, mais n’en trouvait pas l’occasion. Le douzième mois de la première année de Hiao-hoei (194 av. J.-C), l’empereur sortit de grand matin pour tirer à l’arc ; le roi de Tchao qui était un enfant n’avait pu se lever d’aussi bonne heure ; l’impératrice douairière, apprenant qu’il était resté seul, envoya des gens lui faire prendre du poison ; au point du jour Hiao-hoei revint, mais le roi de Tchao était déjà mort... Puis l’impératrice douairière coupa les pieds et les mains de la concubine Ts’i , lui arracha les yeux, lui brûla les oreilles et lui donna à boire un breuvage qui rend muet ; elle la fit demeurer dans des latrines et l’appela la femme-porc. Après quelques jours elle manda l’empereur Hiao-hoei pour lui montrer la femme-porc. Hiao-hoei la vit ; sur ses questions, on lui apprit que c’était la concubine Ts’i ; il pleura alors abondamment et tomba malade ; pendant plus d’un an il ne put se lever. »

Dans cette narration les moindres circonstances des événements sont notées ; les diverses attitudes des personnages sont représentées. Mais les sentiments restent invisibles ; pas un mot qui trahisse l’émotion du chroniqueur. Ce n’est pas ainsi que Tacite eût raconté les horreurs de ces tragédies de palais ; il aurait fait une peinture sombre et terrible au lieu de la photographie merveilleusement nette d’ailleurs dont se contente l’écrivain chinois.

Quelle que soit la part qu’il faille faire à Se-ma Ts’ien lui-même dans la rédaction de ces récits, ce qu’il importe de constater, c’est qu’ils nous donnent toujours l’impression d’une scrupuleuse véracité. Quoique nous ignorions les noms des auteurs qui durent souvent servir à Se-ma Ts’ien pour la partie de son oeuvre postérieure à l’an 213 avant J.-C, nous sommes obligés de rendre justice à leur réel mérite. Bien qu’anonymes, ces sources sont au nombre des plus riches et des plus pures entre toutes celles qui sont venues affluer dans les Mémoires historiques.

Les écrits dont nous venons de passer la revue ont été mis à profit par Se-ma Ts’ien pour composer les Annales des empereurs et des familles princières. Mais ces annales ne sont en quelque sorte que la trame nécessaire sur laquelle vient se dessiner tout le tissu de l’histoire ; c’est l’individualité, c’est l’action qui donne la chair et le sang au squelette des faits. Se-ma Ts’ien en a eu conscience ; cependant, au lieu d’animer son récit en y faisant intervenir les hommes vrais avec leur caractère, leurs pensées et leurs passions, au lieu de dresser à nos yeux un tout organique où respire l’âme des siècles éteints, il a, fidèle au procédé de l’esprit chinois, superposé le second élément au premier, et, après la chronique, il a consacré une nouvelle section de son oeuvre aux biographies.

Les biographies ne commencent qu’à l’époque des Tcheou. En effet, les cinq empereurs et les dynasties Hia et Yu appartiennent plutôt à la préhistoire qu’à l’histoire ; les érudits ont tracé le schème de leur temps avec une méthode analogue à celle de la paléontologie : en rapprochant quelques débris épars, l’imagination a rétabli les grandes lignes qui devaient les réunir et en a fait un système ; mais à cette reconstruction qui a demandé souvent plus d’art que de science, il manquera toujours la vie, condition de la réalité. Avec les Tcheou au contraire nous voyons apparaître des hommes qui se meuvent et parlent, non pas à la façon des fantômes qui défilent, nimbés d’une gloire, dans les premiers chapitres du Chou k’ing, mais comme les Chinois de nos jours dont ils sont les véritables ancêtres. Sous les Ts’in et sous les Han enfin, les personnages prennent plus de relief encore, car ils sont les contemporains ou au moins les aïeux immédiats de Se-ma T’an et de Se-ma Ts’ien. Pour tracer sa longue galerie de portraits, Se-ma Ts’ien a dû lire les ouvrages les plus divers. Quand il nous parle de Confucius et de ses disciples CXLVI-1, il fait de larges emprunts au Luenyu ; ce livre, dont le titre signifie « Discussions et propos », peut être comparé aux Entretiens mémorables de Socrate par Xénophon ; nous y retrouvons les conversations que le maître eut avec plusieurs des soixante-dix personnes qui s’étaient attachées à sa personne et le suivaient en tous lieux. Le Luen yu, même au temps de la persécution de Ts’in Che-hoang-ti, n’avait jamais cessé d’être enseigné par les lettrés du pays de Lou, patrie du grand sage ; en outre, une copie de cet ouvrage en vieux caractères fut découverte dans la maison qu’abattit le roi Kong CXLVI-2 et K’ong Ngan-kouo en fit une recension. Se-ma Ts’ien a lu aussi le Tch’oen ts’ieou de Yen-tse CXLVI-3 et celui de Lu Pou-wei CXLVI-4, qui, quoique appelés Tch’oen Ts’ieou, ne sont pas des annales ; le premier de ces livres est un recueil des entretiens que Yen Yng eut avec les ducs Ling (581-554 av. J.-C.), Tchoang (553-548 av. J.-C.) et King (547-490 av. J.-C.) du pays de Ts’i. Le second traite des questions les plus diverses ; la philosophie et l’histoire y tiennent une grande place : Lu Pou-wei, qui l’écrivit, est célèbre pour avoir exercé la régence pendant la minorité du jeune prince qui devait être un jour Ts’in Che-hoang ti ; d’aucuns veulent même qu’il ait été son véritable père ; il mourut en 237 avant J.-C. Se-ma Ts’ien mentionne encore parmi les ouvrages qu’il avait pratiqués ceux de Koan-tse CXLVII-1, de Tchoang-tse, de Chen-tse, de Han-fei-tse CXLVII-2, les Lois de la guerre de Jang Tsou CXLVII-3 et celle de Ou K’i, les treize chapitres de Suen tse CXLVII-4, les écrits du prince de Chang CXLVII-5, ceux de Tseou Yen CXLVII-6, ceux de Mong-tse CXLVII-7 et bien d’autres. Mais les titres qu’on peut relever dans les Mémoires historiques ne représentent sans doute qu’une faible partie de ceux qu’il faudrait enregistrer si l’on voulait faire un catalogue complet des sources de Se-ma Ts’ien.

Se-ma Ts'ien ne se contente pas d'étudier tous ces auteurs pour leur emprunter des pages d'histoire ou pour leur demander des renseignements sur la vie des hommes illustres ; il s'intéresse à leurs oeuvres elles-mêmes ; lorsqu'il parle d'un poète ou d'un philosophe, il ne résiste pas au désir de nous donner un échantillon de ses écrits ; à ce point de vue, les Mémoires historiques sont une sorte d'anthologie grâce à laquelle des fragments fort curieux de la littérature ancienne ont échappé à l'oubli. Se-ma Ts'ien a soin en effet de ne citer que les plus rares, ceux qui ne sont pas très répandus dans le public et qui ont cependant une valeur telle qu'ils méritent d'être plus connus. Ce Kia I dont il avait déjà reproduit les belles Considérations montrant les fautes des Ts'in CLXVIII-1, il nous en a conservé d'autre part deux poésies bien propres à nous faire apprécier les qualités de ce beau génie trop tôt enlevé par la mort CLXVIII-2. Nous lisons encore chez Se-ma Ts'ien les curieuses compositions rythmées de Se-ma Siang-jou CLXVIII-3, la poésie que K'iu Yuen composa avant de se noyer de désespoir CLXVIII-4, la dissertation sur les Difficultés de conseiller de Han-fei-tse CLXVIII-5, et, dans un autre ordre d'idées, les consultations médicales de Pien-ts'io CLXVIII-6. Toutes ces citations ne font point partie intégrante du récit historique et pourraient être supprimées sans qu'aucun fait manquât dans la chaîne des événements. Si Se-ma Ts'ien les a admises dans son oeuvre, c'est parce qu'il s'est proposé, non pas seulement de rédiger une chronique plus détaillée et plus étendue que ses devanciers, mais encore, suivant sa forte expression, « de venir au secours des vertus extraordinaires, d'élever haut le mérite et la gloire dans l'empire. » Entre toutes les célébrités, celle que confère le talent littéraire est une des plus honorées en Chine et c'est pour la mieux mettre en lumière que Se-ma Ts'ien a recueilli quelques-uns des chefs-d'oeuvre devenus immortels grâce à lui.

Des poésies et des dissertations, des requêtes au trône et des décrets impériaux, des inscriptions lapidaires et des pièces de chancellerie, des propos célèbres et des chansons populaires, tous ces éléments divers se coudoient dans l'oeuvre de Se-ma Ts'ien et forment un ensemble d'une inépuisable fécondité pour l'esprit curieux des choses passées. En réunissant ces documents si disparates, Se-ma Ts'ien fait faire un pas considérable à l'art d'écrire l'histoire, car il l'affranchit ainsi pour toujours de la sécheresse et de la monotonie de la chronique. Celle-ci avait été cependant, lorsqu'elle apparut, un progrès signalé dans la voie de la connaissance scientifique, puisqu'elle remplaçait les antiques discours, bons pour endoctriner les gens, mais non pour les instruire. L'histoire, dans son sens le plus vague, peut être défini le souvenir des faits passés ; or les raisons qui portent l'homme à étudier ce qui n'est plus sont multiples : les Chinois paraissent n'avoir entrevu d'abord leurs ancêtres qu'à travers le prisme de la piété filiale qui leur donnait des formes plus majestueuses et des couleurs plus séduisantes que n'en eut jamais la réalité ; plus tard ils éprouvèrent, comme tous les peuples, le besoin de conserver un résumé chronologique de leur existence et comme un raccourci des destinées de leur patrie ; au temps de Se-ma Ts'ien enfin, ils comprennent l'intérêt qui s'attache aux manifestations variées de la vie ; ils aperçoivent au-dessous des faits les hommes qui les créent et l'histoire devient pour eux une résurrection. C'est cette évolution du genre historique dont nous suivons la marche à travers les chapitres des Mémoires de Se-ma Ts'ien.

Ce n'est pas seulement l'art qui s'est perfectionné et précisé, c'est aussi son objet qui est devenu par degrés d'une complexité de plus en plus grande. Pour s'en rendre compte cependant, il faut au préalable se débarrasser des idées préconçues qu'on peut avoir acquises dans le commerce des écrivains chinois ; ceux-ci se représentent volontiers leur pays comme ayant été de tout temps l'immense empire qu'il est devenu au cours des siècles ; à leurs yeux il y eut un moment d'affaiblissement et de désagrégation à la fin des Tcheou, mais les Han, en rétablissant le gouvernement central, ne firent que revenir à l'état de choses qui existait sous les cinq empereurs et les deux premières dynasties. Telle n'a point dû être la réalité. Ne tenons pas compte des cinq empereurs, symboles trop manifestes des cinq éléments pour être autre chose qu'une transposition historique d'un système philosophique. Après eux, c'est-à-dire à l'aurore de la clarté scientifique, nous voyons un petit état conserver religieusement les enseignements de ses rois qui jouent le rôle d'éducateurs des peuples : le roi est tout ; les autres hommes ne sont quelque chose que dans la mesure où ils l'approchent ; c'est pourquoi le Chou king ne nous parle guère que des Fils du ciel ou de leurs conseillers. Puis cette nation,supérieure à ses voisines par ses qualités intellectuelles, triomphe d'elles ; les princes subjugués se reconnaissent vassaux de leur vainqueur ; ils adoptent sa civilisation et croient faire un honneur posthume à leurs ancêtres en les rattachant par des généalogies artificielles à la famille du suzerain. Ainsi se forme le régime politique de l'époque des Tcheou qui n'est une féodalité qu'en partie ; s'il est vrai en effet que les ducs de Lou et de Yen, par exemple, étaient des parents du souverain et avaient été investis de véritables fiefs, la plupart des seigneurs cependant, et des plus puissants,descendaient de chefs autochtones ; leur situation était celle qu'avaient récemment encore les rois de l'Annam qui se prétendaient issus d'un des premiers empereurs chinois, Chen-nong, et rendaient certains hommages prescrits par les rites à la cour de Péking ; comme les empereurs actuels se sont dits les maîtres de l'Annam. ou de la Corée, ainsi les Tcheou, sur une échelle plus restreinte,pouvaient se targuer de commander aux princes de Tch'ou, de Ou, de Yue ou de Tchao. Bon nombre de ces prétendus feudataires n'étaient que des tributaires. Cependant la fiction qui les rattachait à la même lignée que les souverains du royaume du Milieu était exacte en ceci qu’ils étaient leurs enfants par adoption intellectuelle puisqu’ils avaient accepté leurs idées et leurs arts. Formés aux lettres chinoises, tous les vassaux prennent modèle sur la cour des Tcheou et chacun d’eux tient le registre de ses annales. L’histoire qui ne se préoccupait que des empereurs au temps des Hia et des Yn peut maintenant s’étendre aux centres nombreux où se manifeste la vie de la féodalité ; les princes de tous les royaumes apparaissent dans le Tso tchoan, le Kouo yu et le Tchan kouo ts’é. Vers la fin de la dynastie Tcheou, le pouvoir central s’affaiblit ; les principautés, naguère humbles et soumises, réclament leur indépendance ; chacune d’elles ne consulte plus que son intérêt particulier et la guerre se déchaîne. Ts’in Che-hoang-ti triomphe des seigneurs ses rivaux, mais, au lieu de les obliger simplement à se reconnaître dépendants, il les supprime et les remplace par des fonctionnaires. Les Tcheou avaient maintenu un royaume du Milieu dans l’orbite duquel gravitaient une foule de royaumes secondaires ; Ts’in Che-hoang-ti établit un empire unique et crée les vraies origines de la Chine moderne. Les Han recueillent son héritage. Alors se constitue une aristocratie, non plus de naissance mais d’intelligence ; les empereurs appellent aux charges publiques les hommes les plus capables et ce sont les derniers venus qui jouent, quelle que soit leur extraction, les principaux rôles sur la scène du monde. On voit comment l’objet de l’histoire s’est peu à peu développé, n’étant d’abord que le seul Fils du ciel, puis une hiérarchie de seigneurs, enfin une nation tout entière représentée par l’élite de ses membres. La série des sources de Se-ma Ts’ien nous présente le spectacle d’une transformation parallèle.




CXXXVII-1. Voici les principales citations que Se-ma Ts’ien fait du Che king :

a) Mémoires historiques, chap. XIV, Che eul tchou heou nien piao, p.1 r° : 周道缺,詩人本之衽席,關雎作。仁義陵遲,鹿鳴刺焉。 « La conduite des Tcheou étant devenue mauvaise, les poètes prirent pour sujet (de leurs chants) les nattes sur lesquelles on se couche ; (l’ode) Koan ts’iu fut composée. La bonté et la justice se corrompirent ; (l’ode) Lou ming le blâma. » L’ode Koan ts’iu est la première de la lre partie du Che king ; on voit que Se-ma Ts’ien y découvre une tendance satirique ; certains commentateurs ne sont pas de son avis (cf. Legge, Chinese Classics, t. IV, p. 5) ; l’ode Lou ming est la première de la 2e partie du Che king.

b) Mémoires historiques, chap. IV, Tcheou pen ki, p. 9 r°. 懿王之時,王室遂衰,詩人作刺。 « Au temps du roi I, la maison royale se pervertit ; les poètes composèrent des blâmes. »

c) Mémoires historiques, chap. IV, Tcheou pen ki, p. 9 r° : citation de l’ode Se wen {Che king, IV, 1 (1) X), et de l’ode Wen wang (Che king, III, 1, I).

d) Mémoires historiques, chap. CX, Hiong nou tchoan, p. 2 r° : 中國疾之。故詩人歌之曰。戎狄是應。薄伐獫狁至于太原。出輿彭彭。城彼朔方。 (sous le règne du roi Siang, les barbares ayant envahi le royaume du Milieu), « le royaume du Milieu en fut affligé. C’est pourquoi les poètes chantaient disant : Voilà ce qu’on oppose aux barbares de l’ouest et du nord (Ode Pi kong ; Che king, IV, 2 ; IV, 5) ; — nous avons serré de près et nous avons battu les Hien-yun et nous sommes arrivés jusqu’à T’ai-yuen (ode Lieou yue ; Che King, n, 3 ; m, 5) ; — combien nombreux étaient les chars qu’il fit sortir !... Construire un rempart dans ces régions du nord » (ode Tch’ou kiu ; Che king, II, 1 ; VIII, 3).

e) Mémoires historiques, chap. XLVII, p. 12 v° : « Le duc grand astrologue dit : Dans le Livre des Vers il y a cette parole : La montagne élevée attire le regard ; la grande route attire le piéton. »

f) Mémoires historiques, chap. III, Yn pen ki, p. 6 r° : 太史公曰。余以頌次契之事,自成湯以來采於書詩。. « Le duc grand astrologue dit : C’est avec les Odes sacrées que j’ai mis en ordre les événements qui concernent Sié ; à partir de T’ang le victorieux, j’ai compilé les Annales et les Poésies. »

CXXXIX-1. Cette date est celle que donne Se-ma Ts’ien. D’autres auteurs la fixent en l’an 628 avant J.-C. (cf. Legge, Chinese Classics, t. III, p.626).

CXXXIX-2. Dans le Chou king traditionnel, 22 chapitres sont antérieurs aux Tcheou et 36 sont postérieurs.

CXL-1. Cf. dans la traduction du chap. 1 des Mémoires historiques les notes qui montrent les emprunts faits par Se-ma Ts'ien à Mencius. ― Au début du chap. LXXIV, Se-ma Ts'ien dit formellement qu'il a lu le livre de Mencius : 太史公曰余讀孟子書 .

CXLI-1. 帝繫姓

CXLI-2. 世本 , Se-ma Ts’ien ne cite pas le titre du Che pen, mais Pan Piao (cf. Appendice II) nous affirme qu’il se servit de cet ouvrage. Pan piao nous dit encore, à propos du Che pen : « En outre, il y avait un livre qui tenait le compte, depuis Hoang-ti jusqu’à la période tch’oen ts’ieou (722-481 av. J.-C), des empereurs, des rois, des ducs, des marquis, des hauts dignitaires et des grands officiers ; le titre en était Origines généalogiques et il comprenait 15 chapitres. » — Un tel livre ne pouvait pas avoir un auteur unique ; aussi la composition en est-elle assignée à des époques diverses ; suivant les uns, il date delà dynastie Tcheou et, d’après Hoang-fou Mi, il aurait eu pour auteur Tso K’ieou-ming. Mais Se-ma Ts’ien paraît avoir connu une récension ultérieure de l’ouvrage, et c’est pourquoi nous nous arrêtons à l’opinion de Lieou Tche-ki, qui dit, dans son Che t’ong : « A l’époque de Tch’ou et de Han, il y eut un amateur d’histoire qui dressa le tableau généalogique, depuis l’antiquité, des empereurs, des rois, des ducs, des marquis, des hauts dignitaires et des grands officiers, et le termina à la fin des Ts’in ; le titre en est Origines généalogiques » : .......... (voyez la préface de Tchang Tchou 張澍 à la restauration qu’il a donnée du Che pen dans le recueil qui porte son nom : Tchang che ts’ong chou, édité en 1821). — Il est à remarquer, d’ailleurs, que le texte de Se-ma Ts’ien n’est pas toujours d’accord avec les citations que d’autres auteurs nous ont conservées du Che pen.

CXLII-1. Se-ma Ts’ien mentionne le Ti hi sing ou Ou ti hi dans les deux passages suivants : Mémoires historiques, chap. XIII, San tai che piao, p.1 r° et v° : 於是以五帝繫諜、尚書集世紀黃帝以來訖共和為世表 . « Ainsi me servant de la Suite et de la Table des cinq empereurs, ainsi que du recueil du Chang chou, j’ai dressé une liste par générations depuis Hoang-ti jusqu’à l’époque Kong ho et j’ai fait un tableau généalogique. » Mémoires historiques, chap. I, Ou ti pen ki, p. 13 r° : 孔子所傳宰予問五帝德及帝系姓,儒者或不傳。 予觀春秋國語,其發明五帝德、帝繫姓章矣 . « Ce qui nous vient de K’ong-tse en réponse aux questions de Tsai yu sur « les Vertus des cinq empereurs » et « la Suite des familles des empereurs », il est des lettrés qui ne le rapportent pas... Pour moi, j’ai examiné le Tch’oen ts’ieou et le Kouo yu : ils donnent la preuve que « les Vertus des cinq empereurs » et « la Suite des familles des empereur» » sont des écrit» canoniques, »

CXLIII-1. Soei chou, chap. XXXII, p. 13 r° : 至宣帝時后xx最明其業 (c’est-à-dire les Enseignements des rites) . . ., . Le Ti hi sing est le 63° paragraphe des Rites de Tai l’aîné tels qu’ils sont édités dans le Wan Wei ts’ong chou.

CXLIII-2. § 62.

CXLIII-3. Voyez plus haut, p. CXLII, note 1, 2e citation.

CXLIV-1. Ts’ien San chou, chap. XXX, p. 8 v° : 孔子家語二十七卷。 Yen Che-kou, commentateur de l’époque des Tang, ajoute : Ce n’est pas le Kia yu que nous avons aujourd’hui. — Quels que soient les remaniements du Kia yu qui justifient l’affirmation de Yen Che-kou, le chapitre Ou ti té est bien resté identique au texte des Rites de Tai l’aîné et à celui de Se-ma Ts’ien.

CXLIV-2. Tseou Yen vivait au temps du roi Tchao du pays de Yen (311-279 av. J.-C.)et du roi Hoei-wen, du pays de Tchao (294-266 av. J.-C). — La note 2 de la p. 25 dans ma première traduction du Traité sur les cérémonies fong et chan est erronée ; d’après les tables chronologiques de Se-ma Ts’ien, le roi Wei du pays de Ts’i régna de 378 à 343 et le roi Siuen de 342 à 324. Les philosophes qui eurent le nom de famille Tseou et qu’on appelle pour cette raison les Tseou-tsé, furent au nombre de trois ; Tseou Yen est le second dans l’ordre chronologique (cf. Mémoires historiques, chap. LXXIV).

CXLIV-3. Mémoires historiques, chap. XIV, p. 1 v° : « Le conseiller impérial Tchang Ts’ang dressa le tableau chronologique des cinq vertus » : 漢相張蒼曆譜五德 .

CXLV-1. Se-ma Ts’ien a dû connaître aussi le petit fragment qui nous a été conservé dans les Rites de Tai l’aîné sous le nom de Petit calendrier des Hia ; mais il se contente d’en citer le titre sans en reproduire le texte. Mémoires historiques, chap. II, Hia pen ki, p. 11 r° : 孔子正夏時,學者多傳夏小正云。 . Kong-tse ayant accepté pour règle le calcul des temps de la dynastie Hia, les érudits pour la plupart nous ont transmis le Petit calendrier des Hia. »

CXLVI-1. Cf. notre traduction, t. I, p. 240, n. 3 et p. 233, n. 1.

CXLVI-2. Mencius nous dit : « Le Cheng du royaume de Tsin, le T’ao du du royaume de Tch’ou et le Tch’oen ts’ieou du pays de Lou sont des livres du même genre. » 晋之乘楚之祷杌鲁之春秋一也 (cf. Legge, Chinese Classics, t. II, p, 203).

CXLVII-1. A parler exactement, le Kouo yu s’étend sur un nombre d’années plus considérable : il commence au roi Mou (1001-946 ?) et finit au roi Yuen (475-468).

CXLVII-2. Cf. Lieou Tche-ki, dans le Che t’ong, chap. I, Le commentaire de Wang sou ( 王肅 , IIIe siècle av. J.-C.) au Kouo yu est intitulé 春秋外傳章句 .

CXLVII-3. Mémoires historiques, chap. XIV, p. 1 v° : « Un sage du pays de Lou, Tso K’ieou-ming, craignit que les disciples (de K’ong-tse) n’eussent tous des principes différents, que chacun ne s’arrêtât à ses propres idées et qu’on ne perdît le vrai sens. C’est pourquoi, prenant les Mémoires historiques de K’ong-tse, il en analysa toutes les propositions et fit le Tch’oen ts’ieou de Tso. » 魯君子左丘明懼弟子人人異端各安其意故因孔子史記具論其語成左氏春秋 . Se-ma Ts’ien connaît donc le Tso tchoan et s’en sert ; voyez, par exemple, le passage qui en est tiré dans les Annales des cinq empereurs (traduction, t. I, p. 77. Cf. aussi p. 290). M. Eitel a dû être induit en erreur par une autorité suspecte quand il a écrit (China Review, vol. XV, p. 90) : « Il semblerait qu’au temps de Se-ma Ts’ien on n’ait guère connu que le commentaire de Kou-leang au Tch’oen ts’ieou. »

CXLVIII-1. Mémoires historiques, chap. CXXX, p. 5 v° : 左丘失明厥有國語 .

CXLVIII-2. « Le maître dit : Une parole subtile, un extérieur insinuant et un respect excessif, Tso K'ieou-ming en a honte et moi aussi j'en ai honte. Cacher son ressentiment contre un homme et le traiter en ami, Tso K'ieou-ming en a honte et moi aussi j'en ai honte». Cf. Legge, Chinese Classics, t. I, 1re édition, p. 46.

CXLVIII-3. « Au temps des ducs Ting (509-495 av. J.-C.) et Ngai (494-467 av. J.-C), un sage du pays de Lou, Tso K'ieou-ming ... ». Cf. Appendice II.

CXLVIII-4. Voyez les preuves données par Tcheng Yu-tchong, cité par Wong Yuen-k'i dans son commentaire au K'oen hiue ki wen ( 翁注困學紀文 ), chap. VI, p. 17 r°.

CXLVIII-5. Cf. ibid., chap. VI, p. 36 r°.

CXLIX-1. Voici, par exemple, d’après Lieou Hiang, quelle fut la fortune du Commentaire de Tso : « Tso K’ieou-ming communiqua ses enseignements à Tseng Chen ; celui-ci les transmit à Ou K’i ; celui-ci, à son fils (Ou) K’i ; celui-ci à un homme de Tch’ou, To Tsiao, qui en rédigea des extraits en 8 chapitres ; To Tsiao transmit (ses connaissances) à Yu King qui en fit des extraits en 9 chapitres ; Yu K’ing les communiqua à Siun King qui les transmit à Tchang Ts’ang ». Cf. Legge, Chinese Classics, t. V, prolég., p. 27. — Tchang Ts’ang fut le premier à éditer le commentaire.

CL-1. Cette opinion a déjà été énoncée par T’an Tchou 啖助, commentateur de l’époque des T’ang, qui dit : « Les anciennes explications étaient toutes transmises oralement : à partir de l’époque des Han, on fit des paragraphes et des phrases (c’est-à-dire qu’on divisa le texte des classiques en paragraphes et en phrases, en les écrivant). Ainsi le Pen ts’ao est rempli des commanderies et des royaumes de l’époque des Han postérieurs et cependant on l’attribue à Chen nong ; le Chan liai king parle longuement de l’époque des Yn, et cependant on dit que c’est Yu, fondateur de la dynastie Hia, qui le composa… On connaît par là que les sens des trois commentaires (du Tch’oen ts’ieou) furent à l’origine transmis en entier oralement ; plus tard des érudits les écrivirent sur le bambou et sur la soie et les mirent sous le nom du maître qui était l’ancêtre de tous les autres. » Cette citation se trouve dans les prolégomènes (1re partie, p. 4 r°) édition de l’empereur Yong-tcheng.

CLI-1. Mémoires historiques, chap. CXXI, p. 5 r°.

CLII-1. On les appelle souvent 旅士 , les lettrés errants.

CLII-2. 戰國策 .

CLII-3. Lieou Hiang a fixé le nombre des chapitres à 33, après avoir fait une refonte presque complète de l’ouvrage dont toutes les parties étaient mêlées et où on trouvait plusieurs redites. Avant l’édition de Lieou Hiang, on désignait ce livre sous des noms divers : 國策, 國事, 短長 , 事語 , 修書 , etc.

CLII-4. Kouo yu, partie Tsin yu, chap. VII, dernière phrase : Yang-ché Hi fut nommé précepteur de l’héritier présomptif Piao, à cause de sa connaissance du Tch’oen ts’ieou. Piao, qui fut le duc P’ing, commença à régner en 557 avant J.-C. ; ce texte prouve donc qu’avant même la naissance de Confucius il y avait dans le pays de Tsin des Annales appelées Tch’oen ts’ieou. — Le Kouo yu, partie Tch’ou yu, chap. I, nous révèle aussi l’existence d’un Tch’oen ts’ieou dans le pays de Tch’ou, — Enfin le philosophe Mé-tse se vantait d’avoir vu les Tch’oen ts’ieou de 100 royaumes (ce passage est cité dans les fragments placés à la fin de ses oeuvres).

CLIII-1. Mémoires historiques, chap. XV, p. 1 v° : « Quand Ts’in eut atteint son but, il brûla dans tout l’empire le Che king et le Chou king et surtout les mémoires historiques des seigneurs, car il pensait qu’il y avait là (des armes pour) la critique et le blâme. Si le Che king et le Chou king reparurent, c’est qu’un grand nombre d’exemplaires en étaient cachés chez les particuliers ; mais les mémoires historiques ne se trouvaient conservés que dans la maison des Tcheou et c’est pourquoi ils furent détruits. C’est regrettable : c’est regrettable ! Il n’y a plus que les mémoires (du pays) de Ts’in : encore ne mentionnent-ils pas les jours et les mois et leur rédaction est-elle brève et incomplète. »

CLIV-1. Ts’ien Han chou, chap. XXX, p. 7 v° : 左史記言右史記事事為春秋言為尚書。 .

CLIV-2. Quelques-uns cependant en ont montré l’inanité. Cf. Che t’ong t’ong che, chap. I, p. 4 r°, à l’explication de la phrase wei li pou tch’oen.

CLVII-1. 楚漢春秋 par 陸賈 .

CLVII-2. Mémoires historiques, chap. XCVII. — Il est assez singulier que Se-ma Ts’ien passe entièrement sous silence le Tch’ou Han tch’oen tsieou. Il ne cite de Lou Kia que les nouveaux discours 新語 , ouvrage qui a été conservé et qui est réimprimé dans le Han Wei ts’ong chou. « J’ai lu, dit Se-ma Ts’ien (chap. CVII, p. 5 v°) les nouveaux discours de maître Lou (Kia) ; ce livre a douze chapitres ; l’auteur fut certainement un homme habile entre tous ses contemporains. » Les Nouveaux discours ne sont point un livre d’histoire et ne sont donc pas le Tch’ou Han tch’oen ts’ieou sous un autre titre ; l’omission de Se-ma Ts’ien reste inexplicable.

CLVIII-1. Les Considérations montrant les fautes de Ts’in 過秦論 constituent les trois premiers chapitres du Sin chou 新書 qui fait partie du Han Wei ts’ong chou et des recueils d’écrivains non canoniques { 子 ). On trouve les Considérations dans les Mémoires historiques à la fin du chapitre VI, mais la première partie de cet opuscule y est placée à la suite de la seconde et de la troisième. En outre, la première partie est répétée à la fin du chapitre XLVIII, et c’est l’interpolateur Tch’ou Chao-suen (cf. chap. v de cette Introduction) qui passe communément pour avoir introduit cette répétition. Wang Ming-cheng (Che ts’i che ckang kiue, chap. II, § 2) a fort bien montré que Se-ma Ts’ien avait dû placer la seconde et la troisième partie des Considérations à la fin du chapitre VI et la première partie à la fin du chapitre XLVIII, que plus tard un interpolateur maladroit aura complété la citation faite à la fin du chapitre VI en y ajoutant la première partie des Considérations et qu’enfin un second critique, non moins mal avisé, se sera aperçu que la première partie des Considérations était répétée deux fois et aura de son autorité propre attribué à Tch’ou Chao-suen la citation faite au chapitre XLVIII en ajoutant la phrase : Maître Tch’ou dit... En réalité, c’est la première partie placée à la fin du chapitre VI qui est une interpolation, comme le prouve bien le désordre qui règne dans la succession des trois parties.

CLX-1. Cf. Mémoires historiques, chap. VI, et mon étude sur les inscriptions des Ts’in {Journal asiatique, 1893).

CLXI-1. Cf. Mémoires historiques, chap. LX. — Voyez dans le chapitre V de cette Introduction la preuve que le chapitre LI est bien dû à Se-ma Ts’ien lui-même et non à Tch’ou Chao-suen.

CLXI-2. Cf. Mémoires historiques, chap. VII, p. 12 v°.

CLXI-3. Mémoires historiques, chap. VIII, p. 14 v°.

CLXII-1. Mémoires historiques, chap. LV, p. 5 v°.

CLXII-2. Id., chap. CXVIII.

CLXII-3. Id., chap. CVI.

CLXII-4. Id., chap. XCVI, p. 1 v°.

CLXIII-1. Mémoires historiques, chap. XCVII, p. 1 v°.

CLXIV-1. Mémoires historiques, chap. IX, p. 1 v°.

CXLVI-1. Mémoires historiques, chap. XLVII et LXVII. A la fin du chapitre LXVII, Se-ma Ts’ien dit expressément qu’il s’est servi du Luen yu.

CXLVI-2. Voyez plus haut, p. CXVI, note 2.

CXLVI-3. Mémoires historiques, chap. LXII, p. 2 v° : « Le duc grand astrologue dit : J’ai lu... et le Tch’oen ts’ieou de Yen-tse. »

CXLVI-4. Mémoires historiques, chap. XIV, p. 1 v° : « Au temps du roi Hiao-tch’eng, du pays de Tchao, son conseiller, le haut dignitaire Yu, compila pour les temps anciens les Tch’oen ts’ieou et, pour les temps plus modernes, observa les générations récentes ; il composa à son tour un ouvrage en huit chapitres qui est le Tch’oen ts’ieou de Yu.Lu Pou-wei, conseiller du roi Tchoang-siang, du royaume de Ts’in, étudia à son tour la haute antiquité, corrigea et recueillit les tch’oen ts’ieou et colligea les faits de l’époque des six royaumes ; il en fit les huit Considérations, les six Discussions et les douze Traités ; ce fut le Tch’oen ts’ieou de Lu. »

CXLVII-1. Mémoires historiques, chap. LXII, p. 2 v° : « Le duc grand astrologue dit : J’ai lu les écrits de Koan-tse intitulés Mou min, Tch’eng ma, King tchong et K’ieou fou... »

CXLVII-2. Mémoires historiques, chap. LXIII.

CXLVII-3. Id., Chap. LXIV.

CXLVII-4. Id., chap. LXV.

CXLVII-5. Mémoires historiques, chap. LXVIII, p. 4 v° : « J’ai lu les écrits du prince de Chang intitulés Ka’i sai et Keng tchan. » — Le prince de Chang, Kong-suen Yang était un légiste qui se rendit célèbre par sa sévérité ; il fut au service_du duc Hiao, de Ts’in.

CXLVII-6. Mémoires historiques, chap. LXXIV.

CXLVII-7. Mémoires historiques, chap. LXXIV, p. 1 r° : « Le duc grand astrologue dit : J’ai lu le livre de Mong-tse. » — Voyez les emprunts que Se-ma Ts’ien fait à Mencius dans les Annales principales des cinq empereurs, t. I, p. 70 et p. 75, n. 1, de notre traduction.

CLXVIII-1. Voyez plus haut, p. CLVIII et suiv.

CLXVIII-2. Mémoires historiques, chap. LXXXIV, p. 4 r° et 5 r°.

CLXVIII-3. Id., chap. CXVII.

CLXVIII-4. Id., chap. LXXXIV, p. 2 v°.

CLXVIII-5. Id., chap. LXIII, p. 3 v°.

CLXVIII-6. Id., chap. CV.