Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Sur les réfractions astronomiques


SUR LES
RÉFRACTIONS ASTRONOMIQUES.


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1772.)


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1. On sait que les rayons qui traversent obliquement notre atmosphère se détournent de la ligne droite et décrivent des courbes concaves vers la surface de la Terre, en sorte qu’ils nous parviennent toujours dans une direction moins inclinée à l’horizon que celle suivant laquelle ils sont entrés dans l’atmosphère.

Le changement qui en résulte dans la hauteur apparente des astres est ce qu’on nomme en Astronomie réfraction céleste, parce qu’en effet il n’est dû qu’à la réfraction continuelle que souffrent les rayons en pénétrant dans les couches successives de l’atmosphère, lesquelles augmentent toujours de densité à mesure qu’elles s’approchent de la Terre. Ce phénomène n’a pas été tout à fait inconnu aux anciens Astronomes, mais les modernes sont les seuls qui l’aient examiné avec assez d’exactitude pour pouvoir en tenir compte dans leurs observations.

Nous ne ferons point ici l’histoire des travaux des différents Astronomes qui, depuis Tycho-Brahé jusqu’à présent, se sont appliqués à la détermination de cet élément notre objet est uniquement d’examiner cette matière par la théorie et d’après les données que les nouvelles expériences de M. de Luc[1] peuvent fournir relativement à la loi de la dilatation de l’air dans les différentes couches de l’atmosphère.

2. Si la surface de la Terre était plane et que, par conséquent, les différentes couches de l’atmosphère dont la densité est uniforme le fussent aussi, il n’y aurait aucune difficulté à déterminer l’effet de la réfraction d’un rayon qui traverserait l’atmosphère sous un angle quelconque ; car il est démontré que la réfraction serait la même, dans ce cas, que si le rayon entrait immédiatement dans la couche la plus basse, et par conséquent la plus dense de l’atmosphère, sans passer par toutes les autres couches intermédiaires ; de sorte que, comme on connaît par expérience la puissance réfractive de l’air pour une densité quelconque, et qu’on peut avoir à chaque instant, par l’observation du baromètre et du thermomètre, la densité actuelle de l’air dans le lieu de l’observation, on serait assuré de pouvoir toujours déterminer exactement la quantité de la réfraction astronomique pour telle hauteur des astres qu’on voudrait. Mais il n’en sera pas de même si l’on a égard, comme on doit, à la rondeur de la surface de la Terre, et par conséquent aussi à celle des différentes couches de l’atmosphère. Dans ce cas, l’effet total de la réfraction dépend de la réfraction particulière de chaque couche, et l’on ne peut le déterminer sans connaître la nature de la courbe même que décrivent les rayons de la lumière en traversant toute l’atmosphère ; mais pour cela il faut connaitre auparavant la proportion selon laquelle l’air est différemment comprimé à différentes hauteurs, parce que la vertu réfractive de l’air varie toujours avec sa densité.

3. Voyons donc d’abord ce que l’expérience et la théorie peuvent nous donner de lumières sur ce sujet.

M. Mariotte, et après lui MM. Amontons et Hawksbee, ont trouvé, par des expériences réitérées et aussi exactes qu’il est possible, que l’air se comprime à proportion des poids dont il est chargé, en sorte que l’élasticité de l’air, qui est nécessairement proportionnelle au poids comprimant, l’est aussi à sa densité ; mais cette proportion ne subsiste que tant que la chaleur de l’air est la même, car les deux derniers Physiciens ont trouvé ensuite que quand la chaleur de l’air augmente, la densité restant la même, son élasticité augmente aussi dans la même proportion d’où il s’ensuit qu’en général, l’élasticité de l’air est en raison composée de sa densité et de la chaleur qui y règne.

Or, comme le ressort de l’air dans un lieu quelconque est toujours nécessairement proportionnel à la hauteur du baromètre dans ce même lieu, on pourra prendre cette hauteur, que nous désignerons par pour la mesure de l’élasticité de l’air ; par conséquent, si l’on désigne de plus par la densité de ce même air, et par sa chaleur, on aura

étant un coefficient constant qui doit être déterminé par l’expérience.

Maintenant si l’on nomme la hauteur du lieu au-dessus du niveau de la mer, où la hauteur du haromètre est il est clair qu’en considérant une colonne verticale d’air dont la hauteur soit infiniment petite dx, on aura pour la hauteur de la petite colonne de mercure qui y fera équilibre (je donne le signe à la différentielle parce que diminue pendant que augmente) ; par conséquent, sera le rapport de deux volumes également pesants de mercure et d’air, c’est-à-dire le rapport des gravités spécifiques ou des densités de l’air et du mercure ; en sorte que, prenant la densité du mercure pour l’unité, on aura celle de l’air

Donc, substituant cette valeur dans l’équation on aura celle-ci

par laquelle on pourra connaître la relation entre les hauteurs du baromètre, pourvu qu’on connaisse quelle fonction la quantité est de ou de mais cette dernière connaissance nous manque encore, et M. de Luc, qui a fait beaucoup de recherches savantes et utiles sur cet objet, avoue qu’il n’a rien trouvé là-dessus qui ait pu le satisfaire.

Cependant cet habile Physicien a découvert à posteriori une règle assez simple pour corriger les hauteurs des lieux déduites des observations du baromètre, suivant les variations de la chaleur de l’air ; et cette règle même pourrait servir à découvrir la loi de ces variations à différentes hauteurs c’est ce qu’il est bon de développer.

4. M. de Luc trouve d’abord que lorsque la chaleur de l’air est telle, que le thermomètre vulgairement dit de Réaumur est à la différence des logarithmes tabulaires des hauteurs du baromètre exprimées en lignes (ces logarithmes étant regardés comme des nombres entiers) donne assez exactement en millièmes de toises la différence de hauteur des lieux où le baromètre a été observé ; de sorte qu’à proprement parler, la différence des logarithmes multipliée par c’est-à-dire par dix millions, est égale à la différence des hauteurs des stations exprimées en millièmes de toises, ou, ce qui revient au même, la différence des logarithmes des hauteurs du baromètre exprimées en lignes donne la différence même des hauteurs des lieux exprimées en dizaines de mille toises.

Ensuite M. de Luc trouve que, lorsque le thermomètre est au-dessus ou au-dessous de la correction à faire à la différence de hauteur trouvée par le calcul précédent pour chaque degré du thermomètre est à cette différence même dans la raison constante de à (voyez t. II, nos 588 et 607).

Ces données vont nous servir pour déterminer la constante dans l’équation

trouvée ci-dessus, ainsi que l’expression de la chaleur en degrés du thermomètre.

Car, en supposant la quantité constante, l’intégration donnera

en dénotant par la hauteur du baromètre qui répond à la hauteur d’où l’on voit que la différence des logarithmes des hauteurs

et y du baromètre est proportionnelle à la différence de hauteur des deux stations.

Or, si l’on suppose que la chaleur soit celle qui répond à du thermomètre, et qu’on prenne cette chaleur pour l’unité ; qu’on exprime de plus les hauteurs et du baromètre en lignes, et les hauteurs et des lieux en dizaines de mille toises ; qu’enfin on réduise les logarithmes hyperboliques et en tabulaires, en les divisant par le logarithme hyperbolique de et désignant ceux-ci par la caractéristique on aura l’équation

laquelle devra se réduire, suivant M. de Luc, à celle-ci

en sorte qu’on aura c’est-à-dire

Dénotons maintenant par le nombre des degrés du thermomètre au-dessus de auxquels répondra une chaleur quelconque et il est facile de voir qu’on aura, suivant M. de Luc, l’équation

savoir

et par conséquent

Ainsi l’équation différentielle entre et deviendra

où il ne s’agira plus que d’avoir la valeur de en ou en mais c’est ce qui n’est pas aisé car, quoiqu’il soit constant que la chaleur va en diminuant dans l’atmosphère à mesure qu’on s’élève au-dessus de la surface de la Terre, on n’a pu découvrir encore ni par la théorie ni par l’expérience la loi de cette diminution.

5. Ne pouvant donc nous flatter de connaître la vraie valeur de en nous sommes réduits à employer des hypothèses et des approximations.

Et premièrement il est clair que le terme ne saurait varier beaucoup dans toute l’étendue de l’atmosphère ; car, comme exprime des degrés du thermomètre de Réaumur, au-dessus ou au-dessous du terme de quand on donnerait à une variation de degrés, depuis le bas jusqu’au haut de l’atmosphère, ce qui serait sûrement excessif, parce qu’en supposant la chaleur au bas de l’atmosphère de degrés, on aurait pour le haut de l’atmosphère un froid de degrés au-dessous du terme de la congélation, on n’aurait pourtant qu’environ pour la plus grande valeur positive de et environ pour la plus grande valeur négative de la même quantité. À plus forte raison la variation du terme sera fort petite dans l’étendue de l’atmosphère qui répond à la hauteur de nos plus hautes montagnes ; en sorte que, quand il ne sera question que de mesurer l’élévation des montagnes par le moyen du baromètre, on pourra, sans erreur sensible, regarder la quantité comme constante, et pour plus d’exactitude on pourra prendre pour le degré moyen entre ceux qu’on aura observés aux deux extrémités de la hauteur qu’il s’agit de mesurer.

Ainsi, nommant et les degrés observés aux deux stations, où les hauteurs du baromètre sont et on aura, pour la distance perpendiculaire d’une station à l’autre, la quantité

en prenant pour la valeur moyenne de

Cette règle est la même que celle que M. de Luc a trouvée à posteriori, et qui s’accorde très-bien avec les observations, comme on peut le voir par le tableau qu’il en a donné dans le Chapitre V de la quatrième Partie de son Ouvrage.

6. Si l’on pouvait regarder cette règle comme tout à fait exacte, il ne serait pas difficile d’en déduire la véritable loi de la diminution de la chaleur de bas en haut. M. de Luc paraît croire que cette règle suppose que la chaleur diminue en progression arithmétique (Article 658 de son Ouvrage) ; mais on va voir que cette conclusion n’est pas exacte.

L’équation donnée par la règle précédente est celle-ci

ou bien, en réduisant les logarithmes tabulaires aux logarithmes hyperboliques en multipliant ceux-là par

d’où l’on tire

et différentiant

mais on a par l’équation fondamentale

donc il viendra l’équation

par laquelle on pourra déterminer en en observant que lors-

que cette équation donne

dont l’intégrale est

étant une constante arbitraire ; d’où l’on tire

et comme en faisant on a déjà il est clair que la constante demeure à volonté.

Si l’on néglige le terme vis-à-vis de l’unité, on a

c’est-à-dire que les différences de chaleur sont proportionnelles aux différences de hauteur, en sorte que les hauteurs étant prises en progression arithmétique, les degrés de chaleur le seront aussi ; mais on voit par notre formule que cette loi, qui est celle de M. de Luc, n’est vraie que par approximation.

7. Si l’on voulait trouver une relation entre et il n’y aurait qu’à faire pour plus de simplicité et pour avoir d’un côté

et de l’autre

et l’on trouverait


d’où l’on tirerait l’équation

laquelle donne par l’intégration

de sorte que les différences de chaleur seraient proportionnelles aux différences des logarithmes des hauteurs barométriques.

Il est remarquable que cette loi est celle que M. de Luc a trouvée pour la chaleur de l’eau bouillante à différentes hauteurs (Chapitre. VI du Supplément) ; mais comme cet Auteur a observé qu’il n’y a aucune relation fixe entre la chaleur de l’eau bouillante et celle de l’air, on est en droit d’en conclure que la formule précédente n’est nullement exacte ; et qu’ainsi la règle que donne M. de Luc, pour la correction des hauteurs déterminées par les observations du baromètre en conséquence de la variation de la chaleur, n’est pas tout à fait rigoureuse, mais seulement approchée.

8. Comme la chaleur de l’air diminue toujours à mesure qu’on s’élève au-dessus de la surface de la Terre, il est visible que l’hypothèse la plus simple qu’on puisse faire relativement à cette diminution est celle où l’on suppose que la chaleur décroisse en progression arithmétique ; ainsi il est bon de voir aussi les résultats que cette hypothèse doit donner.

Supposons donc, en général,

et si l’on nomme et les degrés de chaleur qui ont lieu aux hauteurs et on aura les deux équations

lesquelles serviront à déterminer les deux constantes et

Substituant donc cette valeur de dans l’équation différentielle

du no 4, elle deviendra celle-ci

dont l’intégrale est

étant une constante qu’il faut déterminer en sorte que lorsque on ait ce qui donnera

et de là

d’où l’on tire

Si la quantité était infiniment petite, on aurait

donc

C’est le cas où la chaleur serait constante et égale à ce qui s’accorde avec ce qu’on a trouvé plus haut.

Ainsi cette formule approchera d’autant plus d’être exacte que la quantité sera plus petite. Or on a

est la différence de chaleur qui répond à la différence de hauteur donc si l’on prend pour l’un des termes de la chaleur la température des caves de l’observatoire qui est d’environ degrés, et pour l’autre le froid de la glace qui est à zéro du thermomètre, on aura

et si l’on suppose que la hauteur à laquelle règne naturellement ce froid soit de toises, ce qui est peut-être trop fort, on aura

donc

et

à peu près.

Si l’on veut juger combien la quantité s’éloigne de pour une valeur donnée de il n’y aura qu’à supposer

et l’on aura

et prenant les logarithmes

en sorte que la différence cherchée sera
lorsque est

Cette différence sera donc d’autant plus petite que sera plus petite, et par conséquent que sera plus grande. Donc le rapport de cette différence à la quantité sera plus petit que à cause de

D’où il s’ensuit qu’en employant la formule qui résulte de notre hypothèse pour calculer la hauteur des montagnes, l’écart sera d’autant plus grand que la quantité sera plus petite, mais sa plus grande valeur sera toujours moindre que

du total. Or comme la plus grande hauteur où l’on ait monté est, suivant M. de la Condamine, celle du Coraçon, montagne de la Cordelière qui est élevée au-dessus du niveau de la mer de toises, et qu’à cette hauteur le mercure se tenait à pouces lignes, il s’ensuit que la plus petite valeur de que l’on puisse jamais avoir à calculer sera toujours plus grande que Or prenant et faisant comme ci-dessus

on trouve donc

de sorte que sur une hauteur de toises on aura une erreur moindre que toises.

Si l’on fait ce qui est à peu près le cas des plus hautes montagnes de l’Europe, on trouve et

ainsi sur une hauteur de toises, telle que celle du Mont-d’Or en Auvergne, où le mercure s’est soutenu à environ pouces, l’erreur sera moindre que toises.

D’où l’on voit que la formule résultante de notre hypothèse de la diminution de la chaleur en progression arithmétique donnera pour la hauteur des montagnes des résultats peu différents de ceux qui viennent de la formule reçue des Physiciens, où la chaleur est regardée comme constante.

9. M. Euler, dans ses Recherches sur la réfraction, imprimées dans le volume de cette Académie pour l’année 1754, suppose que la chaleur décroisse de bas en haut suivant une progression harmonique. Suivant cette hypothèse la valeur de serait de la forme et l’on aurait trois coefficients à déterminer, en sorte qu’on pourrait faire quadrer cette formule avec trois observations données. On pourrait même supposer plus généralement

en y admettant autant de termes qu’on voudrait ; mais il serait inutile de s’étendre dans ces détails parce qu’il n’en pourrait jamais résulter que des conclusions hypothétiques.

10. Je viens maintenant à l’objet principal de ce Mémoire, à la recherche de la loi de la réfraction de la lumière dans l’atmosphère ; et je remarque d’abord que par des expériences très-exactes faites par la Société Royale de Londres en 1699, et répétées plusieurs années après par M. Hawksbee qui en donne le détail dans le Chapitre IV de ses Expériences physico-méchaniques, on a trouvé que l’angle dont la lumière se détourne par la réfraction en passant du vide dans l’air, ou d’un air d’une densité donnée dans un autre air d’une autre densité, est toujours proportionnel à la différence de la densité des deux milieux à travers lesquels la lumière passe ; en sorte que, si est l’angle d’incidence et l’angle de réfraction, on aura toujours proportionnel à l’excès de la densité du second milieu sur celle du premier ; par conséquent, nommant cette différence de densité on aura étant un coefficient constant à l’égard de toutes les autres circonstances demeurant les mêmes.

Or, par la loi générale de la réfraction, on a, lorsque l’angle d’incidence varie, les milieux restant les mêmes, égal à une quantité constante qu’on appelle la raison de réfraction, et qui dans l’air est très-peu différente de l’unité ; en sorte que supposant cette raison égale à étant une très-petite quantité, on aura

d’où l’on voit que l’angle est nécessairement très-petit de l’ordre de et qu’ainsi l’on pourra mettre, sans erreur sensible, à la place de ce qui donnera l’équation

savoir

Donc, puisque l’angle très-petit est proportionnel à tant que est constant, et que le même angle est proportionnel à lorsque est constant, il s’ensuit qu’on aura, en général, dans la raison composée de et de c’est-à-dire

étant un coefficient constant et indépendant de et de

Or, dans une des expériences de M. Hawksbee dans laquelle le baromètre était à pouces lignes et le thermomètre à degrés, on a trouvé que l’angle d’incidence étant degrés, l’angle de réfraction en passant du vide dans l’air naturel, était de ce qui donne par conséquent Donc, puisque dans ce cas doit être égale à la densité naturelle de l’air qui est proportionnelle (3) à ou (5) à on aura dans l’expérience de M. Hawksbee l’équation

dénote la hauteur du baromètre en lignes, et les degrés du thermomètre de Réaumur au-dessus de (4).

Comme M. Hawksbee se servait d’un thermomètre particulier différent de celui de Réaumur, il faut, pour avoir la valeur de qui convient à cette expérience, réduire les degrés de son thermomètre à des degrés de Réaumur, ce qu’on peut faire aisément d’après les éclaircissements donnés par le traducteur de l’Ouvrage de M. Hawksbee ; et l’on voit d’abord, par la Table de la page 172 de l’édition française, que degrés de M. Hawksbee répondent à degrés du thermomètre de la Société Royale, dans lequel le point de la congélation est à degrés, et dont degrés sont équivalents à degrés de Réaumur (page 176), en sorte que les degrés dont il s’agit doivent répondre à degrés de Réaumur ; or donc on aura dans le cas présent

À l’égard de la valeur de qui indique la hauteur du baromètre, il semblerait qu’il n’y aurait qu’à prendre pouces lignes, réduits en lignes ; mais comme le pied anglais diffère un peu du pied de roi, la proportion du premier au second étant de à il faudra faire

Ainsi l’on aura

et de là

ou plutôt

et

11. Maintenant soit le centre de la Terre, sa surface, la verticale au point la courbe décrite par un rayon de lumière qui traverse l’atmosphère, et deux couches infiniment minces et concentriques à la Terre, dans chacune desquelles la densité de l’air est uniforme ; nommons en sorte que

rayon de lumière traversant l’atmosphère
rayon de lumière traversant l’atmosphère

et l’amplitude de la courbe et il est clair que l’angle ( étant tangente en ) sera égal à qu’en même temps cet angle sera celui qu’on a nommé ci-dessus de sorte qu’on aura

de plus il est clair que l’angle sera l’angle d’incidence du rayon sur la couche lequel a été nommé plus haut en sorte qu’on aura ici

et de là

Enfin, comme la réfraction n’est due qu’à la différence de densité des deux couches contiguës et il faudra prendre pour non la quantité qui est proportionnelle à la densité même en mais sa différentielle, à laquelle il faudra donner le signe à cause que la densité est supposée diminuer à mesure que la hauteur augmente ; ainsi l’on aura

de sorte qu’en faisant ces substitutions dans l’équation on aura celle-ci

or il est visible que

donc substituant pour et les valeurs trouvées ci-dessus, et divisant l’équation par on aura

équation intégrable, laquelle étant intégrée en sorte que soit la valeur

de et celles de lorsque on aura

d’où l’on tire

ou bien, à cause de

Or il est visible que est égal à l’angle que fait avec la verticale la tangente de la courbe décrite par le rayon en traversant l’atmosphère ; par conséquent sera la distance apparente de l’astre au zénith. De plus si l’on suppose que soit la tangente à la même courbe dans le point où le rayon entre dans l’atmosphère, il est clair que l’angle sera l’effet total de la réfraction, en sorte que la véritable hauteur de l’astre sera

et il est clair en même temps que cet angle formé par les deux tangentes et sera l’amplitude totale de la courbe c’est-àdire la valeur de qui répond à toute l’étendue de la même courbe depuis le point jusqu’au haut de l’atmosphère. D’où l’on voit que le Problème de la réfraction consiste à déterminer la valeur totale de en

Ainsi étant la distance apparente au zénith, sera la réfraction, et la difficulté consistera à déterminer en

12. Pour cela je fais

en sorte que l’on ait

ce qui donnera

de plus, on a par la différentiation

donc, substituant ces valeurs dans l’expression de trouvée ci-dessus, il viendra

d’où l’on tirera par l’intégration la valeur de en observant que doit être égal à zéro lorsque auquel cas on a

Je remarque d’abord que le terme est nécessairement fort petit vis-à-vis de car étant le rayon de la Terre, et la plus grande valeur de devant être la hauteur de l’atmosphère, la plus grande valeur de sera le rapport de la hauteur de l’atmosphère au rayon de la Terre, rapport qui, par l’observation des crépuscules, est

Quand on voudrait même supposer que ce rapport est trop faible de moitié, et qu’il doit être porté à il resterait toujours assez petit pour pouvoir être négligé vis-à-vis de sans qu’il y ait d’erreur sensible à craindre.

Mais comme dans l’intégration la valeur de doit augmenter depuis zéro jusqu’à la valeur du rapport dont il s’agit, il est clair qu’on s’écartera encore moins de la vérité si, au lieu de négliger tout à fait cette quantité, on lui donne une valeur constante et moyenne entre la plus grande et la plus petite ; et l’on aura d’autant moins d’erreur à craindre de cette hypothèse que l’on n’a besoin que d’avoir la valeur totale de l’intégrale. Soit donc cette valeur moyenne de que nous traiterons comme constante, et l’on aura

dont l’intégrale est

étant une constante arbitraire ; c’est-à-dire

or, comme en faisant on doit avoir on aura

de plus il est clair que pour avoir la valeur totale de la réfraction il faut faire puisqu’au haut de l’atmosphère la hauteur du baromètre doit être nulle ; ainsi l’on aura

et de là

exprime donc la réfraction qui a lieu pour un astre dont la distance apparente au zénith est étant la hauteur du baromètre en lignes,

et le degré du thermomètre de Réaumur au-dessus de dans le lieu de l’observation. À l’égard de la fraction très-petite, on pourra la déterminer à posteriori, d’après les observations.

Pour faire usage de cette formule, on remarquera que est le nombre qui répond au logarithme tabulaire en sorte qu’on pourra la représenter plus commodément de cette manière

13. Supposons le baromètre à pouces et le thermomètre à degrés, on aura dans ce cas

et l’on trouvera

et le nombre qui répondra à celui-ci comme logarithme sera

c’est la valeur de et son logarithme sera

Maintenant soit, pour cette constitution de l’air, la réfraction horizontale égale à on aura, en faisant dans la formule précédente et l’équation

d’où l’on tirera la valeur de Pour cela, on mettra cette équation sous la forme

d’où, en multipliant par et divisant par on tire

Faisons, pour abréger,

et l’on aura

Si l’on fait avec M. Bradley

on trouve

 ;

donc

et de là

M. Mayer, dans sa Table des Réfractions, suppose la réfraction horizontale de seulement pour la même constitution de l’air que ci-dessus ; suivant cette hypothèse on trouvera

et de là

La valeur de étant connue, on pourra construire par notre formule une Table des réfractions pour toutes les hauteurs apparentes et pour telle hauteur du baromètre et tel degré du thermomètre qu’on voudra ; et cette Table aura l’avantage d’être fondée sur des données plus exactes et sur une théorie moins précaire qu’on ne l’a fait jusqu’à présent.

14. Comme le nombre est toujours extrêmement petit, il est clair qu’on aura à très-peu près

ainsi la valeur de sera

c’est-à-dire à très-peu près

ou bien

ce qui fait voir que la réfraction est généralement proportionnelle à la hauteur du baromètre et à la tangente de la distance apparente de l’astre au zénith, lorsque cette distance est assez différente de degrés pour que soit une quantité très-petite vis-à-vis de l’unité.

15. Si l’on voulait intégrer rigoureusement l’équation

du no 12, il faudrait connaître la valeur de en ou de en et par conséquent celle de et en laquelle dépend de la loi de la diminution de la chaleur, qui est encore inconnue.

La supposition la plus simple serait de faire

et comme lorsque on aurait d’abord en sorte que

étant un nombre qu’on pourrait déterminer par les observations. Cette valeur de étant substituée dans l’équation précédente, il en résulterail celle-ci

dont l’intégrale est

Or doit être nul lorsque donc

et par conséquent

et faisant maintenant pour avoir la valeur totale de ce qui donne

et

on aura

équation qu’on peut, si l’on veut, changer en celle-ci

16. Cette formule s’accorde avec celle que M. Simpson a trouvée d’après l’hypothèse que la densité de l’air diminue à très-peu près en progression arithmétique ; en effet, la supposition que nous avons faite de

donne, en prenant les logarithmes,

or la quantité est (3 et 4) proportionnelle à la densité de l’air à la hauteur d’où l’on voit que la différence des densités de l’air à la surface de la Terre et à une hauteur quelconque sera proportionnelle à ou, à très-peu près, à mais cette hypothèse me paraît trop contraire aux observations pour pouvoir être admise.

M. Simpson détermine les coefficients de sa formule en sorte que donne et donne et il trouve

On aurait donc

donc

et de là on trouvera

Ainsi, supposant le thermomètre à ce qui donnera on aurait pour la hauteur du baromètre lignes, c’est-à-dire ce qui est impossible ; et si le thermomètre était plus bas, ce qui rendrait négatif, la valeur de serait encore moindre.

On voit par là que la règle de M. Simpson ne peut subsister avec les données tirées des expériences de M. de Luc.

17. M. Bradley a trouvé que les réfractions étaient, généralement parlant, proportionnelles aux tangentes de la distance au zénith diminuée d’une partie aliquote constante de la réfraction elle-même ; de sorte que suivant cette règle on a

et étant deux coefficients constants que M. Bradley détermine par les observations. Comme l’arc est toujours nécessairement très-petit, on peut changer sans erreur sensible en ce qui réduit la formule précédente à celle-ci

savoir

et multipliant en croix,

savoir

d’où

ce qui se réduit, comme on voit, à la formule trouvée ci-dessus en faisant

Ainsi la règle de M. Bradley est nécessairement sujette aux mêmes difficultés que celle de M. Simpson, à laquelle elle revient dans le fond.

18. M. Mayer donne dans ses Tables une formule différente des précédentes, et qui, en gardant nos dénominations, se réduit à

en prenant l’angle tel que

mais comme M. Mayer ne nous a point appris le chemin qui l’y a conduit, on ne peut juger à priori de l’exactitude de cette règle ; nous remarquerons seulement qu’elle s’éloigne assez de la règle générale suivant laquelle la réfraction est sensiblement proportionnelle à la tangente de la distance apparente au zénith, lorsque cette distance est moindre que degrés.


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  1. Recherches sur les modifications de l’atmosphère, etc. Genève, 1772.