Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Sur le mouvement des nœuds des orbites planétaires


SUR LE
MOUVEMENT DES NŒUDS
DES
ORBITES PLANÉTAIRES[1].


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1774.)


Séparateur


Un des principaux effets de l’attraction mutuelle des planètes est le changement de situation de leurs orbites. La théorie fait voir que si un corps qui se meut autour d’un centre, en vertu d’une force quelconque tendante à ce centre, est attiré par un autre corps mû autour du même centre et dans le même sens, mais dans un plan différent, le nœud, c’est-à-dire l’intersection de l’orbite du corps attiré sur celle du corps attirant regardée comme fixe, a nécessairement un mouvement rétrograde et contraire à celui des deux corps, sans compter les inégalités périodiques qui auront lieu tant dans ce mouvement du nœud que dans l’inclinaison des orbites. C’est ainsi que les nœuds de la Lune rétrogradent sur l’écliptique d’environ 19 degrés par an, par l’action du Soleil. La même chose doit donc avoir lieu aussi à l’égard des orbites des planètes principales, dont l’attraction mutuelle est un fait qu’on ne saurait plus révoquer en doute ; chaque orbite doit rétrograder continuellement sur chacune des autres orbites ; ce qui doit nécessairement produire à la longue un déplacement général de toutes les orbites planétaires. Il en est de même des orbites des satellites de Jupiter, ainsi que de celles des satellites de Saturne.

M. Euler est le premier qui ait entrepris de déterminer le changement que le plan de l’orbite de la Terre doit souffrir par sa rétrogradation continuelle sur les plans des orbites des autres planètes.

M. de Lalande a étendu ensuite cette théorie à toutes les planètes, et, après avoir déterminé séparément le mouvement des nœuds de chaque planète sur l’orbite de chacune des cinq autres, a examiné quel changement il devrait en résulter dans la position de chaque orbite relativement à un plan fixe.

Enfin M. Bailly a appliqué cette même théorie aux satellites de Jupiter et a tâché d’expliquer par là les variations observées dans les inclinaisons des orbites du second et du troisième satellite.

Mais comme les formules que ces Auteurs ont employées n’expriment à proprement parler que les variations instantanées ou différentielles des lieux des nœuds et des inclinaisons des orbites, il s’ensuit qu’elles ne peuvent servir que pour un temps limité, et qu’elles sont absolument insuffisantes pour faire connaître les véritables lois des variations de ces éléments. D’où l’on voit que le Problème dont il s’agit n’a pas encore été résolu avec toute la généralité et la précision nécessaires pour qu’on en puisse tirer des conclusions exactes sur les phénomènes que l’action mutuelle des planètes doit produire à la longue relativement à la position de leurs orbites.

L’importance de ce Problème m’ayant engagé à m’en occuper, je vais communiquer ici aux Géomètres les recherches que j’ai faites depuis quelque temps pour en trouver la solution. Elles m’ont conduit à des résultats qui me paraissent mériter leur attention, tant par l’utilité dont ils peuvent être dans l’Astronomie physique, que par l’analyse même sur laquelle ils sont fondés.

Je considère d’abord deux seules orbites mobiles l’une sur l’autre, et je donne dans ce cas une solution générale complète de la question ; je fais voir ensuite que le cas de trois orbites mobiles à la fois l’une sup l’autre dépend de la rectification des sections coniques, et par conséquent ne peut être résolu par les méthodes connues ; d’où je conclus qu’à plus forte raison on ne saurait se flatter de pouvoir résoudre le Problème lorsque le nombre des orbites mobiles est plus grand. Cependant comme les orbites des planètes ainsi que celles des satellites sont peu inclinées les unes aux autres, j’examine si cette circonstance ne pourrait pas apporter quelque simplification aux calculs, et je parviens enfin à une méthode très-simple et très-générale par laquelle, quel que soit le nombre des orbites mobiles, le Problème se réduit toujours à des équations différentielles linéaires du premier ordre, dont l’intégration est facile par les méthodes connues ; de sorte qu’on peut par ce moyen avoir une théorie complète des principaux changements que l’attraction mutuelle des planètes doit produire dans les lieux des nœuds et dans les inclinaisons de leurs orbites. Je me contente ici de poser les fondements de cette théorie, et je me propose d’en donner dans une autre occasion tout le détail, et l’application même au système du monde[2].

1. Considérons d’abord deux seules planètes et qui se meuvent dans les plans des grands cercles (fig. 1, page 114) faisant entre eux l’angle et supposons que par l’attraction de la planète sur la planète le nœud soit forcé de rétrograder sur l’arc regardé comme fixe, de la quantité constante pendant chaque instant et que par l’attraction de la planète sur la planète le même nœud soit obligé de rétrograder sur l’arc regardé maintenant comme fixe, de la quantité constante à chaque instant l’angle demeurant d’ailleurs toujours le même ; on demande le changement qui en résultera au bout d’un temps quelconque dans la position des arcs

astronomie : 2 figures arcs mobiles
astronomie : 2 figures arcs mobiles

2. Pour cela il faut tirer un troisième arc de grand cercle qu’on supposera toujours fixe, et auquel on rapportera la position des arcs mobiles et, ayant pris dans cet arc un point fixe , on fera

On considérera maintenant que de ces sept quantités il suffira d’en connaître quatre, parce que les trois autres dépendront de celles-ci par les propriétés connues des triangles sphériques, et il est clair que celles qu’il est le plus naturel de chercher sont et parce qu’elles déterminent immédiatement la position des arcs mobiles il faut donc trouver quatre équations entre ces quatre quantités d’après les conditions données du Problème ; or il est visible que ces conditions se réduisent à celles-ci :

1o Qu’en supposant et constants et faisant varier toutes les autres quantités de leurs différentielles respectives on ait

2o Qu’en supposant et constants et faisant varier les autres quantités on ait

Il n’y aura donc qu’à employer les analogies différentielles connues pour les triangles sphériques ; mais il sera encore plus simple et plus direct de s’y prendre de la manière suivante.

3. Dans le triangle sphérique on a, comme on sait,

et de même

donc, différentiant la première de ces deux équations en y supposant et constants et faisant

on aura

différentiant ensuite la seconde équation en supposant et constants et faisant

on aura

On a de plus dans le même triangle

Donc, supposant en premier lieu et constants et faisant varier et on aura

et supposant en second lieu et constants et faisant varier et

Or on a par la propriété connue des sinus

de plus les équations ci-dessus donnent

donc, substituant ces valeurs, on aura

Et, si l’on met pour et leurs valeurs tirées des équations précédentes, on aura

Ainsi la solution du Problème ne dépend plus que de l’intégration de ces quatre équations

où l’on remarquera que est une quantité constante, et que et sont données en et

4. Si l’on ajoute ensemble la première multipliée par et la seconde multipliée par on aura, à cause de

dont l’intégrale est, comme l’on voit,

étant une constante dépendante de la position initiale des plans par rapport au plan fixe

5. Ayant maintenant une équation finie entre les cosinus des angles et et connaissant d’ailleurs le troisième angle qui est supposé donné, on pourra réduire toutes les autres variables du Problème à une seule.

En effet on aura (3)

mais (4)

donc

de là, en faisant, pour abréger,

on aura

substituant donc cette valeur, on aura, par les équations du no 3,

et faisant

d’où l’on tire par l’intégration

étant une constante arbitraire.

Mais on a

donc

par conséquent

6. On trouvera de même la valeur de à l’aide des équations du no 3 ; mais sans faire pour cela un nouveau calcul, il suffira de changer dans les formules précédentes en en et en et vice versâ, et l’on aura

étant une nouvelle constante arbitraire qu’on déterminera par la condition que les valeurs de et de doivent satisfaire à l’équation du no 4. Substituant donc ces valeurs dans l’équation dont nous venons de parler, elle deviendra, après la destruction de quelques termes,

donc

et par conséquent

On aura donc

et les quantités et seront les deux constantes arbitraires introduites par l’intégration des deux équations différentielles en et

7. Pour déterminer ces deux arbitraires, on supposera que lorsque on ait et et l’on aura d’abord

et ensuite

8. Ayant trouvé les valeurs de et en il sera facile d’en déduire celles de et au moyen des deux dernières équations différentielles du no 3.

On aura donc

et, substituant pour sa valeur trouvée dans le no 5, on aura

Or à cause de

il est clair qu’on peut mettre le second membre de l’équation précédente sous cette forme

donc, substituant pour sa valeur trouvée ci-dessus et multipliant toute l’équation par on aura

équation dont chaque terme est intégrable par les méthodes connues.

9. Pour parvenir plus aisément à intégrer cette équation, nous remarquerons que l’intégrale de

prise de manière qu’elle soit nulle lorsque est

comme il est facile de s’en assurer par la différentiation ; or faisant

on trouve après les réductions

d’où il est facile de conclure que l’intégrale de l’équation précédente, prise en sorte que soit lorsque sera

10. Or on sait que la différence de deux arcs a pour tangente la différence des tangentes divisée par la somme de l’unité et du produit des deux tangentes ; ainsi la tangente de sera égale à la quantité

le numérateur de cette quantité se réduit à

et le dénominateur se réduit à

de sorte qu’en faisant, pour abréger,

on aura

11. On trouvera de la même manière la valeur de par l’intégration de la dernière équation du no 3, et il suffira même pour cela de changer dans l’expression précédente en en et en de cette manière, si l’on nomme la valeur de lorsque et qu’on suppose

on aura

12. Il ne reste plus qu’à déterminer les arcs et or on a trouvé dansleno 5

et de là

donc

Mais on a aussi trouvé dans le même endroit

donc

Substituons ici la valeur de du no 5, on aura après les réductions

13. Et changeant dans cette expression en et en on aura la valeur de laquelle sera donc

14. On peut simplifier beaucoup les formules précédentes en supposant, ce qui est toujours permis,

car, à cause de

on aura

Faisant donc ces substitutions, on aura d’abord (5 et 6)

ensuite on aura (10 et 11)


et de là

ou bien

enfin on aura (12 et 13)

15. À l’égard des constantes et on a (7)

mais

donc

donc

ensuite on trouvera

et sont les valeurs de et lorsque .

Et il est bon de remarquer, touchant les angles et qu’on aura après les réductions

et par conséquent

Pour ce qui concerne les constantes et comme elles se rapportent à l’instant où savoir, où il vaudra mieux introduire à leur place les valeurs de et lorsque .

Désignant donc ces valeurs par et on aura

d’où l’on pourra tirer les valeurs de et qu’on substituera ensuite dans les formules du numéro précédent.

On pourrait aussi faire ces substitutions immédiatement et trouver directement les valeurs de et en remarquant que l’on a par les propriétés connues des tangentes

mais comme les expressions qui en résulteraient seraient un peu trop compliquées, il vaudra mieux s’en tenir à celles que nous venons de donner.

16. Voilà donc le Problème entièrement résolu ; il ne nous reste plus qu’à faire quelques remarques sur les formules que nous avons trouvées.

Et d’abord les expressions de et font voir que les angles d’inclinaisons et sont nécessairement renfermés dans de certaines limites, lesquelles sont et pour l’angle et pour l’angle

En second lieu il est facile de prouver que si abstraction faite des signes, l’angle sera aussi renfermé dans des limites déterminées par l’équation

qui détermine le maximum et le minimum de

Au contraire l’angle croîtra dans ce même cas à l’infini, parce que la valeur de peut devenir infinie.

En troisième lieu on prouvera de même que si abstraction faite des signes, l’arc croîtra à l’infini, et l’arc sera renfermé dans les limites déterminées par l’équation

En quatrième lieu on trouvera des conclusions semblables par rapport aux arcs et suivant que l’on aura ou abstraction faite des signes ; il n’y aura pour cela qu’à changer en en et en

17. Mais il y a deux cas qui méritent une attention particulière ce sont ceux où ou

1o Soit donc on aura

donc

2o Soit on aura donc

par conséquent

Et il est visible que dans ces deux cas les arcs et croîtront à l’infini avec le temps Ce sera la même chose à l’égard des arcs et en changeant seulement en en et en

18. Je remarque maintenant que le cas de aura lieu lorsqu’on prendra pour le plan de projection celui de l’orbite de la planète dans l’instant où car alors l’arc de grand cercle coïncidera avec l’arc (fig. 1, page 114). par conséquent l’angle au commencement du temps sera et l’angle deviendra l’angle même ainsi l’on aura dans ce cas et par conséquent (15)

mais donc

En général, puisqu’on a

et sont les angles au commencement du temps et que (15), on aura

mais dans le triangle sphérique on a, en nommant le côté

donc

ou bien

à cause de

d’où il est facile de conclure

1o Que tant que l’angle sera positif, comme on le suppose dans la fig. 1, page 114, on aura et par conséquent et de sorte que dans ce cas l’angle sera renfermé dans de certaines limites et l’angle ira à l’infini (16) ;

2o Que, si l’angle devient négatif, ce qui est le cas de la fig. 2, page 114, où le plan de projection tombe au-dessus du nœud des deux orbites, on aura et par conséquent et du moins tant que sera par conséquent dans ce cas l’angle croîtra à l’infini et l’angle sera renfermé dans des limites (numéro cité).

19. Nous avons déterminé ci-dessus les valeurs des arcs et par l’intégration des deux équations différentielles trouvées pour cet effet dans le no 3 ; mais il est bon de remarquer que, dès qu’on a trouvé les valeurs des angles et, on peut en déduire immédiatement et sans aucune nouvelle intégration celles des arcs et

Et d’abord il est clair que, puisque l’on a (3)

il n’y aura qu’à mettre dans cette formule les valeurs de et et l’on connaîtra sur-le-champ le cosinus de la différence des arcs et où il est remarquable qu’il n’entrera dans cette valeur de aucune autre constante arbitraire que celles qui entrent dans les valeurs de et c’est-à-dire les quantités et

Mais on ne pourra connaître de cette manière que la différence des arcs et non les arcs mêmes ; voici donc comment on pourra s’y prendre pour parvenir à cette dernière connaissance.

20. Pour cet effet il n’y a qu’à considérer que, si par le point (fig. 3, page 128) on tire un autre arc de grand cercle perpendiculaire à l’arc et qu’on prolonge les arcs jusqu’à ce qu’ils rencontrent en et ce dernier arc on pourra prendre ce même arc à la place de l’arc dont la position est arbitraire alors le triangle, deviendra et les angles deviendront l’angle demeurant le même pour les deux triangles.

astronomie : arcs variables
astronomie : arcs variables

De là il est facile de conclure que, si l’on nomme et les valeurs des angles et lorsque il n’y aura qu’à changer, dans les expressions de et et en et pour avoir celles de et Donc si l’on fait (15)

on aura sur-le-champ (14)

Connaissant maintenant dans les triangles rectangles en les angles et on trouverales arcs et par les formules connues ; ainsi l’on aura

ou bien

où il n’y aura plus qu’à substituer les valeurs de

21. Puis donc que de cette manière la solution du Problème est réduite uniquement à la recherche des angles et il est bon de considérer plus particulièrement les équations différentielles d’où ces angles dépendent ; ces équations sont (3)

or on a (5)

et l’on aura pareillement

d’où

Donc, si l’on substitue ces valeurs dans les équations précédentes, et qu’on fasse, pour abréger,

on aura ces deux-ci

Soit encore

on aura

substituant dans cette dernière équation les valeurs précédentes de et et divisant ensuite par elle deviendra

cette équation, étant différentié de nouveau en prenant pour constant, deviendra, après la substitution des valeurs de et

De là on aura sur-le-champ

ensuile on trouvera

et il n’y aura plus qu’à déterminer convenablement les constantes,

22. En général si l’on a un triangle sphérique (fig. 4) dont les

triangle sphérique
triangle sphérique

angles soient nommés et que le côté opposé à l’angle soit on aura

donc, si l’on imagine que le côté croisse de la quantité les angles

et demeurant invariables, on aura par la différentiation

mais

d’où l’on tire

donc on aura l’équation différentielle

23. Si l’on imagine de même que le côté opposé à l’angle croisse de la quantité les deux autres angles demeurant constants, il n’y aura qu’à changer dans la formule précédente en et en et si l’on imagine enfin que l’arc opposé au troisième angle croisse de la quantité les deux autres angles demeurant constants, il est clair qu’il n’y aura qu’à mettre dans la formule précédente et à la place de et

Or il est clair que la quantité qui est sous le signe radical ne change point, quelque permutation qu’on fasse entre les trois quantités d’où il s’ensuit que, si l’on fait pour plus de simplicité

on aura ces trois équations différentielles

par lesquelles on pourra connaître les valeurs des angles du triangle au bout d’un temps quelconque

24. Ainsi, si l’on considère trois planètes qui se meuvent dans les plans des grands cercles faisant entre eux les angles et qu’on suppose que chacune de ces planètes fasse mouvoir, sur le plan de son orbite regardé comme fixe, les nœuds des deux autres planètes sans en affecter les inclinaisons, on aura le cas dont nous venons de parler.

En effet, si l’on désigne par la rétrogradation instantanée de l’orbite de sur celle de par celle de l’orbite de sur l’orbite de par la rétrogradation instantanée de l’orbite de sur celle de et ainsi des autres, il est facile de voir qu’on aura

25. Faisons, pour abréger,

et l’on aura ces trois équations

On tire d’abord ces deux-ci

dont l’intégrale est

et étant des constantes dépendantes de la position initiale des orbites.

On aura donc ainsi

donc, substituant ces valeurs dans celle de on aura

en supposant, pour abréger,

substituant donc cette valeur dans la première équation, on aura

équation qui étant intégrée donnera en et par conséquent en ensuite de quoi on aura aussi et en de sorte que les trois angles, du triangle seront connus pour chaque instant, et par conséquent tout le triangle qui détermine la position mutuelle des trois orbites.

Mais comme l’équation précédente dépend, en général, de la rectification des sections coniques, on voit que le Problème n’est pas susceptible d’une solution exacte et rigoureuse.

26. L’analyse précédente sert, comme l’on voit, à faire connaître la situation respective des plans des orbites a chaque instant ; mais leur situation absolue restera encore inconnue. Pour la déterminer il faut la rapporter à un plan fixe pris à volonté et que nous supposerons être celui du grand cercle (fig. 5), qui coupe en les arcs prolongés.

grand arc coupant les côtés d’un triangle sphérique
grand arc coupant les côtés d’un triangle sphérique

Nommons donc les angles et considérant d’abord le triangle il est clair qu’il n’y a que le changement de position de l’orbite qui puisse faire varier l’angle que nous avons désigné par Or l’arc change de position de deux manières : premièrement en rétrogradant sur l’arc regardé comme immobile, de la quantité et en second lieu en rétrogradant sur l’arc regardé aussi comme immobile, de la quantité (24) ; d’où il s’ensuit que dans le triangle l’arc diminuera de les angles et demeurant constants, et que dans le triangle l’arc diminuera de les angles et étant regardés comme constants.

Donc :

1o On aura en vertu de la variation du côté (22)

2o On aura er vertu de la variation du côté

Donc, réunissant ensemble ces deux variations de on aura cette équation différentielle

Et l’on trouvera par des raisonnements semblables ces deux autres-ci

Ainsi, comme les quantités sont déjà supposées connues en (25), on pourra au moyen de ces trois équations déterminer les trois autres quantités

27. Comme dans les équations que nous venons de trouver les variables sont fort compliquées entre elles, il serait difficile et peut-être impossible d’intégrer ces équations d’une manière directe ; mais nous remarquerons qu’on peut d’abord trouver une intégrale par les considérations suivantes :

1o Dans le triangle (fig. 5, page 133), dont les trois angles sont on aura

2o Dans le triangle dont les trois angles sont on aura

3o Dans le triangle dont les trois angles sont on aura

Or il est visible que

et par conséquent

donc transposant et carrant les termes, on aura

ce qui se réduit à

Substituant donc dans cette équation les valeurs précédentes et multi-

pliant ensuite par

on aura

développant les termes et effaçant ce qui se détruit, on aura cette équation

28. Puisque les quantités sont supposées connues, on pourra donc par l’équation précédente déterminer une des trois inconnues par les deux autres, et réduire par ce moyen la solution du Problème à la recherche de ces deux dernières inconnues.

Pour cela on mettra l’équation dont il s’agit sous cette forme

d’où il est facile de tirer la valeur de par exemple, en et et, substituant ensuite cette valeur dans les deux dernières équations du no 26, on aura deux équations différentielles du premier ordre entre les trois indéterminées et mais l’intégration de ces équations demeurera toujours très-difficile.

29. Cependant si l’on considère que les trois équations différentielles du no 26 ne renferment que trois radicaux différents, on verra qu’il est possible de les combiner de manière qu’il en résulte une équation différentielle intégrable, pourvu qu’il y ait une certaine relation entre les coefficients

En effet, si l’on suppose que ces coefficients soient tels, que l’on ait

et qu’on ajoute ensemble les trois équations différentielles dont nous venons de parler, après avoir multiplié la première par la seconde par et la troisième par on verra que les radicaux disparaîtront d’eux-mêmes, et qu’il ne restera que l’équation

dont l’intégrale est évidemment

étant une constante arbitraire dépendante de la situation initiale des orbites.

Combinant donc cette équation avec celle du numéro précédent, on pourra déterminer, par exemple, les inconnues et en et substituant ensuite ces valeurs dans la première des trois dernières équations du no 26, on aura une équation unique entre les deux variables et de l’intégration de laquelle dépendra la solution du Problème.

30. Mais comme cette solution n’est que particulière, étant assujettie à la condition trouvée ci-dessus, il faut examiner si elle peut avoir lieu lorsqu’il s’agit du mouvement des nœuds des orbites planétaires.

Pour cela nous remarquerons, d’après les solutions connues du Problème des trois corps, que si deux planètes et décrivent autour du Soleil des orbites à peu près circulaires et fort peu inclinées entre elles, nommant les distances de ces planètes au Soleil, et supposant que l’on ait développé la quantité

en une série de la forme

le mouvement moyen du nœud de l’orbite de sur celle de en vertu de l’action de cette dernière planète, sera au mouvement moyen de la planète comme à or prenant pour le mouvement moyen de la Terre et l’unité pour la distance de la Terre au Soleil, on apour le mouvement moyen de la planète donc prenant aussi la masse du Soleil pour l’unité, on aura pour le mouvement moyen du nœud de la planète sur l’orbite de la planète la quantité Or il est clair que est une fonction des deux distances et dans laquelle ces deux quantités entrent également ; désignant donc cette fonction par on aura, pour le mouvement élémentaire du nœud de la planète sur l’orbite de la planète mais nous avons désigné plus haut (24) cette quantité par donc on aura, en général,

De là on trouvera donc, en observant que par la nature de la fonction elle ne change point de valeur en y échangeant en en sorte qu’on a également on trouvera, dis-je, les valeurs suivantes

Et substituant ces valeurs dans l’équation de condition

on aura une équation identique ; de sorte qu’on sera assuré que la condition dont il s’agit a réellement lieu dans le cas des planètes.

31. Il y a au reste une circonstance qui peut servir à faciliter la solution du Problème précédent lorsqu’on veut l’appliquer aux orbites planétaires c’est la petitesse des angles d’inclinaison de ces orbites les unes à l’égard des autres ; d’où il s’ensuit que les angles (fig. 4, page 130) seront très-petits ; et qu’ainsi en supposant

on aura

où les quantités pourront être regardées et traitées comme des quantités très-petites ; on aura donc (23), en négligeant les produits de trois dimensions vis-à-vis de ceux de deux, on aura, dis-je,

et ensuite

La première équation étant carrée et ensuite différentiée donne

et substituant les valeurs précédentes de on aura, après avoir divisé par

différentiant de nouveau et substituant encore les valeurs de en supposant constant, on aura enfin cette équation en et

dont l’intégration est comme l’on sait très-facile.

Faisons, pour abréger,

et l’on aura

et étant deux constantes arbitraires ; de là on trouvera

étant de nouvelles constantes arbitraires.

Or puisque

il faudra que ces constantes soient telles, qu’elles satisfassent à cette équation ; ainsi l’on devra avoir l’équation identique

donc, puisque

on aura, en comparant les termes homologues,

par la dernière de ces équations on déterminera en et et par l’avant-dernière on déterminera en et en sorte qu’il ne restera

plus que les trois indéterminées et qui dépendront des valeurs initiales de

32. Il est bon de remarquer que si ces quantités sont une fois très-petites, elles le seront toujours, pourvu que soit une quantité réelle, et que par conséquent soit une quantité positive ; ce qui est évident par les valeurs de trouvées ci-dessus ; mais si est une quantité négative, alors sera une quantité imaginaire, et le sinus de contiendra des exponentielles réelles qui croîtront avec le temps de sorte que la solution cessera d’être exacte lorsque les valeurs de ne seront plus très-petites.

Or il est visible que la valeur de sera toujours positive tant que les quantités le seront, parce que l’on a

et il en sera de même tant que et ne seront pas de signes différents de parce que parmi les trois produits il y en aura toujours deux positifs et un négatif ; mais si et sont à la fois de signes différents de alors ces trois produits seront tous négatifs, et la quantité sera nécessairement négative ; en effet, supposant et positifs et négatif, on aura

or on sait que cette quantité est nécessairement négative, puisqu’elle est égale à moins seize fois le carré de l’aire du triangle dont les côtés seraient ce sera la même chose lorsque sera positif et négatifs.

33. Quant à la recherche des quantités je ne vois aucun moyen de la simplifier, et l’on ne gagnerait rien en supposant même que les angles fussent très-petits ; en effet, supposant

ce qui donnera

on aura (27), en regardant les quantités comme très-petites, l’équation

ensuite l’équation du no 29 deviendra dans la même hypothèse

étant une constante arbitraire ; enfin la première des trois équations du no 26 deviendra

Or il est clair qu’en substituant dans cette dernière équation les valeurs de et tirées des deux premières, on en aura une entre et qui ne sera guère plus simple que celle qu’on aurait eue entre et (29).

34. Lorsqu’on aura trouvé les valeurs de en on connaîtra (fig. 5, page 133) les inclinaisons des orbites sur le plan fixe mais la position des nœuds ne sera pas encore connue ; cependant on pourra la déterminer, sans aucun nouveau calcul, par la méthode du no 20. En effet, prenant dans l’arc un point fixe et menant par ce point un autre arc de grand cercle perpendiculaire à l’arc et qui coupe en les arcs prolongés (fig. 6) ; il est clair que les angles seront donnés par des formules semblables à celles par lesquelles sont déterminés les angles car, la position de l’arc étant arbitraire, il n’y a qu’à imaginer que cet arc tourne autour du point et vienne en il n’y aura de différence que dans les constantes qu’il faudra déterminer dans chaque cas convenablement aux valeurs initiales de ainsi qu’on en a usé dans le numéro cité.

recherche des nœuds astronomiques
recherche des nœuds astronomiques
Maintenant l’angle étant supposé droit, et les angles étant connus, on pourra trouver dans les triangles les côtés qui déterminent la position cherchée des nœuds

35. Puisque la méthode précédente conduit à des formules trop compliquées, même dans le cas des inclinaisons très-petites, il est bon de chercher d’autres moyens de simplifier le calcul, au moins dans ce cas qui est celui des orbites planétaires. Pour cela je reprends les formules primitives du no 3, et je dénote, pour plus de simplicité, comme dans le no 24, par la vitesse de rétrogradation de l’orbite de sur celle de par la vitesse de rétrogradation de l’orbite de sur celle de quantités que j’avais dénotées dans le no 3 par j’ai, pour la détermination du changement de l’orbite de en vertu du mouvement les deux équations

mais on a, par le même numéro,

donc, substituant ces valeurs et mettant ensuite dans la seconde équation la valeur de tirée de la première, on aura après les réductions

Dans ces formules, est le lieu du nœud de l’orbite de sur un plan fixe, son inclinaison sur ce plan, le lieu du nœud de l’orbite de et son inclinaison par rapport au même plan.

On aura des formules semblables pour le changement de position de cette dernière orbite en vertu du mouvement il n’y aura qu’à changer dans les précédentes en et vice versâ.

36. Je multiplie maintenant la première équation par et je l’ajoute à la seconde multipliée par j’ai

je multiplie ensuite la première par et la seconde par et je retranche l’une de l’autre, j’ai

De sorte que si l’on fait

on aura, pour l’orbite de les deux équations

Et l’on aura de même pour l’orbite de

37. S’il y avait une troisième orbite appartenant à un autre corps sur laquelle les orbites et dussent rétrograder avec les vitesses tandis que cette même orbite rétrograderait sur chacune d’elles avec les vitesses comme dans le no 24 ; alors il est facile de prouver qu’en nommant la longitude du nœud de l’orbite dont il s’agit et son inclinaison sur le plan fixe, et supposant ensuite

on aurait les formules suivantes

Et ainsi de suite, quel que soit le nombre des orbites mobiles les unes sur les autres.

38. Quoique les équations que nous venons de trouver soient encore trop compliquées pour pouvoir être intégrées en général, elles ont cependant cet avantage qu’elles se simplifient beaucoup dans le cas où l’on suppose les inclinaisons très-petites, et qu’elles peuvent être traitées alors par les méthodes connues.

En effet, si l’on suppose que les angles soient tous très-petits, il est clair que leurs sinus le seront aussi ; donc les quantités seront aussi nécessairement très-petites, en sorte que l’on pourra mettre l’unité à la place des radicaux qui entrent dans les équations dont il s’agit, moyennant quoi on aura, pour le cas de trois orbites mobiles,

équations qui étant, comme l’on voit, sous une forme linéaire, sont faciles à intégrer par les méthodes connues pour ces sortes d’équations et comme, quel que soit le nombre des orbites mobiles, on parvient toujours par la méthode précédente à de pareilles équations, il s’ensuit qu’on pourra donc, en général, résoudre le Problème proposé pour autant d’orbites mobiles qu’on voudra, pourvu qu’on suppose seulement que ces orbites soient très-peu inclinées à un plan fixe quelconque.

39. Si les inclinaisons n’étaient pas très-petites, on pourrait alors résoudre le Problème par approximation aussi exactement qu’on voudrait ; car, comme les quantités sont toujours naturellement moindres que l’unité, on pourra toujours réduire les radicaux en des séries convergentes dont le premier terme sera l’unité, et les autres procéderont suivant les puissances paires de ces quantités ; de sorte qu’en faisant ces substitutions dans les formules du no 37, et négligeant d’abord tous les termes où les variables montent à des dimensions plus hautes que la première, on aura, pour premières équations approchées, des équations telles que celles du no 38 ; ainsi l’on aura par l’intégration de ces équations les premières valeurs approchées des quantités et substituant ensuite ces valeurs dans les termes négligés, on aura de nouvelles équations différentielles plus exactes que les précédentes, et dont les premiers termes seront les mêmes que ceux des équations du no 38, et les autres termes seront des-fonctions connues de en sorte que ces équations seront également intégrables par les méthodes connues ; et ainsi de suite.

40. Au reste, quand on voudra appliquer cette théorie aux orbites des planètes, on pourra s’en tenir aux équations du no 38, d’autant plus que ces équations sont exactes aux quantités très-petites du troisième ordre près ; de sorte qu’on pourra résoudre par ce moyen, avec une précision suffisante, le Problème du déplacement des orbites planétaires en vertu des mouvements de leurs nœuds mutuels, produits par, les attractions réciproques des planètes. Il n’y aura pour cela qu’à substituer, à la place des quantités leurs valeurs données par la théorie, et que nous avons déjà déterminées dans le no 30 et déterminer ensuite les constantes arbitraires que l’intégration introduira dans les expressions des quantités d’après les valeurs de ces quantités qui répondent, suivant les tables, aux éléments des planètes pour une époque quelconque donnée.


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  1. Lu le 9 juin 1774.
  2. J’ai rempli depuis cet engagement dans un Mémoire que j’ai envoyé à l’Académie Royale des Sciences de Paris au mois d’octobre 1774, et dont on trouvera les résultats dans les Tables astronomiques que l’Académie va publier.

    Le Mémoire dont il est ici question a été inséré parmi ceux de l’Académie des Sciences de Paris, pour l’année 1774 ; il appartient à la troisième Section des Œuvres de Lagrange.

    (Note de l’Éditeur.)