Jules Lévy (p. 355-356).


ÉPILOGUE


C’est fini — fini avec mes Mémoires, — Ça commence ou ça continue pour bien d’autres. Il y a toujours des grâces attractives, comme il y a toujours des princes et des diplomates, des désœuvrés et des capitalistes, des gens de cœur et des escrocs. Si j’avais à recommencer ma vie, je serais moins folle peut-être, et plus considérée, non parce que j’aurais été plus estimable, mais parce que je me serais montrée moins maladroite. Dois-je regretter la condition qui m’est faite ? Oui, si je considère ma pauvreté, non si je constate ce que m’aurait coûté ma quiétude. Si les louis sont faits pour rouler, les diamants pour briller, on ne saura me reprocher d’avoir détourné de leur destination ces nobles choses : j’ai brillé avec les unes, j’ai roulé avec les autres. C’était dans l’ordre, et je n’ai péché que par un trop grand amour de l’ordre, rendant à la circulation ce qui était à César, et à mes créanciers ce qui avait cessé d’être à moi. Honneur et justice sont satisfaits. Je n’ai jamais trompé personne, car je n’ai jamais été à personne. Mon indépendance fut toute ma fortune : je n’ai pas connu d’autre bonheur. Et c’est encore le lien qui m’attache à la vie : je le préfère aux colliers les plus riches, j’entends ceux qu’on ne peut vendre parce qu’ils ne vous appartiennent pas.


FIN