Jules Lévy (p. 344-351).


LETTRES ET MORCEAUX DIVERS


Parcere subjectis et debellare superbos.


Sur la foi de votre devise
Jusqu’à vous laissez parvenir,
Sans le plaisanter sur sa mise,
Ce bien modeste souvenir.

X.



POUR JOINDRE AUX FEUILLETS D’UN ALBUM

« Là, où fourmillent les beaux, aux courses, au Bois, elle donne le ton de sa personne et de son quadrige. Près du lac et sur le miroir des eaux, quand la femme et l’oiseau rivalisent de grâce, autour de ces lieux enchantés, l’avez-vous vue passer comme un nuage ? flot de dentelle et de soie qui répand après lui des parfums inconnus ? Quand elle s’arrête, c’est pour répondre du sourire et du geste à des visages amis. La Renommée et la Mode accompagnent partout cette blonde insulaire et la servent à l’envi. Aussi, en tous lieux où chante la gamme du plaisir, arrive harmonieux et doux, le nom de Cora Pearl. Tel aux rives de Lesbos et jusqu’aux pieds roses de Phrynée, arrive en doux murmure le flot bien de la mer Tyrrhénienne.

» Oh ! si j’étais oiseau, je viendrais battre de mon aile, au-dessus de la couche et de l’alcôve, où, dans les bras du plaisir et sous la neige du lin, ferme et ouvre les yeux, languissamment étendu, le charme nu cher aux dieux et aux hommes.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

 » J. S. »



Boulogne (Seine), 22 janvier 1874.
« Madame,

» Vous devez être amateur du beau. Quoique n’ayant pas l’honneur de vous connaître, mon métier d’artiste fait que je désire vous voir.

» Je vais exécuter une statue, et je désirerais vous prendre pour type : c’est vous dire que je saurais sculpter sur le marbre non seulement les beautés plastiques dont la renommée est arrivée jusqu’à moi, mais aussi la vie et les indéfinissables passions dont ce charmant corps est animé.

» Veuillez, je vous prie, accepter ma présentation, que je fais moi-même, n’ayant entre artistes aucun besoin d’intermédiaires : et je vous prie d’agréer les sentiments de haute considération avec lesquels je suis

» le sculpteur, »
» Clésinger. »



Cesson, 1er février 1874.
« Madame,

» J’ai reçu loin de Paris votre charmante et bonne réponse, aussi mon premier soin en arrivant sera de me présenter chez vous, dans les premiers jours de cette semaine. Et puis, vite au travail, n’est-ce pas ?

» Veuillez agréer, madame, l’expression de mes meilleurs sentiments et de mon inaltérable reconnaissance, pour l’aide charmant que vous voulez bien donner à l’artiste.

» Clésinger. »



« L’homme propose et la maladie dispose. C’est étonnant, du reste, comme elle dispose mal. Je suis rentré de Londres souffrant le diable et j’ai été envoyé à Aix-les-Bains, où je suis resté trois semaines. Maintenant me voilà rentré, et je suis repris par le collier de misère. Je répète tous les jours la pièce nouvelle, et n’en serai libéré que vers le milieu de la semaine prochaine. Laissez-moi vous assurer, ô Pearl, que l’on ne vous a pas vue au Bois, et que si l’on vous avait vue, on aurait eu l’honneur de vous saluer.

» C. »



« Ma chère amie,

» Voilà ce qui s’appelle une véritable tuile. Je reçois en rentrant un bulletin de lecture pour demain vendredi une heure, et ce sont des amis qui lisent. Je ne puis absolument me soustraire à un devoir professionnel : ce serait une cause sérieuse de brouille avec des hommes qui m’ont rendu des services. Mais croyez-bien que je suis désolé de ne pouvoir être avec vous à midi. Croyez que je suis désolé de vous prévenir si tard, et croyez surtout à mon désir de croire que vous ne m’en voudrez pas, et me donnerez au plus tôt la possibilité de réparer ce que je considère comme un chagrin.

» C.



« Ma chère Pearl,

J’ai reçu hier, en sortant de ma lecture, la carte que vous m’avez envoyée au théâtre. J’aurais voulu vous répondre hier au soir, mais je n’ai pu trouver une minute, aussi je m’empresse de le faire ce matin. Je n’ai pas bien compris votre mot : « Une femme comme moi », et ce mot, je vous le renvoie. Une femme comme vous est une femme, c’est-à-dire un être pour lequel un homme doit avoir tous les égards, toutes les prévenances, et toutes les délicatesses. Si je vous ai prévenue tard, c’est que j’ai été averti tard ; si je n’ai pas donné la préférence à votre déjeuner, croyez que cela a été un ennui doublé d’un véritable regret : d’abord le regret de ne point passer deux heures à coup sûr gaies et charmantes, et l’ennui, en vous manquant de parole au dernier moment, d’entendre obligatoirement deux pièces ennuyeuses et dont la lecture a duré quatre grandes heures…

» Je pars samedi prochain, et je vais quitter pour six semaines ce Paris qui me plaît toujours, pour aller dans votre pays. Je n’ai rien de prêt. Je vais répéter et jouer tous les jours et soirs, je vais pourtant chercher l’éclaircie pour aller vous voir. Au revoir, car, malgré tout, je tiens à votre invitation pour le mois de juillet. J’irai vous voir en chasseur, et passer loin de tout bruit, une bonne journée de vraie campagne. Me refuserez-vous l’hospitalité promise, parce qu’un devoir impérieux m’a fait passer un instant à vos yeux pour un… Comment dirai-je ? Trouvez le mot, ma plume ne le trouve pas juste, et croyez, ma chère Pearl, aux sentiments les meilleurs de votre

 » C. »



Qu’on les monte à part, en collier de bal,
De toutes façons plus ou moins divines,
            C’est un usage assez banal
            Que de monter les perles fines.
            Le portrait que tu me destines
            Est au moins fort original…
            La perle montée… à cheval !

» Heureux de te posséder dans une si jolie pose.

 » A. »



« Ma chère amie,

» J’ai reçu votre lettre ; pour faire vos plaisirs je viendrai demain moi-même parce que je pars à l’instant même pour la course.

» Ma chère, hier soir, après ce dîner, j’étais malade à cause de chaleur, je vous demande pardon. J’espère de vous voir à la course.

» Mille baisés.

» Moustapha. »