Mémoires d’une danseuse russe/T1-03

Sous les galeries du Palais Royal (1 à 3p. 56-85).

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III

LA BOÏARINE À LA TOILETTE.



D ès leur lever nos deux maîtresses, la maîtresse et la fille réclamaient nos soins. C’était à ce moment de la journée que pleuvait une grêle de claques sur les filles de service. Dès la sortie du lit, on les emportait dans la baignoire.

J’ai dit que les servantes étaient toutes nues pour ce service, nous avions même les pieds nus dans des babouches. Les maîtresses étaient rarement satisfaites. Le bain était presque toujours ou trop chaud ou trop froid. La fille qui leur bassinait le corps avait la main trop rude, elle frottait trop fort.

La dame et la jeune barine étaient armées d’une large palette de cuir suspendue à un long manche, avec laquelle elles tapaient sur la chair nue, atteignant partout au hasard même sur les endroits les plus sensibles. Souvent le hasard n’était pour rien dans la direction de ces piquantes atteintes, elles visaient méchamment le bas de la toison qui est à découvert.

— Qui a préparé le bain aujourd’hui, dit la boïarine, en tâtant de la main.

— C’est moi, maîtresse, répondit une jeune serve râblée d’une vingtaine d’années, qui portait en avant une belle gorge rebondie.

— Elle n’est pas assez chaude, et la palette bien dirigée cette fois, vint cingler les deux globes au dessous des boutons les soulignant d’une large raie rouge.

Les gros seins palpitèrent un moment, et la pauvre fille ne put retenir ses larmes. Pendant qu’elle laissait couler le robinet d’eau chaude, la jeune barine lui envoya sa palette de toutes ses forces au bas des fesses la cinglant entre les cuisses. Rien n’est plus douloureux que cette cruelle cinglée qui mordait en pleine chair vive. J’ai souffert tout un jour et toute une nuit d’un pareil baiser.

La palette marchait tout le temps du bain. Les baigneuses l’avaient à portée de leur main sur une petite planchette. Si les malheureuses cruellement cinglées avaient la fâcheuse inspiration d’obéir à un premier mouvement qui les portait par un saut involontaire hors des atteintes de la férule, la maîtresse leur donnait ou leur faisait donner sur le champ le fouet en règle. C’étaient les fesses qui dans ce cas payaient la fuite involontaire et qui la payaient toujours cher.

Quand c’était la maîtresse qui les fouettait, la coupable devait s’asseoir sur le rebord très étroit de la baignoire. On n’était pas, je vous assure bien assis là dessus. Elle se servait de verges pour cette correction.

La première fois que je lui vis donner le fouet ainsi ce fut à une de ses femmes de chambre, qui avait bien trente ans. Elle avait bondi sous un coup de férule qui lui avait fait voler des poils. Elle dut venir s’asseoir sur le siège de circonstance. Les grosses fesses débordaient en devant un peu tombantes, et bien à la portée de la fouetteuse. Les verges dont elle se servait pour cette correction trempaient dans son bain.

Elle lui en appliqua un coup formidable. Elle les trempait dans l’eau après chaque coup appliqué, cinglant vigoureusement le gros postérieur proéminent avec les bouleaux mouillés dont les gouttes venaient asperger nos corps nus. Ces baguettes ainsi trempées à chaque coup causaient disait-on une souffrance intolérable. La patiente qui était sur la sellette faisait d’impossibles grimaces, ses gros seins sautaient sur sa poitrine, et elle poussait des cris affreux. Elle lui appliqua ainsi trente neuf coups de verges, qui lui mirent les fesses en sang.

Elle s’amusait aussi à nous fesser ainsi avec sa main mouillée. Cette fessée était la plus redoutée des postérieurs qui l’avait reçue. Toutes y passaient les plus grandes comme les plus petites.

Elle fessa ainsi, quinze jours après lui avoir appliqué les verges, la même femme de chambre, coupable cette fois de l’avoir déposée trop brusquement dans le bain. Elle vint s’asseoir en tremblant sur la sellette.

La maîtresse ne plongea pas comme d’habitude sa main dans l’eau. Je me demandais si elle allait la fesser à sec. Mais je vis bien pourquoi elle n’avait pas trempé sa main. Elle s’amusait à pincer la chair, la tordant sans ses doigts, ce qui devait joliment torturer la patiente qui sanglotait à fendre l’âme.

Quand elle eut dessiné ce qu’elle appelait des pattes d’écrevisses sur la peau, elle inaugura la fessée avec la main mouillée, qu’elle trempait après chaque gifle. Elle lui en distribua ainsi sans compter pendant plus de cinq minutes, la patiente ne cessa de se lamenter à haute voix. La main devait lui cuire. Les fesses rouges sur toute la surface étaient mouchetées par places de mosaïques sanguinolentes.

Le lendemain la pourpre des fesses avait disparu, mais les mosaïques étaient devenues bleues. Elles constellèrent la croupe pendant huit jours.

Je suis passée par les deux tortures, et je me souviens encore à l’heure où j’écris ces lignes de l’horrible souffrance que j’endurai. Heureusement qu’elle n’eut pas la fantaisie de dessiner sur mes fesses ses cruelles pattes d’écrevisses.

Quand on se levait de dessus ce siège étroit, le rebord était incrusté sous le creux des fesses. Moi qui n’avais pas les jambes assez longues pour poser mes pieds à terre, j’étais en l’air, appuyée des deux mains sur le rebord pour ne pas être projetée en avant, et tout le poids de mon corps pesait sur mes assises. Je souffris toute la journée de cette partie là, et le lendemain j’étais courbaturée.

Un jour elle cingla par deux fois méchamment le bas de la toison d’une grande fille brune de vingt-quatre ans qui bondit en arrière, se mettant hors des atteintes de la palette. La maîtresse enjamba la baignoire, courut toute ruisselante à la fille de chambre, qui se tenait debout au milieu de la salle de bain, tremblant de tout ses membres et regrettant déjà d’avoir obéi à son premier mouvement, sachant bien ce qui lui pendait au derrière.

Mais elle ne se doutait pas de tout ce qui allait lui arriver. La maîtresse s’accrocha de la main droite à la perruque qui était très fournie et très épaisse, et la mena par cette prise piquante jusqu’à la baignoire dans laquelle elle se remit toujours accrochée aux cheveux, mais des deux mains à présent. Elle devait, tirer bien fort, car la pauvre fille criait comme ci elle souffrait de mille piqûres d’épingles.

— Tu ne crieras pas pour rien. Qu’on lui donne cinquante coups de verges pendant que je la tiens. Et si tu cherches à fuir, ce ne sera pas sans dommage pour ta perruque, qui risque de laisser des plumes sur le champ de bataille.

La jeune barine avait sollicité la faveur de les lui appliquer. On l’essuya et on lui passa un peignoir en flanelle et des chaussons aux pieds. Elle choisit une longue et forte verge, et vint se poster devant les grosses fesses blanches qui tremblaient de peur. La pauvre fille cambrait ses reins, ce qui faisais saillir la croupe, sans doute pour éviter que la maîtresse tirât trop fort sur la prise. Cependant aux cris qu’elle poussait on devinait que les doigts devaient être bien pris.

La verge un moment brandit dans l’espace, retomba du haut en bas froissant la peau du bas des reins à la cime des fesses. Cette nouvelle façon de cingler un postérieur ne parut pas être du goût de celle qui la reçut sur le sien. Elle poussa un cri, leva son derrière et revint en avant obéissant aux mains qui l’attiraient. La verge cette fois retomba en travers traçant un large sillon violet au milieu de la plaque rouge.

La jeune barine continua ce manège laissant retomber la verge entre les deux épaules, glissant sur le dos arrondi jusqu’au bas des reins froissant la peau sur tout le chemin parcouru. Elle retombait en travers des fesses toujours avec le même succès, des sillons rouges et des cris de rage. Maintenant c’était sur les cuisses et sur les jambes que la verge voyageait ainsi.

Bientôt nous assistâmes à un curieux spectacle. La maîtresse avait suspendu le châtiment ; elle s’était fait essuyer, et on lui avait à elle aussi passé un peignoir. Elle s’était assise sur une chaise basse, elle avait repris la fille par la perruque, et la tenait toujours solidement, ses doigts crispés dans les cheveux.

Maintenant elle tirait par en bas, l’obligeant à s’agenouiller. La fouetteuse profitait de l’écartement des fesses pour la fouailler entre les cuisses. La boïarine tirait par en haut la croupe remontait dans l’espace, la verge la cinglait en travers, indiquant le terme du voyage.

La pauvre fille dut s’agenouiller et se relever à chaque coup qui lui cinglait les fesses. Chaque morsure de la verge était suivie d’un double cri, d’abord sous la cuisson du méchant coup, puis par l’enlèvement et la descente. L’enlèvement devait être plus douloureux, ça se devinait à l’intensité du cri poussé.

Quand le dernier coup de verge tomba sur les fesses entamant la peau, la patiente était à genoux. La maîtresse l’enleva si brusquement qu’il lui resta des touffes de poils dans les doigts.

C’était dans la salle de bain que se réglaient les comptes des coupables qui avaient délinqué dans la matinée, à moins qu’il n’y eût des invités des deux sexes. On ne voulait pas priver les hommes de cet affriolant spectacle. On réservait les délinquantes pour l’après midi. La séance se donnait alors dans la salle du fouet.

La gouvernante mandée arrive avec son carnet à la main. Les coupables entrent à sa suite, habillées, ce qui forme un contraste frappant avec les filles de service qui sont toutes nues. Elles se tiennent debout attendant la lecture de leurs méfaits par la gouvernante et leur condamnation par la bouche de la maîtresse. Les coupables ont en général commis des fautes légères pour lesquelles on les châtie toujours sévèrement. Un exemple entre mille.

— Catya a cassé une assiette en essuyant la vaisselle.

— Vingt-neuf coups de nagaïka tout de suite.

Catya fut troussée en un clin d’œil par deux de ses compagnes de chaîne et reçut les vingt-neuf coups de cordes à nœuds sur ses fesses nues. La maîtresse avait recommandé à la distributrice d’aller lentement et de frapper fort, qu’on put jouir longtemps du spectacle réjouissant d’un vilain postérieur sévèrement fouettée.

La boïarine semblait avoir de la haine contre cette belle fille qui recevait le fouet plus souvent qu’à son tour. Et quand elle vit perler des rubis à la cime des fesses, qui se tordaient sous les morsures des cordes tressées, tandis que la victime, se raidissant contre la douleur subissait la torture qu’on lui infligeait sans un sanglot, sans une plainte, sans une larme, elle ne put contenir sa joie féroce elle cria : « bien, très bien, fort bien » !

Elle paraissait prendre un vif plaisir à voir fouetter sévèrement cette belle fille et aussi à la fouetter elle-même. Avec ce postérieur haï elle prenait les verges, car elle aimait à se servir de la verge, quand elle la corrigeait elle-même, parce que le châtiment est plus cuisant.

La pauvre Catya ne sortait jamais de ses mains, sans avoir les fesses et les cuisses endommagées, toujours aussi impassible, sans une larme dans les yeux. On eût juré qu’elle était ladre, et qu’elle ne sentait rien. Mais ses fesses parlaient pour elle par des protestations, qui, si elles étaient muettes, étaient fort éloquentes.

Catya ne servait jamais sa maîtresse au bain où les servantes étaient nues, mais elle assistait à la toilette où les soubrettes sont à demi vêtues. Son postérieur n’était jamais mis en évidence que dans des occasions fâcheuses pour lui et dans la posture la plus humiliante.

J’ai su depuis que la maîtresse était jalouse de la forme parfaite du corps de la jolie serve et surtout de la superbe croupe suspendue au bas de ses reins cambrés. Aussi se vengeait-elle sur le postérieur coupable d’être mieux fait que le sien.

C’était tous les jours la répétition des mêmes scènes avec quelques variantes. Quand la boïarine avait des amies chez elle comme il y avait plusieurs baignoires dans la salle, elle les invitait à prendre un bain de compagnie, et assister à la correction des mutines. Toutes ces visiteuses étaient friandes de cet affriolant spectacle. Leurs yeux parlaient clairement. La maîtresse leur réservait les plus jolies fesses pour la sortie du bain.

Quand elles étaient épongées, essuyées et revêtues d’un peignoir de flanelle, elles venaient, la nagaïka en main, fouetter les gros derrières nus des filles de chambre condamnées, que leur présentaient troussées leurs compagnes d’infortune. La maîtresse leur recommandait de ne pas les ménager. Elles abusaient de la permission, et la plupart des amies de la boïarine nous fouettaient comme des marâtres, je l’ai éprouvé plusieurs fois.

Pendant mon séjour chez mes premiers maîtres, je ne vis qu’une seule fois avec plaisir, mais un plaisir ravissant, partagé d’ailleurs par toute l’assistance, appliquer le fouet sévèrement à un postérieur féminin.

Je ne sais, et personne n’a jamais su dans le château, le méfait commis par la gouvernante pour mériter la sévère correction, qu’on lui infligea publiquement. Les hommes, sauf de rares exceptions, les punitions exemplaires, étaient exclus de nos châtiments, les maîtres et les invités exceptés.

Nous savions qu’on allait fouetter la gouvernante, la méchante femme que toutes les serves, qui étaient soumises à sa férule, détestaient cordialement. Et nous nous réjouissons à la douce pensée de l’avanie qui lui arrivait d’être obligée d’exhiber devant nous ses grosses fesses nues, que nous n’avions jamais vues à découvert, qu’on allait fouetter sévèrement et certainement endommager sous nos yeux réjouis d’une pareille aubaine.

La maîtresse la corrigeait toujours en particulier pour ne pas détruire le prestige attaché à ses fonctions en la fouettant sous nos yeux, cette femme qui découvrait et fouettait si souvent les nôtres. Aujourd’hui elle va être fouettée en présence de celles qu’elle tient courbées sous sa férule.

La gouvernante fut amenée, traînée serait plus juste, car elle se débattait furieusement, par deux vigoureux gaillards qui la hissèrent, toujours révoltée, sur l’estrade où elle fouettait les coupables. Elle n’y était jamais montée qu’en bourreau, aujourd’hui elle y monte en victime, un peu par force, mais c’est bien son tour d’y prendre cette posture.

Deux autres serfs, sur un signe de la maîtresse, grimpèrent sur l’estrade venant prêter main forte aux deux premiers. À eux quatre, ils eurent tôt fait de la trousser et de la mettre dans la posture du fouet, agenouillée, nue des pieds à la ceinture, car on lui avait retiré jusqu’à ses bas.

Nous eûmes alors sous les yeux un spectacle des plus attrayants. Petronna, c’était le nom de la gouvernante était pourvue d’une croupe volumineuse. Ainsi développée dans le plan incliné dans lequel les hommes la maintenaient, la lune s’épanouissait dans son plein, les fesses très amples, élargies, rebondies offraient un vaste champ d’opération à la verge, car la barine avait pris des verges fraîchement coupées à des bouleaux du jardin et réunies en un faisceau redoutable. Il y en avait plusieurs pareils à celui-là sur une table, cette provision ne présageait rien de bon pour le gros cul en montre là haut.

La maîtresse s’installa à gauche de la vaste croupe, et sans crier gare, elle laissa retomber la verge de haut, assénant sur la chair tendue un coup redoutable qui résonna comme sur une peau de tambour.

Les coups se succédaient ininterrompus, de plus en plus violents, et les cris de rage augmentaient d’intensité. À chaque chute, la verge s’incrustait dans la peau, la rayant en rouge vif, et produisant de singuliers effets. Les fesses bondissaient, s’écartaient, frémissaient, se ridaient, faisaient les plus plaisantes grimaces, avec une variété de contorsions qui nous montraient à chaque instant des perspectives différentes. La grotte bâillait, s’ouvrait toute grande au milieu d’un fouillis de poils, se refermait, le ventre se soulevait laissant voir la forêt noire, qui semblait grimper jusqu’au nombril.

Comme elle était solidement tenue par les quatre membres, il n’y avait que les fesses qui prenaient part à la danse, qu’accompagnaient les vociférations que poussait la fustigée. Tous les spectateurs, on pourrait même dire les auditeurs, à cause de la musique des verges ; qui s’unissait au crescendo des hurlements, prenaient un vif plaisir à voir fouetter sévèrement ces vastes fesses comme leurs vulgaires fessiers, condamnés souvent injustement par la porteuse de ce monument de chair que la maîtresse était en train de détériorer à notre grande joie.

La barine, un peu fatiguée après ces cinquante coups de verges, jeta le tronçon usé sur ce vaste terrain de manœuvre et descendit de l’estrade. Le boyard monta à son tour les degrés de l’échafaud, armé lui aussi d’une longue et forte verge.

La danse du gros cul, un moment interrompue pendant le changement d’acteur, reprit de plus belle sous les coups de verges assénés avec la vigueur d’un bras d’homme. Les coups pleuvaient dans tous les coins sur les hanches, sur les fesses, entre les cuisses, sur les jambes intactes, sur la plante des pieds.

Les hurlements n’avaient pas eu besoin de reprendre, ils n’avaient pas cessé pendant l’entr’acte, mais on devinait à leur acuité, que le maître tapait plus fort que la maîtresse. Les fesses faisaient des bonds prodigieux, les cuisses s’écartaient si brusquement qu’on aurait dit qu’elles allaient se fendre.

Quand le boyard descendit à son tour de l’estrade, la gouvernante avait reçu une centaine de coups de verges. Des rubis pointillaient sur ses fesses et sur ses cuisses, qui en se secouant s’égrenaient en perles rouges.

On la laissa ainsi un grand quart d’heure pendant que les spectateurs, mâles et femelles, défilaient devant le tableau vivant. Elle hurlait et se secouait tout le temps sous nos yeux ravis de voir saigner le vilain postérieur de la méchante femme qui ne ménageait guère les nôtres.

Elle resta huit jours sans reparaître au milieu de nous. La lectrice de la boïarine la remplaçait dans ses fonctions tout en remplissant les siennes. Elle était assez impartiale, ne marquant que les fautes punissables, mais elle nous fouettait toujours avec sévérité quand la maîtresse lui confiait la correction de nos postérieurs. Il est vrai qu’elle était elle-même exposée comme nous à recevoir le fouet quand cela plaisait à la maîtresse ou à la jeune barine, qui le lui appliquait toujours séance tenante.

C’était la fille de deux artisans pauvres, qui lui avaient fait donner une certaine instruction dans l’espoir d’en retirer plus tard un bon revenu en la louant comme lectrice à quelque famille riche. Ils avaient pris un engagement de trois ans avec la barine, qui en avait payé disait-on la location assez cher avec tous les droits de corrections. La dame ne manquait pas d’en user et même d’en abuser.

Je vous la présenterai à la toilette de la maîtresse, car c’était là qu’elle remplissait ses fonctions de lectrice.

Quand la gouvernante, guérie de ses meurtrissures, reprit son carnet et sa nagaïka, elle se vengea férocement du plaisir que nous avions visiblement manifesté, en la voyant fouetter sévèrement. Elle n’infligeait que la dose fixée par la maîtresse, mais elle mesurait ses coups de façon à les détacher avec une précision redoutable, atteignant le coin visé, les espaçant pour faire durer le supplice. Quand elle avait appliqué vingt-neuf coups de cordes avec le raffinement de cruauté qu’elle y mettait, les fesses les plus dures étaient en sang tout aussi bien qu’après trente-neuf cinglées.

Quand le bain était pris et les corrections infligées, les baigneuses emportaient le corps nu de la maîtresse dans le cabinet de toilette attenant. Là, c’était le tour des habilleuses qui portaient un vêtement de circonstance. Nous étions toutes vêtues d’un peplum en flanelle uniformément coupé.

Ce peplum était disposé de façon que la correction put être immédiate. Le haut du corsage était ouvert en carré, suivant la taille de la porteuse. La gorge reposait sur le rebord émergeant tout entière en dehors. Le vêtement était fendu par derrière depuis la ceinture, de sorte qu’on n’avait qu’à écarter les pans pour que les fouetteuses eussent le postérieur sous la main. La lectrice, soumise aux mêmes corrections que nous, portait le même vêtement.

Dès que la jeune barine, que nous avions portée dans sa chambre était revêtue de sa matinée, ce qui devait marcher rondement, elle nous accélérait par des taloches, des bourrades à poing fermé, des pincées à vif elle courait à la chambre de sa mère, car elle avait hâte d’assister à la toilette de la boïarine, où elle trouvait à chaque instant l’occasion de satisfaire son penchant de fille cruelle sur les fesses nues des femmes de chambre de sa mère et sur les nôtres.

Nous allions l’y rejoindre quand après avoir endossé la tenue réglementaire et chaussé des feutres. Elle ne nous permettait de passer notre peplum, que lorsqu’elle n’avait plus besoin de nos services, et nous étions toutes employées à la toilette de la maîtresse.

C’était d’abord le tour des coiffeuses. La barine confortablement assise dans un fauteuil au dossier peu élevé, enveloppée dans un peignoir de satin, livrait sa chevelure d’or aux mains des spécialistes, qui avaient fait leur apprentissage aux dépens de leurs fesses, chez une modiste de la ville.

Les coiffeuses non plus ne s’en tiraient pas souvent indemnes. Il leur aurait fallu une adresse de fée, et encore avec l’adresse, le pouvoir de se rendre comme elles invisibles et impalpables, pour se soustraire aux effets de la colère de la maîtresse. Quand le démêloir tirait un peu sur les cheveux, elle les prenait par cette petite mèche qui s’enroule en tire-bouchon à la hauteur de l’oreille, en elle les secouait, la tête allant de droite à gauche, à les faire pleurer. Quelquefois c’était par les oreilles qu’elle les prenait, les pinçant dans ses doigts en les secouant. Le plus souvent c’était la pantoufle qui cinglait la joue ou la gorge. Ces deux soufflets d’une semelle de cuir étaient très douloureux.

Une jeune fille à genoux devant la barine lui servait de psyché vivante, élevant ou inclinant une grande glace ronde, qu’elle tenait dans ses mains les coudes repliés, la présentant au gré de sa maîtresse. Quand les bras fatigués refusaient le service, la dame l’encourageait par une gifle qui lui faisait enfler la joue, ou bien c’était la semelle de la pantoufle qui la souffletait ou qui cinglait les seins à découvert. La joue et les seins en gardaient la trace marquée en rouge toute la journée.

La pauvre fille était obligée de tenir la glace ainsi tout le temps que les coiffeuses passaient à édifier la chevelure de la maîtresse. Il était bien rare que la psyché vivante, à moins que ce ne fut une fille vigoureuse, s’en tirât sans recevoir le fouet, car la séance de coiffure était toujours très longue, la dame n’était jamais satisfaite, et l’on était souvent obligé de la remplacer. Alors c’était ordinairement vingt-neuf coups de martinet ou de nagaïka, qui attendaient les fesses de la fille trop faible pour rester une heure à genoux.

Une grande fille de chambre très vigoureuse, qui n’avait jamais faibli dans ses fonctions de psyché vivante, se moquait des faibles filles qui ne pouvaient pas rester aussi longtemps qu’elle dans cette fatigante posture. Un jour il lui arriva à elle aussi de trouver la séance un peu longue, ses bras faiblissaient, la psyché n’était plus d’aplomb. Paf ! une gifle sonore la renverse.

Elle se relève, présente de nouveau la glace, mais ses bras tremblent, la pantoufle vient cingler la joue déjà giflée qui enfle démesurément, et la fille qui sanglote est obligée de reprendre ses fonctions de psyché vivante. Mais elle a beau faire, elle n’y est plus et la semelle de la pantoufle voltige sur la gorge, cinglant les gros seins nus, qui sont bientôt d’un beau rouge vif. Les tétons malmenés ballottent furieusement, les larmes sillonnent les joues, elle est absolument incapable de rendre le moindre service, on doit lui donner une remplaçante. Mais auparavant on va lui faire payer cher sa faiblesse.

Elle dut s’agenouiller, on écarta les pans du peplum, et la croupe apparut toute nue. La maîtresse, qui n’appliquait ou ne faisait appliquer d’habitude que vingt-neuf ou trente neuf coups de cordes ou de lanières, prit elle-même la nagaïka et lui donna sans compter de cinquante à soixante coups de cordes assénés avec force sur les fesses nues, sur les cuisses, entre les cuisses, faisant hurler la fouettée.

Elle avait voulu donner une leçon à la grande fille qui se moquait de ses compagnes moins vigoureuses qu’elle, et elle la lui donna bonne car elle lui avait mis les fesses en sang. Elle dut rester ainsi jusqu’à la fin de la toilette.

Deux jeunes serves, j’ai souvent rempli cet office, étaient à genoux devant la maîtresse pour lui passer ses bas de soie, et lui mettre ensuite ses souliers. Il fallait faire la chose si délicatement qu’au moindre heurt, elle vous giflait avec sa terrible pantoufle qui vous faisait cuire la peau pendant deux heures.

Elle s’amusait aussi dans ces moments-là à nous bousculer d’un coup de pied, qui nous envoyait rouler tête sur cul sur le tapis. Elle montrait du doigt à sa fille nos fesses découvertes entre les pans écartés du peplum, en lui recommandant d’aller châtier cette fille de chambre de se montrer dans cette posture indécente et de lui appliquer dix bons coups de verges sur ses fesses nues.

La jeune barine n’avait pas besoin de cette recommandation pour s’offrir un petit régal de son goût, et elle ne manquait pas d’en appliquer une douzaine secs et durs, qui laissaient la peau fumante, et une cuisson qui durait plusieurs heures. La maladroite avait alors la permission de se relever, et elle était obligée de se remettre à sa besogne avec l’enfer au derrière.

Ce jeu-là, quand la maîtresse était dans ses moments d’humeur, se renouvelait cinq ou six fois avec des postérieurs différents dans la matinée. Ces jours-là, c’était une véritable fête pour la jeune barine.

En dehors de ces corrections infligées sur le flagrant délit, la toilette ne s’achevait pas souvent sans que quelque fille de chambre, coupable d’une maladresse qu’elle croyait passée inaperçue, reçut vingt-neuf ou trente-neuf coups de cordes sur ses fesses nues des mains de la maîtresse ou de la jeune barine. Elles châtiaient la délinquante au moment de nous congédier.

Plus d’une, qui croyait s’en aller indemne, parce qu’elle n’avait pas reçu de bourrade pendant la toilette, s’entendait appeler par son nom. Cet appel donnait toujours le frisson à celle qu’il désignait. Elle savait ce qu’on lui voulait. Elle devait se trousser elle-même, tenant les deux pans de son peplum écartés, et présenter son derrière nu aux cordes qui lui tannaient les fesses, ce qui ne la dispensait pas d’aller comme les autres à sa besogne en sanglotant et le feu au cul.

Ma mère dirigeait la lingerie, je n’étais pas exposée à lui voir donner le fouet, comme le jour où on la fessa cruellement sous mes yeux.

C’était pendant la toilette que la lectrice exerçait ses fonctions. Elle aussi était revêtue d’un peplum fait comme les nôtres. La pauvre fille était corrigée plus souvent qu’à son tour. La maîtresse semblait vouloir se rattraper du prix qu’elle l’avait louée. Cependant elle ne lui abîmait pas trop les fesses pour qu’elle pût continuer son service.

Elle devait lire à genoux sur un tabouret à la portée de la pantoufle de sa maîtresse, qui voltigeait de la joue à la gorge, que Véra, c’était le nom de la lectrice, avait fort belle, c’était une gorge de vingt-deux ans dans tout l’éclat de sa forme. Aussi la lecture était souvent interrompue par les sanglots qui sortaient de son gosier, et par les larmes qui coulaient de ses yeux.

Pour vous donner un échantillon des lubies de sa maîtresse, je veux vous la montrer un jour qu’elle avait ses nerfs, elle fut d’une injustice révoltante envers la pauvre fille à ses gages.

— Véra, tu bredouilles, je n’entends pas un mot de ce que tu me lis.

On entendait fort bien. La lectrice éleva la voix pour obéir aux ordres de sa maîtresse.

— Là, maintenant tu m’écorches les oreilles avec tes cris. Tiens, sotte bête !

La pantoufle cingla la joue si fort qu’elle enfla aussitôt, et la lectrice se mit à sangloter.

— Bon, te voilà devenue muette, maintenant. Allons, reprends ta lecture. Ah ! tu ne veux plus lire ! Eh ! bien, tiens, attrape !

Et la pantoufle cingla et recingla la gorge rebondie, qui sautait sous les rudes soufflets que lui appliquait la cruelle maîtresse, s’acharnant à vouloir qu’elle lise. Elle voyait bien que c’était impossible, car la pauvre fille sanglotait, en versait toutes les larmes de son corps.

— Ah ! tu t’obstines à ne pas vouloir lire ! Eh ! bien je te promets que tu vas chanter alors. Mettez-la en tenue vous deux.

Deux vigoureuses filles de chambre conduisirent Véra au milieu de l’appartement, elles la firent incliner et chacune d’elles prit un pan du peplum dans sa main.

La barine s’avança armée d’un martinet de cuir dont elle se servait presque toujours avec sa lectrice, parce que ainsi elle pouvait faire durer plus longtemps la correction sans endommager la peau, qu’elle savait lui faire cuire, et qu’elle pouvait la fouetter tous les jours si bon lui semblait.

Elle la flagella avec sa sévérité des grands jours, lui appliquant une soixantaine de coups. Les lanières retombaient avec vigueur sur les fesses qui se tordaient sous la violence des cinglées. La maîtresse l’avait bien dit qu’elle la ferait chanter. La malheureuse poussait un cri strident à chaque coup qui lui froissait la chair.

La flagellation continua avec la même sévérité jusqu’à la fin. Et pour terminer dignement cet injuste châtiment, la fouetteuse applique méchamment les dix derniers coups entre les cuisses.

Seulement comme la pauvre fille avait serré les fesses après cette cinglante apostrophe, les deux filles de chambre durent lui maintenir les cuisses écartées, et les neuf derniers coups cinglèrent férocement cette partie si délicate chez la femme, au milieu des vociférations de la suppliciée. Quand elle jeta le martinet les bords étaient ensanglantés. On dut laver les lanières.

Elle la renvoya dans sa chambre pour ne pas être incommodée pendant qu’on achevait sa toilette par ces cris assourdissants qui lui écorchaient les oreilles.



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