Mémoires d’une danseuse russe/T1-01

Sous les galeries du Palais Royal (1 à 3p. 13-36).



Ière PARTIE.

MON ENFANCE CHEZ UN BOYARD.












Bandeau typographique
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I.

POUPÉES VIVANTES.



J ’ai vu le jour vers 1842 dans le domaine d’un riche boyard, qui possédait d’immenses propriétés dans l’Ukraine, et de nombreux serviteurs. Ma mère remplissait à l’époque de ma naissance les fonctions de femme de chambre auprès de la boïarine.

Quant à mon père c’était probablement un des invités de ses maîtres, dont ma mère avait dû partager la couche, comme toutes ses compagnes. C’était une politesse obligée envers les visiteurs, amis des étrangers, de leur offrir une garniture de lit. Les récalcitrantes, il s’en trouvait peu, étaient fouettées jusqu’au sang, ce qui ne les empêchait pas de passer par les… armes après le châtiment. Presque toutes préféraient subir l’affront sans la correction sanglante.

À moins que l’auteur de nos jours ne fut l’un des nombreux serviteurs que les filles de service une fois ouvertes soulageaient dans l’ombre ; malheur au couple surpris en flagrant délit, on les fouettait jusqu’au sang, se servant du knout pour le coupable, de verges pour la délinquante. On les châtiait pour les punir d’avoir profané le logis réservé aux invités.

Jusqu’à l’âge de huit ans, je ne sus pas trop ce que c’était que le fouet bien appliqué. J’avais cependant été fessée assez souvent à la main par mes deux maîtresses, la mère et la fille. J’avais gardé un souvenir douloureux, pas trop cuisant cependant, de ces corrections dont la dernière remontait à trois mois. Mais ce fut quand j’eus attrapé mes huit ans, que je commençai à apprécier la valeur des châtiment que je voyais infliger quotidiennement aux grandes filles, qui se lamentaient et dont les fesses se démenaient furieusement sous les rudes cinglées qu’on leur appliquait.

On me donna comme jouet à la jeune barine alors âgée de dix ans, qui dépassait en férocité son frère plus âgé qu’elle de deux ans. Je me trouvais là avec une vingtaine de filles, toutes plus âgées que moi, échelonnées jusqu’à vingt ans, et qui étaient destinées, elles aussi, à servir de poupées vivantes aux jeûnes despotes. Quand la fantaisie les prenait de s’amuser de nous, et de nous fouetter, ils choisissaient une, deux ou plusieurs victimes. Quelquefois, quand ils avaient des amis, toute la bande y passait.

Le jour où j’entrai dans les jouets animés de la jeune barine, comme je lui étais offerte en présent par ses parents le jour de sa fête, on m’apporta étendue dans une grande corbeille pleine de fleurs, tenant dans ma main droite un martinet de cuir. On me déposa à ses pieds, je dus m’agenouiller devant ma jeune maîtresse, et baiser la pointe de ses souliers, en signe d’humilité, en lui offrant le martinet qui était l’épée de Damoclès suspendue au dessus de nos fesses.

Pour m’en faire connaître l’usage sans plus tarder et m’en faire apprécier la saveur, elle me fit trousser aussitôt par une des grandes filles qui étaient à son service, et m’appliqua cinq ou six coups vigoureux, qui me firent cuire la peau. Je commençai à apprécier dès le premier jour les douceurs du fouet. Ce n’était cependant qu’un prélude indulgent, je m’en aperçus bien le lendemain.

Ensuite elle me déshabilla elle-même, voulant connaître la valeur du présent qu’elle venait de recevoir pour sa fête. Elle m’examina sous toutes les faces, me faisant ouvrir la bouche, tirer la langue ; tâtant la grosseur de mes bras, la dimension de mes petites fesses, mes cuisses, mes jambes ; parcourant tout mon corps des pieds à la tête, me décochant pour terminer l’examen, deux fortes claques sur mes fesses qui me cuisirent de plus belle.

Pendant que je me rhabillais, elle obligea une grande fille à se trousser elle-même, lui annonçant qu’elle l’avait choisie pour la donner en exemple à la nouvelle venue ; qu’elle allait la fouetter parce que c’était son plaisir, et aussi pour montrer à Mariska comment elle serait traitée à la moindre faute.

La pauvre fille, qui devait approcher de la vingtaine, se troussa elle-même, présentant son gros derrière à la verge que la jeune barine avait choisie pour l’exemple qu’elle voulait me donner. Elle la fouetta tapant avec un tel appétit, ne ménageant aucun coin, que la patiente ne cessa de gémir pendant la danse de son postérieur malmené. Ses fesses et ses cuisses étaient ensanglantées, quand elle la laissa.

Je me demandais comment elle me fouetterait pour une faute, si elle traitait aussi cruellement pour son plaisir et pour me le donner en exemple, un postérieur innocent. Le lendemain elle me mit à l’épreuve, m’ordonnant d’exécuter des choses que je n’avais jamais faites ni vu faire, n’ayant pas encore, assisté à la toilette des maîtresses. Je dus l’habiller des pieds à la tête. Je m’en tirai assez bien, sans le moindre heurt, sans le plus léger contact. Elle me donna ses cheveux à démêler. Nous avions l’habitude de nous entr’aider le matin, mes compagnes et moi, pour cette opération, et je n’y étais pas trop maladroite. Aussi n’eut-elle aucun reproche à m’adresser.

Cependant quand la toilette fut achevée, elle m’annonça que j’allais être fouettée quand même pour augmenter la dose de ma souplesse et de mon agilité, et aussi pour savoir comment je supporterais une fessée sévère.

Elle me fit trousser par une des grandes filles de chambre employées à sa toilette, et elle m’appliqua vingt-neuf coups de martinet, mais cette fois avec une telle vigueur, que je ne cessai de sangloter et de me tordre sous les méchantes lanières qui devaient me déchirer la peau. Les parents de la jeune barine, qui assistaient à la correction, applaudissaient et encourageaient la jeune fouetteuse, qui accentua si bien la vigueur des coups qu’elle assénait avec rage, que les derniers me firent saigner les fesses. Les bravos éclatèrent à l’apparition de quelques gouttes de sang à la surface.

J’avais le feu au derrière, mais je dus suivre la jeune barine dans toutes ses pérégrinations. On m’avait mis des compresses d’eau fraîche, après m’avoir bassiné les parties meurtries, ce qui n’empêcha pas que j’endurai une véritable torture toute la journée.

Le jeune barine et sa sœur organisaient de temps en temps des cavalcades d’un genre nouveau. L’hiver çà se passait dans un grand appartement chauffé, couvert d’un épais tapis, l’été sur une vaste pelouse, sur laquelle on avait tracé des pistes, ombragée tout autour par de grands arbres. Comme toutes les poupées vivantes n’étaient pas de taille à leur servir de monture, outre les grandes filles qui étaient à leur service, la boïarine leur prêtait les plus vigoureuses de ses filles de chambre.

Les pouliches humaines qui couraient dans l’appartement ou sur la pelouse étaient toutes nues, chaussées de fines bottes rouges. Elles se tenaient debout, le buste incliné en avant, les bras croisés. Le cavalier et l’amazone montaient à cheval en écuyer de cirque. Ils sautaient sur les reins nus de leur monture, à califourchon sur la croupe, les pieds passés dans des étriers suspendus à de larges ceintures serrées aux flancs de la monture, entourant le cou de leur bras.

Le jeune barine s’accrochait aux gros tétons de la pouliche humaine, car il choisissait les plus abondamment pourvues de prises. Ils chevauchaient l’un après l’autre. Celui qui était à pied stimulait la monture du cavalier à coups de cravache sur la croupe pour l’obliger à courir à toutes jambes. Quand c’était la jeune maîtresse qui maniait la cravache, elle était plus époumonée que la porteuse de son frère quand elle s’arrêtait.

La sœur sautait à son tour sur la croupe de sa monture. Le frère prenait alors la cravache, et s’en servait pour stimuler la coureuse en cinglant vigoureusement la croupe. La pouliche bondissait sous la morsure, attrapant dans sa course en zig-zag des cinglées par tout le corps. Quand l’une d’elles tombait, ils l’aidaient à se relever en lui cinglant les cuisses et l’entre-cuisses. Quand les cavaliers vidaient les arçons, mettant pied à terre, les croupes des montures étaient souvent entaillées.

L’été les jeunes barines avaient de temps en temps la visite de leurs jeunes amis des environs. C’était alors des courses en plein air sur la pelouse couverte en cette saison d’un épais gazon, des courses plates, des couses d’obstacles, dans lesquelles les montures luttaient de vitesse et d’agilité toujours stimulées par les piétons.

Ici c’était une baguette de tamarin fraîchement coupée souple et flexible, qui servait à exciter les coureuses et qui piquait affreusement la partie cinglée. La cravache ne servait que pour les courses d’obstacles. Filles et garçons montaient en jockeys. Les montures étaient chaussées de bottes de teintes différentes, le reste du corps était tout nu, les cheveux flottaient au vent comme la longue crinière d’un cheval arabe. Elles étaient toutes pourvues d’étriers.

La première fois que j’assistai en spectatrice à ces courses, je souhaitai de ne jamais devenir assez vigoureuse pour servir de monture à ces cruels jockeys des deux sexes. Ils étaient venus au nombre de dix, filles et garçons.

La course plate commença sur une petite piste gazonnée. Les montures couraient les bras ballants, la crinière envolée. Fillettes et garçons étaient en selle, mais les six jockeys des deux sexes inoccupés, armés de baguettes, attendaient de pied ferme, en dedans de la piste sur la pelouse le passage des montures emportant leurs cavaliers.

À chaque passage la baguette cinglait les coureuses au vol, sur les fesses, sur les cuisses, partout où elle pouvait atteindre, soulignant la peau de raies livides, et chaque monture recevait une demi douzaine de cinglées a chaque tour de piste. On voyait ballotter librement les gros tétons des porteuses des écuyères, qui entouraient le cou de leurs bras, tandis que les jeunes cavaliers s’accrochaient des deux mains aux gros tétons rebondis de leurs montures.

La première qui tomba essoufflée, haletante sous son fardeau resta dans cette posture. Tous les cavaliers et les cavalières vidèrent les arçons, se précipitant sur la monture couronnée, qui avait les fesses en l’air, les piétons suivirent. Le jockey désarçonné, lui appliqua deux gifles formidables qui résonnèrent bruyamment sur les fesses claquées.

Toutes les mains défilèrent devant la monture renversée, et claquèrent avec la même rigueur les fesses et les cuisses. La pauvre fille hennissait, jouant son rôle malgré elle au naturel. Elle avait le postérieur comme incendié. Elle dut rester ainsi pendant qu’on courait les autres courses.

Les courses plates recommencèrent. Les six nouveaux jockeys des deux sexes enfourchèrent de nouvelles montures. C’étaient toujours les flexibles baguettes qui stimulaient les coureuses. Çà se termina comme pour la précédente. À la première chute, tous les jockeys, à pied et à cheval, filles et garçons, vinrent fesser à tour de bras la croupe de la monture étendue.

Les courses d’obstacles commencèrent sur des coureuses fraîches. Il y avait à la gauche de chaque obstacle, qui était fait d’une haie haute d’un pied, un piéton armé d’une cravache d’amazone, qui attendait que le jockey abordât l’obstacle, pour cingler un coup dirigé de haut en bas sur la croupe de la monture et l’aider à franchir la petite haie. À chaque obstacle, on en avait mis six, elle rencontrait une cravache qui l’aidait à sauter.

Une monture s’abattit sous son cavalier à un saut d’obstacle. Il mit pied à terre, l’empoigna par sa longue crinière, la relevant par cette prise piquante, qui faisait faire une horrible grimace à la pouliche d’occasion, tandis que la fillette qui était à l’obstacle aidait à la remettre sur pied, en lui détachant en travers cette fois, cinq ou six coups de cravache qui creusèrent des sillons rouges sur la peau mise à vif.

Cette course ne pouvait pas durer longtemps, il en tomba encore trois qui furent relevées de la même façon doublement piquante, et les montures étaient en nage, quand les cavaliers mirent pied à terre. Elles durent attendre ainsi la fin des courses d’obstacles, qui recommencèrent sur de nouvelles montures, les jockeys changeant aussi de rôle. Les cavaliers devenus piétons prirent place devant les obstacles pour aider les montures à les franchir. Ils s’en acquittaient en postillons consciencieux, surtout quand ils avaient l’occasion de relever une monture renversée.

Quand les courses furent finies, les coureuses, dont la plupart avaient la croupe endommagée, eurent la permission de s’envelopper dans des draps apportés là exprès pour s’en retourner au château en courant. Il est vrai que ce jour-là il faisait une chaleur tropicale, ce qui est rare dans ce pays.

Un jour, il y avait six mois que j’étais à son service, la jeune barine eut la fantaisie de mettre ma vigueur à l’épreuve. Elle me fit déshabiller, me harnacha puis posant le pied à l’étrier, elle se mit à califourchon sur mes reins nus.

— Hue, donc, hue Mariska !

Je recevais en même temps un coup sec de cravache asséné par le jeune barine, qui était posté derrière ma croupe. Je fus projetée en avant, faisant un pas malgré moi, je perdis l’équilibre m’écroulant entraînée par un fardeau trop lourd pour mes jeunes épaules de huit ans et demi, et je m’étalai de tout mon long.

Elle me releva furieuse, et après m’avoir appliqué quelques méchants coups de cravache, elle sauta en l’air, retombant avec force les deux pieds écartés sur mes fesses nues, et elle me trépigna avec rage sous ses semelles de cuir, pétrissant mes chairs pendant cinq minutes. Je sanglotais de la belle façon.

Elle m’enleva le harnais pour le mettre à une grosse fille de quinze ans, qui n’avait pas encore servi de monture, mais qui était moulée comme il y en a peu à cet âge. Elle avait une croupe très développée et de véritables cuisses de cavale.

Elle enfourcha sa nouvelle monture, qui l’emporta à travers l’appartement, comme si elle en avait l’habitude, courant à toutes jambes, ce qui ne lui évita pas d’être stimulée par la cravache que maniait le jeune barine, comme s’il eût cravaché le cuir épais d’une pouliche.

Ce stimulant ne devait pas être du goût de la croupe qui le recevait, car les deux fesses sautaient à chaque cinglée. Et quand l’écuyère mit pied à terre, la peau était pointillée de perles rouges.

En dehors des jouets qu’on leur avait donnés et qu’ils fouettaient quand bon leur semblait, on leur confiait de temps en temps la correction des postérieurs des serves de tout âge, pour qu’ils pussent se faire la main. Les deux méchants enfants s’acquittaient de la mission qu’on leur confiait avec un plaisir évident, le jeune barine surtout. Ses yeux de douze ans luisaient de désirs, quand il découvrait le gros derrière d’une femme, et il s’en donnait à cœur joie, fouettant à tour de bras les larges fesses confiées à ses bons soins, sous les yeux de ses parents ravis de voir en leur cher fils de si bonnes dispositions.

Un jour, il avait alors treize ans, ce fut la cuisinière, une femme de trente cinq ans, très conservée, qui n’avait pas été fouettée depuis quelques années, qu’on lui confia. Elle était coupable d’un grand crime, elle avait laissé tourner une sauce que le jeune barine aimait beaucoup aussi le chargea-t-on de l’en punir.

On nous avait menées là, pour nous montrer comment le jeune maître fouettait les femmes. Le père, la mère, et la jeune barine étaient là aussi, se délectant à voir le jeune garçon trousser lui-même cette femme de trente-cinq ans. Elle avait une grosse paire de fesses, qui ressortaient encore davantage, parce qu’on la tenait penchée en avant.

Avant de fouetter la délinquante, le jeune barine s’avança près du gros fessier, et se mit à pincer la peau, tordant la chair dans ses doigts, aux applaudissements de ses parents, qui riaient de voir les jolis dessins rouges que traçait leur fils bien aimé sur ce tableau de viande vivante. La victime piquée au vif geignait pitoyablement.

Devant ce succès le jeune maître pinça les cuisses, les plaintes redoublèrent et aussi les rires des parents qui encourageaient leur jeune héritier à pincer plus fort. Il tordit si férocement la peau de la cuisse gauche qu’il la déchira, et qu’il en sortit du sang.

Enfin, il s’arma d’une nagaïka, sorte de martinet fait de cordes tressées de nœuds, et s’avança près du gros derrière bleui par places.

— Et surtout fouette-la bien fort mon chéri, ne la ménage pas dit la mère. Il y a si longtemps qu’elle n’a pas été fouettée la vilaine gâte-sauce, que son gros postérieur si blanc ne doit pas se souvenir du goût des lanières, mais il a dû devenir si tendre pendant ce trop long repos, qu’il les sentira mieux aujourd’hui.

Elle n’avait pas besoin de lui recommander de frapper fort. Je le vois encore à l’œuvre le cher fils, avec ses yeux qui flamboyaient comme ceux d’un tigre devant de la chair fraîche. Les cordes retombaient avec un bruit sourd, les nœuds s’enfonçaient, laissant des creux rouges aussitôt refermés au milieu des sanglots qu’arrachait la douleur à la fustigée.

Les maîtres semblaient s’amuser joliment à ce spectacle alléchant. Ils encourageaient le jeune héritier par des propos cruels.

— Fouette-la partout, mon fils, fouette-la sur les cuisses, c’est plus piquant sur cette peau si sensible. Bien, bien, tu vois comme elle a l’air de trouver ça bon, bien bon. Donne lui en encore de ces doux baisers si cuisants, si mordants. Il faut tirer un peu de sang à ces grosses fesses qui en ont trop. Vas-y, mon fils, tape dur et sec.

Le jeune maître suivait à la lettre les recommandations de ses bons parents. Pendant une longue demi-heure, les courroies voltigèrent sur les fesses, sur les cuisses entre les cuisses au milieu des vociférations que poussait la victime.

Quand le jeune bourreau jeta l’instrument de torture tout ce qu’on voyait de chair nue, et il y en avait une belle étendue des genoux aux hanches, était de la couleur d’une langouste cuite. Des rubis perlaient sur les fesses et sur les cuisses. Il avait dû appliquer pour arriver à se résultat sur ces fesses si dures près de deux cents coups de cordes. Le jeune barine était un peu essoufflé et suait à grosses gouttes.

Le lendemain ce fut sur les fesses de ma pauvre mère que le jeune barine prit une leçon de fouet. Hélas ! j’en étais la cause involontaire, il est vrai, mais enfin on la fouetta à cause de moi. Ma jeune maîtresse la veille pour une peccadille m’avait abîmé le derrière.

Je rencontrai ma mère sortant de la lingerie où elle avait un emploi. Je me jetai à son cou, lui racontant comment ma jeune maîtresse m’avait arrangé le postérieur. Elle voulut se rendre compte, et comme il n’y avait personne dans le corridor, elle inspecta mes pauvres fesses encore meurtries, me plaignant d’être exposée si jeune à de pareilles tortures.

Elle resta trop longtemps à inspecter mes dessous, ce fut la cause de son malheur. Une surveillante la surprit à s’apitoyer sur mon sort. Elle courut la dénoncer à la maîtresse qui ordonna un châtiment immédiat. La correction fut confiée à la jeune barine. On m’obligea à assister à la représentation avec toutes mes compagnes, pour me montrer comment on guérit les mères de leurs pleurnicheries et de leurs faiblesses maternelles.

D’abord je fermais les yeux. Je ne voulais pas voir, si j’étais forcée d’entendre. Une gifle qui me cingla la joue gauche me fit ouvrir les yeux en m’arrachant un cri. C’était la boïarine, qui, s’apercevant que je fermais les yeux pour ne pas voir fouetter ma mère, m’avait appliqué ce méchant soufflet qui me fit enfler la joue, en me recommandant de ne pas perdre un instant de vue le spectacle qu’on m’avait mis sous les yeux, si je ne voulais pas être fouettée jusqu’au sang à mon tour.

Je dus tenir mes regards fixés sur le théâtre du châtiment, et contempler, spectacle affligeant pour une fille, les fesses qui lui ont donné le jour, abîmées par une méchante gamine. La joue me cuisait, les larmes qui coulaient de mes yeux obscurcissaient ma vue, et je ne voyais qu’indistinctement comme à travers un brouillard le postérieur maltraité.

Mais si je ne voyais pas, j’entendais les coups assénés brutalement sur la peau froissée et les cris arrachés à la pauvre victime. Ces sanglots mêlés au bruit sinistre des verges, car elle se servait de verges, en contact avec la chair assommée, me déchirait le cœur, car je n’aimais que ma mère au monde, et elle me le rendait bien, la pauvre femme, quand on ne nous voyait pas. On n’aimait pas ces sensibleries. Sensibleries, l’amour maternel, l’amour filial ! Il est vrai qu’on nous prenait pour moins que des brutes.

Enfin le brouillard se dissipa. Je vis alors les fesses de ma pauvre mère couvertes d’un véritable tapis rouge, elle qui les avait si blanches. Les cuisses n’avaient pas été plus épargnées que le derrière, elles étaient cramoisies, et toute la partie fouettée se secouait sous la douleur cuisante qui devait la brûler. La verge retombait toujours plus fort.

Cette vue n’était pas faite pour me consoler, et de nouveau mes yeux se remplirent de larmes. Je ne vis plus cet affligeant spectacle, mais j’entendis, jusqu’à la fin de la danse, les sanglots mêlés au bruit sinistre des verges sur la peau tannée et aux encouragements donnés par les parents à la jeune fouetteuse. Tout ça me causait un affreux serrement de cœur.

Quand on délivra ma mère, je ne pus pas constater l’état de ses pauvres fesses qui devaient être joliment arrangées, j’avais toujours un brouillard devant les yeux. Que serais-je devenue, si on m’avait forcée de faire comme une grande fille qui dut fouetter sa mère sous nos yeux ! Il est vrai qu’elle parut se livrer à cet exercice, comme si elle avait eu devant elle le postérieur d’une étrangère.

Elle fouetta sa mère, cette grande fille de seize ans, avec le plus grand sang-froid, obéissant sans sourciller à l’ordre donné, comptant d’une voix assurée jusqu’à trente neuf, appliquant les coup de cordes avec une sévérité que démontraient les fesses qui se tordaient, et les sanglots qui s’échappaient du gosier maternel. Je souffris peut-être plus de voir une fille sans cœur fouetter sa mère sans la moindre émotion, sans le plus léger trouble, qu’en voyant fouetter la mienne.

Pendant cinq ans je reçus le fouet pour l’agrément des maîtres et des visiteurs, et je le vis donner, partageant cet agréable passe temps avec mes compagnes de chaîne, car nous étions dans un véritable bagne. J’eus pendant ce laps de temps l’occasion souvent renouvelée d’assister à des scènes variées de la misérable vie domestique.

Je dis l’agrément des visiteurs. Il y avait plusieurs façons de procurer de l’agrément aux visiteurs de la part des amphitryons, surtout quand l’invité était un homme. En dehors des séances de fouet, auxquelles on les conviait, on mettait à leur disposition une fille de chambre qui servait à deux fins.

Moi, je ne servais qu’à l’une, j’étais encore trop jeune pour l’autre. Aussi on ne me confiait qu’à des dames seules, ou mariées, qui me fouettaient vertement tenue par le mari entre ses cuisses. Ou bien c’était lui qui me fessait, pendant que la dame me tenait sur ses genoux. Puis ils me renvoyaient les fesses en feu.


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