Mémoires (Saint-Simon)/Tome 4/Notes


NOTES


I. Note rectificative remise à M. le duc de Saint-Simon par M. de Chantérac pour établir qu’Uranie de La Cropte-Beauvais était fille légitime de La Cropte-Beauvais et de Charlotte Martel.


Page 8.


Le récit du duc de Saint-Simon repose tout entier sur une erreur principale. Par contrat du 23 décembre 1653, passé à Marennes, devant Baige, notaire héréditaire de Saintonge, dont la grosse, signée Baige, est conservée dans les archives de la Cropte-Chantérac, M. de La Cropte-Beauvois avoit épousé Charlotte Martel, fille de Gédéon Martel, comte de Marennes, et d’Élisabeth de La Mothe-Foucqué (voir dans le P. Anselme, t. VIII, p. 209, la généalogie de Martel). Uranie de La Cropte de Beauvois, née de cette union légitime, n’étoit donc point bâtarde.

Ce n’étoit pas non plus « en mauvaise compagnie » que le comte de Soissons l’avoit connue, mais au Palais-Royal, chez Madame, dont elle étoit demoiselle d’honneur (État de la France, mdclxxviii, t. Ier, p. 484, et Lettres de Mme de Sévigné). Louis XIV étoit devenu très amoureux d’elle, « mais sa vertu inébranlable » lui avoit résisté, et il s’étoit alors tourné vers sa compagne, Mlle de Fontange (Mémoires de la duchesse d’Orléans, princesse palatine).

Dans un autre endroit de ses Mémoires, M. de Saint-Simon parle encore d’une manière inexacte de la situation de la comtesse de Soissons après la mort de son mari, quand il dit qu’elle vécut pauvre, malheureuse, errante, etc. La comtesse de Soissons, outre son héritage paternel et les avantages considérables de son contrat de mariage, possédoit, du chef de sa mère, les terres des comté de Marennes et baronnie de Tonnay-Boutonne (Lettre de la comtesse de Soissons au comte de Chantérac, son cousin, publiée dans le Bulletin de la Société de l’Histoire de France de janvier 1856). Elle avoit de plus, de Madame, une pension de douze mille livres, et n’avoit par conséquent pas besoin de recevoir, « de fois à autre, quelque gratification de M. le duc d’Orléans. » Enfin ce ne fut pas le fils d’Uranie de La Cropte, mais bien son petit-fils, qui mourut au moment où il alloit épouser l’héritière de Massa-Carrara, de la maison de Cibo. Son fils Thomas Emmanuel Amédée de Savoie, comte de Soissons, chevalier de la Toison d’or, etc., avoit épousé Thérèse Anne Félicité, fille du prince de Lichtenstein.


II. Lettre du maréchal de Villars au roi.


Page 26.


La lettre de Villars, que Saint-Simon avoit placée parmi les Pièces de ses Mémoires, se trouve dans les archives du Dépôt de la guerre, vol. 1582, lettre 103. Elle a été publiée dans le tome II, pages 409 et suivantes des Mémoires militaires relatifs à la succession d’Espagne, qui font partie de la collection des Documents inédits relatifs à l’histoire de France. En voici le texte :

« J’avois l’honneur de rendre compte à Votre Majesté, par une assez longue dépêche du 14, de tout ce qui regardoit la prise de Neubourg, qui a coûté M. de La Petitière, capitaine des grenadiers de Crussol. C’est à la valeur de cet officier et à celle du sieur Jorreau, lieutenant-colonel de Béarn, qu’est dû l’heureux succès de cette entreprise. M. le marquis de Biron s’y est conduit à son ordinaire. J’y avois envoyé M. le comte du Bourg pour donner tous les ordres nécessaires, ce qui lui a causé le malheur de ne pouvoir se trouver à la bataille, dont M. de Choiseul aura l’honneur de donner la première nouvelle à Votre Majesté.

« Je fus informé que l’armée de l’empereur, commandée par M. le prince de Bade, se mettoit en marche le 14, et quittoit ses retranchements. Dès le 13, l’infanterie de Votre Majesté et la brigade de Vivans avoient passé le Rhin. Le prince de Neubourg nous faisant voir un mouvement fort vif dans le camp des ennemis, l’on crut qu’il étoit bon de se mettre en mesure, ou d’empêcher leur armée de troubler notre établissement dans notre nouveau poste, ou de l’attaquer, si l’on en détachoit quelque corps d’infanterie pour aller vers Neubourg.

« Sa Majesté comprendra que son armée, ayant été placée au delà du Rhin dès le 13, par les raisons que j’ai eu l’honneur de lui exposer, fut promptement en bataille dans (devant ?) les retranchements des ennemis. Dans la matinée du 14, MM. Desbordes et de Chamarande s’étoient mis à la tête de l’infanterie, laquelle marcha très diligemment pour gagner la crête d’une montagne assez élevée.

« La cavalerie des Impériaux, plus forte de deux mille chevaux que la nôtre, étoit en bataille dans la plaine ; et celle de Votre Majesté fut placée, la gauche au fort de Friedlingen, malgré un assez gros feu de l’artillerie de ce fort, et la droite appuyée à cette montagne que l’infanterie avoit occupée.

« On aperçut en ce moment que l’infanterie des ennemis faisoit tous ses efforts pour gagner la crête de la hauteur, avec cette circonstance qu’elle y montoit en bataille, et que celle de Votre Majesté traversoit des vignes et des hauteurs escarpées qui ralentissoient sa marche.

« Je dois faire observer à Votre Majesté que l’on avoit envoyé à Neubourg deux mille hommes de son infanterie, parmi lesquels étoient plusieurs compagnies de grenadiers, et les deux régiments de dragons de la reine et de Gévaudan. Cependant MM. Desbordes et de Chamarande, qui pressoient les mouvements de l’infanterie, le premier peut-être avec trop d’ardeur, marchoient aux ennemis avec les brigades de Champagne, de Bourbonnois, de Poitou et de la reine. Ils les trouvèrent postés dans un bois assez épais. Les ennemis avoient leur canon, et, malgré une très vive résistance, ils furent renversés et leur canon fut pris. Pendant ce temps-là, M. de Magnac, qui étoit dans la plaine à la tête de la cavalerie, vit celle des ennemis s’ébranler pour venir à la charge ; celle de Votre Majesté étoit dans tout l’ordre convenable. On avoit, dès le matin, recommandé aux cavaliers de ne point se servir d’armes à feu, et de ne mettre l’épée à la main qu’à cent pas des ennemis ; et, à la vérité, ils n’ont pas tiré un seul coup.

« Les Impériaux ont fait les trois quarts du chemin ; M. de Magnac, suivi de M. de Saint-Maurice, qui commandoit la seconde ligne, et s’est conduit en bon et ancien officier, s’est ébranlé de deux cents pas. La charge n’a été que trop rude par la perte de très braves officiers, dont j’aurai l’honneur d’envoyer une liste à Votre Majesté par le premier ordinaire.

« La cavalerie impériale a été entièrement renversée, sans que les escadrons de celle de Votre Majesté se soient démentis ; ils ont mené les ennemis jusqu’à un défilé qui les a fait perdre de vue, sans qu’ils se soient écartés pour le pillage ni pour faire des prisonniers.

« Les nouveaux régiments n’ont pas cédé aux anciens ; et pour nommer ceux qui se sont distingués, il n’y a qu’à voir l’ordre de bataille : M. de Vivans, commandant de la cavalerie ; M. Dauriac ; M. de Massenbach, colonel réformé, commandant par son ancienneté la brigade de Condé, a fait des merveilles ; M. le marquis du Bourg, colonel du régiment royal ; M. le prince de Tarente, capitaine dans ce même régiment ; M. de Saint-Pouange ; Fourquevaux, qui a sept étendards des ennemis dans son nouveau régiment ; M. de Conflans, brigadier. En un mot, je puis dire à Votre Majesté qu’elle peut compter que cette cavalerie s’est surpassée, et elle peut juger de la perte des Impériaux par la prise de trente étendards et de trois paires de timbales. Nous voyous, par des ordres de bataille pris aux ennemis, qu’ils avoient cinquante-six escadrons. Votre Majesté en avoit trente-quatre, les six de la reine et de Gévaudan ayant été détachés la veille pour marcher vers Neubourg.

« Notre infanterie avoit défait et renversé, par trois charges différentes, celle des ennemis, et pris leur canon ; mais sa trop grande ardeur, jointe à la mort de M. Desbordes, lieutenant général, et à celle de M. de Chavannes, brigadier, la porta à sortir dans la plaine, après avoir chassé les ennemis du bois, et à perdre ainsi son avantage. M. de Chamarande, qui dans tout le cours de cette action s’est parfaitement distingué, MM. de Schelleberg et du Tot, ne purent empêcher qu’elle ne revînt. Cependant on peut juger de l’avantage qu’elle a eu sur les ennemis, puisqu’elle leur a pris plusieurs drapeaux sans en avoir perdu un seul.

« Tous les jeunes colonels y ont montré une valeur infinie. MM. de Seignelay, de Nangis, de Coetquen, le jeune Chamarande, le comte de Choiseul, de Raffetot, ont toujours été dans le plus grand péril et le plus gros feu. Les ennemis ont eu plus de trois mille hommes tués sur le champ de bataille ; ils n’ont pas de nos prisonniers. Nous savons que le général Stauffemberg y a été tué. On dit aussi que le comte de Fürstemberg-Stühlingen, les comtes de Hohenlohe, Koenigseck et deux autres colonels sont prisonniers, avec vingt-cinq autres officiers.

« Le comte de Hohenlohe demande de pouvoir aller à Bâle sur parole. Nous avons été aujourd’hui sur le champ de bataille, et les endroits où leurs bataillons ont été défaits sont marqués par quantité d’armes abandonnées.

« Cependant le temps qu’il a fallu pour remettre quelque ordre dans notre infanterie a sauvé celle des ennemis. Le chevalier de Tressemane, major général, y a parfaitement bien servi, aussi bien que le sieur de Beaujeu, maréchal des logis de la cavalerie. On a poussé les ennemis une lieue et demie au delà du champ de bataille, sur lequel l’armée de Votre Majesté a campé. On croyoit quatre petites pièces de canon égarées, mais elles ont été retrouvées ce matin. Jusqu’à présent on n’en a que deux de celles des ennemis ; mais j’en ai vu sept ou huit autres derrière notre infanterie. Il est rare et heureux, dans une affaire aussi rude et aussi disputée, que l’armée de Votre Majesté n’ait perdu ni drapeaux, ni étendards, ni timbales, et que l’on en ait plus de trente-quatre de ceux des ennemis. Voilà, Sire, le compte que je dois avoir l’honneur de rendre à Votre Majesté d’un avantage bien ordinaire à ses armes toujours victorieuses.

« Nous apprenons dans le moment que le comte (le Fürstemberg est mort de ses blessures. Ce seroit une grande perte pour l’empereur et pour M. le prince de Bade, dont il étoit l’homme de confiance. »


III. Retour de la princesse des Ursins en Espagne.


Pages 414 et 431.


Les papiers du duc de Noailles, conservés en partie à la bibliothèque impériale du Louvre, fournissent d’utiles renseignements pour contrôler les Mémoires de Saint-Simon, principalement en ce qui concerne les affaires d’Espagne. Voici, entre autres, deux lettres se rattachant au retour de la princesse des Ursins, dont Saint-Simon parle. La première est une dépêche de Louis XIV au duc de Grammont, ambassadeur en Espagne, et la seconde une lettre du duc de Grammont au maréchal de Noailles.


Dépêche de Louis IV au duc de Grammont.[1]


Versailles, le 13 janvier 1705.

« Mon cousin, depuis que j’ai parlé à la princesse des Ursins, il m’a paru nécessaire de la renvoyer en Espagne, et d’accorder enfin cette grâce aux instances pressantes du roi mon petit-fils et de la reine. J’ai jugé en même temps qu’il convenoit au bien de mon service de vous charger de donner à la reine une nouvelle qu’elle désire avec autant d’empressement. Ainsi je fais partir le courrier qui sera chargé de cette dépêche avant même que d’annoncer à la princesse des Ursins ce que je veux faire pour elle. Je ne vous prescris point ce que vous avez à dire sur ce sujet. Il vous donne assez de moyens par lui-même de faire connoître au roi et à la reine d’Espagne la tendresse que j’ai pour eux, et combien je désire de contribuer à leur satisfaction.

« Je dirai encore à la princesse des Ursins que vous m’avez toujours écrit en sa faveur. Je suis persuadé qu’elle connoît l’importance dont il est, pour le bien des affaires et pour elle-même, de bien vivre avec vous, et qu’elle n’oubliera rien pour maintenir cette bonne intelligence. Si vous en jugez autrement, je serai bien aise que vous me mandiez, avec toute la vérité que je sais que vous ne me déguisez jamais, ce que vous en pensez, et même si vous croyez qu’il ne vous convienne pas de demeurer en Espagne après son retour.

« Cette sincérité de votre part confirmera ce que j’ai vu en toutes occasions de votre zèle pour mon service et de votre attachement particulier à ma personne. Vous devez croire aussi que ces sentiments me sont toujours présents, et que je serai bien aise de vous faire connoître en toutes occasions combien ils me sont agréables.

« Je renverrai incessamment le courrier par qui j’ai reçu votre lettre du 1er de ce mois, et je vous ferai savoir par son retour mes intentions sur ce qui regarde le siège de Gibraltar. Sur ce, » etc.


Lettre du duc de Grammont au maréchal de Noailles sur Mme des Ursins[2]. (Copie du temps.)


« 15 janvier 1705.

« Vous me demandez, monsieur, de la franchise et un développement de cœur au sujet de Mme des Ursins. Je vais vous satisfaire ; car je vous honore et vous aime trop pour y manquer. Je commencerai par vous détailler quelle est ma situation à cet égard. Le roi me mande, par sa lettre du 30 novembre dernier, qu’il a permis à Mme des Ursins de venir à la cour, mais que son retour ici seroit très contraire à son service. M. de Maulevrier, qui vient de quitter le maréchal de Tessé, sort de me dire qu’il est vrai que M. de Tessé a donné des espérances à la reine du retour de Mme des Ursins auprès d’elle ; mais tout ce qu’il a fait à cet égard, il l’a fait par ordre. Si j’ajoutois une foi entière à ce qu’il m’a fait dire, la chose seroit décidée ; mais comme mon ordre est contraire, et que vous voulez que je vous dise précisément ce que je pense sur ce retour, je vais le faire avec toute la vérité dont je suis capable.

« S’il étoit dans la nature de Mme des Ursins de pouvoir revenir ici avec un esprit d’abandon et de dévouement entier aux volontés et aux intérêts du roi, et que l’ambassadeur de Sa Majesté, je ne dis pas moi, mais qui que ce pût être, et elle, ne fussent qu’un, et que tous deux agissent de concert sur toutes choses, sans bricoles quelconques, et que, par ce moyen, la reine d’Espagne ne se mêlant plus de rien que de ce que l’on voudroit, et qu’il pût paroître par là aux Espagnols que ce n’est plus la reine et sa faction qui gouvernent l’Espagne, qui est la chose du monde qu’ils ont le plus en horreur, et la plus capable de leur faire prendre un parti extrême, rien alors, selon moi, ne peut être meilleur que de faire revenir Mme des Ursins ; mais comme ce que je dis là n’est pas la chose du monde la plus certaine, et que le roi d’Espagne me l’a dit, et qu’il craint de retomber où il s’est trouvé, le tout bien compensé, je crois que c’est coucher gros et risquer beaucoup que de s’y commettre, et je dois vous dire que les trois quarts de l’Espagne seront au désespoir, que les factions renouvelleront de jambes, et que, de tous les Espagnols, celui qui sera le plus fâché intérieurement sera le roi d’Espagne, de se revoir tomber dans le temps passé, qui est sa bête.

« La reine d’Espagne le force d’écrire sur un autre ton, et il ne peut le lui refuser, parce qu’il est doux et qu’il ne veut point de désordre ; mais en même temps il me charge par la voie secrète d’écrire au roi naturellement ce qu’il pense, et il le lui confirme par la lettre ci-jointe de sa main, que je vous envoie [3]. En un mot, monsieur, le roi ne sera jamais maître de ce pays-ci qu’en décidant sur tout par lui-même, qui est tout ce que le roi son petit-fils désire, pour se tirer de l’esclavage où il est, d’avoir une espèce de salve l’honor à l’égard de la reine ; et les Espagnols ne demandent autre choie que d’être gouvernés par leur roi. Je vous parlerois cent ans que je ne vous dirois pas autre chose ; c’est ce que vous pouvez dire au roi tête à tête, sans que cela aille au conseil, par les raisons que je vous ai déjà dites. Je vous mande la vérité toute nue, et comme si j’étois prêt à paroître devant mon Dieu. C’est ensuite au roi, qui a meilleur esprit que tous tant que nous sommes, de prendre sur cela le parti qui lui conviendra.

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 « Il faut que le roi porte par une autorité absolue le correctif nécessaire. Toute l’Espagne parle comme moi, et c’est à la veille de débonder si le gouvernement despotique de la reine subsiste, et il n’est ni petit ni grand qui n’en ait par-dessus la tête, et le roi d’Espagne et tout ce que vous connoissez ici d’honnêtes gens ne respirent que les ordres absolus du roi pour s’y soumettre aveuglément. Mon honneur, ma conscience, mon zèle et nia fidélité intègre et incorruptible pour le bien du service de mon maître, m’obligent à lui parler de la sorte ; quiconque sera capable de lui parler autrement le trompera avec indignité. L’Espagne est perdue sans ressource ci le gouvernement reste comme il est, et que le roi notre maître n’en prenne pas seul le timon. Le cardinal Portocarrero, Mancera, Montalte, San-Estevan, Monterey, Montellano [4], et généralement tout ce qu’il y a de meilleur et de véritablement attaché à la monarchie, concertent tous le moyen d’en parler au roi et de lui en parler clairement. Que le roi ne se laisse donc pas abuser par les discours, et qu’il s’en tienne à la vérité, que j’ai l’honneur de lui mander par vous. Le marquis de Monteléon, qui est un homme plein d’honneur et d’esprit, part incessamment pour vous aller confirmer de bouche ce que j’ai l’honneur de mander au roi.

« De l’argent, nous en allons avoir, même considérablement, et l’on vient de faire une affaire de quatorze millions de livres, qu’on n’imaginoit pas qui s’osât jamais tenter, et que, depuis Charles-Quint, nul homme n’avoit eu la hardiesse de proposer. Nous aurons la plus belle cavalerie qu’on puisse avoir ; quant à l’infanterie, l’on ne perd pas un instant à songer aux moyens de la remettre ; il y aura des fonds fixes et affectés pour la guerre, qui seront inaltérables ; et si nous pouvons reprendre Gibraltar, on sera en état de faire une campagne heureuse. J’espère pareillement venir à bout du commerce des Indes. Après cela, si le roi imagine que quelqu’un fasse mieux à ma place, je m’estimerai très heureux de me retirer, et je ne lui demande pour toute récompense que de me rapprocher de sa personne, d’avoir encore le plaisir, avant de mourir, de lui embrasser les genoux, et de songer ensuite à finir comme un galant homme le doit faire.

« Tout ce que je vous demande là, monsieur, est d’une si terrible conséquence pour le roi d’Espagne et pour moi, que je vous supplie qu’il n’y ait que le roi, et vous, et Mme de Maintenon qui le sachent. J’ai raison, monsieur, de vous en parler de la sorte. Tout ce qui regarde la reine d’Espagne lui revient dans l’instant, je n’en puis douter ; ainsi les précautions doivent renouveler de jambes. Depuis le retour de Mme des Ursins, vous ne sauriez avoir trop d’attention et trop de secret sur ce que j’ai l’honneur de vous dire.

« Montoléon part qui vous mettra bien nettement au fait de toutes ces petites bagatelles.

« Si le roi savoit à fond la manière fidèle et pleine d’esprit dont le P. Daubenton le sert, et de laquelle j’ai toujours été témoin oculaire, il ne se peut que Sa Majesté ne lui en sût un gré infini : je dois ce témoignage à la vérité et au zèle d’un sujet bien attaché par le cœur à son maître. »


fin des notes du quatrième volume.

  1. La copie de cette lettre se trouve à la bibl. imp. du Louvre, ms. F. 325, t. XXI, lettre 4.
  2. Bibl. imp. du Louvre, ms. F. 325, t. XXI, lettre 8.
  3. Lettre du 15 janvier 1705.
  4. Voy., dans le tome III des Mémoires de Saint-Simon, p. 4 et suiv., le caractère des principaux membres du conseil de Philippe V.