Mémoires (Saint-Simon)/Tome 15/11


CHAPITRE XI.


M. le duc d’Orléans mène M. le duc de Chartres aux conseils de régence et de guerre, sans y opiner. — Entreprises du parlement. — Mort et dépouille de Simiane et du grand fauconnier des Marais. — Madame assiste scandaleusement à la thèse de l’abbé de Saint-Albin. — Ballet du roi, qui s’en dégoûte pour toujours. — M. [le duc] et Mme la duchesse de Lorraine à Paris. — Bassesse de courtisan du duc de Lorraine. — M. le Duc et ensuite Mme la duchesse de Berry donnent une fête à M. et à Mme de Lorraine. — Insolence de Magny punie ; quel il étoit et ce qu’il devint. — M. de Lorraine va voir plaider à la grand’chambre, puis à la Bastille, et dîner chez le maréchal de Villeroy. — Objet et moyens du duc de Lorraine dans ce voyage. — Il est ennemi de la France. — Ses demandes sans droit ni prétexte. — Ses lueurs mises au net par moi au régent. — Altesse royale, pourquoi et quand accordée au duc de Savoie. — Le régent entraîné à tout accorder au duc de Lorraine. — Ses mesures pour l’exécution. — Caractère de Saint-Contest, nommé pour faire le traité avec le duc de Lorraine, qui obtient un grand démembrement en Champagne en souveraineté, et le traitement d’Altesse Royale. — Misère du conseil de régence. — Le régent tâche inutilement, par Saint-Contest et par lui-même, de vaincre ma résistance au traité ; vient enfin à me prier de m’absenter du conseil de régence le jour que ce traité y sera porté. — J’y consens. — Il m’en arriva de même lorsque le régent accorda le traitement de Majesté au roi de Danemark, et celui de Hautes Puissances aux États généraux des Provinces-Unies. — Le traité passe sans difficulté au conseil de régence ; est de même aussitôt après enregistré au parlement. — Départ de M. et de Mme de Lorraine. — Audacieuse conduite du duc de Lorraine, qui ne voit point le roi. — Le grand-duc [de Toscane] et le duc de Holstein-Gottorp, sur l’exemple du duc de Lorraine, prétendent aussi l’Altesse Royale, et ne l’obtiennent pas. — Bagatelles entre M. le duc d’Orléans et moi. — Mme de Sabran ; quelle. — Son bon mot au régent. — Conduite [du régent] avec ses maîtresses.


M. le duc d’Orléans, à l’insu de tout le monde, mena, le 30 janvier, M. son fils au conseil de régence, auquel il fit un petit compliment, et dit qu’il n’opineroit point, qu’il venoit seulement pour apprendre. Je n’ai point su qui lui donna ce conseil prématuré, qui n’a pas rendu grand fruit. Il le mena le lendemain au conseil de guerre. M. le Duc y faisoit une tracasserie au maréchal de Villars sur la liasse de ce conseil qu’il portoit au régent, lequel, par son goût pour les mezzo-termine, régla qu’elle ne lui seroit plus portée, et qu’il irait au conseil de guerre tous les quinze jours où il lui seroit rendu compte de ce qui s’y seroit fait pendant la quinzaine.

Il envoya en ce même temps d’Effiat au premier président, donna des audiences au premier président seul, puis à lui et aux gens du roi ensemble ; enfin, une le 7 février aux députés du parlement, qui, par la bouche du premier président attaquèrent fort les divers conseils, comme embarrassant et allongeant les affaires, matière fort étrangère au parlement, où même elle avoit passé le jour de la régence. Ils ne laissèrent pas d’être traités plus que fort honnêtement.

Simiane, l’un des deux premiers gentilshommes de la chambre de M. le duc d’Orléans, mourut, et sa charge fut donnée à son frère. Il avoit eu à la mort de Grignan, son beau-père, l’unique lieutenance générale de Provence, de vingt-sept mille livres de rente, et un brevet de retenue de deux cent mille livres, et ne laissa point d’enfants. Un mois après elle fut donnée à Brancas, devenu longtemps après grand d’Espagne et maréchal de France, qui étoit de mes amis, et pour le fils duquel j’en obtins la survivance dans la suite. Des Marais, grand fauconnier, mourut en ce même temps jeune et obscur : on a vu en son lieu comment son fils enfant avoit eu sa survivance.

M. le duc d’Orléans avoit de la comédienne Florence un bâtard qu’il n’a jamais reconnu et à qui néanmoins il a fait une grande fortune dans l’Église. Il le faisoit appeler l’abbé de Saint-Albin. Madame, si ennemie des bâtards et de toute bâtardise, s’étoit prise d’amitié pour celui-là avec tant de caprice, qu’à l’occasion d’une thèse qu’il soutint en Sorbonne, elle y donna le spectacle le plus scandaleux et le plus nouveau, et en lieu où jamais femme, si grande qu’elle pût être, n’étoit entrée ni ne l’avoit imaginé. Telle étoit la suite de cette princesse. Toute la cour et la ville fut invitée à la thèse et y afflua. Conflans, premier gentilhomme de la chambre de M. le duc d’Orléans, en fit les honneurs, et tout s’y passa de ce côté-là comme si M. le duc de Chartres l’eût soutenue. Madame y alla en pompe, reçue et conduite à sa portière par le cardinal de Noailles, sa croix portée devant lui. Madame se plaça sur une estrade qu’on lui avoit préparée dans un fauteuil. Les cardinaux-évêques et tout ce qui y vint de distingué se placèrent sur des sièges à dos, au lieu de fauteuils. M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans furent les seuls qui n’y allèrent pas, et moi je n’y allai pas non plus. Cette singulière scène fit un grand bruit dans le monde ; jamais M. le duc d’Orléans et moi ne nous en sommes parlé.

Le maréchal de Villeroy, adorateur du feu roi jusque dans les bagatelles et très attentif à les faire imiter au roi de bonne heure, lui fit danser un ballet, plaisir qui n’étoit pas encore de son âge, et lui ôta pour toute sa vie, par cette précipitation, le goût des bals, des ballets, des spectacles et des fêtes, quoique ce divertissement eût tout le succès qu’on s’y pût proposer ; mais le roi, se trouva excédé de l’apprendre, d’essayer des habits, encore plus de le danser en public.

Le duc de Lorraine, tout tourné et dévoué qu’il fût à la cour de Vienne, n’étoit pas homme à négliger les avantages qu’il pourroit tirer de la facilité du régent dont il avoit l’honneur d’être beau-frère, et l’amitié tendre de ce prince pour une sœur avec qui il avoit été élevé, de sa faiblesse pour Madame, qui n’avoit à l’allemande des yeux que pour son gendre et pour sa grandeur. Ce qu’il avoit éprouvé làdessus au voyage qu’il avoit fait pour rendre au feu roi son hommage, pour le duché de Bar, lui devint une raison décisive d’en faire un second à Paris, sous l’étrange incognito du nom de comte de Blamont pour voiler tout ce à quoi il ne pouvoit atteindre.

Cette petite cour arriva de très grande heure, le vendredi 18 février, rencontrée au deçà de Bondy par Madame, qui avoit dans son carrosse M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans, M. le duc de Chartres et Mme de Valois, depuis duchesse de Modène. Elle y fit monter M. et Mme de Lorraine qui, n’étant point incognito par son rang décidé de petite-fille de France, et de rang égal à Mme la duchesse d’Orléans qui lui fit les honneurs du carrosse de Madame, se mit au fond avec elle. Mme la duchesse d’Orléans sur le devant avec M. de. Chartres et Mlle de Valois, où M. le duc d’Orléans n’eût pu tenir en troisième avec elle, qui se mit à une portière et le duc de Lorraine à l’autre.

Ils arrivèrent et logèrent au Palais-Royal dans l’appartement de la reine mère, que M. le duc de Chartres leur céda. Un moment après ils allèrent tous à l’Opéra dans la grande loge de Madame, d’où M. le duc d’Orléans mena le duc de Lorraine voir un moment Mme la duchesse de Berry dans la sienne, et le ramena dans la loge de Madame. Au sortir de l’Opéra, Mme la duchesse de Lorraine vit quelques moments du monde dans son appartement, où elle avoit trouvé en arrivant une commode pleine des plus riches galanteries, qui fut un présent de Mme la duchesse de Berry, et force belles dentelles, qui en fut un de Mme la duchesse d’Orléans. Elle descendit chez elle, où il y eut grand jeu et grand souper. Avant de se retirer, Mme de Lorraine vit d’une loge le bal de l’Opéra. Le dîner fut toujours chez Madame, et le souper chez Mme la duchesse d’Orléans, où M. le duc d’Orléans soupa fort rarement et ne dînoit point. Il prenoit du chocolat, entre une heure et deux heures après midi, devant tout le monde : c’étoit l’heure la plus commode de le voir.

C’est ce qui a dérangé l’heure du dîner depuis, et les dérangements une fois établis ne se réforment plus. Le lendemain de leur arrivée ils virent la comédie italienne sur le théâtre de l’Opéra, après quoi M. le duc d’Orléans les mena à Luxembourg voir Mme la duchesse de Berry, où la visite se passa debout.

Le dimanche, Madame mena Mme la duchesse de Lorraine aux Tuileries. Le roi, qui dînoit, se leva de table et alla embrasser Mme la duchesse de Lorraine. Il se remit à table, et elles le virent dîner de dessus leurs tabourets. Lorsque le roi sortit de table elles s’en allèrent dîner chez Madame, où le duc de Lorraine les attendoit. Ensuite Madame mena Mme de Lorraine aux Carmélites du faubourg Saint-Germain, où Mme la duchesse de Berry se trouva, qui y avoit un appartement. Le lundi après dîner, Mme la duchesse de Lorraine alla voir Mme la grande-duchesse, et le lendemain toutes les princesses du sang, qui toutes l’avoient vue chez elle, se masqua après souper, et alla en bas au bal de l’Opéra. Il y eut toujours beaucoup de dames aux soupers avec elle chez Mme la duchesse d’Orléans.

Le jeudi 24 février, le roi fut au Palais-Royal voir Mme la duchesse de Lorraine. M. de Lorraine, qui n’oublioit rien pour plaire au régent et pour en obtenir ce qu’il se proposoit, lui demanda pour le chevalier d’Orléans la lieutenance générale de Provence. Cela ne déplut pas au régent, mais il répondit qu’il avoit d’autres vues.

Le samedi 26 février, il y eut un banquet superbe à l’hôtel de Condé pour M. [le duc] et Mme la duchesse de Lorraine. M. le Duc y avoit invité grand nombre de dames, qui toutes furent extrêmement parées et Mme de Lorraine aussi. Il y eut beaucoup de tables, toutes magnifiquement servies en gras et en maigre. Ce fut une nouveauté que ce mélange, qui fit quelque bruit. On se masqua après souper.

Le lundi 28 février, Mme la duchesse de Berry donna le soir à M. [le duc] et à Mme la duchesse de Lorraine la plus splendide et la plus complète fête qu’il fût possible en toute espèce de magnificence et de goût. Mme de Saint-Simon, qui l’ordonna toute et qui en fit les honneurs, eut tout l’honneur que de telles bagatelles peuvent apporter par le goût, le choix, l’ordre admirable avec lequel tout fut exécuté. Il y eut une table de cent vingt-cinq couverts pour les dames conviées, toutes superbement parées, et pas une en deuil, et une autre de pareil nombre de couverts pour les hommes invités. Les ambassadeurs, qui le furent tous, ne s’y voulurent pas trouver, parce qu’ils prétendirent manger à la table où seroient les princes du sang, lesquels mangèrent avec le duc de Lorraine, tous sans rang, à la table des dames où étoit Mme la duchesse de Berry, fille de France, avec qui les ambassadeurs ne pouvoient pas manger, ni, pour en dire la vérité, M. de Lorraine non plus sous son incognito, mais qui y mangea pourtant sans difficulté. Le palais de Luxembourg étoit admirablement illuminé en dedans et en dehors.

Le souper fut précédé d’une musique et suivi d’un bal en masque, où il n’y eut de confusion que lorsque Mme la duchesse de Berry et Mme de Lorraine en voulurent, pour s’en divertir. Tout Paris y entra masqué. Mlle de Valois ne se trouva point au souper, mais au bal seulement : je n’en ai point su ni deviné la raison. Trois ou quatre personnes non invitées et non faites pour l’être se fourrèrent hardiment à la table des hommes. Saumery, premier maître d’hôtel de Mme la duchesse de Berry, leur en dit son avis, par son ordre, au sortir de table. Ils ne répondirent rien et s’écoulèrent, excepté Magny, qui dit tant d’insolences que Saumery le prit à la cravate pour le conduire à Mme la duchesse de Berry, et l’eût exécuté, si Magny n’eût trouvé moyen de s’en dépêtrer, et de se sauver hors du Luxembourg dans la ville, où le lendemain il continua à débiter force sottises.

Il étoit fils unique de Foucault, conseiller d’État [1], qui s’étoit élevé par les intendances, et qui, par un commerce de médailles, s’étoit fait une protection du P. de La Chaise. Tous deux s’y connoissoient fort, et en avoient ramassé de belles et curieuses collections. Foucault eut ainsi le crédit de faire succéder ce fils à l’intendance de Caen, lorsqu’il la quitta pour une place de conseiller d’État. Les folies que fit Magny dans une place si sérieuse et les friponneries dont il fut convaincu furent si grossières et si fortes, qu’il fut rappelé avec ignominie, et que, n’osant plus se présenter au conseil ni espérer plus aucune fortune de ce côté-là, il se défit de sa charge de maître des requêtes, prit une épée, battit longtemps le pavé, et après la mort du roi essaya de se raccrocher par une charge d’introducteur des ambassadeurs que le baron de Breteuil lui vendit.

C’est à ce titre qu’il se fourra à table à cette fête, et que par ses insolences il se fit mettre deux jours après à la Bastille, après que Mme la duchesse de Berry en eut fait une honnêteté à Madame, parce que Foucault étoit chef de son conseil. Magny, au sortir de la Bastille, eut ordre de se défaire de sa charge, qui avoit besoin d’un homme plus sage auprès des ministres étrangers. La rage qu’il conçut de ce qu’il méritoit et qu’il étoit allé chercher le jeta parmi les ennemis du gouvernement, qui faisoient alors recrue de tout, et qui trouvèrent en lui de l’esprit et beaucoup de hardiesse. Il s’embarqua en tout, et passa bientôt en Espagne. Il y fut bien reçu et bien traité, et quoiqu’il n’eût jamais été que de robe, il fut colonel, et tôt après brigadier. Je m’étends sur lui, parce que je l’y trouvai majordome de la reine. Il expédioit fort promptement ce qu’il touchoit, trouvoit fort mauvais de ne faire pas assez tôt fortune, et l’indigence où il se jetoit lui-même. La mauvaise humeur le rendit fort impertinent, et le fit honteusement chasser, tellement qu’après la mort du régent, il repassa les Pyrénées dans l’espérance du changement des temps. Mais comme les brouillons n’étoient plus nécessaires à ceux qui les avoient recherchés pendant la vie de ce prince, Magny demeura sur le pavé, chargé de mépris et de dettes pour le malheur d’une fort honnête femme et riche, qu’il avoit épousée, lorsqu’il étoit à Caen, et qu’il avoit sucée et abandonnée. Il a depuis traîné une vie obscure et misérable, et [est] retourné enfin en Espagne où le même mépris et la même indigence l’ont suivi.

M. de Lorraine alla courre le cerf à Saint-Germain avec les chiens du prince Charles. Le duc de Noailles n’eut garde de manquer cette occasion de faire sa cour au régent. Il donna à M. de Lorraine un grand retour de chasse au Val. De son côté, Mme la duchesse de Lorraine alla voir deux sœurs du duc d’Elboeuf, religieuses, l’une à Pantemont, l’autre fille de Sainte-Marie à la rue Saint-Jacques. Le lundi 7 mars, le duc de Lorraine alla ouïr plaider dans une des lanternes de la grand’chambre ; de la voir la Bastille, puis dîner à l’hôtel de Lesdiguières où le maréchal de Villeroy le traita magnifiquement, avec beaucoup de dames, et leur donna une grande musique. Quelques jours après, M. de Lorraine dîna chez l’ambassadeur de l’empereur : il étoit là plus dans son centre. Mme la duchesse de Lorraine fut voir danser le ballet du roi, et quelques jours après voir, avec M. de Lorraine, Mlle sa nièce à Chelles, qui y avoit pris l’habit, puis avec Madame aux Carmélites, où Mme la duchesse de Berry se trouva. Mme et M. le duc d’Orléans firent chacun un présent magnifique à Mme la duchesse de Lorraine, dont le séjour à Paris fut à diverses fois prolongé. Le 15 mars, Mme la duchesse de Berry alla de bonne heure se baigner à Saint-Cloud ; M. le duc d’Orléans y mena Mme la duchesse de Lorraine l’après-dînée. Ils soupèrent tous de fort bonne heure dans la petite maison de Mme de Maré, avec elle, leur ancienne gouvernante, et ce souper fut poussé fort tard. Le duc de Lorraine avoit dîné le même jour chez la comtesse d’Harcourt, dont le mari avoit eu la pension de seize mille livres de notre monnaie, qu’il donnoit au feu prince Camille. M. de Lorraine fut quelques jours après voir Chantilly ; après, avec Mme la duchesse de Lorraine, voir Mme la princesse de Conti, fille du roi, à Choisy, et voir encore Mademoiselle à Chelles. Mme la duchesse de Lorraine, étant au Cours, y trouva le roi, et arrêta devant lui comme de raison. Le roi passa dans son carrosse sans lui rien dire. Le lendemain, le duc de Lorraine alla voir la reine d’Angleterre à Saint-Germain, et Mme de Lorraine fut à la comédie française, qu’elle n’avoit vue que sur le théâtre de l’Opéra. Le même soir M. le duc d’Orléans soupa avec le duc de Lorraine à Luxembourg chez Mme la duchesse de Berry. Le 29 mars, M. et Mme de Lorraine allèrent voir Versailles, et le 1er avril de bonne heure voir Marly, rabattirent à Saint-Cloud, où M. le duc d’Orléans les promena fort et leur donna à souper dans la petite maison de Mme de Maré, avec elle quelques jours après M. le duc d’Orléans les mena dîner chez d’Antin.

Tout ce voyage et tous ces divers délais n’avoient d’objet que l’arrondissement de la Lorraine, dont aucun duc ne gagna jamais tant, si gros ni à si bon marché que celui-ci, et ne fut pourtant jamais si peu considérable. M. le duc d’Orléans aimoit fort Mme sa sœur, avec laquelle il avoit été élevé et [avait] vécu jusqu’à son mariage avec le duc de Lorraine. Il avoit pour Madame un respect timide, qui opéroit une déférence extrême quand elle n’attaquoit ni ses goûts ni ses plaisirs, et Madame, qui aimoit extrêmement Mme sa fille, avoit une passion aveuglément allemande pour le duc de Lorraine son gendre, pour sa famille, pour sa grandeur. Il étoit parfaitement bien informé de toutes ces choses ; il en avoit eu de grandes preuves en son premier voyage, comme on l’a vu alors. Tout autrichien qu’il étoit, il avoit eu grand soin de cultiver ces dispositions par toutes les attentions possibles de Mme sa femme et de lui-même, et il en sut tirer le plus grand parti dans cette régence de M. le duc d’Orléans, dont il ne manqua pas la conjoncture. Ainsi dans le temps le plus mort pour lui, où sans placés, sans troupes, environné, enchaîné de toutes parts par la France, il ne pouvoit être d’aucun usage à qui que ce soit en aucun temps, il n’en conçut pas moins le dessein de s’étendre très considérablement en Champagne, et d’obtenir du roi le traitement d’Altesse Royale.

Pour le premier il étala de vieilles prétentions usées dans tous les temps, réprouvées même avec l’appui de l’empereur dans les divers traités de paix ; enfin anéanties par les derniers, et singulièrement par celui en vertu duquel il étoit rentré dans la possession de la Lorraine. Il exposa aussi des dédommagements ineptes d’injustices prétendues du temps du vieux duc Charles IV de Lorraine, dont les perfidies avoient tout mérité, et le dépouillement par la France, et bien des années de prison en Espagne, dont il ne sortit qu’à la paix des Pyrénées, dédommagement dont il ne s’étoit jamais parlé depuis, et que M. de Lorraine n’articula que comme une grâce qu’il espéroit de l’amitié et de l’honneur de la proximité. Qui lui auroit proposé à lui-même de restituer les usurpations sans nombre faites par sa maison aux Trois-Évêchés, et le dédommagement de tout ce qui a été arraché et démembré par leurs évêques de la maison de Lorraine et par les ducs de Lorraine aussi, et incorporé jusqu’à aujourd’hui à leur domaine, il auroit été bien confondu par les titres qui lui en pouvoient être représentés en preuves bien solides, et n’auroit pas eu la moindre défense à opposer au droit ni à apporter à la puissance, si la volonté de s’en faire justice y eût été jointe, comme elle devoit et pouvoit l’être dans la situation présente alors de l’Europe, et avec un prince qui, pendant les plus grands malheurs, de la dernière guerre du feu roi pour la succession d’Espagne, avoit, à la Guise, ourdi toutes les perfidies qu’on a vues ici en leur lieu, et les trames les plus funestes au feu roi et à la France, pour élever sa grandeur sur ses ruines ; audace et trahison qui ne se devoit jamais oublier, suivant la sage maxime qui a toujours rendu si redoutable la maison d’Autriche, jusque dans les temps où elle l’a paru le moins, et qui a été le plus ferme appui de sa solide grandeur et de cette espèce de dictature qu’elle a si longtemps et si utilement pour elle exercée en Europe, dont le démembrement d’Espagne n’a pu encore la déprendre.

À l’égard du traitement, il posoit un principe d’exemple dont il sentoit bien tout le faux, mais qu’il entortilloit et replâtroit avec souplesse, parce qu’il n’est rien de si bas que la hauteur, quand elle est grande mais impuissante, ni bassesse qu’elle ne fasse pour parvenir à ses fins. Son grand moyen étoit l’exemple du duc de Savoie, beau-frère comme lui de M. le duc d’Orléans, et qui n’étoit pas de si bonne maison que lui, différence de traitement qu’il ne pouvoit regarder que comme très déshonorante entre deux souverains, égaux d’ailleurs en souveraineté et en proximité, comme étant maris des deux sœurs qui par elles-mêmes avoient le traitement d’Altesse Royale, comme petites-filles de France, qu’il étoit bien dur que la duchesse de Savoie eût communiqué au duc son époux, tandis que lui demeuroit privé du même avantage.

Il tâchoit ainsi de parer à la réponse sur le traitement même qui se présentoit naturellement à lui faire, c’est que Charles II, duc de Lorraine, gendre de Henri II, ne l’avoit jamais eu ni prétendu dans le temps même de la plus grande puissance de la Ligue et des plus grands efforts de Catherine de Médicis pour lui préparer la couronne de France au préjudice de son autre gendre, le véritable héritier, qui a été notre roi Henri IV. Henri, duc de Lorraine, son fils, qui épousa la sœur de Henri IV, en janvier 1599, morte sans enfants en février 1604, et qui ne devint duc de Lorraine que quatre ans après par la mort de son père, n’eut et ne prétendit jamais ce traitement ; et Charles-Léopold, père du duc de Lorraine dont il s’agit ici, reconnu duc de Lorraine par toute l’Europe (quoiqu’elle lui fût détenue par la France pour en avoir refusé la restitution à certaines conditions), qui fut un des plus grands capitaines de l’Europe et qui rendit les plus grands services à l’empereur Léopold, dans son conseil et à la tête de ses armées ; qui de plus avoit l’honneur d’avoir épousé sa sœur, reine, veuve de Michel Wiesnowieski, roi de Pologne, qui en eut le traitement toute sa vie, et qu’on appeloit la reine-duchesse, ce duc son mari, si grandement considéré à Vienne, n’a jamais eu ni prétendu l’Altesse. Royale à Vienne ni ailleurs. Il est mort en 1690, et la reine-duchesse en 1697. Le duc de Lorraine, qui la prétendoit maintenant, n’étoit pas autre que ses pères, ni plus grandement marié. La réponse étoit péremptoire, et c’est ce qu’il vouloit parer en se fondant sur l’exemple de M. de Savoie, et se plaignant tendrement d’une distinction si flétrissante. C’étoit un sophisme dont il sentoit bien aussi le faux, mais qu’il fournissoit comme prétexte à qui le vouloit aveuglément combler. Voici le fait :

Aucun duc de Savoie n’avoit eu ni prétendu l’Altesse Royale avant le beau-frère de M. le duc d’Orléans, qui est devenu depuis roi de Sicile, puis de Sardaigne. Le fameux Charles-Emmanuel, vaincu à Suze par Louis XIII en personne, ne manquoit ni de fierté ni d’audace. Il étoit gendre et appuyé de Philippe II, roi d’Espagne ; jamais il ne l’a eue ni prétendue, non plus que le beau-frère de Louis XIII’. Longtemps avant que le duc de Savoie, beau-frère de M. le duc d’Orléans, en ait montré la première prétention, il avoit si bien fait valoir sa chimère de roi de Chypre, par ce qu’il valoit lui-même, et par la situation importante de ses États, que ses pères et lui avoient peu à peu continuellement agrandis, qu’il avoit enfin obtenu à Rome la salle royale pour ses ambassadeurs, à Vienne le traitement pour eux d’ambassadeurs de tête couronnée, et sur ces deux grands exemples, dans toutes les cours de l’Europe, sans toutefois en avoir aucun traitement pour sa personne, et tel toujours que ses pères l’avoient eu. Il avoit été lors marié longtemps sans prétendre au traitement d’Altesse Royale, dont la duchesse son épouse jouissoit comme petite-fille de France, et qu’elle ne lui communiqua point. Mais quand il se vit en possession partout du traitement de tête couronnée par ses ambassadeurs, il commença à prétendre un traitement personnel et distingué pour lui-même et par lui-même, qui fut l’Altesse Royale, n’osant porter ses yeux jusqu’à la Majesté. Il l’obtint peu à peu partout assez promptement, et dans la vérité il étoit difficile de s’en défendre, après avoir accordé à ses ambassadeurs le traitement de ceux des têtes couronnées. La chimère des ducs de Lorraine, prétendus rois de Jérusalem, n’avoit pas été si heureuse. Leur faiblesse, ni la situation de leur état n’influoit en rien dans l’Europe, dont aucune cour n’avoit besoin d’eux. Le duc de Savoie, au contraire, pouvoit beaucoup à l’égard de l’Italie et de tous les princes qui y avoient ou y vouloient posséder des États, et qui y vouloient porter ou en éloigner la guerre ; c’est ce qui fit toute la différence entre lés chimères d’ailleurs pareilles de Chypre et de Jérusalem. Rien donc de semblable entre ces deux souverains, sinon d’avoir l’un et l’autre épousé deux petites-filles de France, sœurs de M. le duc d’Orléans, jouissant toutes deux du traitement d’Altesse Royale, sans que pas une des deux l’ait communiqué à son époux. Tel étoit l’état véritable des choses quand le duc de Lorraine crut le temps favorable, et qu’il en voulut profiter.

M. le duc d’Orléans, attaqué par les soumissions en discours et les supplications du duc de Lorraine, par les ruses et les ressorts des gens qui y étoient maîtres en dessous, tels que M. de Vaudemont et ses deux nièces, par les prières et les amitiés continuelles de Mme la duchesse de Lorraine, qui d’ailleurs se fit toute à tous, avec une attention infinie, excepté pour Mme du Maine, M. du Maine et le cardinal de Bissy sur lesquels elle ne se contraignit pas ; enfin, emporté par l’impétuosité impérieuse de Madame, qui n’oublia journellement rien pour la grandeur de son gendre, la faiblesse succomba, mais l’exécution l’embarrassoit.

Il sentit bien quelle étrange déprédation il alloit faire sur la glèbe de la couronne et sur sa majesté, qui lui étoient l’une et l’autre confiées et remises en sa garde pendant la minorité, et sans le moindre prétexte. Il ne sentoit pas moins ce qui s’en pourroit dire un jour. Il comprit que dans ces commencements de mouvements qu’il ne pouvoit se dissimuler par la cadence de ceux de cette prétendue noblesse, du parlement et de la Bretagne, il trouveroit peut-être une opposition dans le maréchal d’Huxelles, qui pouvoit le faire échouer, mais que, évitant de le rendre l’artisan du traité, il le pouvoit compter plus flexible quand il ne s’agiroit simplement que d’opiner.

Il le cajola donc, et lui fit entendre qu’y ayant beaucoup de petites choses locales à ajuster avec le duc de Lorraine et des prétentions à discuter de sa part, il croyoit que ces bagatelles, qui vouloient être épluchées, lui donneroient plus de peine qu’elles ne valoient et lui feroient perdre un temps mieux employé ; que, de plus, il falloit quelqu’un qui fût au fait de toutes ces choses, qui par conséquent entendroit à demi-mot et qui fût encore rompu dans la connoissance de la petite cour de Lorraine ; que ces raisons lui avoient fait jeter les yeux sur Saint-Contest, qui avoit été si longtemps intendant de Metz, qui savoit par cœur le local, les prétentions et la cour de Lorraine, qui de plus avoit été troisième ambassadeur à Bade, où la paix de l’empereur, qui avoit tant porté les intérêts du duc de Lorraine, et celle de l’empire avoient reçu leur dernière main, et qu’il pensoit que Saint-Contest étoit celui qu’il pouvoit choisir comme le plus instruit et le plus propre à travailler au traité, comme commissaire du roi, avec ceux du duc de Lorraine et en rendre compte après au conseil de régence.

L’affaire n’étoit pas assez friande pour tenter le maréchal d’Huxelles ni pour lui donner de la jalousie, ravi qu’il fait de tirer son épingle du jeu pour fronder après tout à son aise avec son ami M. du Maine, qui ne demandoit pas mieux qu’à voir faire au régent des choses qu’on pût justement lui reprocher, tandis qu’il lui cherchoit des crimes dans les plus innocentes, même dans les plus utiles. Huxelles approuva et mit le régent fort à l’aise.

Saint-Contest étoit l’homme qu’il lui falloit pour ne chercher qu’à lui plaire et ne regarder à rien par delà. Il avoit de la capacité et de l’esprit, infiniment de liant, et sous un extérieur lourd, épais, grossier et simple, beaucoup de finesse et d’adresse, une oreille qui entendoit à demi-mot, un désir de plaire au-dessus de tout qui ne laissa rien à souhaiter au régent ni au duc de Lorraine dans tout le cours de cette affaire, qui ne fut pas long.

Lorsqu’elle fut bien avancée, M. le duc d’Orléans, à qui il en rendoit souvent compte, songea à s’assurer des principaux du conseil de régence. Les princes du sang, avides pour eux-mêmes, et d’ailleurs n’entendant rien et ne sachant rien, n’étoient pas pour lui résister ; les bâtards pincés de si frais et qui craignoient pis, encore moins, outre la raison qui vient d’être touchée sur le duc du Maine ; le garde des sceaux, à peine en place, ne songeoit qu’à s’y conserver ; le maréchal de Villeroy, qui auroit eu là de quoi exercer dignement son amertume, étoit tenu de court dans cette affaire par son beau-frère le grand écuyer, devant lequel de sa vie il n’avoit osé branler. Tallard, son protégé, étoit d’ailleurs tenu aussi de court par les Rohan, soumis à Mme de Remiremont et à Mme d’Espinay. Le duc de Noailles et son ami d’Effiat n’avoient garde de résister quand il ne s’agissoit ni du parlement ni de la robe. Le matamore Villars étoit toujours souple comme un gant. Le maréchal d’Estrées sentoit, savoit, lâchoit quelque demi-mot mais mouroit de peur de déplaire, et se dédommageoit, ainsi que le maréchal d’Huxelles, en blâmant, tout bas ce qui se faisoit aux uns et aux autres, à quoi ils n’avoient pas la force de contredire le régent. La différence étoit qu’Estrées étoit fâché du mal sincèrement et en honnête homme ; Huxelles, au contraire, pour s’en donner l’honneur, verser son fiel, et quand les choses ne touchoient ni à son personnel ni à ses vues, étoit ravi des fautes et en riait sous cape, comme il fit en cette occasion, ainsi que M. du Maine. D’Antin étoit trop bas courtisan et trop mal en selle auprès du régent pour oser souffler. Pour la queue du conseil, elle n’osoit donner le moindre signe de vie, sinon Torcy, quelquefois pressé de lumière et de probité, mais si rarement et avec tant de circonspection, que cela passoit de bien loin la modestie.

M. le duc d’Orléans, qui n’avoit pas oublié mon aventure avec lui au conseil et la convention qui l’avoit suivie, que j’ai racontée (t. XIV, p. 187) et qui se douta que je ne serois pas aisé à persuader sur ce traité, m’en parla à trois ou quatre diverses fois avec grande affection. Je lui représentai ce que je viens d’expliquer tant sur le démembrement des parties considérables de la Champagne, que sur le traitement d’Altesse Royale. Je le fis souvenir qu’outre que M. de Lorraine étoit sans aucun prétexte d’avoir à le ménager pour quoi que ce fût dans la situation particulière où il étoit, ni dans celle où l’Europe se trouvoit alors, même où elle pût être dans la suite ; il n’y avoit pas si longtemps que les traités de paix d’Utrecht et de Bade avoient passé l’éponge sur toutes ces prétentions et ces dédommagements tant demandés, si appuyés de l’empereur, et toujours si constamment refusés ; qu’il ne pouvoit l’avoir oublié, et que je ne comprenois point comment il osoit les faire renaître, les réaliser de sa pure et personnelle grâce, les faire monter au delà même de toute espérance, comme lorsque, avant les derniers traités de paix générale, les prétentions bonnes ou mauvaises subsistoient en leur entier ; s’exposer à faire de son chef un présent, et aussi considérable, purement gratuit, dépouillé de toute cause, raison et prétexte, à un prince son beau-frère, sans force, sans considération, sans la plus légère apparence de droit ; abuser de sa régence aux dépens de l’État qui lui étoit confié pendant la minorité d’un roi qui pourroit un jour lui en demander compte et raison, et qui ne manqueroit pas de gens autour de lui qui l’y exciteroient ; qu’à l’égard de l’Altesse Royale, dont je lui démêlai le vrai des fausses apparences dont M. de Lorraine l’embrouilloit à dessein, que je comprenois aussi peu qu’il voulût avilir la majesté de la couronne, qui ne lui étoit pas moins confiée que l’État, et la prostituer sans cause, raison ni prétexte quelconque, que de sa bonne volonté de gratifier son beau-frère, en la dégradant, et en même temps la sienne propre, celle de Mme sa sœur et la supériorité des princes du sang sur M. de Lorraine, en lui donnant de sa pleine et unique grâce un traitement si supérieur à celui des princes du sang, et traitement, de plus, qui ne pouvoit leur être donné. J’allai jusqu’à lui dire qu’il y avoit en lui un aveuglement qui tenoit du prestige de préférer de si loin un petit prince totalement inutile et sans la moindre apparence de droit, de maison fatale à la sienne tant et toutes les fois qu’elle l’a pu, et personnellement ennemie, à preuves signalées, et qui depuis ne respiroit toujours que la cour de Vienne, le préférer, dis-je, et de si loin, à l’État et à la majesté de la couronne, dont lui étoit dépositaire, au roi, à soi-même et à sa propre maison ; de hasarder les reproches que le roi lui en pourroit faire un jour, et s’exposer au qu’en-dira-t-on public dans un temps où il voyoit tant de fermentation contre lui et contre son gouvernement. J’ajoutai, sur l’Altesse Royale, qu’il verroit naître la même prétention, sur cet exemple, des princes qui n’y avoient pas encore pensé, et qu’il se trouveroit peut-être, par leur position et par les conjonctures, également embarrassé de satisfaire et de mécontenter.

Ces remontrances, que j’abrège, ne produisirent que de l’embarras et de la tristesse dans son esprit. S’il ne m’avoit pas caché le voyage jusqu’au moment qu’il fut consenti et prêt à entreprendre, car le secret en fut généralement observé, et M. de Lorraine en avoit bien ses raisons, j’aurois fait de mon mieux pour le détourner, au moins pour y faire mettre la condition expresse qu’il ne s’y feroit aucune sorte de demande, beaucoup moins de traité, et je pense bien aussi que M. le duc d’Orléans ne se douta d’aucune proposition que lorsque, après l’arrivée, elles lui furent faites. Il fit quelques tours la tête basse, et rompit après le silence en me disant qu’il vouloit que Saint-Contest vînt chez moi me rapporter l’affaire, que je la trouverois peut-être autre que je ne pensois, et que c’étoit une complaisance que je ne pouvois lui refuser. Je ne le pus en effet, et tout aussitôt après que j’y eus consenti il me parla d’autre chose.

Saint-Contest étoit fort de mes amis ; son père et son grand-père maternel, doyen du parlement, avoient toujours été fort, attachés à mon père. Saint-Contest vint chez moi, rendez-vous pris. Il y passa depuis la sortie du dîner jusque dans le soir fort tard. Il y déploya tout son bien-dire en homme qui vouloit plaire à M. le duc d’Orléans et lui valoir ma conquête. Tout fut détaillé, expliqué, discuté, et le plus ou moins de valeur, et d’autres conséquences de ce qu’on donnoit en Champagne à incorporer pour toujours à la Lorraine en toute souveraineté. Je n’eus pas peine à reconnoître qu’il avoit ordre de ne rien oublier pour me gagner, et qu’en effet il y mit aussi tous ses talents. Mais son esprit, son adresse, son accortise, ses ambages et ses finesses y échouèrent au point qu’après avoir bien tout dit et répété de part et d’autre, moi avec plus d’étendue et de force que ce que je viens d’exposer, il ne put me donner aucune sorte de raison du démembrement en Champagne, ni du traitement d’Altesse Royale, autre que la qualité de beau-frère de M. le duc d’Orléans, qui se trouvoit régent et en état, par conséquent, de lui faire ces grâces. Il sourit à la fin, et par un dernier effort, espérant peut-être m’embarrasser, et par là venir à me réduire, il me demanda franchement ce que, je voulois donc qu’il dît à M. le duc d’Orléans de notre conférence. « Tout ce que je viens de vous dire, répondis-je, que je ne suis ni si hardi ni si prodigue que lui à donner pour rien l’honneur du roi et la substance de l’État, qui lui en demandera compte ; que c’est à lui à voir ce qu’il répondra lors, et en attendant comment il soutiendra le cri public et les discours de toute l’Europe ; que moi, plus timide et plus François, plus jaloux de l’intégrité de l’État et de la majesté royale, il ne me seroit pas reproché d’avoir consenti à un traité qui attaquoit l’un et l’autre de gaieté de cœur, unique par ses fondements en faveur du prince du monde qui, à toutes sortes de titres, en méritoit moins les grâces ; que je m’y opposerois de toutes mes forces et de toutes mes raisons, quoique parfaitement convaincu que ce seroit en vain, mais uniquement pour l’acquit de ma conscience et de mon honneur, que j’y croirois autrement fortement engagés l’un et l’autre. » Saint-Contest, effrayé de ma fermeté, me demanda si je voulois sérieusement qu’il rapportât fidèlement au régent tout ce que je venois de lui dire. Je l’assurai qu’il le pouvoit, et que j’avois dit pis encore à M. le duc d’Orléans.

Saint-Contest s’en alla fort consterné et rendit compte à M. le duc d’Orléans de notre conférence. M. le duc d’Orléans m’envoya chercher, et fit encore des efforts pour gagner au moins ma complaisance. Voyant qu’il n’y pouvoit réussir, il me pria à la fin de ne me point trouver au conseil de régence, lorsque Saint-Contest y apporteroit ce traité. Je le lui promis avec grand soulagement, car mon avis ne l’auroit pas empêché de passer, et auroit fait du bruit et grand’peine à M. le duc d’Orléans. Pareille chose m’arriva lorsque le régent eut la faiblesse d’accorder le traitement égal de Majesté au roi de Danemark, et de Hautes Puissances aux États généraux. Il ne put le gagner, ni moi l’empêcher, et je m’absentai du conseil de régence le jour que M. le duc d’Orléans y fit passer cette dégradation de la couronne de France. Il m’avertit deux jours auparavant. Je me fis excuser par La Vrillière à ce conseil et même au suivant, comme incommodé, pour, qu’il n’y parût pas d’affectation, et je mis le régent fort à l’aise. Le traité passa au conseil, au rapport de Saint-Contest, sans la plus légère contradiction, quoique sans l’approbation de personne, où mon absence ne laissa pas d’être doucement remarquée.

Le parlement, devenu si épineux et bientôt après, si fougueux, l’enregistra tout de suite le 7 avril sans la moindre ombre de difficulté. Il blessoit fort le roi et l’État ; mais il ne touchoit ni à la bourse, ni aux chimères, ni aux prétentions de ces prétendus tuteurs de nos rois mineurs, et protecteurs du royaume et de ses peuples.

M. de Lorraine, ravi d’aise d’avoir obtenu par-dessus même ses espérances, ne voulut point partir avant l’enregistrement fait au parlement. Mais l’affaire ainsi entièrement consommée, il ne songea plus qu’à s’en aller. Sûre de l’enregistrement dès la veille, Mme la duchesse de Lorraine fut aux Tuileries prendre congé du roi, qui le lendemain vint au Palais-Royal lui souhaiter un bon voyage. Elle fut ensuite dire adieu à Mme la duchesse de Berry à Luxembourg, qui le même soir vint au Palais-Royal l’embrasser encore. Le lendemain 8 avril elle partit avec le duc de Lorraine, qui eut de quoi être bien content et se bien moquer de nous.

Il ne laissa pas d’être bien singulièrement étrange que le duc de Lorraine, sous le ridicule incognito de comte de Blamont, soit venu à Paris, y soit demeuré près de deux mois, logé et défrayé de tout au Palais-Royal, y ait paru aux spectacles, au Cours, dans tous les lieux publics, ait été voir Versailles et Marly, ait visité la reine d’Angleterre à Saint-Germain, ait paru publiquement partout, ait reçu plusieurs fêtes, et que le roi étant dans les Tuileries pendant ces deux mois [2], ce beau comte de Blamont ne l’ait pas vu une seule fois, ni pas un prince, ni une princesse du sang ; que cette audace ait été soufferte, dont l’insolence s’est fait d’autant plus remarquer, que Mme la duchesse de Lorraine a rempli et reçu tous les devoirs de son rang, parce qu’il étoit tout certain, comme petite-fille de France ; il ne le fut pas moins qu’il n’y ait pas été seulement question de son hommage de Bar au roi, qui de son règne ne l’avoit pas encore reçu. Mais il sembla être arrêté que tout ce voyage seroit uniquement consacré à la honte et au grand dommage du roi et du royaume.

Le concours fut grand au Palais-Royal pendant ce voyage ; on en crut faire sa cour au régent. M. de Lorraine voyoit le monde debout chez Mme la duchesse de Lorraine. Peu de gens allèrent chez lui, et encore sur la fin. C’est où je ne mis pas le pied : j’allai seulement deux fois chez Mme la duchesse de Lorraine ; je crus avec cela avoir rempli tout devoir. J’ai voulu couler à fond tout ce voyage de suite, pour n’avoir pas à en interrompre souvent d’autres matières. Je n’y ajouterai que peu de choses nécessaires avant que de reprendre le fil de celles que ce récit a interrompues.

M. le duc d’Orléans ne fut pas longtemps à attendre un des effets de ce qu’il avoit accordé, que je lui avois prédits. Le grand-duc [de Toscane], gendre de Gaston, et Mme la grande-duchesse, petite-fille de France, vivante, dont il avoit des enfants, se crut avec raison au même droit que M. de Lorraine. Il étoit plus considérable que lui par l’étendue, la richesse, la position de ses États ; il avoit toujours été attaché à la France ; il en avoit donné au feu roi dans tous les temps toutes les preuves que sa sagesse et la politique lui pouvoit permettre, et, quoique sa maison ne pût égaler celle de Lorraine, elle avoit eu l’honneur au-dessus d’elle de donner deux reines à la France, de la dernière desquelles la branche régnante est issue, et d’avoir les plus proches alliances avec la maison d’Autriche et la plupart des premiers princes de l’Europe, tandis que la reine Louise, fille d’un particulier cadet de Lorraine, n’avoit été ni pu être épousée par Henri III que par amour et n’avoit jamais eu d’enfants. Le grand-duc fit donc instance pour obtenir aussi le traitement d’Altesse Royale, et il n’y eut pas jusqu’au duc de Holstein-Gottorp qui ne se mît à la prétendre, fondé sur sa proche alliance avec les trois couronnes du nord. Mais ces princes n’avoient pas auprès du régent les mêmes accès du duc de Lorraine aussi ne purent-ils réussir.

Je ne puis, à propos de ce voyage à Paris de M. et de Mme de Lorraine, omettre une bagatelle, parce qu’elle ne laisse pas de montrer de plus en plus le caractère de M. le duc d’Orléans. Un jour que Mme la duchesse d’Orléans étoit allée à Montmartre, qu’elle quitta bientôt après, me promenant seul avec M. le duc d’Orléans, dans le petit jardin du Palais-Royal, à parler d’affaires assez longtemps et qui n’étoient point du traité de Lorraine, il s’interrompit tout à coup, et se tournant à moi : « Je vais, me dit-il, vous apprendre une chose qui vous fera plaisir. » De là il me conta qu’il étoit las de la vie qu’il menoit ; que son âge ni ses besoins ne la demandoient plus, et force choses de cette sorte ; qu’il étoit résolu de rompre ses soirées, de lés passer honnêtement, et plus sobrement et convenablement, quelquefois chez lui, souvent chez Mme la duchesse d’Orléans ; que sa santé y gagneroit, et lui du temps pour les affaires, mais qu’il ne feroit ce changement qu’après le départ de M. et de Mme de Lorraine qui seroit incessamment, parce qu’il crèveroit d’ennui de souper tous les soirs chez Mme la duchesse d’Orléans avec eux et avec une troupe de femmes ; mais que, dès qu’ils seroient partis, je pouvois compter qu’il n’y auroit plus de soupers de roués et de putains, ce furent ses propres termes, et qu’il alloit mener une vie sage, raisonnable et convenable à son âge et à ce qu’il était.

J’avoue que je me sentis ravi dans mon extrême surprise par le vif intérêt que je prenois en lui. Je le lui témoignai avec effusion de cœur en le remerciant de cette confidence. Je lui dis qu’il savoit que depuis bien longtemps je ne lui parlois plus de l’indécence de sa vie ni du temps qu’il y perdoit, parce que j’avois reconnu que j’y perdois le mien ; que je désespérois depuis longtemps qu’il pût changer de conduite ; que j’en avois une grande douleur ; qu’il ne pouvoit ignorer à quel point je Pavais toujours désiré par tout ce qui s’étoit passé entre lui et moi là-dessus à bien des reprises, et qu’il pouvoit juger de la surprise et de la joie qu’il me donnoit. Il m’assura de plus en plus que sa résolution étoit bien prise, et là-dessus je pris congé parce que l’heure de sa soirée arrivoit.

Dès le lendemain je sus par gens à qui les roués venoient de le conter, que M. le duc d’Orléans ne fut pas plutôt à table avec eux qu’il se mit à rire, à s’applaudir et à leur dire qu’il venoit de m’en donner d’une bonne où j’avois donné tout de mon long. Il leur fit le récit de notre conversation, dont la joie et l’applaudissement furent merveilleux. C’est la seule fois qu’il se soit diverti à mes dépens, pour ne pas dire aux siens, dans une matière où la bourde qu’il me donna, que j’eus la sottise de gober par une joie subite qui m’ôta la réflexion, me faisoit honneur et ne lui en faisoit guère. Je ne voulus pas lui donner le plaisir de lui dire que je savois sa plaisanterie ni de le faire souvenir de ce qu’il m’avoit dit : aussi n’osa-t-il m’en parler.

Je n’ai jamais démêlé quelle fantaisie lui avoit pris de me tenir ce langage pour en aller faire le conte, à moi qui depuis des années ne lui avois pas ouvert la bouche de la vie qu’il menoit, dont aussi il se gardoit bien de me rien dire ni de rien qui y eût trait. Bien est-il vrai que quelquefois étant seul avec ses valets confidents, il lui est assez rarement échappé quelque plainte, mais jamais devant d’autres, que je le malmenois et lui parlois durement, cela en gros, en deux mots, sans y rien ajouter d’aigre ni que j’eusse tort avec lui. Il disoit vrai aussi : quelquefois, quand j’étois poussé à bout sur des déraisons ou des fautes essentielles, en affaires et en choses importantes, qui regardoient ou lui ou l’État, et qu’après encore être convenus par bonnes raisons de quelque chose d’important à éviter ou à faire, lui très persuadé et résolu, sa faiblesse ou sa facilité me tournoient dans la main et lui arrachoient tout le contraire, que lui-même sentoit comme moi tel qu’il étoit, et c’est une des choses qui m’a le plus cruellement exercé avec lui ; mais la niche qu’il me faisoit volontiers plus tète à tête que devant des tiers, et dont ma vivacité étoit toujours la dupe, c’étoit d’interrompre tout à coup un raisonnement important par un sproposito de bouffonnerie. Je n’y tenois point, la colère me prenoit quelquefois jusqu’à vouloir m’en aller. Je lui disois que, s’il vouloit plaisanter, je plaisanterois tant qu’il voudroit, mais que de mêler les choses les plus sérieuses de parties de main, de bouffonneries, cela étoit insupportable. Il riait de tout son cœur, et d’autant plus que cela n’étant pas rare, et moi en devant être en garde, je n’y étois jamais et que j’avois dépit et de la chose et de m’en laisser surprendre ; et puis il reprenoit ce que nous traitions. Il faut bien que les princes se délassent et badinent quelquefois avec ceux qu’ils veulent bien traiter d’amis. Il me connoissoit bien tel aussi, et quoiqu’il ne fût pas toujours content de ce qu’il appeloit en ces moments dureté en moi, et que sa faiblesse, qui le faisoit quelquefois cacher de moi sur des choses qu’il sentoit bien que je combattrois, l’entraînât trop souvent, il ne laissoit pas d’avoir pour moi toute l’amitié, l’estime, la confiance dont il étoit capable, qui surnageoit toujours aux nuages qui s’élevoient quelquefois et aux manèges et aux attaques de ceux de sa plus grande faveur, comme l’abbé Dubois, Noailles, Canillac et d’autres de ses plus familiers. Ses disparates avec moi, qui étoient très rares et toujours avec grande considération, étoient froid, bouderie, silence. Cela étoit toujours très court. Il n’y tenoit pas lui-même ; je m’en apercevois dans le moment ; je lui demandois librement à qui il en avoit et quelle friponnerie on lui avoit dite ; il m’avouoit la chose avec amitié et il en avoit honte, et je me séparois d’avec lui toujours mieux que jamais.

Le hasard m’apprit un jour ce qu’il pensoit de moi le plus au naturel. Je le dirai ici, pour sortir une fois pour toutes de ces bagatelles. M. le duc d’Orléans, retournant une après-dînée du conseil de régence des Tuileries au Palais-Royal, avec M. le duc de Chartres et le bailli de Conflans, lors premier gentilhomme de sa chambre, seul en tiers avec eux, se mit à parler de moi dès la cour des Tuileries, fit à M. son fils un éloge de moi tel que je ne l’ose rapporter. Je ne sais plus ce qui s’étoit passé au conseil ni ce qui y donna lieu. Ce que je dirai seulement, c’est qu’il insista sur son bonheur d’avoir un ami en moi aussi fidèle, aussi constant dans tous les temps, aussi utile que je lui étois et lui avois été en tous, aussi sûr, aussi vrai, aussi désintéressé, aussi ferme, tel qu’il ne s’en trouvoit point de pareil, sur qui il avoit pu compter dans tous les temps, qui lui avoit rendu les plus grands services, et qui lui parloit vrai, droit et franc sur tout, et sans intérêt. Cet éloge dura jusqu’à ce qu’ils missent pied à terre au Palais-Royal, disant à M. son fils qu’il vouloit lui apprendre à me connoître, et le bonheur et l’appui, car tout ce qui est rapporté ici fut exactement ses termes, qu’il avoit toujours trouvés dans mon amitié et dans mes conseils. Le bailli de Conflans, étonné lui-même de cette abondance, me la rendit le surlendemain sous le secret, et j’avoue que je n’ai pu l’oublier. Aussi est-il vrai que, quoi qu’on ait pu faire, et jusqu’à moi-même, par dégoût et dépit quelquefois de ce que je voyois mal faire, il est toujours revenu à moi, et presque toujours le premier, avec honte, amitié, confiance, et ne s’est jamais trouvé en aucun embarras, qu’il ne m’ait recherché, ouvert son cœur, et consulté de tout avec moi, sans néanmoins m’en avoir cru toujours, détourné après par d’autres. Cela n’arrivoit pourtant pas bien souvent, et c’est après où il étoit honteux et embarrassé avec moi, et où quelquefois je m’échappois un peu avec lui, quand il se trouvoit mal de s’être laissé aller à des avis postérieurs différents du mien : on l’a vu souvent ici, et la suite le montrera encore.

Il n’étoit pas pour se contenter d’une maîtresse. Il falloit de la variété pour piquer son goût. Je n’avois non plus de commerce avec elles qu’avec ses roués. Jamais il ne m’en parloit, ni moi à lui. J’ignorois presque toujours leurs aventures. Ces roués et des valets s’empressoient de lui en présenter, et dans le nombre il se prenoit toujours de quelqu’une. Mme de Sabran (Foix-Rabat par elle), et de qui j’ai parlé, lorsque sa mère eut besoin pour ses affaires de paroître quelques moments à la cour, s’étoit échappée d’elle pour épouser un homme d’un grand nom mais sans biens et sans mérite qui la mît en liberté. Il n’y avoit rien de si beau qu’elle, de plus régulier, de plus agréable, de plus touchant, de plus grand air et du plus noble, sans aucune affectation. L’air et les manières simples et naturelles, laissant penser qu’elle ignoroit sa beauté et sa taille, qui étoit grande et la plus belle du monde, et quand il lui plaisoit, modeste à tromper. Avec beaucoup d’esprit, elle étoit insinuante, plaisante, robine, débauchée, point méchante, charmante surtout à table. En un mot elle avoit tout ce qu’il falloit à M. le duc d’Orléans, dont elle devint bientôt la maîtresse, sans préjudice des autres.

Comme elle ni son mari n’avoient rien, tout leur fut bon, et si ne firent-ils pas grande fortune. Montigny, frère de Turmenies, un des gardes du trésor royal, étoit un des chambellans de M. le duc d’Orléans, à six mille livres d’appointements, qui le fit son premier maître d’hôtel à la mort de Matharel qui l’étoit. Mme de Sabran trouva que six mille livres de rente étoient toujours bonnes à prendre pour son mari, dont elle faisoit si peu de cas, qu’en parlant de lui elle ne l’appeloit que son mâtin. M. le duc d’Orléans lui donna la charge qu’il paya à Montigny. C’est elle qui, soupant avec M. le duc d’Orléans et ses roués, lui dit fort plaisamment que les princes et les laquais avoient été faits de la même pâte, que Dieu avoit dans la création séparée de celle dont il avoit tiré tous les autres hommes.

Toutes ses maîtresses, en même temps, avoient chacune leur tour. Ce qu’il y avoit d’heureux, c’est qu’elles pouvoient fort peu de chose et n’avoient part en aucun secret d’affaires, mais tiroient de l’argent, encore assez médiocrement ; le régent s’en amusoit et en faisoit le cas qu’il en devoit faire. Retournons maintenant d’où le voyage de M. et de Mme de Lorraine et ces bagatelles nous ont détournés.


  1. Nicolas-Joseph Foucault, dont il est ici question, avait été intendant dans les généralités de Pau, de Cahors, de Poitiers et de Caen. Il a laissé un journal où il retrace son administration de 1668 à 1709. ce journal inédit fait partie des manuscrits de la Bibliothèque impériale. Il confirme presque toujours ce que Saint-Simon dit de l’administration de Louis XIV et surtout de Louvois. On trouvera un extrait de ce journal dans les notes à la fin du volume.
  2. On a écrit à la marge du manuscrit : « Le duc de Saint-Simon se trompe. Le duc de Lorraine, le lendemain de son arrivée, 19 février, vit le roi. Ce fait est peu important ; mais il y a de l’affectation à dire le contraire. » Cette note marginale est probablement de M. Le Dran, comme celle que nous avons déjà citée, t. XIV, p. 339.