Mémoires (Saint-Simon)/Tome 1/11


CHAPITRE XI.


Situation des opposants avec le premier président Harlay. — Duc de Chaulnes. — Il négocie l’assemblée de toutes les chambres avec le premier président Harlay, qui lui en donne sa parole et qui lui en manque. — Rupture entière des opposants avec le premier président Harlay. — Harlay, premier président, récusé par les opposants. — Mort du dernier des Longueville. — Prince et princesse de Turenne. — Mariage du prince de Rohan. — Mme Cornuel. — Mariage du duc de Montfort, du duc de Villeroy, de La Châtre. — Distribution des armées. — Beuvron et Matignon refusent le monseigneur au maréchal de Choiseul, et le lui écrivent par ordre du roi. — Le roi me charge de Flandre en Allemagne. — M. de Créqui chassé hors du royaume, et pourquoi. — Mme du Roure exilée en Normandie. — Monseigneur préfère la Flandre au Rhin. — La Feuillée lui est donné pour son mentor. — Je vais à l’armée d’Allemagne. — Belle marche du maréchal de Lorges devant le prince Louis de Bade.

Le procès avec M. de Luxembourg, renvoyé au parlement, y recommença avec la même vigueur, la même partialité, la même injustice. Comme nous nous vîmes exclus d’en sortir, nous ne songeâmes plus qu’à chercher les moyens d’obtenir l’assemblée de toutes les chambres, selon la forme de pairie, l’usage et le droit en pareils procès. Pour y parvenir, il n’y avoit que deux voies, la procédure ou la négociation. La dernière étoit bien la plus sûre si elle réussissoit ; mais la difficulté étoit la situation où nous nous trouvions avec le premier président qui pouvoit seul assembler les chambres à sa volonté, mais avec qui nous ne gardions plus de mesures. Fort peu de nous le saluoient lorsqu’ils le rencontroient, pas un n’alloit chez lui, quoique nous sollicitassions tous nos autres juges, et tous parloient de lui sans ménagement. Il le sentoit d’autant plus vivement que c’étoit l’homme du monde le plus glorieux, le plus craint, le plus ménagé, et qui n’avoit jamais été mené de la sorte ; et, ce qui le touchoit le plus, c’étoient les plaintes prouvées que nous faisions de sa probité et de son injustice, parce qu’il se piquoit là-dessus de la plus austère vertu, dont nous faisions tomber le masque.

Personne ne se vouloit donc charger d’une négociation aussi difficile avec lui, lorsque M. de Chaulnes, qui s’étoit acquis une grande réputation et une grande considération par les siennes au dehors, voulut bien hasarder celle-ci. C’étoit sous la corpulence, l’épaisseur, la pesanteur, la physionomie d’un bœuf, l’esprit le plus délié, le plus délicat, le plus souple, le plus adroit à prendre et à pousser ses avantages, avec tout l’agrément et la finesse possible, jointe à une grande capacité et à une continuelle expérience de toutes sortes d’affaires, et la réputation de la plus exacte probité, décorée à l’extérieur d’une libéralité et d’une magnificence également splendide, placée et bien entendue, et de beaucoup de dignité avec beaucoup de politesse. Il eut du premier président l’heure qu’il désira.

Il ouvrit son discours par les raisons que nous avions de nous plaindre de son procédé, et lui fit sentir après avec délicatesse qu’il n’y a point de places où on ne soit exposé à des ennemis ; que tout le monde étoit convaincu de sa partialité pour M. de Luxembourg ; que seize pairs de France, et dont plusieurs fort bien auprès du roi ou grandement établis, n’étoient pas toujours impuissants à beaucoup nuire ; que le seul moyen d’effacer sa partialité de l’idée publique, et de regagner les pairs qu’il s’étoit si grandement aliénés, étoit l’assemblée de toutes les chambres pour les juger, et de lui en donner sa parole positive ; qu’il vouloit bien lui avouer que nous l’avions prié de lui faire cette proposition, bien moins par aucune espérance de succès, que pour n’avoir rien à reprocher à leur conduite à son égard, pénétrer définitivement où nous en étions avec lui, et éclater ensuite avec plus de raisons et moins de mesures.

Le poids avec lequel ce discours fut prononcé étourdit le premier président qui se mit sur une défense de sa conduite avec nous, confuse et embarrassée.

M. de Chaulnes vit qu’il ne tendoit qu’à échapper, le remit sur l’assemblée des chambres, et le pressa vivement. Serré de si près, il se retrancha sur la difficulté de la faire, et diminua tant qu’il put son autorité à cet égard. M. de Chaulnes n’avoit garde de s’y laisser tromper : il se servit habilement de sa faiblesse pour les personnes de crédit à la cour et de sa propre vanité ; il lui représenta qu’inutilement il voudroit lui persuader qu’il n’étoit pas maître d’assembler les chambrés toutes les fois qu’il le vouloit ; qu’on savoit bien que c’est honnêteté à lui et non pas un devoir d’en prendre avis de la grand’chambre, et qu’on ne savoit pas moins qu’il étoit tellement le maître de ses délibérations que, quand même celles de la grand’chambre y seroient nécessaires, ce n’étoit pas une difficulté qu’il pût objecter, ni qui pût être reçue, dès que son intention seroit véritable de nous accorder l’assemblée de toutes les chambres.

Ces raisons ne donnèrent pas, à la vérité, de meilleurs sentiments au premier président, mais bien un vif repentir de ne s’être pas assez ménagé avec nous, et un regret cuisant sur l’intérêt de sa réputation, qui lui arrachèrent enfin la parole positive qu’il donna à M. de Chaumes, pour nous, qu’il assembleroit toutes les chambres pour la continuation et le jugement de notre procès, après un long raisonnement pour mieux faire valoir cet effort.

Le lendemain M. de Chaumes rendit compte à notre assemblée du succès inespéré de sa négociation, et il reçut de nous tous les remerciements si dignement mérités. Nous publiâmes ensuite cet engagement si solennellement pris par le premier président avec tout ce que nous y pûmes ajouter pour compenser nos plaintes, et pour l’engager de plus en plus. Mais notre politique et notre confiance en la parole du premier président furent bientôt confondues. Il ne put tenir contre ses intimes liaisons prises avec M. de Luxembourg ; il lui lit l’aveu de la parole qu’il avoit donnée, et ne put résister à s’engager à lui de ne la pas tenir.

L’intérêt de M. de Luxembourg étoit grand d’empêcher l’assemblée des chambres. Il auroit fallu y revoir sommairement tout le procès pour l’instruction de tant de nouveaux juges. Leur nombre étoit difficile à corrompre, et l’autorité du premier président, en laquelle étoient remises toutes les espérances de M. de Luxembourg, étoit entière sur la grand’chambre ; et foible sur toutes les chambres assemblées. La frayeur que M. de Luxembourg en avoit conçue le trahit par la joie qu’il ne put dissimuler de l’avoir rompue. Il nous en revint des soupçons. M. de Chaulnes résolut de s’en éclaircir, et prit prétexte d’une autre affaire pour voir le premier président. Il le trouva embarrassé avec lui, et bientôt ce magistrat lui en avoua la cause par un discours confus qui tendoit à éluder sa parole. M. de Chaulnes le pressa avec surprise, et lui dit : qu’il ne pouvoit croire ce qu’il entendoit, et qu’il le prioit de se souvenir qu’en grande connoissance de cause il lui avoit donné sa parole nette, précise, positive, d’assembler toutes les chambres pour la continuation et le jugement de notre procès. Le premier président, avec un air respectueux et ce masque de sévérité qu’il ne quittoit jamais, avoua qu’en effet il la lui avoit donnée, forcé par son éloquence et par son autorité ; mais qu’il se repentoit de s’être engagé trop légèrement ; qu’il étoit nécessité par de sérieuses réflexions de lui déclarer qu’il se trouveroit dans l’impossibilité de l’effectuer, et tombant tout court en des respects et des compliments sans fin, se mit à reconduire M. de Chaulnes, qui n’avoit point du tout envie de s’en aller, mais comme il faisoit toujours à ceux dont il se vouloit défaire. M. de Chaulnes, indigné de se voir si étrangement éconduit, le quitta en lui protestant qu’il avoit sa parole, qu’il ne vouloit ni ne pouvoit la lui rendre, qu’au reste il pouvoit en manquer et à lui et avec lui, à tout ce qu’il y avoit de plus distingué dans le royaume, et en user tout comme bon lui sembleroit.

Le duc vint nous en rendre compte dans une assemblée extraordinaire ; il y fut résolu non seulement de ne plus garder aucune mesure avec un homme aussi perfide, mais de chercher encore tous les moyens possibles de le récuser, et après, tous ceux d’obtenir par la procédure l’assemblée de toutes les chambres, surtout de ne rien oublier pour tirer le procès en longueur, suivant nos précédentes résolutions. On peut juger du bruit, des plaintes et des discours qui, de notre part, suivit ce manquement de parole, contre un homme sur lequel aucune considération ne pouvoit plus nous retenir, et contre lequel nous ne pouvions plus employer d’autres armes. Aussi en fut-il d’autant plus outré, qu’il voyoit sa réputation s’en aller en pièces, et qu’il n’avoit quoi que ce soit à opposer aux faits que nous publiions, et qu’il étoit bien loin d’être accoutumé à un éclat si soutenu, et qui ne ménageoit pas plus les termes que les choses.

Pour en venir à sa récusation, voici ce dont on s’avisa ce fut de mettre en procès le duc de Rohan avec l’avocat général, fils unique du premier président, parce que la maxime reçue est que, qui est en procès avec le fils, ne peut être jugé par le père. Cet avocat général avoit épousé une riche héritière de Bretagne, dont deux belles terres relevoient du duc de Rohan. Il fut donc prié d’en vouloir bien faire demander le dénombrement, et d’ordonner à ses baillis de former un procès bon ou mauvais à l’avocat général, pourvu que c’en fût un, et il le promit de bonne grâce ; mais, comme ses réflexions sont plus lentes que ses décisions, je pense qu’il se repentit bientôt de l’engagement qu’il avoit pris ; on s’en douta bientôt et on le pressa d’engager quelques procédures dont il ne se put défendre. Le premier président en fut bientôt averti, et sentit aussitôt ce que cela vouloit dire. Sa passion de demeurer notre juge l’emportant sur son orgueil, il n’est soumission qu’il ne fit, et ne fit faire à Paris et en Bretagne à M. de Rohan, et telles qui ne s’exigent pas même des moindres vassaux.

Ce procédé flatta le duc de Rohan déjà bien ébranlé par son irrésolution naturelle : il voulut donc obliger le premier président en un point si sensible, et pour y parvenir, nous déclara à une assemblée qu’il s’en alloit à Moret faire pêcher un grand étang qui demandoit sa présence. Je sentis et ne pus souffrir cette défection. Je m’écriai que c’étoit nous abandonner dans la plus importante crise, où sa présente seule étoit plus nécessaire que celle de tous les autres ensemble ; qu’il étoit inconcevable que la pêche d’un étang l’attirât à deux lieues de Fontainebleau dans des moments si pressants, où ses gens d’affaires, ou tout au plus la duchesse sa femme suffiroient de reste, et qu’à l’heure que je parlois, on en pêchoit quatre beaux à la Ferté-Vidame, à vingtquatre lieus de Paris, où ma mère ni moi n’avions jamais imaginé d’aller pour aucune pêche. M. de Chaulnes, M. de La Rochefoucauld, tout ce qui étoit à l’assemblée, ducs et conseils, lui firent les prières et les remontrances les plus pressantes : mais le parti étoit pris ; il nous amusa seulement de la promesse de revenir dès que quelques choses presseroient et qu’on le manderoit. Le cas arriva en moins de huit jours, où, sans le retour de M. de Rohan, toutes ses procédures contre l’avocat général tomboient. Un laquais de M. de La Trémoille lui fut dépêché toute la nuit, avec une lettre de son maître, tant pour lui que comme chargé de tous, et une de Riparfonds, qui lui expliquoit la nécessité pressante et indispensable du retour. Le courrier le fit éveiller : il lut les deux lettres, puis dit au laquais de faire ses excuses, mais que les affaires qu’il avoit à Moret ne lui permettoient pas de les quitter, et sans autre réponse, fit tirer son rideau, et se tourna de l’autre côté. À l’arrivée du courrier, Riparfonds fit une seconde, lettre à M. de Rohan de la dernière force pour l’engager à revenir ; elle fut signée de dix ou douze ducs qui se trouvèrent à l’assemblée et portée tout de suite par un autre courrier.

Je m’étois donné une violente entorse qui m’a voit empêché de me trouver aux deux assemblées d’où on avoit dépêché ces deux courriers, mais j’étois instruit de ce qui s’y étoit passé. Je n’avois donc point signé la lettre commune, ni écrit en particulier. Ma surprise fut donc grande de voir arriver ce second courrier chez moi avec une lettre de M. de Rohan, par laquelle il expliquoit ses prétendues raisons de demeurer à Moret, et me prioit de faire ses excuses. J’envoyai aussitôt cette lettre à l’assemblée qui se tenoit pour attendre la réponse. À sa lecture l’indignation fut grande ; on ne put plus douter de la défection préméditée, et on admira avec raison qu’un homme d’esprit comme M. de Rohan nous sacrifiât, et son honneur même, à une réconciliation personnelle dont il se flattoit par là avec le premier président, duquel l’orgueil ne lui pardonneroit jamais les bassesses qu’il lui avoit fallu faire pour se délivrer de ce procès.

Le coup manqué de la sorte, nous nous tournâmes à d’autres moyens. Ce fut d’allonger par celui des ducs d’Uzès et de Lesdiguières. Ce dernier étoit un enfant sous la tutelle de sa mère, espèce de fée, demeurant presque toujours seule dans un palais enchanté, et sur qui presque personne n’avoit aucun crédit. M. de Chaulnes qui la voyoit quelquefois s’offrit de lui parler, et il en obtint la reprise de son fils avec nous, au lieu du feu duc son père, qui n’avoit pas encore été faite. De M. d’Uzès je m’en chargeai, et il voulut bien se joindre à nous sous prétexte que si ces anciennes pairies renaissoient ainsi de leurs cendres, il s’en trouveroit d’antérieures à son érection, qu’il avoit intérêt d’empêcher d’avance de pouvoir se mettre en prétention.

Cependant nous cherchions avec soin les moyens de récuser le premier président, lorsque son dépit nous les fournit lui-même. Nous vivions avec lui en attendant comme s’il l’étoit déjà. Magneux et Aubry, intendants de MM. de La Trémoille et de La Rochefoucauld, également habiles et attachés à leurs martres, et vifs sur notre affaire, étoient par là devenus odieux au premier président ; il n’avoit pu s’en cacher, nous le savions, et par cela même jamais il n’entendoit parler de nous que par eux. Ce mépris que nous affections et que nous publiions même le désoloit tellement, qu’un jour qu’ils étoient allés lui parler, il leur dit qu’il ne pouvoit pas douter que nous ne cherchassions toutes sortes de moyens pour le récuser, que la chose n’étoit pourtant pas difficile, puisque nous n’avions qu’à mettre le duc de Gesvres en cause, duquel il avoit l’honneur d’être parent. Il fut servi avec promptitude : M. de Gesvres reçut le surlendemain une assignation de notre part. La raison s’en voit ci-dessus dans la généalogie : il étoit fils de la fille et sœur des deux ducs de Piney-Luxembourg. Je ne comprends pas comment aucun de nous ni de notre conseil ne trouva pas ce moyen. Le premier président ne tarda pas à se repentir de nous en avoir avisés, mais il demeura récusé.

L’affaire en resta là pour cette année. La belle saison rappela M. de Luxembourg et ses trois fils en Flandre ; pas un de ses gens d’affaires, ni de ses protecteurs, ne voulurent s’en charger en son absence, non plus que l’abbé de Luxembourg son fils. La mort du duc de Sully qui arriva pendant la campagne fit un délai naturel de quatre mois, et la maladie de Portail, notre rapporteur, dura jusqu’à la fin de l’année, et gagna la mort de M. de Luxembourg, que je rapporterai en son temps.

Cet hiver finit enfin la fameuse maison de Longueville, si connue par sa fortune inouïe et si prodigieusement soutenue jusqu’à son extinction. M. de Longueville, qui parut tant de divers côtés pendant les troubles de la minorité de Louis XIV, n’avoit laissé que la duchesse de Nemours de son premier mariage avec la sœur de la princesse de Carignan et du dernier comte de Soissons, prince du sang, tué à la bataille de Sedan, le dernier de cette branche. De son second mariage avec la fameuse duchesse de Longueville, sœur de M. le Prince, le héros, et de M. le prince de Conti, il n’avoit eu que deux fils : le cadet, d’une grande espérance, tué au passage du Rhin, sans alliance ; l’autre, d’un esprit foible, qu’on envoya à Rome, que les jésuites empaumèrent et que le pape fit prêtre. Revenu en France il devint de plus en plus égaré, en sorte qu’il fut renfermé dans l’abbaye de Saint-Georges près de Rouen pour le reste de sa vie, où il n’étoit vu de personne, et M. le Prince prit l’administration de ses biens. Il mourut les premiers jours de février, et il se trouva un testament de lui fait à Lyon, allant à Rome, par lequel il donne tout son bien à son frère, tué depuis au passage du Rhin, et à son défaut et de sa postérité, à Mme sa mère, et après elle à MM. les princes de Conti l’un après l’autre. L’aîné de ces princes étoit mort il y avoit déjà longtemps, en sorte que celui-ci devint le seul appelé à ce grand héritage, que Mme de Nemours résolut bien de lui contester.

M. de Soubise fit presque en même temps le mariage de l’héritière de Ventadour avec son fils aîné. Elle étoit veuve du prince de Turenne, fils aîné de M. de Bouillon, et son survivancier, tué à Steinkerque et mort le lendemain, de ses blessures, écrivant à sa maîtresse. Il avoit montré par plusieurs pointes qu’il n’étoit pas indigne arrière-petit-fils du maréchal de Bouillon, pour ne parler de rien de plus récent ; et le cardinal de Bouillon en eut une telle douleur qu’il força le P. Gaillard, jésuite, fort attaché à eux tous, d’en faire l’oraison funèbre. Il n’en avoit point eu d’enfants dans un assez court mariage ; mais elle y avoit eu le temps de se faire connoître par tant de galanterie publique qu’aucune femme ne la voyoit, et que les chansons qui avoient mouché[1] s’étoient chantées en Flandre, dans l’armée où le prince de Rohan ne l’avoit pas épargnée, et souvent et publiquement chantée. Elle avoit voulu épouser le chevalier de Bouillon qu’elle trouvoit fort à son gré, et lui le désiroit fort pour les grands biens qu’elle avoit déjà et d’autres immenses qui la regardoient. M. et Mme de Ventadour ne vouloient pas ouïr parler d’un cadet fort peu accommodé. M. et Mme de Bouillon ne s’y opposoient pas moins, parce qu’ils désiroient la remarier au duc d’Albret, devenu leur aîné, duquel elle ne vouloit en aucune sorte, tellement que, par concert de famille, le roi fut supplié d’envoyer le chevalier de Bouillon refroidir ses amours à Turenne, où ils le tinrent jusqu’à ce qu’il n’en fût plus question ; mais elle aussi tint bon à refuser l’aîné. M. de Soubise regarda ce grand mariage comme la plus solide base de sa branche. Il avoit de bonnes raisons pour n’être pas difficile au choix la beauté de sa femme l’avoit fait prince et gouverneur de province, avec espérance de plus encore. La richesse d’une belle-fille, de quelque réputation qu’elle fût, lui parut mériter le mépris du qu’en-dira-t-on. En deux mots, le mariage se fit.

Il y avoit une vieille bourgeoise au Marais chez qui son esprit et la mode avoient toujours attiré la meilleure compagnie de la cour et de la ville ; elle s’appeloit Mme Cornuel, et M. de Soubise étoit de ses amis. Il alla donc lui apprendre le mariage qu’il venoit de conclure, tout engoué de la naissance et des grands biens qui s’y trouvoient joints. « Ho ! monsieur, lui répondit la bonne femme qui se mouroit, et qui mourut deux jours après, que voilà un grand et bon mariage pour dans soixante ou quatre-vingts ans d’ici ! » Le duc de Montfort, fils aîné du duc de Chevreuse, épousa en même temps la fille unique de Dangeau, chevalier de l’ordre et de sa première femme, fille de Morin dit le Juif, sœur de la maréchale d’Estrées. Elle passe pour très-riche, mais aussi pour ne pas retenir ses vents, dont on fit force plaisanteries.

Le duc de Villeroy en même temps épousa la seconde fille de Mme de Louvois, fort riche et charmante, sœur de M. de Barbezieux, et sœur aussi fort cadette de la duchesse de La Rocheguyon. L’archevêque de Reims, son oncle, aussi humble sur sa naissance, comme tous les Tellier, que les Colbert sont extravagants sur la leur, et par cela même assez dangereux sur celles des autres : « Ma nièce, lui dit-il, vous allez être duchesse comme votre sœur, mais n’allez pas croire que vous soyez pareilles. Car je vous avertis que votre mari ne seroit pas bon pour être page de votre beau-frère. » On peut juger combien cette franchise qui ne fut pas tue obligea son bon ami pourtant, le maréchal de Villeroy.

Enfin le marquis de La Châtre épousa la fille unique du premier mariage du marquis de Lavardin, chevalier de l’ordre, avec une sœur du duc de Chevreuse.

Il y eut cet hiver force bals et plusieurs beaux au Palais-Royal, au premier desquels j’eus l’honneur de mener au branle Mme la princesse de Conti, douairière, fille du roi, et le mardi gras, grande mascarade à Versailles dans le grand appartement où le roi amena le roi et la reine d’Angleterre, après leur avoir donné à souper. Les dames y étoient partagées en quatre quadrilles, conduites par Mme la duchesse de Chartres, Mademoiselle, Mme la Duchesse et Mme la princesse de Conti, douairière. Malgré la mascarade on commença par le branle, et j’y menai la fille unique du duc de La Trémoille qui étoit parfaitement bien faite, et qui dansoit des mieux. Elle étoit en moresse de la première quadrille qui l’emporta par la magnificence, et la dernière par la galanterie des habits.

Les armées furent distribuées à l’ordinaire, la grande de Flandre à M. de Luxembourg, une moindre au maréchal de Boufflers, et le marquis d’Harcourt son camp volant, celle d’Allemagne au maréchal de Larges, celle de Piémont au maréchal Catinat, et le duc de Noailles chez lui en Roussillon. Le maréchal de Villeroy doubla sous M. de Luxembourg, et le maréchal de Joyeuse sous M. de Lorges. Le maréchal de Choiseul alla en Normandie avec un commandement fort étendu.

MM. de Beuvron et de Montignon, chevaliers de l’ordre et lieutenants généraux de la province, firent difficulté de lui écrire monseigneur ; ils reçurent ordre du roi de le faire, et il fallut obéir. Monseigneur fut, après ces destinations, déclaré commander les armées en Flandre et tous les princes avec lui.

Le régiment que j’avois acheté se trouvoit en quartier dans la généralité de Paris, par conséquent destiné pour la Flandre, où je n’avois pas envie d’aller après tout ce qui s’étoit passé avec M. de Luxembourg. Par le conseil de M. de Beauvilliers, j’écrivis au roi mes raisons fort abrégées, et lui présentai ma lettre comme il entroit de son lever dans son cabinet le matin qu’il s’en alloit à Chantilly et à Compiègne faire des revues, et revenir incontinent après. Je le suivis à la messe, et de là à son carrosse pour partir. Il mit le pied dans la portière, puis le retira, et se tournant à moi : « Monsieur, me dit-il, j’ai lu votre lettre, je m’en souviendrai. » En effet, j’appris peu de temps après qu’on m’avoit changé avec le régiment du chevalier de Sully qui étoit à Toul, et qui alloit en Flandre en ma place, et moi en Allemagne en la sienne. J’eus d’autant plus de joie d’échapper ainsi à M. de Luxembourg, et par une attention particulière du roi, pleine de bonté, que je sus que M. de Luxembourg en eut un dépit véritable.

Il y avoit quelques années que Monseigneur avoit été fort amoureux d’une fille du duc de La Force, que, dans la dispersion de sa famille pour la religion, on avoit mise fille d’honneur de Mme la Dauphine pour la première fille de duc qui eût jamais pris ces sortes de places, et le roi en avoit chargé la duchesse d’Arpajon, dame d’honneur, qui la logea et nourrit dans son appartement de Versailles lorsque la chambre des filles fut cassée. On l’avoit depuis mariée au fils du comte de Roure avec la survivance de sa charge de lieutenant général de Languedoc, et quelque argent que le roi donna pour s’en défaire honorablement, après quoi elle avoit reçu défense de venir à la cour par M. de Seignelay. Monseigneur le souffrit respectueusement et se servit du marquis de Créqui pour continuer secrètement cette intrigue ; mais il arriva que le marquis et Mme du Roure se trouvèrent au gré l’un de l’autre.

Monseigneur le sut ; ils se brouillèrent avec éclat ; les présents furent rendus de part et d’autre, chose rare pour un dauphin, et le marquis de Créqui fut chassé hors du royaume où il passa quelque temps.

Cet hiver-ci le feu mal éteint se ralluma ; Mme du Roure ne put voir Monseigneur à Versailles si secrètement que le roi n’en fût averti. Il en parla à Monseigneur et il n’y gagna rien. Ce prince ne fit point ses pâques, dont le roi fut fort fâché, tellement qu’il chassa la dame en Normandie dans les terres de son père jusqu’à nouvel ordre. Monseigneur n’y sut faire autre chose que lui envoyer mille louis par Joyeu, son premier valet de chambre, et faire après ses dévotions. Le roi avoit envie qu’il allât en Allemagne, mais il préféra la Flandre par une intrigue qui se développa pendant la campagne, et le roi y consentit. Il choisit le bonhomme La Feuillée, lieutenant général très distingué, de près de quatre-vingts ans, pour être son conseil à l’armée, et ne rien faire sans son avis. Cela ne devoit pas être bien agréable à M. de Luxembourg ; mais le roi vouloit un mentor particulier à son fils. Il se souvint peut-être de ce qui s’étoit passé l’année précédente à Heilbronn, et il lui en voulut donner un dont il n’eût pas les mêmes inconvénients à craindre.

La Feuillée eut la distinction de ne prendre point jour à l’armée et d’y être pourtant reconnu et traité comme lieutenant général, toujours logé de préférence chez Monseigneur ou le plus près de lui, avec défense expresse du roi de faire les marches autrement qu’en carrosse, et de monter à cheval qu’auprès de Monseigneur devant les ennemis. C’étoit un très-honnête gentilhomme, doux, sage, valeureux, excellent officier général et qui méritoit toute cette confiance. M. de Chaulnes alla en son gouvernement de Bretagne ; le duc d’Aumont, bien qu’en année de premier gentilhomme de la chambre, à Boulogne ; le maréchal d’Estrées, au pays d’Aunis, Saintonge et Poitou ; et le maréchal de Tourville commanda l’armée navale, le comte d’Estrées une moindre et à ses ordres en cas de jonction dont Tourville demeura le maître.

J’allai voir à Soissons mon régiment assemblé. Je l’avois dit au roi qui me parla longtemps dans son cabinet et me recommanda la sévérité, ce qui fut cause que j’en eus dans cette revue plus que je n’aurois fait sans cela. J’avois été voir les maréchaux de Lorges et de Joyeuse qui étoient revenus chez moi. J’étois bien avec le second ; la probité de l’autre me plaisoit, de sorte que je me trouvai aussi content d’aller, en cette armée que je me serois trouvé affligé de servir en Flandre. Je partis enfin pour Strasbourg où je fus surpris de la magnificence de cette ville et du nombre, de la grandeur et de la beauté de ses fortifications.

J’eus le plaisir d’y revoir un de mes anciens amis : c’étoit le P. Wolf que j’envoyai d’avance quêter en cinq ou six maisons de jésuites là autour, et qu’on trouva à Haguenau, où il étoit recteur. Il avoit été compagnon du P. Adelman, confesseur de Mme la Dauphine, et comme dès ma jeunesse je savois et parlois parfaitement l’allemand, on prenoit soin de me procurer des connoissances allemandes, et ces deux-là m’avoient fort plu. À la mort de Mme la Dauphine on les envoya en Alsace ; mais on leur défendit d’aller plus loin. Le P. Adelman ne se put tenir d’aller revoir sa patrie. Cela fut trouvé si mauvais, que, pour conserver sa pension du roi, il fut obligé de s’en aller à Nîmes, et de se confiner en Languedoc, où il mourut. Le P. Wolf, plus sage, s’étoit tenu en Alsace, et y demeura toujours.

Nous fîmes quelques repas à la mode du pays dans la belle maison de M. Rosen, avec qui j’avois fait amitié la campagne précédente en Flandre, où il servoit de lieutenant général et étoit mestre de camp général de la cavalerie, et qui, très-obligeamment, me la prêta depuis tous les ans. Je m’arrêtai six jours à Strasbourg, où je fus conseillé de prendre le Rhin jusqu’à Philippsbourg. Je pris pour moi et le peu de gens que je menois, deux redelins attachés ensemble, qui sont de très-petits bateaux longs et étroits, fort légers, et d’autres pour ce qui me suivoit. Je couchai au fort Louis, où j’arrivai de bonne heure, et que j’eus le loisir de visiter en arrivant. Rouville, qui en étoit gouverneur, m’y reçut avec beaucoup de politesse et bonne chère ; et le lendemain j’allai coucher à Philippsbourg, où Desbordes, gouverneur, me logea et me fit bonne chère et force civilités aussi. Là je trouvai grande compagnie de gens qui alloient joindre l’armée, entre autres le prince palatin de Birkenfeld, capitaine de cavalerie dans Bissy, extrêmement de mes amis.

Le lendemain nous partîmes pour aller joindre la cavalerie campée à Obersheim, sous Mélac, lieutenant général ; l’infanterie étoit sous Landau avec les maréchaux et tous les officiers généraux. Dès que je fus arrivé, j’allai chez Mélac qui me vint voir le lendemain. Je reçus la visite de tout ce qu’il y avoit de brigadiers et de mestres de camp, et d’une infinité d’autres officiers, et je leur fis aussi la mienne, c’est-à-dire aux premiers. Ce camp, si voisin du Rhin, ressembloit par sa tranquillité à un camp de paix, mais bientôt toute notre cavalerie alla passer le Rhin sur le pont de Philippsbourg, et joindre de l’autre côté l’infanterie qui y étoit déjà avec tous les généraux, et ce fut là que j’allai pour la première fois d’abord chez les deux maréchaux de France. J’allai aussi voir Villars, lieutenant général et commissaire général de la cavalerie, qui la commandoit, et à mon loisir les principaux officiers généraux.

Je me trouvai avec Sonastre dans la brigade d’Harlus qui formoit la gauche de la seconde ligne. C’étoient deux très honnêtes gens et fort sociables.

Sonastre étoit gendre de Montbron, chevalier de l’ordre, et seul lieutenant général de Flandre qui avoit été fort à la mode, et qui se tenoit presque toujours dans son gouvernement de Cambrai. Harlus étoit un vieil officier de distinction, gaillard et pourtant sachant fort vivre : il avoit une charge d’écuyer du roi, et il étoit frère aîné de Vertilly, major de la gendarmerie, aussi fort galant homme.

La veille de la Saint-Jean, dînant chez moi avec les marquis de Grignan, d’Arpajon et de Lautrec, et plusieurs autres officiers, nous apprîmes que les ennemis paraissoient sur les hauteurs en assez grand nombre : nous étions campés le cul dans le Necker, à la petite portée du canon d’Heidelberg, et nous en apprîmes la confirmation au quartier général, où nous courûmes. On donna divers ordres, et sur le minuit l’armée se mit en marche.

Barbezières étoit devant avec un assez gros détachement pour les reconnoître au plus près qu’il pourroit, mais avec défense de rien engager.

Les petits détachements qu’il poussa devant lui s’approchèrent si près des ennemis, qu’ils furent obligés de se reployer sur Barbezières qui les blâma de s’être indiscrètement avancés. Au jour qui commençoit à se faire grand, il se reconnut fort inférieur à eux qui venoient à lui, et il envoya demander du secours au maréchal de Lorges. Ce général, qui ne vouloit rien entamer sans savoir bien ce qu’il faisoit, fut fort fâché de cet engagement, envoya soutenir Barbezières, et lui manda de se retirer. Ce secours trouva les pistolets en l’air, mais les ennemis qui n’étoient là qu’en détachement, et qui crurent notre armée tout proche, ne suivirent plus Barbezières que mollement, qui fit sa retraite aisément.

Cependant l’armée continua sa marche en forme de croissant, en faisant de longues haltes. Elle arriva vers une heure après midi fort près du village de Roth, et fort proche aussi des ennemis qui occupoient les hauteurs de Weisloch fort entrecoupées de haies et de vignes, dont le revers nous étoit inconnu. Le village de Weisloch étoit sur la crête, un peu en penchant et vers notre droite, et au bas de ces hauteurs il y avoit un ruisseau dont les bords étoient assez mauvais. Il vint un faux avis, et qui nous fit faire halte en colonnes, que les bagages, qui marchoient en assez mauvais ordre, étoient abandonnés et au pillage. Le maréchal de Joyeuse y poussa à toute bride, mais il apprit en chemin que ce n’étoit qu’une fausse alarme, et revint promptement sur ses pas.

Les ennemis avoient de petits postes sur ce ruisseau que j’ai dit, surtout un pour en garder un pont de pierre. Le comte d’Averne, brigadier de dragons, eut ordre de l’attaquer, et il l’emporta ; mais il y fut tué après les avoir chassés de là et poursuivis fort loin. C’étoit un Sicilien de condition que le malheur, plus que le choix, avoit jeté dans la révolte de sa patrie et que M. de La Feuillade ramena avec quelques autres, lorsqu’il retira les troupes françaises de Sicile. Il fut fort regretté pour son mérite et sa valeur, et surtout de M. le maréchal de Lorges, à qui il s’étoit fort attaché et à M. de La Rochefoucauld.

Le marquis du Châtelet passa le ruisseau avec la brigade de Mérinville, qu’il commandoit en son absence, et chassa les ennemis des hauteurs, aidé de quelques compagnies de gendarmerie. Il n’y eut que les troupes qui formoient les deux ailes de la droite, par où on avoit marché, qui eurent part à ce petit combat dont le reste étoit trop éloigné. Le maréchal de Lorges, qui voyoit tout près des coteaux fourrés dont il ne connoissoit ni les revers ni ce qui y pouvoit être de troupes, fit retirer les siennes, garda le ruisseau et se campa dans la plaine, son quartier général à Roth. Il y demeura huit jours avec beaucoup de précaution, jusqu’à ce que les magasins de farine à Philippsbourg se trouvant épuisés et les fourrages mangés dans tout ce petit pays, il ramena son armée en deçà du Rhin.

Il fit la plus belle marche du monde. Il décampa de Roth, à onze heures du matin, à grand bruit de guerre, sur neuf colonnes qui firent la caracole en partant, en présence des ennemis qui occupoient l’autre côté du ruisseau, et campoient sur le revers des hauteurs qui étoient derrière, où le petit combat s’étoit donné. Toutes ces colonnes passèrent un bois avec tant de justesse que dans la plaine de Schweitzingen, où elles se mirent en bataille aussitôt, chaque brigade s’y trouva dans son ordre et dans sa place. On défila ensuite avec grand ordre et promptitude, sur un pont et par un gué d’un gros ruisseau, les troupes en bataille, jusqu’à ce que ce fût à chacune à passer. Le maréchal de Joyeuse se tint au pont pour maintenir l’ordre et diligenter tout, et le maréchal de Lorges à son arrière-garde. Tout fut passé en deux heures, parce que les vivres, l’artillerie et les gros et menus bagages avoient pris les devants. On crut quelque temps que cette marche seroit inquiétée, mais on sut après que le prince Louis de Bade, qui commandoit l’armée impériale, ne l’avoit osé, et avoit dit tout haut aux siens que cette marche étoit trop bien ordonnée pour qu’il la pût attaquer avec succès.

Nous campâmes aux Capucins de Philippsbourg, où en allant toute l’armée s’étoit jointe, et comme tous les équipages étoient à Obersheim, avec la réserve et Romainville, qui la commandoit, un des plus anciens et des plus dignes brigadiers de cavalerie, chacun se fourra comme il put dans Philippsbourg, où le gouverneur me fit donner la chambre du major, et où La Châtre, qui en eut le vent, me fit demander de s’y venir réfugier avec moi. Le lendemain, le major nous donna à déjeuner ; et, tandis que l’armée défiloit sur le pont du Rhin, j’allai faire ma cour aux deux maréchaux, et de là je la fus joindre à Obersheim, où elle campa.

Nous passâmes à Spire, dont je ne pus m’empêcher de déplorer la désolation.

C’étoit une des plus belles et des plus florissantes villes de l’empire ; elle en conservoit les archives ; elle étoit le siège de la chambre impériale, et les diètes de l’empire s’y sont souvent assemblées. Tout y étoit renversé par le feu que M. de Louvois y avoit fait mettre, ainsi qu’à tout le Palatinat, au commencement de la guerre ; et ce qu’il y avoit d’habitants, en très-petit nombre, étoient buttés sous ces ruines ou demeurant dans les caves. La cathédrale avoit été plus épargnée ainsi que ses deux belles tours et la maison des jésuites, mais pas une autre. Chamilly, premier lieutenant général de l’armée et gouverneur de Strasbourg, demeura à Obersheim avec Vaubecourt, maréchal de camp, et toute l’infanterie : les maréchaux, tous les officiers généraux, toute la cavalerie et la seule brigade de Picardie, allèrent à Osthoven et Westhoven, et, huit jours après, à Guinsheim, le cul dans le Vieux-Rhin. Ce fut là où se firent les réjouissances des succès de Catalogne.




  1. Le mot moucher se trouve plusieurs fois dans Saint-Simon avec le sens particulier de voler en bourdonnant comme une mouche.