imprimerie de la Vérité (Ip. 172-173).

LA PAIX OU LA GUERRE


4 mars 1882


Le News, de Saint-Jean d’Iberville, est d’une humeur massacrante par le temps qui court, et il nous accable de ses épithètes les plus sonores. Notre confrère nous accuse « d’anglophobie » et prétend que nous voulons inspirer à nos compatriotes une haine aveugle contre la minorité anglaise. Cet écrivain féroce nous somme de nous amender sans délai. « Il est grand temps, dit le News, que la Vérité nous déclare si c’est la guerre ou la paix qu’elle veut ; si elle veut maintenir la bonne entente qui a jusqu’ici existé entre les Franco-Canadiens et les Anglo-Canadiens, ou si elle doit s’efforcer, comme elle l’a fait jusqu’ici, de détruire cette harmonie. C’est la paix ou la guerre, et la Vérité fera bien de considérer si le jeu vaut la chandelle ? »

Ainsi jase le News. Et de plus, notre confrère nous menace de traduire nos articles afin que ses lecteurs connaissent les terribles choses que nous disons. Cette proposition nous va à merveille ; nous sommes même prêt à fournir à notre belliqueux confrère, gratuitement, une bonne traduction anglaise de tous nos écrits où il sera question de la fière Albion.

Quant à cette accusation d’anglophobie, elle est tout simplement ridicule. Nous n’avons ni haine, ni préjugés contre l’Angleterre et ses braves habitants. On ne hait jamais son propre sang. Or, nous avons du sang anglais dans les veines, bien plus peut-être que le bretteur du News n’en a dans les siennes ; la langue anglaise est notre langue maternelle ; nous l’avons parlée exclusivement jusqu’à l’âge de dix-sept ans.

Mais bien que nous n’ayons aucune haine contre l’Angleterre et la nation anglaise, nous n’approuvons pas tout ce que certains Anglais font, disent et pensent. Et quand nous n’aimons pas une chose, c’est notre habitude de ne pas nous gêner pour le dire.

Comme dit la chanson :

Je ne peux pas me déshabituer de ça.

Et, ce qui plus est, nous n’allons pas même essayer de nous en déshabituer pour plaire à nos bons amis du News.

Les Anglais, chez eux, sont fort aimables, mais il est admis que ceux d’entre eux qui vont s’établir dans les colonies ne le sont pas autant, règle générale. Ils se croient supérieurs à tous ceux qui les entourent et se donnent des airs ridicules.

À voir agir nos Anglo-canadiens et à lire la plupart de leurs journaux, on dirait que les Canadiens-français ne sont que tolérés ici, dans la Province de Québec. Cela ne nous plaît pas.

Ainsi, nous allons continuer, comme par le passé, malgré les colères et les foudres du News, à dire notre façon de penser au sujet de MM. les Anglais quand nous le jugerons à propos.

La paix que le News nous offre, nous n’en voulons pas, et la guerre dont il nous menace, nous n’en avons pas peur.

And now gentlemen, what are you going to do about it ?