imprimerie de la Vérité (Ip. 150-151).

MAUVAISES LECTURES


18 août 1881


Notre collaborateur, M. Fontaine, a dit récemment ce qu’il pense du roman : Il le condamne, et il a bien raison. La lecture des romans n’a jamais produit du bien gros comme la tête d’une épingle, tandis qu’elle a certainement causé beaucoup de mal.

Mais il y a un autre genre de littérature qui n’est guère moins mauvais que le roman, c’est le fait divers à sensation. Ouvrez la plupart de nos journaux et qu’est-ce que vous y trouvez ? Des écrits intitulés comme suit : « Meurtre horrible. » « Une nuit de noces sanglante. » « Horribles détails, un assassin de quinze ans. » « Un affreux suicide. » « Meurtre atroce. » « Bataille à mort, » etc. Ce ne sont pas des titres imaginaires, nous les avons copiés textuellement dans deux ou trois journaux de Québec.

Dans quel but publie-t-on ces « détails horribles ? » Assurément la lecture de ces récits sanglants, où sont minutieusement décrits les crimes les plus révoltants, ne saurait produire le moindre bien, et elle peut causer du mal. On le sait, par une triste expérience, ces crimes éclatants, ces meurtres étranges fascinent en quelque sorte les esprits faibles et les portent à imiter les funestes exemples qu’on leur met constamment sous les yeux.

Nous ne l’ignorons pas, un certain nombre de lecteurs demandent ces faits divers. Mais c’est un goût dépravé, et les journalistes devraient avoir assez de caractère pour résister au courant et réagir contre cette tendance déplorable. Le devoir du journaliste est de former l’opinion, de la réformer quand il y a lieu ; non point de la suivre aveuglément.