imprimerie de la Vérité (Ip. 80-83).

LÉON XIII ET L’ÉDUCATION


6 mai 1882


Un de nos lecteurs nous écrit pour demander quels sont jusqu’ici les actes les plus graves de Sa Sainteté Léon XIII touchant l’éducation des enfants chrétiens. Nous n’hésitons pas à répondre qu’à notre humble avis ce sont les déclarations solennelles que le S. Père faisait entendre au monde catholique dans sa Lettre Encyclique annonçant un Jubilé extraordinaire, le 12 mars 1881, et dans l’admirable Constitution Apostolique du 8 mai de la même année relativement à certains points controversés entre les Évêques et les Missionnaires Réguliers d’Angleterre et d’Écosse.

Voici des extraits de ces deux importants documents que les catholiques sincères devraient souvent méditer en ces jours pleins de dangers pour l’éducation chrétienne :


I
L’encyclique du 12 mars 1881.


Après avoir fait remarquer que de nos jours les ennemis de l’Église s’acharnent surtout à miner l’influence bienfaisante du Saint-Siège et à combattre les droits de la sainte Église dans l’enseignement, le Saint-Père ajoute, en développant ce dernier point :

« Sans aucun égard pour ce pouvoir d’enseigner qui réside dans le Pontife Romain, ils (les ennemis de l’Église) écartent Notre autorité de l’instruction même de la jeunesse ; et, s’il nous est permis — ce qui n’est interdit à aucun particulier — d’ouvrir à nos frais des écoles pour l’instruction des enfants, la violence et la rigueur des lois civiles font invasion jusque dans ces écoles. Nous sommes d’autant plus vivement ému d’un si funeste spectacle que Nous n’avons pas les moyens suffisants de subvenir, autant que Nous le souhaiterions, à tant de maux. En effet, nous sommes vraiment plus sous le pouvoir de Nos ennemis que Nous ne Nous appartenons à Nous-même : et l’usage même de cette liberté qu’on Nous accorde n’a pas un fondement certain de durée et de stabilité, puisque le bon plaisir d’un autre peut Nous l’enlever ou l’amoindrir.

« Cependant, il est manifeste, d’après une expérience quotidienne, que la contagion du mal gagne de plus en plus dans le reste du corps de l’État chrétien et s’étend à un grand nombre d’hommes. Car les peuples séparés de l’Église tombent chaque jour dans des calamités plus grandes ; et du moment que la foi catholique est éteinte ou affaiblie, la porte est ouverte au dévergondage des idées et à la curiosité malsaine des nouveautés. Lorsqu’on a méprisé le très grand et très noble pouvoir de celui qui tient la place de Dieu sur la terre, il est évident qu’il ne reste dans l’autorité des hommes aucun frein assez fort pour retenir les esprits indomptés des rebelles ou pour réprimer, dans la multitude, l’ardeur d’une liberté en démence. Aussi la société civile, bien qu’elle ait déjà subi de grandes calamités, est-elle épouvantée par la perspective de périls plus grands encore.

« C’est pourquoi il est nécessaire que l’Église, pour repousser les efforts de ses ennemis et accomplir sa charge au profit de tous, travaille à combattre beaucoup. Mais dans ce combat violent et varié, où il s’agit de la gloire divine et où l’on se bat pour le salut éternel des âmes, toute la valeur et toute l’habileté de l’homme seraient vaines si l’on n’était aidé par les secours célestes appropriés aux temps. »


II


Au sujet des écoles destinées aux enfants du peuple chrétien, le Saint Père affirme solennellement que

« La charge d’y enseigner est un ministère des plus sacrés ; sanctissimum docendi ministerium ; et que ces écoles doivent se ranger tout à côté des lieux de piété.

« Leur nom même indique leur but : elles ont été fondées pour apprendre à la jeunesse les premiers éléments des lettres et les premières vérités de la foi, ainsi que les préceptes de la morale, éducation nécessaire en tout temps, en tout lieu, dans tous les états, et qui a autant d’influence sur le salut de l’humanité entière que sur le salut de chaque individu. C’est, en effet, de l’éducation reçue dans l’enfance que dépend le plus souvent la conduite qu’on tient pendant le reste de la vie.

« Aussi Pie IX a-t-il montré sagement dans les lignes suivantes ce qu’on doit avant tout demander aux maîtres de ces écoles : — Dans ces écoles, dit-il, il faut que tous les enfants des classes du peuple reçoivent, même dès la plus tendre enfance, une connaissance sérieuse des mystères et des commandements de notre très sainte religion, et soient formés avec soin à la piété, à l’honnêteté des mœurs, à la vie chrétienne comme à la vie civile. Dans ces écoles, c’est surtout l’étude de la religion qui doit dominer et tenir le premier rang dans l’éducation, de telle sorte que les autres connaissances que la jeunesse y reçoit paraissent n’être que des accessoires. » (Epist. ad Archiep. Friburg. an. 1864).

« Tout le monde comprend, » continue Léon XIII, « que l’éducation des enfants ainsi entendue doit être du nombre des devoirs imposés à l’Évêque, et que les écoles en question, dans les villes les plus peuplées comme dans les plus petites bourgades, comptent parmi les œuvres dont la direction appartient à l’administration diocésaine.

« D’ailleurs, ce que la raison affirme, l’histoire le met dans une très vive lumière.

« Il n’est, en effet, aucune époque où ne se soit particulièrement manifesté le soin des conciles à établir et à protéger ces écoles, à propos desquelles ils ont pris de sages décisions.

« On voit dans les décrets qu’ils recommandent aux Évêques de les affermir et de leur donner de l’extension tant dans les villes que dans les bourgs (Synod. I. Provin. Camerae. et Synod. Provinc. Mechlin.) et d’y donner aux enfants une éducation, autant que possible, gratuite {Synod. Namurcen. an. 1604).

« De l’autorité des mêmes conciles sont émanées des lois exigeant que les élèves donnent le meilleur de leur esprit à la religion et à la piété (Synod. Antuerpien.) énumérant les qualités et les connaissances que doivent posséder les maîtres (Syn. Camerae. an. 1550) et leur demandant un serment conforme à la profession de la foi catholique, (Synod. II. provinc. Mechlin.) : enfin on institua des inspecteurs chargés de visiter les écoles et d’examiner s’il s’y trouvait quelques défauts ou vices organisation et si l’on ne faisait pas peut-être quelque infraction aux règles prescrites par les lois diocésaines. (Synod. II, Mechlin—Synod. Provinc. Pragen. an. 1860).

« En outre, comme les Pères des Conciles comprenaient bien le ministère pastoral confié aux curés, ils leur attribuèrent un rôle important dans les écoles des enfants, charge qui s’accorde parfaitement avec celle de la direction des âmes.

« Il fut donc décidé que, dans chaque paroisse, on établirait des écoles pour les enfants (Synod. Valens. an. 529 — Synod. Nannet, et Burdigal, 1583), écoles qui reçurent le nom de paroissiales (Synod. I. Provinc. Mech. — Colencen. an. 1863, et Synod. Provinc. apud Maynooth. 1875) ; on prie les curés de prendre soin de l’éducation et de s’adjoindre le secours de maîtres et de maîtresses. (Synod. Nannet. sup. cit. — Antuerpien. sup. cit. — Burdigal. 1850) ; on leur donna aussi la tâche de gouverner ces écoles et d’apporter à cette œuvre tout le zèle possible. (Synod. Provinc. Vienn. 1858. — Provinc. Ultraject. 1865) ; que s’ils n’accomplissent pas tout cela intégralement et selon leur promesse, ils sont accusés d’avoir manqué à leur devoir (Synod. Colocen. 1863, — Colonien. 1860. — Ultraject. 1863), et on juge qu’ils ont mérité une réprimande de l’Évêque. (Synod. I. Provin. Camerae). »