Mélanges/Tome I/111

imprimerie de la Vérité (Ip. 364-365).

LA « MINERVE » JOURNAL CATHOLIQUE


17 décembre 1881


Il y a quelque temps la vieille Minerve est entrée dans une colère blanche parce qu’une feuille de Québec avait annoncé qu’il était sérieusement question de fonder un journal catholique à Montréal. Quoi ! s’est écriée la déesse, ne suis-je pas catholique, moi, et ne l’ai-je pas toujours été ? Que veut-on de plus orthodoxe que moi ?

Eh bien, non ! La Minerve existe depuis plus d’un demi-siècle, et elle n’a jamais été considérée par le clergé comme un journal catholique. En voici une preuve. On trouve à la suite d’une Lettre circulaire des Pères du deuxième concile de Québec au clergé de la Province ecclésiastique, datée du 14 juin 1854 et signée par tous les évêques, un Règlement disciplinaire adopté dans le deuxième concile provincial de Québec où on lit les mots suivants sous la rubrique, « VI. Des journaux. »


Le besoin d’un journal français, pour propager les bons principes, se fait de plus en plus sentir. Ce journal, rédigé par des laïques instruits et chrétiens, produirait plus de fruits, parce qu’il rencontrerait moins de préjugés que s’il était sous l’entière direction du clergé. On aura donc à aviser aux moyens de rendre ce nouveau service à la religion.

En 1854, la Minerve n’était certainement pas plus païenne qu’elle l’est aujourd’hui, et pourtant tous NN. SS. les évêques d’alors trouvaient qu’il fallait un journal qui s’occupât de « propager les, bons principes, »  » c’est-à-dire un journal catholique.

De temps à autre, la Minerve se prend d’un beau zèle pour défendre l’épiscopat, surtout contre ceux qui ne l’attaquent pas et qui le respectent infiniment plus que la vieille déesse de la rue Notre-Dame. Mais tout en défendant nos évêques contre des assauts imaginaires, elle se permet de reproduire les plus détestables écrits du détestable Figaro, journal où la grivoiserie la plus révoltante coudoie le libéralisme catholique le plus dangereux. C’est ainsi qu’il n’y a pas longtemps encore ce journal si catholique reproduisait, sans commentaires, de la feuille parisienne, un article sur les affaires romaines où l’on faisait tenir au cardinal Jacobini le langage suivant :


Montrons-nous conciliants, sans quoi nous compromettrons la position du Saint-Siège plus que ne l’a compromise notre saint prédécesseur Pie ix.


La Minerve un journal catholique, mais c’est un comble !