Mercure de France (p. 42-43).

XIV


J’ai rappelé mon fils d’Egypte.
Matthieu, c. ii, 15.


Cette femme qui trime n’aurait que sujets d’amertume si, de temps à autre, elle ne retirait de sa poche une lettre graisseuse de son fils envoyée d’Algérie où il est zouave. Et la pauvre mère, qui cire le parquet à genoux, conçoit une crainte mêlée de fierté à la pensée que dans l’oasis où il y a des lions comme à la foire, son petit se promène de ce pas déluré que conservent, lorsqu’ils rentrent au village, ceux qui ont foulé le sable sous un ciel de chaux bleue. Rencontrera-t-il de dangereuses femmes, boira-t-il l’absinthe ? Ne fera-t-il pas un mauvais coup ? Cependant elle se rassure, car elle confie son fils, par toute la force de la prière, à la sainte Famille qu’elle a vue sur un vitrail soustraire aux massacres d’Hérode l’Enfant qui tette à l’ombre d’un palmier du désert de l’Egypte.

N’est-ce pas la grâce de Dieu qui tombe sur le front de cette servante comme s’épanchait la fraîcheur de l’arbre sur l’allaitement de Notre-Seigneur ? Ce n’est point tout que de trouver ce vitrail d’une puérilité criarde, mais il faut saisir à travers lui cette Lumière qui, réfractée par une âme pure, laisse dans les ténèbres tout art et toute crainte