Mercure de France (p. 26-27).

VI


Je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.
Matthieur, c. vi, 30.


Ceux qui ne se vêtent plus que pour se vêtir sont poignants, en qui toute idée de plaire a disparu, et plus poignants encore si leurs misérables habits témoignent d’un souci d’honnêteté.

J’ai vu, à l’entrée de la ville, à la fin d’un jour brûlant, un pauvre vêtu d’une jaquette déposer son bissac et laver à la borne-fontaine ses yeux brûlés par la poussière de la marche. Ainsi le Fils de l’Homme fut-il recouvert de pourpre et but-il au torrent. J’ai vu, sur un banc, au clair de lune, un jeune homme dormir la tête appuyée à un pain. Un élégant chapeau le coiffait, sa cravate à son col se nouait bien, mais ses pieds dans des sandales étaient nus. Encore : cette fille aux souliers de soldat, à la face rendue mâle par la douleur, elle était à genoux près de moi. Et, à la filasse de son chignon mal tordu, on devinait de quel renoncement s’étayait son indispensable prière. Une plume d’oie — le luxe ! — surmontait un affreux canotier posé de travers sur ce chignon. Mais peut-être qu’aux yeux de celui qui fut couronné d’épines ce couvre-chef brillait autant que l’auréole d’Agnès, et que ces courts cheveux étaient aussi longs que ceux qui voilèrent à ses bourreaux la frêle beauté de la sainte.