Méditation sur le saint temps de carême/Solitude, prends-moi, voici le temps enfin



I.


Solitude, prends-moi, voici le temps enfin
De rêver dans mon cœur au prodige divin !
Le temps de faire trêve aux plaisirs de la terre,
Et de s’entretenir du sublime mystère,
En donnant tous nos pleurs à l’immortel amour !
Après dix-huit cents ans revient encor le jour
Où Dieu, réunissant près de lui ses fidèles,
Leur disait[1] : « Je m’en vais aux voûtes éternelles,
Le moment est venu, Jérusalem m’attend ;
Et tout va s’accomplir ! » Alors, en cet instant ;

Pour les convaincre mieux, redoublant sa puissance,
De l’aveugle il ouvrait les yeux !! Ô providence
Du faible et des petits ! faites ainsi pour nous !
Ouvrez, ouvrez nos yeux, nous sommes à genoux ;
Donnez-nous cette foi qui sauve des ténèbres,
Et voyons, contemplons tant de scènes funèbres !
Faisons-nous un désert aussi, pour y rêver,
Un silence où le cœur puisse se retrouver !
La parole est en nous, la parole sublime,
Simple, sans ornemens, semblable à la victime,
Qui marche à son triomphe, un roseau dans la main.
Ah ! traînons-nous en pleurs sur ce triste chemin ;
Il est temps, il est temps ! fermons bien nos demeures,
Et laissons lentement tomber en nous les heures :
Chacune de ce temps apportera son fruit :
Pour vous suivre, ô Seigneur, donnez-nous votre esprit.

  1. In illo tempore assumpsit Jesus duodecim et ait illis : Ecce, ascendimus ad Jerusalem et consummabuntur omnia.