Mécanique analytique/Avertissement de la deuxième édition

Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIp. xiii-xviii).


AVERTISSEMENT
DE LA DEUXIÈME ÉDITION.


On a déjà plusieurs Traités de Mécanique, mais le plan de celui-ci est entièrement neuf. Je me suis proposé de réduire la théorie de cette Science, et l’art de résoudre les problèmes qui s’y rapportent, à des formules générales, dont le simple développement donne toutes les équations nécessaires pour la solution de chaque problème.

Cet Ouvrage aura d’ailleurs une autre utilité : il réunira et présentera sous un même point de vue les différents principes trouvés jusqu’ici pour faciliter la solution des questions de Mécanique, en montrera la liaison et la dépendance mutuelle, et mettra à portée de juger de leur justesse et de leur étendue.

Je le divise en deux Parties : la Statique ou la Théorie de l’Équilibre, et la Dynamique ou la Théorie du Mouvement ; et, dans chacune de ces Parties, je traite séparément des corps solides et des fluides.

On ne trouvera point de Figures dans cet Ouvrage. Les méthodes que j’y expose ne demandent ni constructions, ni raisonnements géométriques ou mécaniques, mais seulement des opérations algébriques, assujetties à une marche régulière et uniforme. Ceux qui aiment l’Analyse verront avec plaisir la Mécanique en devenir une nouvelle branche, et me sauront gré d’en avoir étendu ainsi le domaine.

Tel est le plan que j’avais tâché de remplir dans la première édition de ce Traité, publiée en 1788. Celle-ci est, à plusieurs égards, un Ouvrage nouveau, sur le même plan, mais plus ample. On a donné plus de développement aux principes et aux formules générales, et plus d’étendue aux applications, dans lesquelles on trouvera la solution des principaux problèmes qui sont du ressort de la Mécanique.

On a conservé la notation ordinaire du Calcul différentiel, parce qu’elle répond au système des infiniment petits, adopté dans ce Traité. Lorsqu’on a bien conçu l’esprit de ce système, et qu’on s’est convaincu de l’exactitude de ses résultats par la méthode géométrique des premières et dernières raisons, ou par la méthode analytique des fonctions dérivées, on peut employer les infiniment petits comme un instrument sûr et commode pour abréger et simplifier les démonstrations. C’est ainsi qu’on abrège les démonstrations des Anciens par la méthode des indivisibles.

Nous allons indiquer les principales augmentations qui distinguent cette édition de la précédente.

La première Section de la première Partie contient une analyse plus complète des trois principes de la Statique, avec des remarques nouvelles sur la nature et la liaison de ces principes ; elle est terminée par une démonstration directe du principe des vitesses virtuelles, et tout à fait indépendante des deux autres principes.

Dans la deuxième Section, on démontre d’une manière plus rigoureuse que le principe des vitesses virtuelles, pour un nombre quelconque de forces en équilibre, peut se déduire du cas où il n’y a que deux forces, ce qui ramène directement ce principe à celui du levier ; on réduit à une forme plus générale les équations qui résultent de ce principe, et l’on donne les conditions nécessaires pour qu’un système de forces soit équivalent à un autre système de forces et puisse le remplacer.

Dans la troisième Section, on établit d’une manière plus directe les formules des mouvements instantanés de rotation et de la composition de ces mouvements, et l’on en déduit la théorie des moments et de leur composition ; on y expose une propriété peu connue du centre de gravité, et l’on donne une nouvelle démonstration des maxima et minima qui ont lieu dans l’état d’équilibre.

La quatrième Section contient des formules plus générales et plus simples pour la solution des problèmes qui dépendent de la méthode des variations ; et, par la comparaison de ces formules avec celles de l’équilibre des corps de figure variable, on y montre comment les questions relatives à leur équilibre rentrent dans la classe de celles qui sont connues sous le nom de problème général des isopérimètres, et se résolvent de la même manière.

La cinquième Section offre quelques problèmes nouveaux et des remarques importantes sur quelques-unes des solutions déjà données dans la première édition.

Dans la sixième Section, on a ajouté quelques détails à l’analyse historique des principes de l’Hydrostatique.

On a donné, dans la septième Section, plus de rigueur et de généralité au calcul des variations des molécules d’un fluide, et l’on a rendu beaucoup plus simple l’analyse des termes qui se rapportent aux limites de la masse fluide ; on a déduit de ces termes la théorie de l’action des fluides sur les solides qu’ils recouvrent ou sur les parois des vases qui les renferment, et l’on en a tiré une démonstration directe de ce théorème que, dans l’équilibre d’un solide avec un fluide, les forces qui agissent sur le solide sont les mêmes que si le fluide ne formait qu’une seule masse avec le solide. On a ajouté aussi, tant dans cette Section que dans la suivante, qui traite de l’équilibre des fluides élastiques, quelques applications des formules générales de l’équilibre des fluides.

La deuxième Partie, qui contient la Dynamique, offre un plus grand nombre d’augmentations.

Dans la première Section, on a rendu plus complète et plus exacte dans quelques points l’analyse historique des principes de la Dynamique.

Il y a dans la deuxième Section une addition importante, où l’on montre dans quels cas la formule générale de la Dynamique et, par conséquent aussi, les équations qui en résultent pour le mouvement d’un système de corps sont indépendantes de la position des axes des coordonnées dans l’espace, ce qui donne le moyen de compléter une solution où l’on aurait supposé nulles quelques constantes, par l’introduction de trois nouvelles constantes arbitraires.

Dans la troisième Section, on a donné plus d’extension aux propriétés relatives au mouvement du centre de gravité et aux aires décrites par un système de corps ; on y a ajouté la théorie des axes principaux ou de rotation uniforme, déduite de la considération des mouvements instantanés de rotation par une analyse différente de celle qu’on y avait employée jusqu’ici ; et l’on y démontre quelques théorèmes nouveaux sur la rotation d’un corps solide ou d’un système de corps, lorsqu’elle dépend d’une impulsion primitive.

La quatrième Section est, à peu de chose près, la même que dans la première édition.

Mais la cinquième Section est entièrement nouvelle ; elle renferme la théorie de la variation des constantes arbitraires, qui a fait l’objet de trois Mémoires imprimés parmi ceux de la première Classe de l’Institut pour l’année 1808, mais présentée d’une manière plus simple et comme une méthode générale d’approximation pour tous les problèmes de Mécanique où il y a des forces perturbatrices peu considérables par rapport aux forces principales.

Nous observerons ici, pour donner à cette théorie toute l’étendue dont elle est susceptible, que la fonction qui dépend des forces principales, ne peut être qu’une fonction exacte des seules variables indépendantes et du temps mais qu’il n’est pas nécessaire que la fonction désignée par et qui dépend des forces perturbatrices, soit aussi de la même nature. Quelles que soient ces forces, si on les décompose, pour chaque corps m du système, en trois suivant les coordonnées et tendantes à les augmenter, il n’y aura qu’à réduire ces coordonnées en fonctions des variables indépendantes et l’on pourra substituer à la place des différences partielles les sommes respectives

et, par conséquent, à la place de la quantité

où la caractéristique se rapporte aux constantes arbitraires ; de sorte qu’on pourra changer en

et ainsi des autres différences partielles de De cette manière, la méthode sera applicable à des forces perturbatrices représentées par des variables quelconques.

Enfin la sixième Section, qui est la dernière de ce Volume, et qui répond au paragraphe premier de la cinquième Section de l’édition précédente, est augmentée de différentes remarques, et surtout de la solution de quelques problèmes sur les oscillations très petites des corps ; elle est terminée par la théorie des cordes vibrantes, que j’avais donnée dans le premier Volume des Mémoires de Turin, et qui est présentée ici d’une manière plus simple et à l’abri des objections que d’Alembert avait faites contre cette théorie, dans le premier Volume de ses Opuscules.

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