Traduction par Isabelle de Montolieu.
chez Arthus Bertrand (tome 1p. i-vi).

PRÉFACE DU TRADUCTEUR.

L’ouvrage dont j’offre la traduction au public, et principalement à la jeunesse, ne porte aucun nom. L’auteur n’y est désigné que par lettre de quelques ouvrages précédens, que je ne connais point, mais qui, sans doute, ont du mérite, à en juger par celui-ci. S’il est accueilli favorablement, je tâcherai de me les procurer pour les traduire aussi, et de savoir le nom de celle à qui on les doit. Une Épître dédicatoire à son fils apprend seulement que c’est une femme, et sans cette preuve on l’aurait présumé. Une tendre épouse, une excellente mère devait avoir tracé le beau caractère d’Agnès ; elle en aura trouvé le modèle dans son cœur ; et peut-être son fils, qu’elle paraît chérir, lui a-t-il fourni celui de Ludovico. Son esprit observateur, qui a saisi avec intelligence les différentes nuances dont l’âme humaine est susceptible, a tracé le singulier caractère de M. Alfred Lewis ; et l’auteur l’a développé avec beaucoup d’intérêt. Elle a prouvé qu’on peut exciter la sensibilité sans amour : à peine en est-il question dans son ouvrage ; et, en le lisant, on est ému d’un bout à l’autre. Plus d’une fois en le traduisant j’ai senti mes yeux se baigner de larmes ; et mon petit Ludovico est bien fait pour produire cet effet sur tous les cœurs maternels. Je me flatte surtout qu’il trouvera des amis chez les enfans, à qui je dédie ma traduction, avec le désir et l’espoir de leur offrir dans Ludovico un modèle dont ils se plaîront à imiter les vertus simples et modestes, l’amour filial et la persévérance dans le travail.

Le titre de cet ouvrage m’a fort embarrassée : c’est, en anglais, The Son of a Genius, littéralement, le Fils d’un Génie, ce qui, en français, laisserait supposer un conte de Fées. Il me parut d’abord aussi que l’épithète de génie était accordée un peu légèrement à M. Lewis, du moins dans le sens qu’en France on donne à ce mot. J’aurais voulu en trouver un autre pour exprimer à-la-fois et les talens qui le distinguaient, et la légèreté présomptueuse qui l’empêchait de les porter au degré de perfection qui caractérise le génie. Cependant, en y réfléchissant, j’ai trouvé qu’on ne pouvait, sans injustice, refuser du génie au peintre habile, au poète enthousiaste auteur d’un bon poëme, au mécanicien inventeur d’une machine utile et ingénieuse. Certainement M. Lewis en avait du moins tous les élémens ; et si ses conceptions avaient eu plus de suite ; s’il ne s’était pas cru lui-même un génie supérieur, il le serait devenu. Je me suis donc décidée à donner à ma traduction à-peu-près le même titre que l’original, et je ne m’y suis permis que peu de changemens. Puisse cette petite histoire d’un genre assez nouveau, qui n’est proprement ni un roman ni un conte, plaire à mes lecteurs comme il me plaît à moi-même !

Isabelle de Montolieu.