CHAPITRE PREMIER


La famille de Louis Bouilhet. — Pierre Hourcastremé. — Quelques vers de Voltaire, — Bouilhet écolier, — Il fait connaissance avec Gustave Flaubert. — Le collège de Rouen, — Bouilhet étudiant en médecine et professeur de lettres. — Il est nommé interne à l’Hôtel-Dieu. — Un portrait du poète. — Le démon de la poésie, — « Melœnis » et la « Revue de Paris. » — Éloge de l’amitié. — Le Deux Décembre et la poésie, — « Les Fossiles. » — Bouilhet à Paris. — Il travaille pour le théâtre. — « Madame de Montarcy, » — Une première représentation, — Séjour à Mantes, — « Hélène Peyron. » — « L’Oncle Million, » — « Dolorès, » — « Faustine. » — « La Conjuration d’Amboise. » — Un titre fourni par Boileau. — Bouilhet apprend le chinois. — La révision des statuts de la Comédie française. — Séjour à Rouen. — Mort de Louis Bouilhet, — Ses œuvres posthumes. — « Dernières Chansons. » — « Le Château des cœurs, » — Les projets du poète.


Voltaire écrivait un jour à l’un de ses correspondants qui lui avait envoyé des vers :

L’amour, les plaisirs et l’ivresse
Respirent dans vos heureux chants ;
C’est parmi la vive jeunesse
Qu’Apollon se plut en tout temps.

Les Muses ainsi que les belles
Dédaignent les vœux d’un vieillard ;
En vain, j’irais même après elles,
Et vous les fixez d’un regard.


Elles cessent de me sourire,
Vos accords ont dû les charmer.
Eh bien ! je vous cède ma lyre :
Vos doigts sont faits pour l’animer.

Ces aimables stances, assez peu connues, avaient pour destinataire, vers 1770, l’aïeul maternel de Louis Bouilhet, Pierre Hourcastremé. — Un des ancêtres de notre poëte échangeant des compliments en vers avec Voltaire, le rapprochement est vraiment piquant ! C’était un esprit original que ce Pierre Hourcastremé. Amateur de poésie, de musique et de dessin, il avait été successivement avocat au bailliage de Pau, journaliste et compositeur dramatique à Paris, administrateur de la marine au Havre, enfin maître de pension à Montivilliers. Il fut en relations avec Bailly et Mirabeau, et publia, avec divers projets de réorganisation judiciaire et des études sur des problèmes de géométrie, tels que la quadrature du cercle, la duplication du cube et la trisection de l’angle[1], le Catéchisme du Chrétien par le seul raisonnement[2], les Aventures de Messire Anselme[3], un essai sur la faculté de penser[4], etc. — Louis Bouilhet ne connut point son aïeul ; mais, le souvenir de son originalité, de ses cheveux poudrés, de ses culottes courtes, de ses collections de coquillages et de son amour pour les tulipes, ne fut point sans parvenir jusqu’à lui. Pierre Hourcastremé mourut vers 1815, et c’est à Gany, dans le département de la Seine-Inférieure, le 27 mai 1821, que vînt au monde Louis-Hyacinthe Bouilhet. Notre poète est d’origine béarnaise, mais le sort voulait que le futur auteur dramatique naquit sur le sol normand, à quelques lieues de la patrie de Corneille ! L’aïeul paternel de Louis Bouilhet avait des goûts beaucoup moins littéraires que Pierre Hourcastremé. Directeur des hôpitaux militaires, il était mort à l’armée. Le père du poëte fut lui-même chef des ambulances lors de la campagne de Russie, et s’il faut en croire Gustave Flaubert, au passage de la Bérésina, il traversa le fleuve à la nage, portant sur sa tête la caisse du régiment. Il mourut jeune des suites des blessures qu’il avait reçues.

Telle était la famille de Louis Bouilhet. Bien jeune encore, il fut placé dans un pensionnat, prés du Havre, à Ingouville. Des fenêtres de la pension, l’enfant voyait s’ouvrir les profondeurs de l’Océan où vient se précipiter la Seine. Sa pensée dut bien souvent prendre son essor à l’aspect grandiose du fleuve, qui disparaissait en s’amincissant dans la brume, et de la mer immense qui battait le pied des falaises. La nuit, ses rêves furent plus d’une fois bercés par le bruit assoupi des vagues.

L’âge de douze ans arrivait pour l’écolier. Son intelligence précoce exigeait de plus larges enseignements que ceux qu’ils pouvait trouver à Ingouville. Il entre au collège de Rouen. Dans toutes ses classes, successivement, il remporte presque tous les prix, sans en excepter le prix d’honneur de rhétorique. C’est alors que Bouilhet fit connaissance avec Gustave Flaubert, et que naquit cette grande et forte amitié qui unit à jamais ces deux belles intelligences. Louis Bouilhet, Gustave Flaubert ! Ils devinrent deux frères par l’âge, par les idées, par le talent,

Ambo florentes œtatibus. Arcades am[5]


deux frères de cette Arcadie de l’intelligence.

«… J’ignore quels sont les rêves des collégiens, dit M. Gustave Flaubert, mais les nôtres étaient superbes d’extravagances, — expansions dernières du Romantisme arrivant jusqu’à nous, et qui, comprimées par le milieu provincial, faisaient dans nos cervelles d’étranges bouillonnements. Tandis que les cœurs enthousiastes auraient voulu des amours dramatiques, avec gondoles, masques noirs et grandes dames évanouies dans des chaises de poste au milieu des Calabres, quelques caractères plus sombres (épris d’Armand Carrel, un compatriote) ambitionnaient le fracas de la presse ou de la tribune, la gloire des conspirateurs. Un rhétoricien composa une apologie de Robespierre, qui, répandue hors du collège, scandalisa un monsieur, si bien qu’un échange de lettres s’en suivit avec proposition de duel, où le monsieur n’eut pas le beau rôle. Il me souvient d’un brave garçon, toujours affublé d’un bonnet rouge ; un autre se promettait de vivre plus tard en Mohican, un de mes intimes voulait se faire renégat pour aller servir Abd-el-Kader. Mais on n’était pas seulement troubadour, insurrectionnel et Oriental, on était avant tout artiste ; les pensums finis, la littérature commençait : et on se crevait les yeux à lire au dortoir des romans. On portait un poignard dans sa poche comme Antony. On faisait plus : par dégoût de l’existence, Bar… se cassa la tête d’un coup de pistolet, And… se pendit avec sa cravate. Nous méritions peu d’éloges, assurément ! mais quelle haîne de toute platitude ! quels élans vers la grandeur ! quel respect des maîtres ! comme on admirait Victor Hugo !

Dans ce petit groupe d’exaltés, Bouilhet était le poète, poëte élégiaque, chantre des ruines et des clairs de lune. Bientôt sa corde se tendit et toute langueur disparut[6] », effet de l’âge, puis d’une virulence républicaine tellement naïve qu’au sortir du collège, il faillit, exhorté par un vieux maître d’armes dont il avait fait connaissance, s’affilier à une société secrète.

Bouilhet conserva toujours le meilleur souvenir de ces années de collège. J’en trouve la preuve dans une lettre qu’il écrivait à l’un de ses amis, M. Lepesqueur, de Dieppe.

« Mon cher ami, lui disait-il, je suis vivement touché de ta bonne lettre, et je reste, comme toi, fidèle aux vieux souvenirs.

» Que d’années et que de choses se sont passées depuis ce temps où nous descendions la rue du Collège, les livres sous le bras et la leçon dans la tête. Je me plais souvent à évoquer toute cette classe dont les élèves sont si loin les uns des autres ; je revois le grand quadrilatère de la cinquième et de la seconde avec le père Houé et M. Pelletier, les trois murailles nues bordées de soixante têtes, et au fond, sur la quatrième, la chaire du professeur noir… undè tremor terris !

» Si la baguette d’une fée pouvait nous réunir tous subitement avec tous les changements apportés par le temps et par la vie !… Hélas ! beaucoup probablement manqueraient à l’appel, et les vieilles murailles pourraient-elles reconnaître les survivants ! J’en ai peu rencontré des anciens, quelques-uns seulement, Dumont, médecin à Paris, et décoré ; les deux Lemarié, dont l’un est perclus par la goutte ; Dupont-Delporte, qui a été député ; Flaubert, Hamaret-Fouard, notaire à Paris, Luce, avocat à Rouen ; et ce bon et brave Foulongne, peintre d’un véritable talent, qui lutte encore dans la mêlée mais qui gagnera bientôt la place qu’il mérite »[7].

Il écrivait encore à M. Lepesqueur le 21 février 1862 : « … j’ai rencontré plusieurs fois à Paris le brave M. Magnier ; j’ai revu également M. Chéruel. Comme nous voilà loin de ces temps-là !… »[8] M. Magnier et M. Chéruel étaient ses anciens professeurs au lycée de Rouen.

Le baccalauréat passé, il fallait songer à suivre une carrière. Sa famille l’y exhortant, il prit ses inscriptions à l’école de médecine de Rouen et, comme le poëte Hœlderlin de Lauffen, le camarade et l’ami d’Hegel, il se mit, pour vivre, à donner des leçons de lettres. Le temps qu’il ne consacrait pas à ses études médicales ou aux répétitions était réservé à la littérature et surtout à la poésie, car l’étudiant se sentait encore les aspirations littéraires qui s’étaient manifestées chez l’écolier. Cette existence devint bientôt très pénible. Deux ans plus tard, nommé interne à l’Hôtel-Dieu de Rouen, il entrait sous la direction du célèbre docteur Flaubert, le père de Gustave Flaubert, le romancier, et d’Achille Flaubert, le chirurgien, dans le service de chirurgie. «… Comme il ne pouvait être à l’hôpital pendant la journée, ses soins de garde, la nuit, revenaient plus souvent que ceux des autres ; il s’en chargeait volontiers, n’ayant que ces heures-là pour écrire ; et tous ses vers de jeune homme, pleins d’amour, de fleurs et d’oiseaux, ont été faits pendant des veillées d’hiver, devant la double ligne des lits d’où s’échappaient des râles, ou par les dimanches d’été, quand le long des murs, sous sa fenêtre, les malades en houppelande se promenaient dans la cour. Cependant ces années tristes ne furent pas perdues ; la contemplation des plus humbles réalités fortifia, la justesse de son coup d’œil, et il connut l’homme un peu mieux pour avoir pansé ses plaies et disséqué son corps[9]… »

C’étaient bien des fatigues et bien des dégoûts pour un poëte, mais il fallait vivre. Sortir d’un hôpital pour initier des écoliers paresseux ou inintelligents aux beautés de Virgile et d’Homère, remettre sur leurs pieds des vers latins boiteux ou en éliminer les chevilles, corriger le langage bizarre des discours d’un aspirant au baccalauréat qui n’obtiendra point son diplôme, quel métier pour un homme dont l’oreille est hantée par le rythme des vers ! Il ne se décourageait point pourtant. Léger d’argent, riche d’espoir, il supportait assez gaiement ces caprices du sort, grâce à la vigueur de son tempérament et à la santé de son esprit. Il écoutait impassible les plaintes de Gustave Flaubert qui, plus favorisé de la fortune, sûr du lendemain, libre dans le choix de son travail, prêt à partir pour son voyage d’Orient, trouvait l’existence « agressive et injuste. » « S’il avait à gagner de quoi payer sa soupe et son loyer, que dirait-il donc ? » s’écriait-il un jour en riant.

Bouilhet était alors un beau jeune homme à la taille élancée, de haute mine et de prestance athlétique. Ses cheveux étaient blonds ; son front rayonnait d’intelligence. Tout en lui respirait la franchise. Malgré des allures un peu timides, il était très-absolu dans ses opinions et il savait les soutenir avec énergie. Sa conversation était spirituelle et parfois pleine d’ironie. Il fallait alors l’entendre exprimer son horreur pour le lieu commun et sa répugnance pour toute œuvre qui contenait une thèse philosophique, religieuse ou humanitaire. Romantique incorrigible, il exaltait Victor Hugo. Si Théophile Gautier avait ses bonnes grâces, il discutait Lamartine et faisait ses réserves pour admirer Alfred de Musset. Béranger était pour lui l’objet d’une véritable haine. Lorsqu’il en parlait, nous raconte M. Maxime Ducamp, à qui nous devons ces détails[10], il avait une façon de lever en même temps les épaules, les yeux et les bras, en laissant retomber sa tête, qui était une merveille de pantomime et qui dépeignait, à ne s’y pouvoir méprendre, le découragement et le dégoût le plus profond. « Le Chantre de Lisette » l’indignait avec son chauvinisme, sa philosophie grossière, sa forme négligée, ses plaisanteries contre les prêtres, avec son Dieu bon vivant et bon enfant « — Il a mis les articles du Constitutionnel en bouts-rimés, — disait-il, — il n’y a pas de quoi être si fier » —[11] Et pour montrer qu’il avait toutes les qualités d’un bon juge, il improvisait une chanson : « le bonnet de coton », par exemple, dont voici le premier et le dernier couplet :

Il est un choix de bonnets sur la terre :
Bonnets carrés sont au Temple des lois ;
Le bonnet grec va bien au front d’un père.
Et la couronne est le bonnet des rois ;
Bonnet pointu sied au fou comme au prêtre.
Mais le bonnet qu’aurait choisi Caton,
C’est, à coup sûr, n’en doutez pas, mon maître,
Le bonnet de coton. bis.

Dieu qui forma le ciel, la terre et l’onde,
Voulut enfin couvrir son front chenu ;
Par un chef-d’œuvre il termina le monde,
Et le bonnet après l’homme est venu.
Pendant six jours, plein d’une ardeur extrême,
Ce Dieu créa, créa comme un luron,
Puis, tout joyeux, il passa, le septième,
Son bonnet de coton. bis.

Son activité était incessante. Chemin faisant, ou bien auprès de ses élèves, au café, à l’Hôtel-Dieu, l’inspiration lui venait, et il écrivait rapidement les vers qui se présentaient, et quels qu’ils fussent. Souvent, dans une réunion d’amis, il restait immobile, absorbé dans une sorte de contemplation intérieure, l’œil fixe, la bouche entr’ouverte. Il était à la poursuite d’une rime. Tout-à-coup sa figure s’illuminait et respirait une douce satisfaction : la rime était trouvée. C’étaient des épigrammes, des triolets, des quatrains, des acrostiches, des rondeaux, des bouts-rimés, des stances facétieuses, ou des chansons. C’était encore quelque passage d’une tragédie burlesque, Jenner ou la découverte de la vaccine, qu’il composait avec Gustave Flaubert et M. Maxime Ducamp. Les amis se passaient de main en main ces essais poétiques, et pendant que le prodigue oubliait ses premiers vers, autour de lui on les conservait avec soin. Ils étaient recopiés. C’étaient autant d’éditions manuscrites qui circulaient entre camarades. Qui ne se rappelle à Rouen, parmi les contemporains de Bouilhet, les cahiers reliés, simples cahiers de collège où le futur auteur d’Aïssé transcrivait ses meilleures poésies. L’un était intitulé les échos de l’âme, l’autre feuilles mortes[12].

Gustave Flaubert[13] nous fait connaître par extrait quelques-unes de ses poésies de jeune homme ; elles dénotent une certaine souplesse de langage et un certain coloris de style. Bouilhet préludait ainsi à des œuvres plus sérieuses.

Vers 1845, il abandonna tout-à-fait ses études médicales ; il voulait se consacrer tout entier à la littérature ; il ne se sentait point né pour se servir du scalpel et de la lancette,

…Non natus idoneus armis.


pour parodier un vers de Tibulle. — La vocation contrariée secouait enfin ses entraves. En attendant, il continua à donner des leçons à des aspirants bacheliers. Ses répétitions étaient très recherchées. Ses premières rimes avaient fait du bruit dans Landerneau. Cet avant-goût du succès ne l’amena point à exagérer la valeur de ces essais d’amateur ; il avait trop de bon sens et trop de bon goût. Plein d’énergie et de patience, il rêvait des œuvres plus personnelles et originales. Il cherchait sa voie. Peu-à-peu ses recherches prirent une direction : ses pensées eurent un but, elles revêtirent une forme. Il esquissa à larges traits le plan de deux poëmes et se mit à l’œuvre.

Sa profonde connaissance de l’Antiquité latine l’avait initié aux mystères de la vie romaine. Sa jeune imagination s’exalta au spectacle entrevu de Rome et de sa civilisation.

…Quid melius Roma ?


dit-il après Ovide. Il voulut ressusciter la grande ville païenne avec sa corruption et ses élégances, relâcher la ceinture des draperies antiques et déshabiller en quelque sorte la gens togala ; il voulut faire défiler, comme dans un carnaval immense, véritables masques ou féroces ou bouffons, édiles gourmands, rhéteurs faméliques, gladiateurs superbes, légionnaires stupides, muletiers ivrognes, parasites éhontés, sorcières, danseuses, courtisanes et empereurs. Il fit Melœnis.

Gustave Flaubert, qui avait entendu la lecture de la première partie du poëme avant son départ pour l’Orient, à son retour, trouva terminé l’ouvrage de son ami. Bouilhet était arrivé à un moment critique. Le poëme était fait : mais il fallait le publier. Le hasard vint cette fois à l’aide du poëte. La Revue de Paris, fondée par Véron et disparue un moment, allait renaître, grâce aux efforts de MM. Arsène Houssaye et Maxime Ducamp, de Théophile Gautier et Louis de Cormenin. Bouilhet fut invité par M. Maxime Ducamp, dont il avait fait connaissance à Groisset, chez Gustave Flaubert, à publier Melœnis, Le second numéro de la nouvelle revue (novembre 1851) inséra le poëme tout entier avec ces mots en tête : à Gustave Flaubert. Bouilhet ! Flaubert ! ces deux noms se révélaient enfin, réunis dans une dédicace amicale, témoignage touchant d’une amitié que les années ne devaient faire que fortifier ! Amitié sincère ! amitié touchante, s’il en fut jamais ! amitié féconde, surtout pour Flaubert ! Ne rappelle-t-elle point dans une certaine mesure, avec un caractère plus intime, la fraternité intellectuelle de Goethe et de Schiller ? Un instant séparés à leur sortie du collège, nos deux amis ne devaient guère se quitter. Ils se pénétrèrent réciproquement si bien de leur influence, ils vécurent si longtemps de la même vie, tourmentés des mêmes préoccupations, possédés par les mêmes goûts, partageant les mêmes théories, qu’ils devaient finir un jour par prendre comme un air de ressemblance, tant leurs gestes, leur attitude, leur démarche, leur façon d’écouter et de parler, leurs phrases, leur accent normand étaient pareils ![14] Qu’un autre raille cette fraternité si étroite, si sincère, si loyale, si virile ! Pour moi, je j’admire et je l’envie. Vulgare amici nomen, sed rara est fides.

Il y a déjà longtemps que La Fontaine a dit :

Chacun se dit ami, mais fou qui s’y repose
Rien n’est plus commun que ce nom,
Rien n’est plus rare que la chose.

L’amitié, la véritable amitié est rare partout, et en tout temps. Elle est si rare surtout entre poètes ! L’amitié entr’artistes, on serait tenté de lui appliquer ce que le Pogge disait de l’amour : « C’est comme les esprits ; tout le monde en parle, personne n’en a vu. » La maison de Socrate est bien petite ! Sont-ils nombreux chez nous ces groupes d’hommes, qui, marchant du même pas, se soutenant l’un l’autre, ont porté l’auréole du talent et de l’amitié ? Montaigne et la Boëtie, Boileau et Racine, il n’y a guère, disait un jour Saint-René Taillandier, que ces noms qui me viennent sur les lèvres. — Est-ce à dire qu’en dehors de l’amitié il n’y ait point de bonnes camaraderies ! Certes, il y en a qu’il ne faut point dédaigner. Bouilhet venait d’en faire l’expérience, puisque, grâce à un digne et brave camarade, il pouvait ouvrir la Revue de Paris pour y insérer Melœnis. C’était un véritable service que M. Maxime Ducamp rendait à notre poëte.

Le moment n’était guère propice pour un début, et le bruit des événements devait fatalement couvrir la voix timide du nouveau venu. — On était alors en 1852. Le coup d’état du prince-président se préparait sourdement dans l’ombre, la politique agitait fiévreusement les esprits, elle absorbait tout aux dépens de l’art, les imaginations et les courages. En dépit des circonstances, le poëme de Melœnis ne passa point complètement inaperçu. Il valut à son auteur l’honneur de correspondre avec Victor Hugo et Prosper Mérimée, ce ganzer Kerl[15], pour parler comme Goëthe. Détail curieux à noter et qu’un procès récent amis en lumière, le poëme de Melœnis fut acheté, en 1856, par l’éditeur Michel Lévy, pour la somme de quatre cents francs !

Melœnis fut comme un passe-port pour les œuvres auxquelles notre poëte travaillait. En effet, en même temps qu’il étudiait la vie et les mœurs de Rome païenne, Bouilhet préparait un poëme scientifique où il devait chanter les premiers âges du monde, la naissance de l’Homme et la destinée des êtres créés. C’était une originale et difficile entreprise. Sans se laisser rebuter par le vague des connaissances humaines, par les détails techniques, par une sèche nomenclature, par l’aridité de certaines études spéciales, il se mit hardiment en face de sa tâche, et bientôt, deux ans après Melœnis, les Fossiles parurent dans la Revue de Paris.

Environ un an et demi après la publication de son conte romain, nous retrouvons Louis Bouilhet à Paris. Il était en relations suivies avec Gustave Flaubert, Théophile Gautier, Louis de Gormenin et M. Maxime Ducamp. On se voyait souvent au cours de la semaine, et l’on se retrouvait les dimanches. Des difficultés d’un autre genre que celles qu’il avait connues jusqu’alors commençaient pour notre poëte. Il tentait des voies nouvelles. Le Théâtre l’attirait avec son fracas d’applaudissements, sa publicité immense, la magie de ses décors, son action parlée et mimée. Sans fortune, il voulait aussi, à son tour, (pourquoi le cacher ?), demander à la scène des ressources que tant d’autres y ont rencontrées. Il s’était préparé de longue main au travail dramatique. En compagnie de Gustave Flaubert, il avait esquissé des scénarios sur plus de cent sujets, et il s’était à l’avance, en quelque sorte, initié à la manière de créer une action qui doit s’enchaîner et se déduire logiquement, à l’art de faire mouvoir aisément plusieurs personnages, de leur prêter des sentiments et un langage de convention sans s’écarter de la vérité. Il allait tenter la fortune dramatique avec de singulières dispositions d’esprit et des goûts tout particuliers. Romantique égaré dans un temps fort peu poétique, il raillait ce qu’on a appelé l’École du bon sens. D’un caractère pacifique, de mœurs aimables, d’un esprit doux et cultivé par une forte éducation classique, il recherchait les situations poignantes et les dénoûments pleins de violence. Il aimait à exprimer les sentiments impétueux dans une langue fière et sonore. On eût dit qu’il se souvenait du pays normand et qu’il n’était point né impunément dans la contrée qui a produit Corneille. Il se mit à l’œuvre. Il lui fallut à son tour connaître les tribulations et les déboires de tout auteur dramatique aspirant après une représentation. Sa première œuvre tragique. Madame de Montarcy reçue à correction par le Théâtre-Français, puis refusée à une seconde lecture, attendit deux ans avant d’arriver à la scène. Enfin l’Odéon commença les répétitions de ce drame.

M. Maxime Ducamp retrace avec verve, dans ses Souvenirs littéraires, l’état d’esprit dans lequel se trouvaient à ce moment Bouilhet et Gustave Flaubert. Ce dernier ne quittait pas le théâtre. Il en avait pris possession, «… il était là dans un milieu nouveau qui l’intéressait, développait en lui une activité inaccoutumée et l’avait saisi. Il arpentait la scène, faisant reprendre des tirades, indiquant les gestes, donnant le ton, plaçant et déplaçant les personnages, tutoyant tout le monde, les garçons d’accessoires, les acteurs, le souffleur et les machinistes. La salle n’était remplie que de sa tempête ; l’œuvre de Bouilhet eût été sienne qu’il ne se serait pas tant démené pour la faire réussir. Avec son bon cœur et sa forte intelligence, il avait compris que c’était là une partie suprême et que si la pièce tombait, Bouilhet tombait avec elle, ou plutôt retombait dans la vie de province, dans les leçons de latin, dans la misère et le découragement. Il fut admirable d’ardeur, de dévouement et même d’habileté, car, malgré l’impétuosité de sa nature, ce n’est pas vainement qu’il était né en Normandie, et la finesse ne lui faisait pas défaut. On caressait les critiques influents, on se liait avec les jeunes gens des Écoles qui sont parfois un redoutable public ; on voulait ne rien laisser au hasard, et Flaubert s’y employait sans se ménager. Bouilhet laissait faire : il suivait Gustave comme une ombre, approuvait et ne se sentait pas rassuré. Sa timidité semblait accrue de tout le bruit dont on l’entourait, il était ahuri et eut plus d’une fois des crises de larmes… »

Le 6 novembre 1856, Madame de Montarcy fut représentée pour la première fois. Ce fut une belle soirée. Deux scènes bien différentes se passèrent alors. Dans la salle, les spectateurs étaient gagnés peu à peu par les vers sonores du poëte, les applaudissements retentissaient, et un franc succès ne tardait point à se dessiner. Dans les coulisses, derrière un portant se tenait Bouilhet, affaissé, ne sachant si l’on applaudissait ou si l’on sifflait, saisissant M. Maxime Ducamp par le bras comme un enfant qui a peur et lui disant : « Ne t’en va pas. » Ses amis vinrent bientôt l’assurer que c’était un grand succès ; rien ne pouvait le faire sortir de son espèce d’affaissement moral, tant l’émotion qu’il subissait était grande. Après le spectacle, Gustave Flaubert, Théophile Gautier, MM. d’Osmoy et Maxime Ducamp le reconduisirent jusqu’à sa maison. Il répétait à chacun : « Es-tu sûr que la pièce ne soit point tombée… ? » Il lui fallut deux jours de repos, dit M. Maxime Ducamp, avant de revenir à lui, de comprendre son succès et de se réjouir avec Flaubert qui était radieux. La pièce eut soixante-dix-huit représentations consécutives. Le nom de Louis Bouilhet était connu.

Après cette révélation éclatante, notre poëte quittait Paris pour se retirer à Mantes-sur-Seine, dans une petite maison, à l’angle du pont, près d’une vieille tour. — De temps en temps il faisait quelques apparitions à Paris. Parfois, conduit par Gustave Flaubert, il venait prendre place, chez le restaurateur Magny, à ces fameux dîners du lundi, où se réunissaient Sainte-Beuve, Gavarni, le docteur Veyne, Théophile Gautier, E. et J. de Goncourt, H. Taine, Ernest Renan, Schérer… etc. Puis il revenait dans sa chère retraite isoler, loin du bruit, ses recueillements. S’il a été heureux, c’est là. « … Il avait « un intérieur » qui lui était cher ; certains ennuis agressifs et impérieux, auxquels il essayait de se soustraire, l’atteignaient moins facilement qu’autrefois ; il vivait selon ses aptitudes, travaillant à ses heures, sans contrainte, et dans le calme, qu’il aimait. Il n’était point ambitieux et eût voulu pouvoir ne jamais quitter la retraite qu’il s’était choisie… »[16].

Son activité ne se ralentissait pas. En 1857, il publiait, dans le journal l’Audience, une comédie en trois actes et en prose, le Cœur à droite ; et au mois de Novembre 1858, à Madame de Montarcy succédait, sur l’affiche de l’Odéon, Hélène Peyron, drame en cinq actes et en vers. La donnée de la pièce était originale, l’intérêt en était poignant. Pendant quatre-vingt soirées, le poëte fut récompensé de son labeur. Il fut moins heureux avec sa comédie en vers l’Oncle Million (6 Décembre 1860). L’intrigue était faible et bien légère pour cinq actes ; la pièce ne tint pas longtemps la scène de l’Odéon. Il fallait une revanche. Il tenta de la trouver au Théâtre Français avec Dolorès (22 Septembre 1862). Ce ne fut point encore un vrai succès. Il ne se décourageait pas et préparait un drame en prose, Faustine «… Ta lettre m’a trouvé à Mantes, écrivait-il le 18 Juillet 1863 à son ami, M. Lepesqueur. — Je n’irai, Dieu merci ! à Paris que vers le 15 Septembre. Je commencerai alors les répétitions de mon grand, pardon ! je veux dire, de mon long drame, à la Porte-Saint-Martin. C’est Faustine et Marc-Aurèle, J’ai taché de mettre au théâtre la vie intime des Romains et leurs vrais costumes, ce qui sera « une nouveauté, à force d’être vieux. »

« En attendant, j’ai entrepris une autre machine, Nec mora nec requies… C’est un dur métier. Il faut toujours pousser de nouvelles branches… uno avulso, non deficit alter… mais, malheureusement, pas toujours : aureus !

« Tu penses bien que, si j’allais à Dieppe, j’irais tirer ta sonnette. Mais je ne vais guère à Dieppe. J’évite, en général, les mers trop civilisées. Le beau monde qui hante les galets officiels me gâte beaucoup l’onde salée.

» Ces vagues-là font patte de velours et laissent les Parisiennes leur passer la main sur le dos ! J’aime mieux une bonne vieille baie moins connue, un de ces villages fossiles où il faut plus de génie pour trouver un gigot de mouton que pour sauver un empire. Je me plais là, en pensée surtout. Car, malheureusement, je ne voyage guère, ce qui ne veut pas dire que je n’irai jamais te serrer la main à Dieppe ; mais je n’irai pas à cause des bains, voilà ce que je voulais dire.

» Je te félicite des compliments mérités que t’a adressés le recteur. Je te félicite encore plus de ta réponse et de la haute sagesse de tes goûts. Si tu te trouves bien à Dieppe, tu aurais grand tort de changer. J’envie ton bonheur. Tu as gardé la gaîté d’autrefois. Tu sais être heureux, c’est la grande science. Sais-tu que je suis fier d’avoir pour ami intime un philosophe, dans le vrai et bon sens du mot ?

Suave, mari magno, turbantibus aequora ventis,
A terra magnum alterius spectare laborem !

» J’ai aussi rêvé la tranquillité dans mon coin. J’y arriverai peut-être. Je me suis donné parfois bien du mal pour la perdre. Est-on bête !…

» Le papa Clogenson[17], qui court comme un lièvre, avec soixante-dix-huit ans sur le dos, me disait l’autre jour : « C’est étrange !… on est une éternité au collège ; puis, sorti de là, on a soixante ans tout de suite ! »

» C’est assez vrai. L’étude allonge la vie : l’action la dévore[18]. »

Faustine, dont il est question dans cette lettre, reçut du public un médiocre accueil à la Porte-Saint-Martin (25 février 1864). Les splendeurs d’une mise en scène luxueuse et d’une merveilleuse décoration ne parvinrent point à faire illusion sur la froideur de l’œuvre et la faiblesse de ses interprètes. Le mauvais vouloir du directeur, Marc-Fournier, aidant, la pièce dut bientôt céder le pas aux Étrangleurs de l’Inde, triste sort d’une pièce éminemment littéraire ! La chance ne souriait plus à Bouilhet, lorsque la Conjuration d’Amboise (29 Octobre 1866) vint, pendant cent-cinq représentations consécutives, lui faire oublier ses déceptions.

Son activité ne s’appliquait pas seulement au théâtre. Après Hélène Peyron, il avait réuni en un volume Les Fossiles et un grand nombre de poésies éditées par la Revue de Paris. Le volume était intitulé Festons et Astragales, en souvenir du vers de Boileau,

Ce ne sont que festons, ce ne sont qu’astragales,


et peut-être, par suite d’une sorte de gageure, pour démontrer qu’un mauvais pavillon peut couvrir d’excellentes cargaisons. Il étudiait le chinois pour découvrir des croisements de rimes, des divisions de strophes originales et des comparaisons nouvelles, pour se pénétrer du génie des populations de l’Empire du Milieu et dans l’espoir de faire dans la suite un poème dont le Céleste Empire serait le théâtre.

» Je me suis remis sur les bancs, écrivait-il le 18 juillet 1863 à M. Lepesqueur, et je me livre à une étude qui peut me faire durer d’une façon congrue, si je ne pars du monde qu’au bout de mes classes. J’apprends… le chinois !… Je me console avec le chinois !… j’aspire à être mandarin lettré. J’en ai déjà « la panse, » c’est ce qui m’en a donné l’idée !…

» Sur ce, je te salue, avec une soixantaine de contorsions, tant à droite qu’à gauche. La Chine est le pays de la politesse, Hao !… hao !… young-hao !…

» Bonne santé ! bon courage ! Ne crois pas que je sois devenu fou. Je suis simplement toqué à l’endroit du Céleste-Empire. Il y a des frénésies plus dangereuses que celles-là. Il y en a aussi, je l’avoue, de plus aimables, celle dont parle Horace, par exemple :

Recepto
Dulce mihi furere est amico !

» Je finis là-dessus. Cela vaut mieux que tout ce que je pourrais te dire. »

Lorsqu’il racontait avec quelle ardeur il travaillait le chinois, Bouilhet n’exagérait point. M. Maxime Ducamp nous raconte que comme l’un de ses amis lui disait un jour en riant : « — Aller jusqu’aux rives du Fleuve-Jaune pour attraper des papillons, c’est peut-être excessif. » Bouilhet goûta peu la plaisanterie et la releva vertement.

Cette passion pour le chinois ne l’empêchait point d’insérer, tantôt dans la Revue contemporaine, tantôt dans la Revue fantaisiste ou la troisième Revue de Paris, des pièces de poésie détachées où il se délassait des caprices des directeurs de théâtre, des exigences de la foule et des chicanes de la censure.

En 1859, il avait été nommé chevalier de la Légion d’Honneur et désigné pour faire partie de la commission des auteurs dramatiques instituée sous la présidence de M. Fould, ministre d’État, à l’effet de réviser les statuts de la Comédie française. Seul, Louis Bouilhet, sans se préoccuper du tarif des droits d’auteur en usage alors à ce théâtre, demanda que le mode de réception des pièces fût modifié. « M. Ed. Thierry, le secrétaire, porta la motion au rapport, et la commission passa outre. On se sépara sur une de ces demi-mesures qui n’aboutissent à rien. Les droits d’auteur furent augmentés d’un tiers ; mais les comédiens restèrent, comme devant, juges et parties, dans une question où ils devraient avoir, tout au plus, voix délibérative, c’est-à dire, dans l’appréciation des œuvres présentées[19]. »

En 1867. six mois après le succès de la Conjuration d’Amboise, la mort de M. André Pottier rendit vacante la place de conservateur de la bibliothèque de la ville de Rouen. À l’insu de Bouilhet, un de ses amis, M. Dupré, mit le nom du poète en avant auprès de l’administration municipale. Celle-ci eut le bon goût de lui offrir la place. Bouilhet l’accepta.

Toute inquiétude matérielle avait disparu de sa vie. C’était le loisir et la fortune, un rêve ancien qui se réalisait. Ce poste tranquille semblait fait exprès pour lui. Tout en surveillant la besogne des employés et le prêt des livres, on peut songer aux combinaisons d’un drame et chercher des rimes rares ; mais la nouveauté de la fonction l’intéressa, ou du moins il le crut. Il pensa à des classements, à des catalogues, à des installations méthodiques, et donna un temps que la Poésie réclamait. Flaubert ne lui épargnait pas les reproches. « On t’a mis là pour faire des vers et non pour ranger des bouquins[20] ! » Il s’était installé dans le quartier Bihorel où, entre deux coteaux, une rue verdoyante, ondulée, serpente et décrit des zig-zag capricieux. Il avait choisi une maison blanche, tournée vers l’Orient et précédée d’un petit jardin rempli de fleurs qui se perdait presque dans les pépinières. « J’espère, écrivait-il on octobre 1867 à son ami M. Lepesqueur, pouvoir travailler à Rouen comme à Mantes. J’ai eu nécessairement quelques mois à consacrer à ma bibliothèque et à l’initiation d’une fonction dont j’ignorais bien des détails. Le plus gros est fait ; aujourd’hui le travail va venir… » Le poète avait compté sans la destinée. Quelque temps après son arrivée à Rouen, il se sentit atteint d’un malaise indéfinissable et dont il ne se rendait pas compte plus que Flaubert. Il devenait triste, dormait mal et ne pouvait étancher sa soif. Pour se distraire, il essaya différents travaux, il annotait Dubartas, relevait dans Origène les passages de Celse et terminait sa dernière pièce, Mademoiselle Aïssé. Il n’eut pas le temps de la relire. Le mal dont il était atteint, une albuminurie consécutive d’une néphrite, avait pris une gravité exceptionnelle. D’après les conseils des médecins, il avait quitté Rouen pour se rendre à Vichy. Là, son état ne fit qu’empirer, et le docteur Villemin le renvoya à Rouen sans délai. Il était frappé à mort. Le 18 juillet 1869, il expirait presque sans agonie.

Voici comment Gustave Flaubert raconte dans une lettre adressée à M. Maxime Ducamp les derniers instants de son ami :

» Mon bon vieux Max,

» J’éprouve le besoin de t’écrire une longue lettre ; je ne sais pas si j’en aurai la force ; je vais essayer.

» Depuis qu’il était revenu à Rouen, après sa nomination de bibliothécaire (août 1867), notre pauvre Bouilhet était convaincu qu’il y laisserait ses os. Tout le monde, — et moi comme les autres, — le plaisantait sur sa tristesse. Ce n’était plus l’homme d’autrefois, il était complètement changé, sauf l’intelligence littéraire, qui était restée la même. Bref, quand je suis revenu de Paris, au commencement de juin, je lui ai trouvé une figure lamentable. Un voyage qu’il a fait à Paris, pour Mademoiselle Aïssé, et où le directeur de l’Odéon lui a demandé des changements, dans le second acte, lui a été tellement pénible, qu’il n’a pu se traîner que du chemin de fer au théâtre. En arrivant chez lui, le dernier dimanche de juin, j’ai trouvé le docteur P…, de Paris, X…, de Rouen, Morel, l’aliéniste, et un brave pharmacien de ses amis, nommé Dupré. Bouilhet n’osait pas demander une consultation à mon frère, se sentant très-malade, et ayant peur qu’on ne lui dît la vérité. P… l’a envoyé à Vichy, d’où Villemin s’est empressé de le renvoyer vers Rouen. En débarquant à Rouen, il a enfin appelé mon frère. Le mal était irréparable, comme du reste Villemin me l’avait écrit.

» Pendant ces quinze derniers jours, ma mère était à Verneuil, chez les dames V…, et les lettres ont eu trois semaines de retard. Tu vois par quelles angoisses j’ai passé. J’allais voir Bouilhet tous les deux jours, et je trouvais de l’amélioration. L’appétit était excellent, ainsi que le moral, et l’œdème de ses jambes diminuait.

» Ses sœurs sont venues de Cany lui faire des scènes religieuses et ont été tellement violentes qu’elles ont scandalisé un brave chanoine de la Cathédrale. Notre pauvre Bouilhet a été superbe, il les a envoyées promener. Quand je l’ai quitté pour la dernière fois, samedi, il avait un volume de Lamettrie sur sa table de nuit, ce qui m’a rappelé mon pauvre Alfred[21], lisant Spinoza. Aucun prêtre n’a mis le pied chez lui. La colère qu’il avait eue contre ses sœurs le soutenait encore samedi, et je suis parti pour Paris avec l’espoir qu’il vivrait encore longtemps. Le dimanche, à cinq heures, il a été pris de délire et s’est mis à faire tout haut le scénario d’un drame du Moyen-Age sur l’Inquisition ; il m’appelait pour me le montrer, et en était enthousiasmé, puis, un tremblement l’a saisi, il a balbutié : Adieu ! adieu ! en se fourrant la tête sous le menton de Léonie, et il est mort très-doucement.

» Le lundi matin, mon portier m’a réveillé avec une dépêche m’annonçant cela en style de télégraphe. J’étais seul, j’ai fait mon paquet, je t’ai expédié la nouvelle, j’ai été la dire à Duplan, qui était au milieu de ses affaires ; puis j’ai battu le pavé jusqu’à une heure, et il faisait chaud, dans les rues autour du chemin de fer. De Paris à Rouen, dans un wagon rempli de monde, j’avais en face de moi une donzelle qui fumait des cigarettes, étendait ses pieds sur la banquette et chantait. En revoyant les clochers de Mantes, j’ai cru devenir fou, et je suis sûr que je n’en ai pas été loin. Me voyant très pâle, la donzelle m’a offert de l’eau de Cologne. Ça m’a ranimé, mais quelle soif ! Celle du désert de Qoseir n’était rien auprès. Enfin, je suis arrivé rue Bihorel ; ici je t’épargne les détails. Je n’ai pas connu un meilleur cœur que celui du petit Philippe. Lui et cette bonne Léonie ont soigné Bouilhet admirablement. Ils ont fait des choses que je trouve propres. Pour le rassurer, pour lui persuader qu’il n’était pas dangereusement malade, Léonie a refusé de se marier avec lui, et son fils l’encourageait dans cette résistance. C’était si bien l’intention de Bouilhet qu’il avait fait venir tous ses papiers. De la part du jeune homme surtout, je trouve le procédé assez gentleman.

» Moi et d’Osmoy, nous avons conduit le deuil. Il a eu un enterrement très-nombreux. Deux mille personnes au moins ! Préfet, Procureur Général, etc., toutes les herbes de la Saint-Jean ! Eh bien, croirais-tu qu’en suivant son cercueil je savourais très-nettement le grotesque de la cérémonie ? j’entendais les remarques qu’il me faisait là-dessus ; il me parlait en moi, il me semblait qu’il était là, à mes côtés, et que nous suivions ensemble le convoi d’un autre.

» Il faisait une chaleur atroce, un temps d’orage. J’étais trempé de sueur, et la montée du Cimetière Monumental m’acheva. Son ami Caudron avait choisi son terrain tout près de celui du père Flaubert. Je me suis appuyé sur une balustrade pour respirer. Le cercueil était sur des bâtons au-dessus de la fosse. Les discours allaient commencer (il y en a eu trois) ; alors j’ai renâclé ; mon frère et un ami m’ont emmené. Le lendemain, j’ai été chercher ma mère à Serquigny. Hier, j’ai été à Rouen prendre tous ses papiers ; aujourd’hui, j’ai lu les lettres qu’on m’a écrites, et voilà ! Ah ! cher Max, c’est dur !

» Il laisse par son testament… à Léonie tous ses livres, et tous ses papiers appartiennent à Philippe ; il l’a chargé de prendre quatre amis pour savoir ce qu’on doit faire des œuvres inédites : moi, d’Osmoy, toi et Caudron. Il laisse un excellent volume de poésies, quatre pièces en prose, et Mademoiselle Aïssé. Le directeur de l’Odéon n’aime pas le second acte ; je ne sais pas ce qu’il fera. Il faudra cet hiver que tu viennes ici avec d’Osmoy et que nous réglions ce qui doit être publié. Ma tête me fait trop souffrir pour continuer, et d’ailleurs, que te dirais-je ? Adieu, je t’embrasse avec ardeur. Il n’y a plus que toi, que toi seul. Te souviens-tu quand nous écrivions : solus ad solum ?

» P.S. — Dans toutes les lettres que j’ai reçues, il y a cette phrase : « Serrons nos rangs ! » Un monsieur que je ne connais pas m’a envoyé sa carte avec ces deux mots : sunt lacrymæ. »

Léonie, dont il est question dans la lettre de Gustave Flaubert, ajoute M. Maxime du Camp, est une femme excellente, qui, depuis vingt-et-un ans, n’avait pas quitté Bouilhet, dévouée à toute heure, respectueuse de son travail, et adoucissant pour lui ce que la solitude aurait eu de trop pénible. Elle avait un fils, nommé Philippe, que Bouilhet éleva, qu’il mit dans la bonne voie, comme s’il eût été son père. Léonie et Philippe ont été admirables, d’une affection, d’une abnégation que rien n’a démentie, et dont le refus, in articulo mortis, d’un mariage longtemps rêvé, est la preuve éclatante[22].

La nouvelle de la mort de Bouilhet répandit dans Rouen la tristesse. Nul n’est prophète dans son pays, dit le vieux proverbe. Bouilhet était du moins poète dans le sien. Rouen aimait Bouilhet comme Bouilhet aimait la vieille cité normande, témoin de ses premières études, témoin de ses premières luttes, témoin de ses premiers travaux, témoin de ses premières espérances. Rouen aimait son poète peut-être sans trop connaître ses œuvres. On se plaisait à le rencontrer dans les rues avec sa haute stature et sa fière prestance ; on se plaisait, en se promenant le long des haies de la rue Bihorel, à se montrer une modeste maisonnette blanche au fond d’un jardin, et à dire : « C’est la maison de Louis Bouilhet. » On était heureux de le voir à la Bibliothèque et de lui parler, quand l’occasion se présentait. Son affabilité, sa bonhomie, sa complaisance courtoise lui avaient conquis les sympathies des visiteurs et même de ses subordonnés. L’empressement que les Rouennais mirent à assister à ses funérailles démontre qu’il avait su se concilier bien des affections. Le corps de Bouilhet fut déposé au Cimetière Monumental, tout près du caveau qui s’est ouvert, il y a quelque temps, sur la dépouille de Gustave Flaubert, comme si la tombe avait voulu rapprocher encore dans la mort ceux que la vie avait si bien unis. Un monument, dû à une souscription où je relève les noms de George Sand et d’Alexandre Dumas, a été édifié dans une des principales rues de Rouen, prés du Musée Bibliothèque. Ce monument, peu gracieux d’ailleurs, qui se compose d’une fontaine surmontée d’un buste dû au ciseau du sculpteur Guillaume, a une véritable histoire[23]. Ce n’est pas sans peine que Flaubert put lui obtenir de la municipalité une place sur la voie publique. L’administration montra peu d’empressement. Un membre du Conseil municipal, dans un rapport fait au Conseil, estima qu’il n’y avait point lieu d’accueillir la demande, de Gustave Flaubert, parce que Bouilhet n’était point né à Rouen, et parce que son talent poétique n’était que d’un ordre inférieur. Flaubert ne put se contenir ; il adressa à la municipalité une lettre virulente[24], dont le souvenir n’est pas encore effacé, et où le pauvre conseiller municipal, qui avait à sa vie commis quelques rimes, était houspillé brutalement.

Le poëte mourait laissant un certain nombre d’œuvres inédites. Gustave Flaubert, avec un dévouement admirable se chargea de les publier. La tâche ne fût point toujours agréable. Le 6 janvier 1872, le drame Mademoiselle Aïssé était représenté à l’Odéon ; les Dernières Chansons étaient livrées à l’impression. Une préface magistrale de Gustave Flaubert les précédait. Cette introduction ne fut pas du goût de Mme  Louise Colet ; elle suscita chez cette muse irascible une fureur pindarique. Flaubert reçut d’elle une lettre anonyme, en vers, où elle le représentait comme un charlatan qui bat la grosse caisse sur la tombe de son ami, un pied plat qui fait des turpitudes devant la critique, après avoir adulé César »[25]. Ce ne fut point le seul désagrément que Flaubert eut à supporter en s’occupant des œuvres posthumes de son ami. La publication d’Aïssé et des Dernières Chansons fut onéreuse pour lui. « Savez-vous ce que Aïssé et Dernières Chansons auront produit à l’héritier de Bouilhet ? écrivait-il à George Sand. Tout compte fait, il aura à payer quatre cents fraucs. Je vous épargne le détail de la chose, mais c’est ainsi. Et voilà comme la vertu est toujours récompensée. Si elle était récompensée, elle ne serait pas la vertu… »[26].

Il ne se décourageait point pourtant. Il s’agissait de placer cinq actes en prose, dûs à sa plume et à celle de son ami, le Sexe faible’. Le Vaudeville, la Comédie française, l’Odéon, le Théâtre de Cluny, le Gymnase reçurent successivement sa visite. La correspondance échangée avec George Sand nous fait connaître les déboires de l’auteur de Salammbô.

26 mai 1874. «… Le Sexe faible, reçu au Vaudeville par Carvalho, m’a été rendu par ledit Vaudeville et rendu mêmement par Perrin, qui trouve la pièce scabreuse et inconvenante. « Mettre un berceau et une nourrice sur la scène des Français ! » y pensez-vous ! Donc, j’ai porté la chose à Duquesnel qui ne m’a point encore (bien entendu) rendu de réponse[27]. »

La réponse vint enfin. Le 3 juillet 1874. G. Flaubert écrivait à George Sand : «… Il m’a fait remettre le manuscrit du Sexe faible par l’intermédiaire de la direction du théâtre, sans un mot d’explication ; et, dans l’enveloppe ministérielle, se trouvait une lettre d’un sous-chef qui est un morceau ! Je vous le montrerai. C’est un chef-d’œuvre d’impertinence. On n’écrit pas de cette façon-là à un gamin de Carpentras apportant un vaudeville au théâtre Beaumarchais[28]. »

Le Sexe faible eût été représenté vraisemblablement au théâtre de Cluny. La crainte d’un insuccès dû à l’insuffisance des acteurs engagea Flaubert à retirer le manuscrit de ce théâtre qu’il qualifiait de boui-bouis.

Une lettre du 2 décembre 1874 nous l’apprend formellement : « … Je l’ai retiré de Cluny, il y a huit jours. Le personnel que Weinschenk me proposait était odieux de bêtise, et les engagements qu’il m’avait promis, il ne les a pas faits ; mais, Dieu merci, je me suis retiré à temps. Actuellement, ma pièce est présentée au Gymnase. Point de nouvelles, jusqu’à présent, du sieur Montigny[29]. »

Flaubert ne put s’entendre avec le Gymnase. Il commençait d’ailleurs à douter du succès de sa comédie à la représentation. M. Émile Zola et quelques amis trouvaient l’agencement de la pièce très-faible, en dépit d’une idée ingénieuse et de scènes excellentes.

Gustave Flaubert ne fut point plus heureux avec une féerie, le Château des Cœurs, composée vraisemblablement en 1866, et à laquelle Louis Bouilhet, en société avec M. Charles d’Osmoy, avait collaboré. Quoique l’idée de cette féerie et la majeure partie des scènes doivent être attribuées à Gustave Flaubert, le Château des Cœurs se rattache à la vie littéraire de Louis Bouilhet et, à ce titre, il mérite au moins quelques lignes. M. Maxime Ducamp nous raconte d’une façon plaisante la genèse du Château des Cœurs. Flaubert, dit-il, avait imaginé d’écrire une féerie où il essaya de déployer un comique inconnu jusqu’ici « … Cette idée s’était emparée de lui tout entier. Il ne parlait que la Féerie, m’en racontait des scènes, m’en expliquait le mécanisme et n’arrivait pas à me convaincre qu’il ne perdît pas son temps. Au lieu des vieux trucs des théâtres populaires, au lieu des tables qui deviennent des fauteuils et des lits qui se changent en nacelles, il avait inventé tout un système nouveau qui, seul, condamnait sa pièce à n’être jamais représentée, car la mise en scène eût ruiné la direction. C’était l’image même exprimée par le dialogue qui devenait visible et ne formulait matériellement aux yeux des spectateurs. Ainsi, un père cherche son fils, le trouve dans un café, buvant et fumant ; il s’irrite et lui dit : « Tu n’es qu’un pilier d’estaminet ; » à l’instant, le jeune homme devient un pilier et forme un des linteaux de la porte. — L’idée en elle-même était ingénieuse, mais elle bouleversait tellement les habitudes théâtrales qui, en pareille matière, tiennent médiocrement compte du travail littéraire et le subordonnent aux effets de mise en scène, qu’elle devait être considérée comme une innovation trop coûteuse et, par conséquent, inadmissible. Seul, Flaubert n’était pas capable d’agencer une pierre, d’en supprimer les développements auxquels il excellait et que repousse l’objectif dramatique. Il savait qu’il existe un art nouveau, l’art de combinaisons ; il avait entendu un de nos camarades, qui eut quelques succès au Vaudeville et aux Variétés, dire : « Je prouverai, quand on voudra, que Shakespeare n’a jamais su faire un drame » ; il savait que pour mouvoir les personnages dans des conditions acceptables, il faut ce que l’on nomme justement des ficelles ; mais, cet art, il l’ignorait ; ces ficelles, il ne les connaissait pas. Il s’adressa à l’un de ses amis, au comte X… dont quelques œuvres avaient réussi au théâtre. En outre, dans une féerie, les couplets, pour me servir du vieux mot, sont de rigueur, et j’ai déjà dit que Flaubert n’avait jamais pu mettre un alexandrin sur ses pieds ; toutes les fois qu’il avait voulu s’essayer à la poésie, il avait fait de la prose cadencée, mais de vers point ; il avait donc besoin d’un poète ; naturellement, il choisit Louis Bouilhet.

Tous les trois se mirent à l’œuvre. Flaubert seul y avait de l’ardeur ; Bouilhet rêvassait ; le comte X… cherchait à fuir. Quand il s’agissait de littérature, Flaubert n’entendait pas raillerie et il traitait ses collaborateurs avec quelque sans-façon. Il leur envoyait des ordres de service comme pour une répétition théâtrale et n’était point satisfait lorsque l’on arrivait en retard. Bouilhet, assez soumis, ne se faisait pas trop attendre. Il n’en était pas de même du comte X…, que ce genre de travail passionnait peu et qui imaginait toutes sortes de subterfuges pour s’y soustraire. Un jour, il se présenta la tête embobelinée d’une marmotte, un gros paquet de coton sur la joue, gémissant et abattu par une rage de dents. Flaubert, irrité à la fois et attendri, leva la consigne et lui permit de s’en aller. Le comte X… ne se le fit pas répéter ; il partit ; mais, dés qu’il eut dépassé la porte, il mit la marmotte dans sa poche et alla se promener. C’était un effet de scène, comme on eût dit dans la féerie… »

Cette anecdote est plus ou moins authentique ; mais elle peut servir à indiquer la part considérable que Flaubert eut dans la composition de la féerie, combien il avait le travail tyrannique et comment il savait l’imposer aux autres… « Il était homme à enfermer un collaborateur et à le maintenir sous clé jusqu’à ce que la tâche fut achevée… »

Ce fut une véritable odyssée que le voyage de cette féerie vers un théâtre hospitalier, à travers les dédains de Marc-Fournier, de Jules Noriac, de Hostein et autres directeurs de théâtre, jusqu’au jour où la Vie moderne, une revue illustrée, recueillit la pauvre vagabonde. En dépit de ses pérégrinations infructueuses, la féerie trouva presque son théâtre : elle eut presque ses décors et ses acteurs, grâce à des illustrations dues à Chéret, Lavastre jeune, Chaperon, A. Rubé, Carpezat et Daran. Henry Scott inventa la maquette d’un rideau d’une bizarrerie charmante ; Daniel Vierge et Eug. Gourboin essayèrent de donner à chaque personnage sa figure, son costume, son geste, son allure. Coïncidence bizarre ! Flaubert mourait, pour ainsi dire, le jour même où il achevait de publier l’œuvre à laquelle avait collaboré Bouilhet !

Lorsque deux comédies en prose, le Panier de Pêches, en un acte, et le Sexe Faible, auront été éditées, l’œuvre complet de Bouilhet sera, pour ainsi dire, connu. Les curieux pourront aussi souhaiter la publication du premier acte du Pèlerinage de Saint-Jacques, drame en vers et dix tableaux. Ce drame à peine commencé n’était pas seul en projet, Bouilhet méditait aussi deux poèmes : l’un intitulé le Bœuf, pour peindre la vie rustique du Latium ; «… l’autre le Dernier Banquet, aurait fait voir un cénacle de patriciens qui, pendant la nuit où les soldats d’Alaric vont prendre Rome, s’empoisonnent tous dans un festin, en disant la grandeur de l’Antiquité et la petitesse du monde moderne. De plus, il voulait faire un roman sur les païens du Ve siècle, contre-partie des Martyrs, mais, avant tout, son Conte chinois, dont le scénario est complètement écrit ; enfin, comme ambition suprême, un poëme résumant la science moderne et qui aurait été le de naturâ rerum de notre âge… »[30]


  1. Solution des problèmes de la trisection géométrique de l’angle, Rouen 1812.
  2. Toulouse 1789.
  3. Les aventures de Messire Anselme, chevalier des lois, Paris 1790.
  4. Essai sur la faculté de penser et de réfléchir. Paris 1805. Outre ces divers ouvrages, Pierre Hourcastremé a publié : poésies et œuvres mêlées (1773), les Étrennes de Mnémosyne, Essai d’un apprenti philosophe sur quelques problèmes de physique, d’astronomie, de métaphysique et de morale (Paris 1805). Il avait composé aussi un ballet, Marius et Ariste.
  5. Virgile, Egl. VII.
  6. Préface des Dernières Chansons, p. 7.
  7. Souchières, Nouvelliste de Rouen du 23 août 1882.
  8. Souchières, Nouvelliste de Rouen du 23 août 1882.
  9. Préface des Dernières Chansons, p. 9.
  10. M. Maxime Ducamp, Souvenirs littéraires.
  11. M. Maxime Ducamp, Souvenirs littéraires.
  12. M. Eugène Noël, Rouen, promenades et causeries, p. 21.
  13. Préface des Dernières chansons, p. 10, 11, 12.
  14. . Maxime Ducamp, Souvenirs littéraires.
  15. Gesproeche mit Goëthe von J. P. Eckermann.
  16. M. Maxime Ducamp, Souvenirs littéraires.
  17. M. Clogenson était conseiller honoraire à la Cour d’appel de Rouen,
  18. Souchières, Nouvelliste de Rouen du 23 août 1882.
  19. V. Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle.
  20. Maxime Ducamp, Souvenirs littéraires.
  21. Alfred Le Poitevin.
  22. Maxime Ducamp, Souvenirs littéraires.
  23. Il a été inauguré le 24 août 1882. — Un monument dû à l’initiative d’un journal de Rouen, le Rabelais, a été élevé sur la principale place de Cany le 27 mai 1883. Il est dû au sculpteur, M. Devaux, qui a su rappeler avec bonheur les traits graves et doux du poète.
  24. Gustave Flaubert, Lettre à la municipalité de Rouen à propos d’un vote concernant Louis Bouilhet, Paris, Michel Lévy, 1872.
  25. Correspondance de G. Flaubert avec George Sand, Lettre LXVII.
  26. Correspondance de G. Flaubert avec George Sand, Lettre LXVIII.
  27. Id., Lettre LXXXI.
  28. Id., Lettre LXXXII.
  29. Correspondance de G. Flaubert avec George Sand, Lettre LXXXIV.
  30. Préface des Dernières Chansons, p. 16 et 17.