Louÿs – Poésies/Astarté 2

Slatkine reprints (p. 69-72).

UNE ALLÉGORIE



GLAUCÉ


À Albert Besnard.


Elle se baigne
Au marais des iris et des grands lys d’eau
Elle se baigne comme un nénufar blanc
Comme un nénufar rouge qui saigne
Elle est toute en or avec des taches de sang
Comme un soleil du soir qui baigne dans l’eau
Miroitante et merveilleuse.

Le marais verdâtre et si lourd d’or
L’étang putride et vert de soir
Est le miroir
De ses hanches
Blanches
Ô qui chantera l’enfant glauque et d’or
Dans ses mares mordorées.

Son fin buste émerge de l’eau
Comme un nénufar chevelu d’or rouge
Ses yeux sont comme deux flammes sur l’eau

Vertes étoiles ses yeux doux d’Asie
Mais sa bouche est un coquillage de pourpre
Et sa chevelure est sur sa bouche
Sa chevelure cramoisie.

Ses cheveux longs où sont des algues vagues
Et des crabes verts aux crocs des boucles
Et l’écume des basses vagues
Et des gouttes d’escarboucles
Où les lumières ont des verves
Ô comme au front des roches d’or
Ses cheveux dissolus couronnés de conferves

Ses cheveux, ah ! défleuris ! ses cheveux dévêtus et nus…

« Iris
Marécageux iris
Mes cheveux sous-marins mêlés d’algues languides
Te veulent, triste iris
Et l’iris de mes yeux. »

Voici trouer la frêle eau d’or
Ses doigts luxurieux
Vers les iris, vers les iris
Fleurs droites à fleurir derrière ses oreilles
Larges yeux des étangs, fleurs obscures, bleus iris,
Lèvres molles en fleur sur les eaux
Bleus baisers de la nuit dans ses mains nonpareilles.