Louÿs – Poésies/Astarté 1

Slatkine reprints (p. 65-67).

ASTARTÉ


À PAUL AMBROISE VALERY


Je vous prendrai la main dans le silence, diacre,
Et nous marcherons deux par des chemins étroits.
J’aurai le tournesol rayonnant dans les doigts ;
Vous porterez le lys comme un vase de nacre.

Nous irons, moi vers Chypre et vous vers Saint Jean d’Acre,
Toucher le grand Symbole ou voir la Sainte Croix,
Chevaliers ignorants de vaincre pour les rois,
Mais sujets du bleu rêve et du vain simulacre.

Vous me laisserez fuir à l’île des iris
Adorer et baiser, malgré la bacchanale,
Des traces de pieds nus où fut errer Kypris ;

Or dans la nuit mystique et sanctosépulcrale
Vous verrez les Trois Clous sur l’autel, et nos yeux
Mieux que nos frêles doigts s’uniront sur les dieux.