Louÿs – Poésies/Astarté 14
LES STIGMATES
I
Sous la dalmatique bleue et blanche
Elle a passé, les bras tendus,
Laissant pendre au fil de sa hanche
Les écharpes d’ombre à flots perdus.
De longues brumes horizontales
S’élevaient sur les encensoirs.
Des lys blancs teignaient leurs pétales
Aux rougissantes pudeurs des soirs.
Elle a gravi, les yeux aux lumières,
Vers les ciboires inconnus,
Les sept marches d’or, coutumières
Des purs genoux blancs et des pieds nus.
Lentement, elle est montée au faîte,
Les bras croisés, baissés les yeux,
Avec les rayons du prophète
Divergés de son front radieux.
II
Or voici : toute la cathédrale
Murmurante au bruit de ses pas
Chantait : C’est la passion lustrale.
Les mécréants ne sauront pas.
Offre à Jésus tes lèvres pour myrrhe
Offre ton souffle pour encens
Offre tes yeux d’eau vive où se mire
L’ombre des soirs incandescents
Offre ta maigreur mystique, ô Vierge,
Long-vêtue en tes purs cheveux
Ton long corps blanc brûlé comme un cierge,
En holocauste au dieu des vœux.
Dans la chaleur des eucharisties
Avec le geste triomphant
De tendre à Dieu deux vierges hosties
Deux grands cœurs de mère et d’enfant.
III
Et splendide comme une idole
Laissant palpiter sur tes bras blonds
Tes cheveux brodés pour étole…
Levant les mains vers les vitraux longs
Retourne-toi, haute et nimbée
Ô Vierge, Mère, pur Cœur de feu
Âme à tout jamais absorbée
Par l’extase épuisante vers Dieu
Et, noire sur l’aube indécise
Les pieds joints et les yeux éperdus
Telle que saint François d’Assise
Stigmatisé les bras étendus.
Montre de tes mains sibyllines
— D’horreur et d’orgueil les doigts ailés —
La trace des lèvres divines
Aux pointes de tes seins étoilés.