Louÿs – Poésies/Astarté 13

Slatkine reprints (p. 93-94).

LE CRÉPUSCULE DE L’EAU


À Albert Motel.


Les fleurs s’en sont allées au fil de l’eau le long des rives

Les fleurs ? L’eau merveilleuse où le soir qui meurt se mordore
Les pétales de crépuscule tournent et chavirent
Au fil du fleuve qu’un frisson bleu de brise déflore
Et si loin par la plaine et la plaine se suivirent
Qu’aux derniers champs du monde où naît rouge l’aurore

Les fleurs s’en sont allées au fil de l’eau le long des rives


Les fleurs ? celles de chair et de lin frêle encorollées
Que berce le roulis des lentes barques évasives
Et tristement, avec des nonchalances désolées,
Peuplent d’un vol le miroir des rivières massives
Des rivières entre les pins, longues allées.

Les fleurs sur l’eau qui gyre au fil des fleuves en allées

Ô le silence noir des eaux ! l’effroi sous les ramures
Frisson glacé de rivière frileuse dévêtue…
Et dans la haute nuit du parc où sont morts les murmures
Dans la brume où s’érige une pâleur de statue,
La tristesse et la nudité des eaux nocturnes.

Les fleurs sur l’eau qui gyre au fil des fleuves en allées