Louÿs – Poésies/Astarté 10
écrite par chartreux..
LA NUIT
croisée, c’est bien comme une statue que
je te vois apparaître…
stéphane mallarmé.
C’est l’argent bleu qui luit sur les lacs
Dans le crépuscule de la lune
C’est l’encens rare et l’irréel nard
Saphir et lapis d’eau et de brume
C’est le geste des peupliers noirs
Au vol des blancheurs que l’ombre azure
Lents éventer les cheveux des parcs
C’est l’air inconnu, l’été nocturne
Et la clarté du ciel sidéral.
Du haut du chœur les grands rayons pâles
Tombent allongés au pied des murs
La nuit limpide aux lueurs bleuâtres
Pure comme une aube au mois d’élul
Glisse et descend du haut des vitrages
Tandis qu’au dehors les arcturus
Font la nuit claire et les brises calmes
Tout au haut des nefs dans l’air du sud
Les vitraux peints filtrent les étoiles.
Tu scintilles. Tes yeux sont très purs
Étoile qui vis, et tes mains chastes !
Sus-je autrefois quel éternel flux
Vague avec lenteur en tes cils graves ?
Jusqu’à tes pieds de hauts plis obscurs
Plongent agrandis dans l’ombre large
Et le Psalmiste un doigt sur le luth
Épie en extase au ras des dalles
L’astral rayon de tes longs yeux nus,
De tes yeux nus où la nuit diffuse
Éclaircit un peu d’air vespéral
Où vaguement s’exalte et fulgure
Un reste de gloire et d’or lilas
Reflets errants que le noir divulgue
Charmes lumineux aux nuls regards
Vers qui si calme et si répandue
Avec les encens monte la foi
Ô Constellée aux yeux taciturnes !