Lotus de la bonne loi/Notes/Chapitre 6

Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 384-386).
◄  V
VII  ►
Notes du chapitre VI

CHAPITRE VI.

f. 79 b.Je vais vous témoigner mon affection.] Lisez, « Je vais vous parler, ô Religieux, » et voyez une note sur cette expression, ci-dessus, chap. iii, f. 38 a, p. 362.

L’univers nommé Âvabhâsa.] Il faut lire, Avabhâsa prâpta.

f. 80 a.D’aspérités.] Le texte se sert ici d’un mot que je ne trouve pas dans nos dictionnaires, c’est celui de kaṭhalyam, suivant le manuscrit de la Société asiatique, et de kaṭhallam, suivant les deux manuscrits de M. Hodgson. Je l’ai traduit comme si c’était un dérivé de kaṭhara, « rude, dur. » Ce terme se trouve également dans le Lalita vistara, au commencement du chap. V, où mon manuscrit l’écrit kaṭhalya[1] ; M. Foucaux traduit ce mot par sable, d’après le tibétain. Je préfère maintenant cette interprétation à celle que j’avais admise, quoique je ne puisse pas déterminer encore avec précision la nuance qui distingue ce mot de celui de vâlukâ (ou bâlukâ), qui dans les livres sanscrits, comme dans les livres pâlis des Buddhistes, désigne le plus souvent le sable. Quoi qu’il en puisse être, la leçon des deux manuscrits de M. Hodgson est une véritable forme pâlie. Ce n’est cependant pas tout à fait avec cette orthographe que ce terme se rencontre dans les livres du Sud : je le trouve en effet vers la fin du Sâmañña phala sutta dont j’ai donné une traduction au no II de l’Appendice : mon manuscrit porte sakkhara kaṭhalam, « le gravier et le « sable[2]. » On en verra encore un autre exemple dans des vers pâlis cités sous le no VIII de l’Appendice, à l’occasion du trente-deuxième et dernier des signes caractéristiques d’un grand homme. C’est ce terme même que M. R. Rost a proposé, à tort selon moi, de changer comme fautif dans une citation qu’il a faite du Manusâra que possède le British Museum : le manuscrit porte vâlukam̃ kaṭhalag̃kâram̃, que M. Rost propose de lire vâlukatthalam âg̃gâram, « un tas de sable, des charbons ; » la correction d’ag̃kâram en ag̃gâram est nécessaire et justifiée par la confusion possible des lettres ka et ga dans l’écriture barmane ; mais il n’est pas besoin de changer vâlukam̃ kaṭhâla, si l’on admet, comme cela semble nécessaire l’authenticité du mot kaṭhala[3].

D’ordures et de taches.] J’ai traduit ainsi le mot difficile apagata gûthôdillam̃, dont la première partie gûtha est seule connue, du moins d’après le Dictionnaire de Wilson. Quant à la seconde partie, comme elle a une apparence prâkrite, puisque le double l, lla, résulte ainsi que nous venons d’en voir une preuve, de lya, j’allais jusqu’à supposer que lya pouvait être le substitut de rya. Le commencement du mot uḍ me paraissait la transformation populaire de ud, de façon que je ramenais uḍilla à udirya et udîrya, qui pourrait avoir une signification analogue à celle de utsarga, « déjection. » Tout cela était sans doute fort hypothétique, mais je n’avais rien de mieux à proposer. Depuis j’ai pu consulter les deux manuscrits de M. Hodgson qui lisent également अपगतस्यन्दनिकागूथोडिगल्लम्, ce qui ajoute à la précision de l’idée qu’on a voulu exprimer par ce composé, car syandanikâ peut répondre au sanscrit syandinî et signifier « salive. » Quant au dernier mot udigalla, il ne m’est pas plus connu que uḍilla : j’incline à penser qu’il répond au sanscrit udgâra, « vomissement, » transformé d’après les lois des dialectes populaires. Les signes de cette transformation, sont l’insertion d’un i entre les deux consonnes dg, la substitution de à d, et l’abrègement de l’â long devant le groupe lla qui n’est sans doute ici que le remplaçant de lya.

Là ne paraîtra pas Mâra le pêcheur.] Je crains de n’avoir pas traduit assez exactement le texte qui est ainsi conçu : natcha tatra mâraḥ pâpîyân avatâram̃ lapsyatê. La difficulté roule sur le mot avatâra et la locution avatâram lapsyatê. Ce mot se présente dans un grand nombre de passages avec le sens de « occasion de surprendre » dans une mauvaise intention ; et c’est ainsi que j’ai cru pouvoir le traduire plus bas, chap. xxi, f. 210 a. Mais je crois que les Buddhistes, forçant un peu cette signification, ont vu dans avatâra une signification que ce mot n’a pas, au moins à ma connaissance, chez les Brahmanes, et qu’on pourrait tout au plus attribuer au mot avatârana, « possession par un mauvais génie, » lequel est dérivé de la forme causale de trĭ ; ce sens est celui de perte, destruction, que je trouve plus d’une fois dans le livre célèbre intitulé Achṭasahasrikâ pradjñâ pâramitâ. Ce livre, dans un passage où Çâkyamuni est représenté soutenant les attaques de Mâra, nous fournit le texte suivant : « Mâra le pêcheur ayant réuni l’armée de ses troupes formée de quatre corps, se rendit au lieu où se trouvait Bhagavat. Alors cette réflexion vint à l’esprit de Çakra, « l’Indra des Dêvas. Voilà Mâra le pêcheur qui ayant réuni l’armée de ses troupes formée « de quatre corps, s’est rendu au lieu où se trouve Bhagavat. La masse de l’armée de ces « troupes formée de quatre corps, que Mâra le pêcheur a ainsi réunie, rassemblée, est « bien supérieure à la masse de l’armée formée de quatre corps du roi Bimbisâra, à celle du roi Prasênadjit, à celle des Çâkchâtkrĭts, comme à celle des Litchtchhavis. Depuis « longtemps Mâra le pêcheur attend la perte de Bhagavat, recherche la perte de Bhagavat, « dîrgharâtram̃ mâraḥ pâpîyân Bhagavatô ’vatâraprêkchî avatâ­ragavêchî[4]. » Dans une autre partie de ce traité, Çâkyamuni signalant les avantages qui résultent de la connaissance de la Pradjñâ pâramitâ, s’exprime ainsi : « Les fils ou les filles de famille, dont des hommes ou des êtres n’appartenant pas à l’espèce humaine, attendent la perte, désirent la perte, ces êtres, ô Kâuçika, n’obtiendront pas leur perte ; tê ’pi téchâm̃ kâuçika avatâran na lapsyantê[5]. » Ici nous trouvons l’expression même du Lotus qui donne lieu à cette note, c’est-à-dire avatâra, employé avec le radical lalh, et nous la rencontrons encore au fol. 29 b et 34 a de la Pradjñâ pâramitâ, dans un passage qui a le même sens que ceux que je viens de transcrire. Il semble résulter de ces divers rapprochements qu’on devrait, pour être parfaitement littéral, traduire ainsi la phrase du Lotus : « Là Mâra ne surprendra pas, ou ne perdra pas, » en ajoutant « les êtres. »

f. 82 a.St. 17. Je vais aujourd’hui vous témoigner mon affection.] Lisez, « Je vais aujourd’hui vous parler. »

f. 82 b.St. 22. Les six affranchissements. Lisez, « les huit affranchissements. » Je ne sais par quelle erreur j’ai pu substituer le mot six à celui de huit : tous nos manuscrits lisent achṭâu ; et plus bas, f. 100 a et 111 b, les moyens d’affranchissement sont dits être au nombre de huit. Ces affranchissements ont été énumérés dans une note spéciale de l’Appendice, sous le no XV.

Je vais vous témoigner mon affection.] Lisez, « Je vais vous parler, » et faites la même correction f. 84 a et b, p. 94.

f. 83 a.Hauts de cent Yôdjanas, ayant une circonférence de cinquante Yôdjanas.] C’est là la version du manuscrit de la Société asiatique ; mais les deux manuscrits de M. Hodgson, avec une amplification beaucoup plus buddhique, disent, « hauts de mille Yôdjanas, avec une circonférence de cinq cents Yôdjanas. » Ce doit être la leçon véritable, car c’est exactement celle que suit le manuscrit même de la Société asiatique, pour la prédiction relative à Mahâmâudgalyâyana, prédiction qui est littéralement conçue dans les mêmes termes que celle de Kâtyâyana ; voyez ci-dessous, f. 84 a et b, p. 94.

Des sept substances précieuses.] Voyez ci-dessus, chap. 1, f. 9 a, p. 3.

f. 83 b.Sa bonne loi subsistera pendant vingt moyens Kalpas.] Il faut ajouter après ces mots, la formule finale : « et l’image de sa bonne loi durera vingt autres moyens Kalpas. » Le manuscrit de la Société asiatique a oublié cette phrase : je la rétablis d’après les manuscrits de M. Hodgson.

f. 84 b.St. 30. Après avoir revêtu un corps humain.] Pour traduire ainsi, je lisais ûhitva, sur le seul manuscrit de la Société asiatique ; encore étais-je obligé de forcer le sens. Depuis j’ai reconnu que tous les manuscrits lisent djahitva, forme altérée du participe en tvâ du radical . Il faut donc traduire, « après avoir abandonné son corps d’homme, » et entendre ceci comme un synonyme de l’expression « après sa mort. »

  1. Lalita vistara, f. 26 a de mon man. A.
  2. R. Rost, dans Weber, Indische Studien, t. I, p. 318 et 319.
  3. Sâmañña phala sutta, dans Dîgh. nik. f. 55 a.
  4. Achṭasahasrikâ pradjñâ pâramitâ, f. 49 b.
  5. Ibid. f. 48 a.