Lettres sur les affaires municipales de la Cité de Québec/Chapitre IV
IV.
L’administration doit protéger la propriété et la vie des citoyens, par une police bien dirigée, par une bonne organisation contre les incendies. Les adversaires du régime municipal doivent être dans un grand embarras, lorsqu’ils examinent cette partie de notre administration. Jusqu’à ces dernières années, les membres du corps de police étaient nommés par le conseil. Il fut fait de mauvaises nominations — les abus sont inséparables de toute administration publique. Mais notre système municipal avait déjà des ennemis et celui des commisssaires des partisans. Alors, comme aujourd’hui, le conseil municipal était, pour eux, la cause de tous nos maux, et il suffisait de le remplacer par des commissaires, pour ramener l’âge d’or parmi nous. Mettez la police sous la direction de commissaires, disaient-ils, et vous verrez comme elle deviendra efficace.
On les prit au mot ; une loi vint enlever au conseil le contrôle de la police et le remettre à des commissaires. Pour s’assurer que la commission ne serait pas composée des premiers venus, il fut décidé qu’elle aurait pour membres le magistrat de police, le recorder et le maire. Qu’est-il résulté de cette organisation nouvelle ? Des prodiges ? Oui ; mais pas ceux qu’attendaient ses promoteurs ; des prodiges de mauvaise administration, s’il faut en croire la voix publique. Jamais la police nommée par le conseil n’avait soulevé autant de plaintes, qu’en soulève celle que nomment et dirigent aujourd’hui des commissaires. La seule supériorité de la police actuelle, c’est qu’elle coûte beaucoup plus cher que l’ancienne, et que nous ne la pouvons pas changer.
On voudra bien remarquer que je ne me fais pas l’écho de ces plaintes. Sans doute notre police est loin de la perfection ; mais je n’hésite pas à dire qu’elle est aussi efficace que le permettent le petit nombre d’hommes qui la composent et l’étendue de la ville. Moins nombreuse de moitié que celle de Montréal, elle a presqu’autant de service à faire. Les commissaires ont fait tout ce qu’on pouvait attendre d’eux. Mais je cite ce fait, pour prouver qu’une commission n’est pas plus infaillible qu’un conseil électif, et l’une pas plus que l’autre ne peut réussir à contenter tout le monde.
Nous venons de voir la police que dirigent des commissaires. Examinons, maintenant, l’organisation contre les incendies, établie et maintenue par le conseil. Tout le monde s’accorde à reconnaître son efficacité. Elle a fait diminuer de 80 pour 100 les pertes résultant d’incendies. Notre télégraphe d’alarme est supérieur même à celui de New-York. Notre brigade du feu, composée de 25 hommes, fait, à la satisfaction universelle, un service qui en demanderait 50. En une seule année, notre organisation a donné plus que ce qu’a coûté son établissement, et ce que coûtera son entretien pendant 10 ans. On est encore à entendre contre elle une plainte fondée.