Lettres patentes pour la réunion des deux manufactures des glaces, 1er mai 1695

Lettres patentes pour la réunion des deux manufactures des glaces, 1er mai 1695
C. Douniol ; F. Guillaumin (p. 135-137).

Lettres patentes- 1695

Lettres Patentes pour la réunion des deux Manufactures des Glaces

Du premier May 1695.

Louis, Par la Grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, A tous ceux qui Presentes Lettres verront, Salut. Nous aurions par nos Lettres Patentes du mois d’Octobre 1695, accordé au sieur Nicolas du Noyer le privilège et permission de faire l’établissement d’une Manufacture Royale des Glaces pour vingt années ; par autres Lettres Patentes du dernier Decembre 1693, Nous aurions continué ledit Privilège sous le nom de Pierre de Bagneux pour trente années, et par nos autres Lettres Patentes du quatorze Decembre 1688, Nous aurions accordé à Abraham Thévart pendant trente années le Privilège pour la fabrication des grandes Glaces de soixante pouces de haut et au-dessus sur quarante pouces de large ; et considerant que la multiplicité desdits Privilèges pourroit causer de l’altération et préjudice à une Manufacture qui a si bien réussi, et donneroit lieu à plusieurs contestations entre les Intéressez de l’une et de l’autre Manufacture , qui les détouneroit de l’application qu’ils sont obligez de donner à la perfection de leur ouvrages. Nous aurions jugé à propos de les réunir en une seule, et de la faire régir par les Interessez des deux Compagnies, pour concourir unanimement à l’augmentation, avantage et perfection d’une Manufacture si utile au bien de notre Etat, et à la décoration de nos Maisons Royales, et aurions ordonné par Arrest de note Conseil du dix-neuvième dudit mois d’Avril dernier, que toutes Lettres à ce necessaires seroient expediées sous le nom de François Plastrier choisi par les Interessez des ausdites Manufactures.

A ces Causes, et autres considerations à ce Nous mouvans ; et après avoir ouï sur ce le sieur Phelypeaux de Pontchartrain, Conseiller ordinaire au Conseil Royal, Contrôleir General des Finances ; de l’avis de notre Conseil et de notre grace speciale, pleine Puissance et Autorite Royale ; Nous avons révoqué et annullé, révoquons et annullons par ces Presentes signées de notre main, les Privileges ci-devant par Nous accordez ausdits Bagneux et Thevart le dernier Decembre 1683, et quatorze Decembre 1688, et les Traitez et Societez faits en conséquence ; ensemble tous autres Privileges qui pourroient avoir été ci-devant accordez pour la fabrication des Glaces à quelque personne et sous quelque prétexte que ce puisse être ; et en consequence dudit Arrest de notre Conseil, ci-attaché sous le contrescel de notre Chancelerie, Nous avons accordé et octroyé, accordons et octroyons audit François Plastrier et à ceux qui auront droit de lui, la faculté et Privilege de fabriquer seul dans notre Royaume, à l’exclusion de tous autres tant dans les Fauxbourgs de notre bonne Ville de Paris, qu’à Cherbourg, S. Gobin et autres lieux qui seront trouvez les plus commodes pour la fabricaion des Glaces à Miroir de toutes sortes de hauteur, grandeur et largeur, Lozanges ou carreaux transparens servans aux Chassis et Fenêtres, Lustres et vases de toutes façons, Corniches, bandes, Chambranles, Moulures de profil composez de plusieurs membres d’Architectures, figurez ou en relief, Verroteries pour les Indes, Esmaux, pièces de cheminée verres Verres blancs et à Lunettes, Verres de Cristal, Services entier de table de toutes façons, figures, manieres et grandeurs, et autres ouvrages mentionnez en nos Lettres Patentes en forme de Privilege, des mois d’octobre 1665, Decembre 1683, et Decembre 1688. Lesquels ouvrages ledit Plastrier pourra faire couler, soufler et fabriquer ainsi qu’il avisera partoutes sortes de personnes, soit Gentilhommes, Roturiers ou autres, et ce que pour le temps et espaces de trente années, à commencer du jour et datte des Presentes que Nous faisons très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de quelque qualité et condition qu’elles puissent être, même aux Maitres de grosses et petites Verreries, sous prétexte des Privileges que Nous ou les Rois nos predecesseurs leurs aurions ci-devant accordé pour l’établissement desd. Verreries, d’entreprendre ni fabriquer aucunes Glaces, soit grandes ou petites, Bandes, Moulures ni autres ouvrages de la qualité susdite, sans le consentement dudit Plastrier ou de ses ayans causes, à peine de trois mil livres d’amende, et de tous dépens, dommages et interêts, et de démolition des Magazins, Verreries et Fourneaux où lesdites Glaces et ouvrages pourroient avoir été fabriquez ; à l’effet de quoi permettons au dit Plastrier, ses Procureurs ou Commis de faire visite dans lesdites Verreries et Magazins. Défendons à tous Marchands Miroitiers et autres, de faire venir de Venise, vendre débiter aucunes Glaces des pais estrangers, et autres Fermiers et Commis de nos cinq grosses Fermes d’en permettre l’entrée par leur Bureau en notre royaume, sous quelque prétexte et occasion que ce soit, à peine contre les contre-venans de trois mil livres d’amende, et de confiscation des desdites Glaces au profit dudit Plastrier et ses ayans cause. Voulons qu’au surplus nosdites Lettres Patentes des mois d’Octobre 1665, trente-un Decembre 1685, quatorze Decembre 1688, Février 1695, et Arrest de notre Conseil d’Etat des dix-neuf Avril 1666, vingt-troisième Mars 1671, sixième Septembre 1672, vingt-neuvième Janvier, cinquième Aoust 1677, septième Novembre 1679, et autres, soient executez selon leur forme et teneur bien qu’ils ne soient ci-exprimez, et que les Interessez, Commis et Ouvriers employez ausdites Manufactures jouissent des Droits, Privileges et exemptions portées par nos-dites Lettres et Arrests, encore qu’ils ne soient ci-exprimez par le détail. Permettons audit Plastrier d’associer avec lui telles personnes Nobles et Privilegiez qu’il avisera bon être, sans que pour ce on leur puisse imputer d’avoir dérogé à Noblesse ni à leurs Privilèges ; et comme il pourroient ariver des contestations entre les Interessez au present Privilege au sujet des dettes qu’ils ont ci-devant contractées pour l’établissement et l’exploitation des precedens Privileges, Nous voulons qu’ils soient tenus de les acquitter suivant leurs obligations ; et afin de connoitre les fonds et effets de l’une et de l’autre Manufacture et de proceder à l’estimation d’iceux, Nous avons commis et commettons notre Amé et Feal le sieur de la Reynie Conseiller d’Etat Ordinaire, pardevant lequel les Interessez de l’ancienne et nouvelle Manufacture seront tenus de nommer des Experts, sinon et à faute par eux d’en nommer, voulons qu’ils soient nommez d’Office par ledit sieur de la Reynie. Et comme notre intention est de traiter favorablement lesdits Interessez en consideration des grandes dépenses qu’ils ont faites, de celles qu’ils seront obligez de faire, et des avantages que notre service et celui du Public retirera de l’union desdites Manufactures, et les assurer de la paisible jouissance dudit Privilege, Nous déclarons qu’il ne pourra être révoqué pendant lesdites trente années pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit : Si donnons en mandement à nos amez et féaux les Gens tenans notre Cour de Parlement à Paris, Chambre de nos Comptes, et Cour des Aydes, que ces Presentes il ayent à faire registrer, et du contenu en icelles faire jouir et user ledit Plastrier, ses Préposez et ayant cause, pleinement, et paisiblement pendant ledit temps de trente années, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements. Car tel est notre plaisir. En témoin de quoi nous avons fait mettre notre scel à ces-dites Presentes.

Donné à Compiegne le premier jour de May, l’an de grace mil six cent quatre-vingt-quinze, et de notre regne le cinquante-deuxième.

Signé Louis.

Et plus bas PHELYPEAUX. Et scellées du grand sceau de cire jaune.