Chez Jean-François Bastien (Tome cinquième. Tome sixièmep. 343-345).



LETTRE XVII.


À.... Écuyer.


Lundi au soir.


Vous avez singulièrement frappé mon imagination par le portrait que vous m’avez fait de Lady… la fierté de Junon domine chez elle. Viennent ensuite les dons de Minerve : — quant aux foiblesses de Cypris, je ne lui en connois aucune.

Elle a certainement un très-bon esprit ; elle a même des connoissances ; mais ce sont ses manières qui leur donnent tout leur prix. — On voit en elle quelque chose d’impérieux, que les uns se contenteroient de mépriser en secret, et que d’autres pourroient contrarier vivement ; mais elle y met tant de grâce, qu’il n’en peut naître aucune impression défavorable dans ceux qui ne font que passer, et, ce qui vaut encore mieux, dans ceux même qui s’arrêtent. Ce n’est pas tout : elle attire cette espèce de soumission respectueuse qui, même après un long commerce, ne permet pas de foiblir dans l’opinion qu’on a conçue de son mérite.

C’est dans mes conversations et mes différentes entrevues avec cette Lady que j’ai senti tout l’avantage des ornemens extérieurs ; et réellement, en ce qui regarde le ton de la bonne compagnie, je ne crois pas qu’un jeune homme puisse trouver de meilleure école que son sallon, ou, raillerie à part, son cabinet de toilette. C’est vraiment une grande satisfaction pour moi, de me figurer mon jeune ami faisant son cours sous une pareille institutrice.

Il est une époque et une circonstance de la vie, et c’est précisément celle où vous êtes, où pour achever de former un jeune homme, il ne faut que la société, l’aisance et une légère dose de la tendre amitié d’une femme accomplie. — Il me reste encore un mot à vous dire à ce sujet ; — mais vous êtes en bonnes mains, et je ne puis que vous en marquer ma satisfaction : il en résultera probablement tous les effets que doivent en attendre les vœux d’un aussi sincère ami que moi.

Depuis que je me connois un peu dans les affaires de ce monde, ma maxime a toujours été que le commencement et la fin de notre éducation avoient également besoin d’une bonne ; et puisque vous êtes assez heureux que d’avoir Lady — pour vous apprendre l’alphabet de votre âge, je vous exhorte à l’épeler et à le lire de manière à devenir le charme de toutes les sociétés : — vous perdrez, ainsi que je le désire, l’habitude de ne pas généraliser assez votre attention, de la circonscrire à un seul, et de négliger les autres ; car, quoique dans le principe il puisse y avoir quelque chose d’aimable dans cette conduite, elle n’est point adaptée au commerce général de la vie.

Lady M. — F. peut avancer l’ouvrage, et Lady C. — j’en suis sûr, est prête à s’en occuper. — Que ne doit donc pas attendre l’amitié, d’un semblable sol, d’une aussi belle saison, et d’une pareille culture ! Que puis-je faire de mieux que de vous laisser actuellement en si bonne compagnie, et vous prier d’offrir, en reconnoissance, mes complimens respectueux à toutes ces dames ? — Agréez vous-même l’intérêt le plus cordial de

Votre sincère et affectionné, etc.