Lettres de Pline le Jeune/Tome premier/Panckoucke 1826/XV. À Proculus

Traduction par Louis de Sacy revue et corrigée par Jules Pierrot.
éditeur Panckoucke (p. 225-227).
XV.
Pline à Proculus.

Vous me demandez de lire vos ouvrages dans ma retraite, et de vous dire s’ils sont dignes d’être publiés : vous employez la prière ; vous alléguez des exemples ; vous me conjurez même de dérober à mes études une partie du loisir que je leur destine, et de la consacrer à l’examen de vos travaux : enfin, vous me citez Cicéron, qui se faisait un plaisir de favoriser et d’animer les poètes. Vous me faites tort : il ne faut ni me prier, ni me presser ; je suis adorateur de la poésie, et j’ai pour vous une tendresse que rien n’égale. Ne doutez donc pas que je ne fasse, avec autant d’exactitude que de joie, ce que vous désirez. Je pourrais déjà vous mander, que votre ouvrage est fort bon, et qu’il mérite de paraître ; du moins, autant que j’en puis juger par les endroits que vous avez lus devant moi, et si votre manière de lire ne m’en a point imposé ; car votre débit est plein d’art et de charme. Mais j’ai assez bonne opinion de moi-même, pour croire que le prestige du débit ne va point jusqu’à m’ôter le jugement : il peut bien le surprendre, mais non pas le corrompre, ni l’altérer. Ainsi, j’ai déjà le droit de prononcer sur l’ensemble de l’ouvrage : la lecture m’apprendra ce que je dois penser de chaque partie. Adieu.