Lettres de Pline le Jeune/Tome premier/Panckoucke 1826/XII. À Catilius
J’irai souper chez vous ; mais voici mes conditions : je veux que le repas soit court et frugal : rien en abondance, que les propos d’une douce philosophie ; et de cela même, point d’excès. Craignons d’être surpris demain avant le jour, à la sortie de notre festin, par ces cliens empressés, que Caton lui-même ne rencontra pas impunément[1]. Je sais bien que César le blâme, à cette occasion, d’une manière qui le loue. Il montre[2] ceux qui trouvèrent Caton pris de vin, rougissant de confusion dès qu’ils lui eurent découvert le visage. On eût dit, ajoute-t-il, que Caton venait de les prendre sur le fait, et non pas qu’ils venaient d’y prendre Caton. Quelle plus haute idée pouvait-on donner du caractère de Caton, que de représenter le respect qu’il inspirait encore, malgré son ivresse ? Pour nous, réglons la durée, aussi bien que l’ordre et la dépense de notre repas : car nous ne sommes pas de ceux que leurs ennemis ne sauraient blâmer, sans les louer en même temps. Adieu.
- ↑ Ces cliens empressés, etc. Les cliens allaient souvent saluer leurs patrons avant le jour. L’anecdote racontée par Pline était sans doute empruntée au livre de l’Anti-Caton, que César opposa à l’ouvrage de Cicéron, écrit en l’honneur de Caton d’Utique.
- ↑ Il montre, etc. J’ai lu, avec Schæfer, scribit au lieu de describit : c’est une correction de Casaubon et de Cellarius.