Lettres de Pline le Jeune/Tome premier/Panckoucke 1826/IX. À Apollinaire

Traduction par Louis de Sacy revue et corrigée par Jules Pierrot.
éditeur Panckoucke (p. 109-111).
IX.
Pline à Apollinaire.

Je suis vivement occupé des démarches de mon ami Sextus Erucius. Je ressens pour cet autre moi-même des agitations, qu’en pareille occasion je n’ai point senties pour moi. D’ailleurs, il me semble que mon honneur, mon crédit et ma dignité sont compromis. J’ai obtenu de l’empereur, pour Sextus, le droit d’entrer au sénat[1] ; je lui ai obtenu la charge de questeur : il doit à mes sollicitations la permission de demander celle de tribun[2]. Si le sénat la lui refuse, j’ai peur de paraître avoir abusé le prince. Je ne dois donc rien négliger, pour que le jugement public confirme l’opinion que l’empereur, sur la foi de mes éloges, a bien voulu concevoir de son mérite. Quand une raison si pressante me manquerait, je n’aurais guère moins d’ardeur pour l’élévation de Sextus. C’est un jeune homme plein de probité, de sagesse, de savoir, et de qui l’on ne peut dire trop de bien, ainsi que de toute sa maison. Son père, Erucius Clarus, est un homme d’une vertu antique : avocat éloquent et exercé, il honore sa profession par sa probité, par son courage, par sa modestie. Caius Septicius, son oncle, est la vérité, la franchise, la candeur, la fidélité même. Tous rivalisent d’affection pour moi, et cependant ils m’aiment tous également. Voici une occasion où je puis, en témoignant ma reconnaissance à un seul, m’acquitter envers tous. J’emploie donc tous mes amis. Je supplie, je brigue, je vais de maison en maison, je cours dans toutes les places publiques ; et j’essaie, par mes prières, tout ce que j’ai de crédit et de considération. Partagez, s’il vous plaît, les soins que je me suis imposés : je vous en tiendrai compte aussitôt que vous le demanderez ; je n’attendrai même pas votre demande. Je sais combien de gens vous chérissent, vous honorent, vous font la cour. Laissez entrevoir seulement vos intentions ; nous ne manquerons pas de personnes empressées à les seconder. Adieu.


  1. Le droit d’entrer au sénat. Il y a dans le texte latin « j’ai obtenu le laticlave. » Le laticlave donnait le droit d’entrer au sénat. Auguste permit aux fils des sénateurs de prendre le laticlave avec la robe virile : cet honneur était aussi accordé quelquefois aux enfans des chevaliers les plus distingués.
  2. La permission de demander celle de tribun. Ce n’était pas de l’empereur que dépendait le droit de demander le tribunat : cependant on ne pouvait le solliciter avec avantage, qu’après avoir obtenu son agrément.