Lettres. — II (1883-1887)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome Vp. 124-125).
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CVII

À M. CHARLES HENRY

[Mai 1885].
Mon cher ami,

Je serai probablement, très probablement, dans deux mois à Paris.

Il est à peu près certain aussi que j’irai à Tarbes.

En attendant, je m’embête, je vis comme un repu, sous toutes les faces, et travaille un peu, la nuit quand il fait frais et que la journée a été lourde.

Je fais une Salomé[1] !  !

Et en définitive je ne sais que faire.

Kahn ne m’envoie jamais de vers. Il se recueille, comme la Russie de Gortschakoff. Les mésaventures de M. Du Camp trouvent ici un écho sympathique et dolent. J’oubliais de te dire que, aussitôt lus, j’ai mis tes articles à la poste pour Berlin à un professeur très bibliophile et qui est l’initiateur d’une société de bibliophiles allemands.

Je ne te parle pas de mes Complaintes ; tu es autant que moi au courant de cette histoire lamentable. — On décernera à Vanier le titre de Fabius Cunctator — parce que, à supposer qu’un poète lui confie un manuscrit payé, que ce poète s’appelle Cunct et qu’il compte avoir son livre au jour convenu, on pourra dire de lui : Cunct a tort de compter, etc. — J’en resterai sur ce mot, qui te donne la mesure de mon régime ici. — Je n’en suis pas moins toujours digne de te lire et suis ton serviteur.

Jules Laforgue.

  1. Première esquisse de la Salomé des Moralités légendaires.