Lettres d'Hippolyte Valmore à Gustave Revilliod conservées aux Archives d'État de Genève (1859-1873)/14


Archives privées 18.8.1866/198

Après un long silence, que je me reproche, une longue absence qui nous pèse, nos vœux sont les mêmes, bien cher Monsieur et ami, pour votre bonheur et celui de Madame votre mère. Vous avez eu des troubles dans Votre patrie et nous avons pensé à vous qui aimez tant votre Helvétie. Genève a été ensanglanté encore une fois, et cependant la liberté y fait sa demeure et n’en sort gère. Vous avez dû souffrir cette année : que ce soit la dernière fois. Que tout concoure, patrie, amis, parents, à vous rendre la vie sereine, telle que vous la méritez. Au nom de mon père et au mien, je serre affectueusement vos mains, et je vous prie de faire agréer l’hommage de mon affectueux respect à Madame Revilliod.

Votre reconnaissant et fidèle

Hipp Valmore

30 Décembre 66.

Mon meilleur ami, Armand du Mesnil, a épouse cette année une de vos compatriote, Mlle Hélène Ruchet. (Il me semble que cela me rapproche de la Suisse d’où sortait le grand père de ma mère). Mlle Ruchet est charmante ; nous l’appelons Sakountala, car elle paraît plutôt née sous le soleil de l’Inde de quelque branime et d’une apsara. Elle se défend beaucoup de cette origine hindoue et place la suisse au dessus de tous les pays du monde. Mon ami est très heureux ; d’ailleurs il est très digne de son bonheur.

Grâce à Madame Du Mesnil, je connais Gotthelf. J’ai pleuré, J’ai presque prié ! si j’étais susceptible de foi, ces livres m’auraient entraîné. Je n’ai rien lu de plus vrai, de plus beau dans le simple, de plus pénétrant. Kathi, l’Âme et l’argent, Elisi Fréneli, Anne Mareili ; je ne les oublierai jamais. J’ai retrouvé là, sous une forme rustique, cette bonté profonde de nature qui se lit sur la figure de Madame Revilliod, et, pardon, de son fils. On ne connaît pas de tout Gotthelf chez nous.